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Les Fugues, Cie Yoann Bourgeois

Bonjour,

Tout d'abord, merci d'avoir pris la peine d'ouvrir ce document.

Le questionnaire suivant a été élaboré dans le cadre de mon mémoire portant sur le travail de la présence dans la compagnie Yoann Bourgeois.

N'hésitez pas à ne pas répondre à toutes les questions, soyez libres ! Un questionnaire à moitié rempli me fera toujours plus progresser que rien du tout... !

Martin Givors : Quelles étaient vos motivations pour travailler spécifiquement avec Yoann Bourgeois et Marie Fonte ?

Jean-Baptiste Diot : Le travail sur la Fugue vient de l’Académie FRATELLINI. Avant cette alternance je n’avais jamais vu la fugue et je ne savais même pas qui était cette compagnie. C’est après avoir été mis sur le projet que la motivation s’est mise en place.

M. G. Quel(s) élément(s) retiendriez-vous particulièrement du processus de transmission des Fugues ? Qu'est-ce qui vous a surpris/marqué ?

J. B. Tout d’abord l’idée même de transmission d’un numéro m’a surpris. Je viens du cirque traditionnel où la singularité de l’artiste est comme une marque de fabrique qui ne doit surtout pas être imitée. Alors il m’a fallu d’abord comprendre et accepter la demande. Ensuite le travail autour de la fugue. Avant d’attaquer le travail de la pièce à proprement parler, nous avons fait tout un travail sur les fondements de la recherche qui ont mené à cette forme. Rythme, explication du point de suspension, qualité de mouvement… Ça a donné une dimension au travail qui m’était étrangère auparavant. Dans le même sens on a beaucoup discuté des sources d’inspiration et du fondement

même de la compagnie : le jeu. Notion de construction de spectacle que j’ai retrouvé dans d’autres créations, d’autres compagnies par la suite mais que j’ai découvert à ce moment là. Et tout un travail vraiment différent de l’idée que je me faisais de la création où j’avais tout à y apprendre.

M. G. Pour vous, quelles étaient les principales difficultés au cours de la transmission/représentation des Fugues ? (manque de temps, difficulté technique, méthode de travail, ...)

J. B. Bon en premier lieu une difficulté technique. La fugue en elle-même est extrêmement simple mais le type de jonglage était vraiment très éloigné du mien. J’ai dû m’adapter au style de quelqu’un qui a 10 ans de moins que moi et en jonglage cela joue beaucoup. Car comme dans beaucoup d’autres arts, il y a des modes dans le jonglage, des modes qui caractérisent une génération de jongleurs par rapport à une autre. Des figures que l’on faisait plus il y a un certain temps…Les figures de base des années 90 ne sont pas les mêmes que celles de 2010. Car tout simplement le jonglage évolue, et il évolue vite. Chaque jongleur en travaillant développe ce que j’appellerais des « tic » dans le sens de petits mouvements que l’on aime et qu’on fait assez souvent et facilement. La fugue contient beaucoup de ces mouvements propres à Yoann et donc s’approprier ces mouvement a été une des choses les plus dures. Je fais normalement plus du jonglage de nombre (5 balles et plus) et la fugue est une pièce de 3 balles. Le temps de travail a été dur aussi nous avons eu très peu de temps avec Yoann et Marie. Donc le plupart du temps il faillait travailler seul en essayant de se rappeler au maximum des corrections faites lors de la dernière répétition avec Yoann et Marie.

M. G. Que pensez-vous de leur méthode de création artistique ? et surtout, que retiendriez-vous pour vos propres futures créations ?

J. B. Ils sont très clairs sur l’idée générale de la compagnie. Lorsqu’on discutait du processus de création de la fugue tout deux m’expliquaient que l’objectif n’était vraiment pas de produire un exploit circassien en soit mais de donner à voir un certain type de chose et ce type de chose était très précis. C’est cette précision qui a donné pour moi cette cohérence dans la pièce où chaque mouvement sert le même propos. Ce que j’en retiens c’est la dimension poétique du geste, de savoir que quelque soit le format ou le type de pièce chaque élément est important et mérite une attention particulière. D’un

ensemble qui parait simple en ressort toujours quelque chose de plus agréable pour le public. J’aime l’exploit mais depuis cette création je m’emploie à calculer l’exploit et ses effets pour ne jamais dénoter avec mes intentions.

M. G. Le travail avec Yoann et Marie a-t-il transformé le rapport que vous entretenez avec vos partenaires de jeu, que ce soit un partenaire vivant mais aussi des objets comme les balles de jonglage ? vous sentez-vous plus à l'écoute ? plus en confiance ? ou non ?

J. B. La fugue a définitivement transformé mon jonglage. Le travail que nous avons effectué qui a été le plus long était la lisibilité du jonglage. Donner à voir plutôt que faire. Cela semble aller de soi dit comme ça mais dans le jonglage il est facile de penser que toute l’attention est sur les balles par exemple. Alors que le corps reste au centre. Donc ce travail a donné définitivement de l’air à mon jonglage. À travailler au-delà de ce que je pensais acquis. Tout le travail d’écoute musicale avec Marie m’a ouvert un champ artistique immense aussi. Pouvoir entendre chaque note et y mettre une intention physique.

M. G. Avez-vous, au cours de votre formation à l'école, ou avec Yoann et Marie, l'habitude d'effectuer des exercices de « prise de conscience » (de l'espace, de votre marche, de la manière dont vous effectuez vos mouvements)

J. B. Généralement on nous sensibilise à cela en école de manière à être conscient au maximum de ce qu’on est en train de faire. Mais avec Yoann et Marie le travail était plus concret parce qu’on avait une finalité qui était la fugue. Quel que soit l’exercice il était toujours concret pour nous parce qu’on savait où ça devait nous mener. Puis ensuite sur la tournée, s’adapter à l’espace. Les intentions de jeu qui paraissaient bénignes ont été celles qui nous ont donné le plus de fil à retordre.

M. G. Avez-vous déjà participé à un « atelier du joueur » de la compagnie ? si oui, comment décririez-vous cette expérience ? qu'en avez-vous retenu ? qu'est-ce qui vous a marqué ?

J. B. Nous en avons fait un pendant la première semaine de transmission des fugues, juste Bastien, Marie, Yoann et moi-même. Je suis porteur donc je n’ai pas trop l’habitude de me faire manipuler. Ça a été une sacrée expérience mais pas la plus

agréable pour ma part.

M. G. La spécificité des Fugues repose en partie sur l'harmonie entre le rythme de l'interprète et celui de la musique. Comment avez-vous vécu l'exigence rythmique attendue par Yoann et Marie ? était-ce difficile ? et y avez-vous trouvé un certain plaisir : vous sentiez vous soutenu par le rythme des fugues ? ou prisonnier de celui- ci ?

J. B. On a vraiment séparé le travail de la fugue et celui du métronome. J’ai toujours eu plus d’appréhensions sur le métronome que sur la fugue car la musique emporte plus facilement qu’un « tic-tac ». L’écriture était très précise donc ça a pris énormément de temps pour trouver quelque liberté dedans. Le plaisir pour ma part venait surtout dans la partie musicale. Et oui le rythme des fugues pouvait sembler par moments comme étouffant tellement tout était écrit au millimètre. C’est pour ça que travailler avec Marie et Yoann a été essentiel car ce sont eux qui me poussaient à trouver des libertés tout en respectant l’écriture.

M. G. Comment décririez-vous votre rapport au public au cours du spectacle ? vous sentiez-vous proches de lui, ou non, et pourquoi ?

J. B. Je ne sais pas mais en tout cas bien différent de mes expériences passées. Yoann et Marie avaient une idée précise du rapport qu’ils voulaient que j’ai, et j’ai mis longtemps à la comprendre et à l’assimiler. J’ai pour habitude de créer un contact visuel très vite et de manière régulière avec les gens alors passer 30 min sans regarder le public était une sensation nouvelle que je ne saurais pas vraiment décrire car les gens se sentaient étonnamment proches de nous.

M. G. Comment décririez-vous votre relation à votre partenaire au cours de la Fugue Table ? quelle était la principale difficulté de cette partie du spectacle ?

J. B. La difficulté principale c’était la précision, chaque geste avait été pensé avec une certaine intention qu’il nous a fallu retenir et assimiler aux mouvements qu’on faisait mais aussi à ceux qu’on recevait. Et puis l’adaptation car Bastien et moi avons des corps radicalement différents de ceux de Yoann et Marie donc ça a demandé du temps aussi de trouver notre rapport à l’écriture et aux mouvements.

M. G. Avez-vous eu le sentiment que le travail avec Yoann et Marie vous demandait de « délaisser » une partie de votre spécificité artistique (pour adopter la leur ?), dans la mesure où il s'agissait d'une reprise ? était-ce difficile pour vous (au point de vue technique, mais aussi sur des points comme l'expressivité de vos « personnages »), et si oui pourquoi ?

J.B Complètement, le travail différait tellement de mes habitudes que avant une période de travail avec la compagnie je devais mettre de coté ma singularité pour recevoir au mieux les demandes qui allaient m’être faites. Bien sûr cela n’est pas possible à 100% mais me mettre au service de la création a été un vrai travail à part entière.

M. G. D'une manière générale, à quoi pensez-vous au cours du spectacle ? Êtes-vous concentré de manière globale sur vos mouvements ? sur le mouvement suivant ? sur la musique ? sur rien du tout ? ou un peu de ces quatre propositions ?

J. B. Un peu des 4 oui je pense. Au maximum j’essayais d’être dans l’émotion de ce que j’étais en train de faire. De laisser les sensations venir sans les jouer. Mais les soirs où c’est un peu plus dur, là la concentration se dirige plus sur les mouvements, la physicalité et le coté figural de la pièce. La musique fait toujours du bien car elle vous dicte quoi faire exactement. Mais le mieux reste les parties en duo où l’interaction est toujours pour moi plus vivante que la solitude.

Merci beaucoup pour vos réponses ! Bonne continuation !

Annexes n°9 – Entretien réalisé avec Damien Droin et Neta