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DisSE des paysages intermédiaires

9.1. Retour réflexif sur notre usage du concept de SE

L’utilisation du concept de SE a été exponentiel dans le champ scientifique et le concept est mobilisé de multiples façons (Costanza et al. 2017). Dans le Chapitre 3, nous avons présenté la façon dont nous entendions mobiliser le concept. Après avoir conduit l’ensemble de nos recherches, il nous semble important de faire un retour réflexif sur notre usage du concept, car

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cet usage est déterminant dans les conclusions que nous allons tirer sur la plus-value scientifique et opérationnelle du concept de SE.

Crouzat et al. (2018) affirment que les valeurs qui sous-tendent le concept de SE sont diverses, tout comme les valeurs personnelles des chercheurs. La posture de neutralité vis-à-vis du concept semble donc impossible, c'est pourquoi ces auteurs affirment qu’il est important d’expliciter sa posture vis-à-vis du concept de SE. Ils distinguent six types postures : le scientifique pur, qui se considère hors de l’interface science/politique et qui mobilise le concept de SE principalement dans l’optique d’obtenir des financements ; le scientifique arbitre ou garant, qui contribue indirectement à la prise de décisions en produisant des connaissances sur les SE ; le défenseur, ou gardien, qui mobilise le concept de SE pour encourager certaines orientations politique, et qui va pour cela se positionner dans les débats sur l’usage du concept de SE (par exemple, sur la question de l’évaluation monétaire des SE) ; le défenseur discret, qui affiche une position de neutralité et de distance vis-à-vis des décisions, mais dont les propos traduisent des préférences en termes d’orientations politiques ; les agents, qui considèrent que les connaissances qu’ils produisent sont un instrument au service de la politique, notamment dans le cadre de projet d’évaluation des SE à l’échelle nationale27 ; et enfin l’honnête intermédiaire, qui tente d’élargir la gamme des alternatives politiques proposées en déployant une approche innovante des SE. Pour définir notre posture, nous avons reproduit l’arbre de positionnement présenté dans l’article en précisant notre argumentaire (Figure 24).

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Figure 24 : Notre posture scientifique vis-à-vis du concept de SE adapté de Crouzat et al. (2018)

A l’issue de cet exercice, il apparaît que nous mobilisons le concept dans une posture de défenseur ou de gardien, car nous mobilisons le concept de SE de façon à encourager certaines orientations politiques. Un des postulats structurants de notre thèse est en effet que l’approche concertée est la plus adaptée pour faire des choix concernant des objets complexes, multi- acteurs et présentant un haut degré d’incertitudes comme le paysage. C'est donc dans cette optique que nous avons mobilisé le concept de SE.

Dans cette perspective d’encourager des choix plus concertés, une étape clef a été le développement d’un JdR basé sur une modélisation des SE fournis par les paysages agro- pastoraux du Mont Lozère. Il nous est apparu important de caractériser notre usage du concept de SE dans cette démarche de recherche-action. Pour ce faire, nous avons utilisé une grille d’auto-analyse élaborée par Barnaud et Antona (2012) afin d’évaluer la prise en compte des incertitudes liées au concept de SE dans les démarches participatives (Tableau 10).

177 Question posée dans la grille d’analyse Réponse Justification

1 Le concept de SE est-il questionné ? Oui Nous avons adopté une posture critique vis- à-vis du concept de SE

2 Est-ce que les SE analysés sont choisis par les acteurs du terrain ?

Oui, en amont des ateliers

Les SE sélectionnés dans le JdR SECOLOZ sont issus de l’analyse des représentations 3 Est-ce que les SE sont évalués

collectivement ou individuellement ?

Individuellement / Collectivement

Evaluation individuelle lors des entretiens Evaluation collective lors des séances de JdR 4 Est-ce que les différentes

représentations des SE entre les acteurs sont mises en évidence ?

Oui Dans le JdR, chaque joueur a un ou plusieurs objectifs en termes de SE, ce qui traduit la différence de représentations des SE Ces SE sont en interactions (synergies, antagonismes), ce qui permet d’illustrer les divergences et convergences entre représentations

5 Est-ce que ces différences sont discutées collectivement ?

Oui Question abordée pendant le débriefing 6 Y a-t-il des échanges de

connaissances sur le fonctionnement du socio- écosystème ?

Oui Question abordée pendant le débriefing

7 Est-ce que la méthode traite du caractère imprédictible du système ?

Oui Les effets de seuil ont été abordés pendant le débriefing

Les joueurs sont mis en situation

d’incertitudes pendant le jeu, ce qui permet d’en discuter pendant le débriefing

8 Est-ce qu’il y a des discussions et des négociations sur les

interactions entre SE ?

Oui Mécanisme central dans le JdR SECOLOZ

Tableau 10 : Tableau d’auto-analyse de prise en compte des incertitudes associées au concept de SE, adapté de (Barnaud et Antona 2012)

A l’aide de cette grille d’analyse, on peut dire identifier deux limites dans la prise en compte des incertitudes dans notre démarche de recherche-action. La première limite est de ne pas avoir débattu collectivement du concept de SE, ce qui a pu limiter la prise en compte de l’incertitude n°1 (« Le concept de SE est-il questionné ? »). Par ailleurs, l’incertitude n°7 (« Est-ce que la méthode traite du caractère imprédictible du système ? ») aurait pu être approfondie par une analyse écologique des SE fournis par les paysages agro-pastoraux du Mont Lozère. Ainsi, nous aurions pu identifier les controverses scientifiques et les fronts de connaissances sur le fonctionnement du socio-écosystème, et les mettre en débat lors des sessions de JdR. Ces réserves étant faites, on peut tout de même considérer que les incertitudes semblent bien prises en compte dans notre démarche participative, conformément aux principes de ComMod. En effet, selon cette méthode, la prise en en compte des incertitudes (qu’elles soient sociales ou liées aux dynamiques du socio-écosystème) est au centre de la démarche de recherche-action, car il est admis que c'est un des piliers de la gestion concertée.

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Finalement, dans cette thèse, nous avons mobilisé le concept de SE comme une construction sociale, comportant un haut niveau d’incertitudes. Cette posture vis-à-vis du concept permet de le mobiliser dans une optique politique précise, celle de favoriser des choix plus concertés. En effet, cet usage du concept va nous permettre de prendre en compte l’imprévisibilité du fonctionnement du socio-écosystème, la pluralité des intérêts et des points de vue, qui sont deux conditions pour une gestion concertée des objets complexes comme le paysage (Etienne et Collectif 2010).

Cette capacité du concept de SE à soutenir la concertation était une des questions posées par les gestionnaires dans le cadre du partenariat, comme nous le précisons ci-dessous.

9.2. Le partenariat avec les gestionnaires : quelle valeur opérationnelle du concept de

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