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La vision monétariste de la politique monétaire

Section I : Les fondements théoriques de la politique monétaire

3. La vision monétariste de la politique monétaire

À la fin des années soixante, avec l’accélération de l’inflation et la montée du chômage durant cette période, l’école monétariste s’est apparue.

M. Friedman est considéré comme le principal fondateur de l'école monétariste de l'université de Chicago. Cette école monétariste revient au principe de la neutralité de la

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monnaie dans l’économie en réhabilitant la théorie quantitative de la monnaie. Elle explique aussi le phénomène d’inflation afin de proposer une solution simple qui passe par la politique monétaire.

Avant d’entamer l’étude de la vision de la politique monétaire chez les monétaristes à travers la théorie de M. Friedman, il convient, dans un premier temps, de montrer les insuffisances et l’inefficacité de la politique monétaire de relance keynésienne. Dans un second temps, nous nous intéresserons à la définition de la politique monétaire chez les monétaristes (la politique monétaire des règles) et de montrer que cette politique est la meilleure façon de stabiliser l’économie.

3.1.Les insuffisances et l’inefficacité de la politique monétaire de relance

Dans le sillage des chocs pétroliers, et du phénomène de stagflation (croissance faible et inflation forte), auquel faisaient face les pays occidentaux, le courant monétariste verra son influence s’affirmer à la suite de la stagflation des années 1970. D’après L. Simon et D. Bellemare (1983), « les monétaristes découlent d’une école de pensée qui propose de le laisser faire économique et la non intervention de l’état comme mécanisme de régulation du système économique »1.

Ainsi, la théorie keynésienne en matière de politique monétaire a été remise en cause par le courant monétariste, de sorte que celui-ci s’oppose aux hypothèses keynésiennes, comme l’arbitrage entre l’inflation et le chômage, la théorie de la préférence pour la liquidité, la politique de relance. À ce titre, selon C. Bormans (2010), Friedman critique la loi psychologique de la préférence pour la liquidité, « il s’oppose à toute croissance artificielle de la masse monétaire dans la mesure où, la psychologie individuelle est telle que les individus s’adaptent rationnellement et font échec à toute politique visant à réduire le chômage par ce biais »2. De ce fait, Friedman remet en cause la politique monétaire de relance keynésienne. Selon lui, cette politique monétaire est efficace à court terme, mais par contre, elle ne l’est pas à long terme.

Selon les monétaristes, la politique monétaire est un instrument essentiel et important de la politique économique, elle repose sur la théorie quantitative de la monnaie.

Friedman fait l’hypothèse que les anticipations des agents économiques sont adaptatives, c’est-à-dire qu’ils prévoient l’évolution des variables économiques (inflation, revenus) à partir des informations obtenues sur ces variables dans le passé. Dans ce contexte, la politique monétaire peut avoir des effets positifs à court terme qui ne sont que transitoires de sorte que celle-ci

1 L. Simon et D. Bellemare, "plein emploi: pourquoi?", édition PUQ, France, 1983, p 181.

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s’avère nuisible à long terme, c’est-à-dire qu’elle n’améliore la situation de l'emploi que de façon provisoire mais accélère durablement le taux d'inflation.

Selon Friedman, une augmentation de la quantité de monnaie tend à diminuer le taux d’intérêt et donc stimuler l’activité économique. Elle permet d’influencer les grandeurs réelles à court terme. Cette efficacité à court terme de la politique monétaire expansionniste peut être expliquée par un retard des anticipations par les agents, car lorsque la quantité de monnaie augmente, les encaisses détenues par les agents augmentent ce qui entraîne une hausse de la demande. Dans ce contexte, J. Bailly et autres (2006) soulignent que les agents ont toujours un temps de retard dans leurs comportements (hypothèse d’anticipations adaptatives), ce qui explique les effets réels des variations de la masse monétaire sur le court terme1.

Par ailleurs, Friedman affirme que la politique monétaire expansionniste (la politique de relance) est inefficace à long terme de sorte que toute augmentation de la masse monétaire, au-delà de ce qui est nécessaire entraîne de l'inflation, c’est-à-dire que les agents sont victimes d’une illusion monétaire car cette hausse de la demande, alors que le niveau de production reste stable, provoque une hausse des prix et le démarrage de l’inflation. Dans ce sens, Friedman déclarait : « la cause de l’inflation est toujours partout la même, un accroissement anormalement élevé de la quantité de monnaie en circulation par rapport au volume de production »2.

Au sein de ce point, nous avons présenté un aperçu de la littérature sur l’inefficacité de la politique monétaire de relance keynésienne en vue de montrer que la politique monétaire expansionniste n’a entraîné que de l’inflation supplémentaire. C’est la raison pour laquelle Friedman préconise l’utilisation d’une politique monétaire de règle, visant la stabilité des prix à long terme en fixant le taux de croissance de la masse monétaire liée à la croissance de la production. Nous tenterons dans le point qui suit d’analyser la politique monétaire de règle.

3.2.La politique monétaire de règle

Puisque la politique monétaire expansive est inefficace, Friedman conseille d’utiliser un taux stable de croissance de la masse monétaire pour permettre une croissance stable de l'économie. Ainsi, il préconise l’utilisation des règles de croissance fixes pour la masse monétaire. Cette dernière doit pouvoir croître à un taux fixe, correspondant à la croissance de la production, afin de garantir la stabilité des prix à long terme. Elle est suffisante pour gérer une économie. Dans ce contexte, S. Jahan et C. Papageorgiou (2014) mentionne que « la règle de croissance de la monnaie est destinée à assurer la flexibilité des taux d’intérêt, qui influent

1 J. Bailly et al, " économie monétaire et financière ", édition Bréal, Paris, 2006, p113.

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sur le coût du crédit, afin que les emprunteurs et les prêteurs puissent tenir compte de l’inflation anticipée ainsi que des variations des taux d’intérêt réels »1.

Par ailleurs, les monétaristes affirment que les gouvernements doivent mener une politique monétaire stricte dans le but de limiter la quantité de monnaie en circulation. Ils condamnent l’utilisation de la politique monétaire expansionniste, de sorte que celle-ci est considérée comme source d’inflation à long terme. En effet, l’objectif final de la politique monétaire chez les monétaristes est la croissance de la masse monétaire à long terme (la stabilité des prix), il faut empêcher la montée de l’inflation, c’est-à-dire qu’elle permet de limiter l'inflation. Donc, on peut dire que la politique monétaire chez les monétaristes ne peut et ne doit avoir qu'un seul objectif : lutter contre l'inflation. Par contre, l’objectif intermédiaire pour eux est le contrôle de l’évolution de l’agrégat monétaire. Elle s’inscrit dans le cadre de la théorie quantitative de la monnaie2. Dans ce contexte, J. Bailly et al (2006) indiquent que les monétaristes cherchent à assurer la stabilité des prix. Selon eux, cette politique monétaire facilité l’information des agents économiques, ce qui accroit l’efficacité du système de marchés3.

Les monétaristes montrent qu’il faut procéder à un contrôle strict de la masse monétaire en circulation dans l’économie (utilisation d’une politique monétaire de règle). Il suffit donc encadrer la masse monétaire offerte pour éviter l’inflation. Donc, les banques centrales devraient accroître l'offre de monnaie selon des règles strictes4. Dans ce contexte, S. Jahan et C. Papageorgiou (2014) soulignent que, « Friedman a proposé une règle monétaire fixe, selon laquelle la Fed devrait être tenue de viser un taux de croissance de la monnaie égal au taux de croissance du PIB réel, ce qui laisserait le niveau des prix inchangé.

Ainsi, si l’on prévoit un taux de croissance économique de 2 % une année donnée, la Fed devrait laisser la masse monétaire augmenter de 2 %. Elle devrait suivre des règles fixes pour conduire la politique monétaire, car un pouvoir discrétionnaire peut déstabiliser l’économie »5. Par ailleurs, les schémas suivants représentent les deux cas où la politique monétaire est soumise à des règles strictes et des règles non strictes :

Le schéma suivant représente le cas où la politique monétaire n’est pas soumise à des règles strictes (l’offre de la monnaie n’est pas encadrée) :

1 S. Jahan et C. Papageorgiou, « Qu’est-ce que le monétarisme ? », Finances & Développement, France, Mars 2014. p 38-39.

2 J. Longatte et P. Vanhove (200), p 197.

3 J Bailly et al (2006), Op.cit., p 112.

4 L. Simon et D. Bellemare, "plein emploi: pourquoi?", édition puq, Paris, 1983, p 182.

74 Figure 18: La politique monétaire n'est pas soumise à des règles strictes

Source : Schéma élaboré par l’auteur

Tandis que le schéma suivant représente le cas où la politique monétaire est soumis à des règles strictes (l’offre de la monnaie est encadrée) :

Figure 19: La politique monétaire soumise à des règles strictes

Source : Schéma élaboré par l’auteur

Par ailleurs, B. Landais (2008) souligne qu'il existe globalement trois catégories de règle à savoir : la règle passive, la règle active et la règle de ciblage d'inflation anticipée.

- La règle passive : selon cette règle, la banque centrale devrait viser un taux de croissance constant de la masse monétaire1.

1 N. Afroune et M. Achouche, « estimation de la règle de Taylor pour le cas de l’Algérie », colloque internationale : efficacité de la politique monétaire dans les PVDs, Chlef, 15-16 Novembre 2015, p 3.

Augmentation de l’offre de monnaie

Diminution du taux d'intérêt

Provoque l’inflation

Provoque le chômage

Augmentation de l’offre nominale de monnaie

Stimulation de l'investissement

hausse de la production

hausse de la demande

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- La règle active : elle est considérée comme une description exprimée algébriquement, numériquement, graphiquement de la façon dont les instruments de la politique, tels que la base monétaire ou le taux d’intérêt changent en réponse aux variables économiques1. - La règle de ciblage d’inflation anticipé : elle se fond sur le respect des objectifs fixés par les autorités monétaires. D’après N. Afroune et M. Achouche (2015), « La caractéristique des règles cibles, est l’attribution d’une fonction de perte à la banque centrale. Si cette fonction de perte comporte seulement une variable cible (l’inflation par exemple), on dit, nous avons une règle cible stricte (strict rule targeting), si des variables additionnelles sont incluses, on parle de règles cible flexibles (flexible rule -targeting) »2.

En revanche, la politique monétaire des monétaristes estime que les marchés sont intrinsèquement stables en l’absence de fluctuations importantes imprévues de la masse monétaire. D’après S. Jahan et C. Papageorgiou (2014), les monétaristes considèrent également que « l’intervention de l’État risque souvent de déstabiliser l’économie au lieu d’apporter une aide. Les monétaristes pensent par ailleurs qu’il n’y a pas d’arbitrage à long terme entre l’inflation et le chômage, car l’économie atteint un équilibre à long terme lorsque le niveau le production correspond au plein emploi »3.

Au total, on voit bien que pour les monétaristes, la politique monétaire ne peut agir que sur l'inflation, une simple règle de politique monétaire est la meilleure façon de stabiliser l’économie. Elle est efficace lorsque l’offre de monnaie augmentera régulièrement avec la croissance de la production.À cet effet, il faut respecter une règle monétariste fondamentale : la masse monétaire doit suivre la progression du taux de croissance à long terme de l’économie augmentée du taux d’inflation.

En conclusion, dans la vision de la politique monétaire chez les monétaristes, la politique monétaire de relance est inefficace à long terme, Elle provoque une hausse des prix et le démarrage de l’inflation. C’est la raison pour laquelle Friedman a proposé une solution simple qui passe par la politique monétaire. Il préconise l’utilisation des règles de croissance fixes pour la masse monétaire.

Cependant, une question importante peut être posée : est-ce que la politique monétaire chez les monétaristes est efficace ou non ? Bien que nous avons montré que cette politique est

1 Ibid p 3.

2 Ibid p 3.

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efficace à court terme et inefficace à long terme, il nous paraît utile de s’interroger sur le fait que cette politique reste efficace à court terme ou non. Ceci fera l’objet de la partie suivante.

4. La politique monétaire chez les nouveaux classiques et les nouveaux