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Le partenariat avec les gestionnaires : quelle valeur opérationnelle du concept de SE dans les aires protégées ?

DisSE des paysages intermédiaires

9.2. Le partenariat avec les gestionnaires : quelle valeur opérationnelle du concept de SE dans les aires protégées ?

La portée opérationnelle du concept de SE est un des fronts de connaissance dans le champ de SE (Daily et al. 2009; Grêt-Regamey et al. 2017; Carmen et al. 2018). Grâce à notre expérience de recherche, nous pouvons contribuer à cette réflexion.

Les agents du PNC et du MAB se sont investis dans le montage du projet SECOCO et de la thèse car ils avaient des attentes concernant l’opérationnalisation possible du concept de SE. En effet, ces agents avaient connaissance du concept, qu’ils mobilisaient dans le cadre de montage de projet (notamment pour obtenir des financements) ou lors de bilans d’action, sans l’utiliser dans leurs actions quotidiennes. C’est d’ailleurs à cette période que le concept de SE a été intégré dans le corpus de textes structurant le programme MAB de l’UNESCO, où il était demandé aux coordinateurs de Réserves de Biosphère de rendre compte de leurs actions concernant les SE dans les dossiers de création ou de révisions des Réserves de Biosphère. Il y avait donc une attente forte de la part des gestionnaires sur l’usage possible de ce concept. Plus précisément, les gestionnaires interrogeaient la capacité du concept à s’inscrire dans leurs objectifs de gestion, en particulier pour éclairer la compréhension de la diversité des représentations et pour appuyer l’action collective.

Les gestionnaires exprimaient un besoin de mieux comprendre les représentations des dynamiques paysagères :

« Le concept de service pourrait peut -être aider à dépasser l’opposition milieu ouvert-fermé pour analyser les choses plus en finesse : qui veut quel type de couvert forestier et pour quelle raison ? » [Agent du PNC, réunion de lancement du projet SECOCO]

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Avec le recul, nous pouvons dire que le recensement des SE cités spontanément dans les entretiens permet en effet d’avoir une analyse fine des représentations des dynamiques paysagères. Par exemple, dans la section 7.1.1, nous avons montré des différences importantes de représentations concernant les prairies temporaires en fonction des SE considérés (SE d’approvisionnement de foin ou SE de valeur d’existence de la biodiversité ou de production de miel). Des différences similaires auraient pu être mises en évidence dans les paysages forestiers, que nous avons choisi de ne pas analyser en détail dans le cadre de cette thèse. Le deuxième attendu vis-à-vis du concept est le support à l’action collective :

« Il est intéressant de se demander si le concept SE peut être utile à l’action collective. Mais aussi (…) est-ce que le concept de SE est susceptible de construire des consensus pour la gestion des territoires, d’amélior er le dialogue, la compréhension mutuelle ? » [Agent du PNC, réunion de lancement du projet SECOCO]

Cette question de la contribution du concept dans les apprentissages contribuant à des choix plus concertés a été centrale dans notre démarche de recherche-action, comme nous l’avons expliqué dans la section 8.3.2. Ainsi, nous avons montré que le concept de SE, médiatisé sous la forme d’un JdR, amener les acteurs à réfléchir collectivement à la prise en compte des incertitudes ou à l’exploration d’innovations institutionnelles.

Ainsi, nous avons montré que le concept de SE pouvait avoir une utilité opérationnelle dans le cadre de la gestion des aires protégées. Toutefois, il est important de rappeler que ces conclusions dépendent de la façon de mobiliser le concept. Ainsi, nous avons adopté une approche non-marchande des SE, dans une optique constructiviste, en portant attention aux interdépendances socio-écologiques, ce qui correspond bien aux valeurs portées par le PNC et le MAB. Par ailleurs, ces conclusions dépendent aussi des outils que nous avons mobilisés, ainsi, l’outil du JdR a été un moyen d’opérationnaliser le concept de SE, comme nous l’avons montré dans la section 8.3.3.

Une question importante est le rôle de la thèse et du projet SECOCO dans la diffusion du concept de SE aux acteurs du terrain. Cette question a fait l’objet de débats tout au long de notre projet de recherche. Finalement, nous avons décidé de ne pas diffuser ce concept, ni dans les entretiens, ni lors du JdR. Plusieurs raisons ont guidé nos choix : les réticences à diffuser un concept sur lequel nous étions critiques et notre posture empathique lors des entretiens et d’animation lors des séances de JdR, qui se couplaient mal avec une posture didactique. Nous

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avons explicité le concept à la fin du projet, lors de la réunion de restitution du projet SECOCO, où le cadre conceptuel était présenté sous la forme d’un poster que nous avons commenté devant les personnes présentes. Plusieurs personnes, notamment les gestionnaires, ont affiché une curiosité et ont saisi l’opportunité de la restitution pour s’informer sur un concept qu’ils rencontraient parfois dans le cadre de leurs missions. Avec le recul, nous considérons que nous aurions pu avec profit expliciter ce concept de cette façon tout au long de la démarche de thèse. Nous aurions ainsi pu nourrir la question de la réception de ce concept chez ce grand public, en débattre collectivement, ou même le mettre à disposition des personnes interrogées pour qu’elles puissent s’en saisir lors de négociations futures, dans une optique de renforcement des capacités. Par ailleurs, le concept se diffuse déjà en dehors de notre projet. Diffuser le concept de SE en explicitant l’usage que l’on en fait peut donc contribuer à la mise en débat collective du concept de SE, en donnant une vision différente sur ce concept de celles qui peuvent être données par ailleurs.

Enfin, il faut noter que le JdR SECOLOZ pourrait être animé à d’autres reprises dans le cadre des activités de concertation du PNC. Les retours d’expérience des agents du PNC qui ont participé aux sessions de JdR ont relevé la proximité du jeu avec les situations réelles et l’intérêt du jeu comme outil de dialogue, qui offre un moment convivial, suscite l’empathie, permet de partager les doutes et d’engager des réflexions sur l’avenir. Le JdR a aussi été animé à d’autres reprises hors du Mont Lozère, dans un objectif pédagogique avec un public de chercheurs ou d’étudiants (filières agronomiques ou gestion des aires protégées). Ces sessions de JdR permettent pour les enseignants d’aborder les méthodes de concertation ou la thématique de la conciliation entre les activités agricoles et les autres activités sur un territoire. Cette dimension pédagogique, est une autre contribution opérationnelle du concept de SE médiatisé sous la forme d’un JdR.

9.3. Quelles contributions et limites du concept de SE pour penser les paysages de

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