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Conclusion : La démarche de modélisation d’accompagnement, un moyen d’accompagner les acteurs vers des choix plus concertés

DisSE des paysages intermédiaires

8.4. Conclusion : La démarche de modélisation d’accompagnement, un moyen d’accompagner les acteurs vers des choix plus concertés

Finalement, pour répondre à notre troisième question de recherche « Comment accompagner les acteurs vers des choix plus concertés ? », on peut mettre en avant les apports de la méthode de modélisation d’accompagnement pour encourager une gestion concertée des antagonismes entre SE et pour mettre en débat l’état de référence. Cette méthode présente en effet trois atouts, qui ont contribué à mettre en débat l’état de référence. Premièrement, la démarche ComMod nous a permis d’aborder le paysage en tant qu’objet complexe, en mettant en évidence les dynamiques des paysages et leurs incertitudes, ainsi que la multitude d’enjeux qui y sont associées. Le modèle permet une représentation simplifiée de cet objet complexe, ce qui permet d’aborder collectivement la question les interactions socio-écologiques. Deuxièmement, la démarche ComMod reconnaît l’existence de points de vue multiples et parfois antagonistes, mais tous légitimes, sur le paysage. En assignant différents rôles aux objectifs variés, nous avons pu mettre à jour la dimension subjective des SE et la conciliation possible de ces intérêts. Enfin, le JdR est un outil de médiation qui crée une distanciation avec la réalité, tout en créant une atmosphère ludique et détendue. Cela contribue à la qualité des échanges, qui vont permettre d’aborder des questions qui sont plus difficiles à aborder dans le contexte usuel. Finalement, la modélisation d’accompagnement a permis de mettre en évidence les points de divergence dans les représentations de l’état de référence et d’en discuter collectivement. Ceci qui est une première étape vers des choix plus concertés, et trouve sa place dans les actions

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quotidiennes des agents du PNC pour encourager la compréhension mutuelle et le dialogue autour de ces questions.

171 Synthèse du Chapitre 8

Ce chapitre vise à répondre à notre troisième question de recherche, « Comment accompagner les acteurs vers des choix plus concertés ? ». Il est consacré à notre démarche de modélisation d’accompagnement sur l’évolution des paysages ouverts du fait de l’augmentation du dérochage et du retournement de prairies. Nous interrogeons ici la capacité d’un JdR basé sur le concept de SE à encourager l’apprentissage et à favoriser ainsi des choix plus concertés.

Ces résultats sont issus du travail de modélisation, de conception et d’animation JdR SECOLOZ, qui fait suite à l’analyse des jeux d’acteurs présentée dans le chapitre 7. Nous avons analysé deux sessions de JdR animées avec des agents du Parc National, des éleveurs et des élus ainsi que les entretiens téléphoniques post-sessions de JdR.

Les résultats montrent que le JdR SECOLOZ a permis de stimuler l’apprentissage, plus particulièrement en favorisant la prise de conscience des interdépendances, la compréhension mutuelle, en améliorant la capacité des acteurs à faire face aux incertitudes, et enfin en permettant aux acteurs d’explorer des méthodes de gouvernance alternatives. A travers cette expérience, nous avons montré que l’outil du JdR peut être un moyen efficace pour opérationnaliser le concept de SE, car le JdR permet d’explorer collectivement les interactions entre SE. Nous avons aussi montré que le concept de SE contribue de façon contrastée aux apprentissages : ainsi, il joue un grand rôle dans la prise de conscience accrue des interdépendances, tandis que concernant la compréhension mutuelle, c’est plutôt le dispositif du JdR qui est déterminant. Nous mettons ainsi en avant l’apport conjoint du cadre conceptuel (basé sur le concept de SE) et de l’outil (le JdR) pour accompagner les acteurs dans leurs choix.

Les séances de JdR ont permis de mettre en débat l’état de référence, et plus particulièrement trois de ses caractéristiques : le degré de naturalité, le glissement de l’état de référence et son rôle dans la gouvernance des paysages.

Finalement, nous concluons que la modélisation d’accompagnement basée sur le concept de SE semble un moyen convaincant d’encourager des choix plus concertés liés aux évolutions des paysages de référence, parce que ces sessions permettent de débattre collectivement de l’état de référence et qu’elles stimulent les apprentissages.

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PARTIE 4 : DISCUSSION ET PERSPECTIVES

Tout au long de notre thèse, nous avons déployé une proposition, mettre en débat l’état de référence. Nous avons décliné cette proposition en trois temps : l’étude des états de référence mobilisés par les acteurs dans leurs discours sur les dynamiques paysagères ; l’analyse des jeux d’acteurs liés à l’évolution des paysages ouverts, qui nous a permis d’identifier un besoin de concertation autour de l’état de référence et une proposition concrète de mise en débat de l’état de référence à travers la démarche de modélisation d’accompagnement.

Nos résultats de thèse ont permis d’éclairer la question des choix sociaux liés aux dynamiques paysagères. En particulier, nous avons voulu dépasser la dualité de paysages ouverts/fermés en analysant la pluralité de représentations au sein d’un même paradigme de gestion, ici « Il faut maintenir les paysages ouverts ». Nous avons montré que plusieurs représentations des paysages ouverts rentrent en tension. L’une met en avant les caractéristiques quantitatives de l’état de référence, en insistant sur la nécessité de garantir une certaine proportion de paysages ouverts sur le Mont Lozère, et met en avant les SE d’approvisionnement. L’autre reconnaît non seulement ces caractéristiques quantitatives, mais également les caractéristiques qualitatives de paysages ouverts, en particulier certains éléments de paysage qui permettront de fournir des SE de régulation et des SE culturels, comme les chaos de granite les habitats semi-naturels comme les prairies permanentes. Ces représentations entrent en tension autour d’enjeux concrets, qui appellent les acteurs à faire des choix, comme le retournement de prairies et du dérochage. La situation du Mont Lozère a ceci de particulier que ces choix sont à la fois très encadrés et bien explicités, en particulier dans la zone cœur. Ainsi, pour réaliser des travaux de dérochage et de retournement de prairies, les éleveurs doivent demander un permis au PNC, ce qui donne lieu à une négociation entre les éleveurs et les agents du PNC, mais aussi au sein du PNC, afin de trouver un compromis entre les SE antagonistes. L’instruction des demandes de travaux donne donc à voir les antagonismes entre SE dans les paysages ouverts, et les inévitables choix qui en découlent. Or, les paysages ouverts sont décrits dans certains documents de gestion et dans le discours de certaines personnes interrogées, comme des espaces de synergie, capables de concilier les enjeux économiques, à travers la production agricole, écologique, à travers la préservation d’habitats emblématiques, et patrimoniaux, à travers la préservation d’un savoir- faire. Les évolutions des paysages agricoles fragilisent donc la fonction fédératrice des paysages de référence et le jeu d’acteurs s’en trouve modifié. Cette analyse montre donc toute la

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complexité des choix sociaux liés aux dynamiques paysagères, car l’évolution des paysages ouverts remet au centre la question de la temporalité et du degré de naturalité de l’état de référence. Ce sont ces questions que nous avons voulu mettre en débat dans la dernière phase de notre thèse, consacrée à la démarche de recherche-action autour du JdR. Nous avons montré comment l’outil JdR, grâce à la médiation du modèle, offre une prise de recul et permet d’aborder la question du rôle de l’état de référence dans la gouvernance des paysages. Nous avons également montré comment ces sessions stimulent les apprentissages, ce qui peut contribuer à des choix plus concertés. Cette démarche trouve sa place dans de nombreuses activités menées par les acteurs de terrain, en particulier les agents du PNC, pour améliorer la compréhension mutuelle et la recherche de compromis entre des intérêts parfois contradictoires. A ce stade de notre démarche, nous sommes en mesure de porter un recul critique sur le dispositif que nous avons mis en place dans le cadre de notre thèse. En particulier, nous voudrions revenir sur le concept de SE, dans la mesure où cette thèse est née d’attentes fortes de la part du monde scientifique et des gestionnaires sur la plus-value du concept pour éclairer les interdépendances sociales ou pour encourager l’action collective dans les aires protégées. Ce sont ces réflexions rétrospectives et critiques que nous présentons dans le chapitre suivant.

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Chapitre 9 : Plus-value et limites du concept de SE pour une démarche de

recherche qualitative en partenariat avec les gestionnaires d’aires protégées

Dans le sujet de thèse tel qu’il était formulé au départ, le concept de SE était central et se trouvait à la convergence des attentes des partenaires opérationnels (PNC, MAB) et des instituts de recherche (INRA, financeur de la thèse). Une des questions du sujet de thèse tel qu’il était formulé initialement était : « Quels sont les intérêts et les limites du concept de SE pour penser l'action collective à l'échelle des territoires, notamment par rapport à d'autres notions comme la solidarité écologique ? ». Au grès des moments forts de la thèse (réunions du projet SECOCO, colloques scientifiques, comités de thèse) et surtout de l’itération entre les phases de terrain et les phases d’exploration théorique, la place du concept de SE a évolué. Ce dernier est passé d’objet d’étude à outil conceptuel au service de l’analyse et de la modélisation. Le concept de solidarité écologique, quant à lui, a été mis en regard avec le concept de SE dans le cadre du projet SECOCO. Dans le cadre de la thèse, nous ne l’avons pas mobilisé directement, car le choix de mobiliser le concept de SE nous a amené à nous situer de facto dans un certain type de métaphore, qu’il était difficile de remettre en question dans le temps et le cadre de la thèse, comme nous l’expliquons dans la section 3.6.1. Toutefois, ce cadre montre aussi des limites de notre cadre, que le concept de solidarité écologique pourrait permettre de dépasser, comme nous le présentons dans la section 3.6.4. Parallèlement, le concept d’état de référence s’est imposé à la lecture de la littérature et au fur à mesure de l’exploration des données de terrain comme un concept complémentaire à celui de SE pour se saisir de la question des représentations et des choix sociaux liés aux dynamiques paysagères.

Dans cette section, nous proposons un retour réflexif sur notre usage du concept de SE. Puis, nous revenons sur la contribution de ce concept dans une démarche qualitative de géographie humaine, ainsi que sur sa portée opérationnelle. Enfin, nous revenons sur la question de la métaphore du concept de SE, en montrant ses implications et ses limites et en esquissant des axes possibles pour des recherches ultérieures.

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