• Aucun résultat trouvé

Ressentis et comportement du patient envers les soignants :

3. Résultats de l’analyse thématique des entretiens :

3.2. Pendant la contention :

3.2.2. Perception du monde : relation soignant/soigné :

3.2.2.2. Ressentis et comportement du patient envers les soignants :

3.2.2.2.1. Emotions/pensées positives envers le soignant :

Cinq patients évoquent des émotions et pensées positives envers le soignant, essentiellement en termes de confiance, reconnaissance, de non ressentiment envers eux.

110 « On ne veut pas être attaché, alors on se débat pour ne pas être attaché. On n’en veut pas aux infirmiers. » Entretien 26

« C’était dans une situation tellement anormale par rapport à mon personnage que je n’ai eu aucune haine par rapport à la personne qui m’a mis sous contention » Entretien 27

« C’était tellement difficile que ça a permis de tisser des liens particuliers avec certains infirmiers. Tisser des liens thérapeutiques de malade à infirmier. C’est très positif. Je leur suis reconnaissant. » Entretien 01

3.2.2.2.2. Emotions/pensées négatives envers le soignant :

A contrario, dix patients expriment avoir ressenti des émotions, des pensées négatives envers les soignants. Cela a pu être évoqué en termes de haine, de mépris envers les soignants.

« Je me suis sentie très mal. Je n’ai pas aimé. Il y avait de la haine par rapport au corps médical. » Entretien 09

« Hate. Le mot le plus fort pour exprimer la haine en anglais. Hate. Pour ceux qui m’attachaient. » Entretien 17

« Je me disais : « Je les aurai. Je les aurai. » Et puis, j’ai commencé à essayer d’ouvrir les sangles, mais il n’y avait pas moyen de les ouvrir. Je poussais dans tous les sens. Il n’y avait strictement rien à faire. Je les haïssais à un point. D’ailleurs, j’ai continué à les haïr après et je ne leur ai plus jamais parlé. » Entretien 22

« Quand vous êtes attaché, vous ressentez de la haine, de la violence, du mépris. » Entretien 24

Une patiente exprime avoir perdu la confiance envers les soignants.

« Ça a pris du temps car je n’avais plus confiance en eux. Ils avaient perdu ma confiance. »

111

3.2.2.2.3. Thématiques délirantes :

Sept patients expriment des idées délirantes ayant pour sujet les soignants lors de la contention physique. Ces idées peuvent être critiquées ou non au moment de l’entretien. Plusieurs patients évoquent des thématiques persécutoires.

« J’avaient l’impression qu’ils me voulaient du mal. Les infirmiers, les IRIS. Je n’étais pas bien du tout. C’était un délire à ne pas refaire. » Entretien 04

« De temps en temps, ils viennent, ils nous regardent, ils nous guettent. C’est de la perversion. Vu qu’ils nous donnent des médicaments qui font dormir, on ne sait pas ce qu’ils font après. En fait, ils nous violent psychologiquement. Au lieu de nous aider, ils nous rentrent dedans, ils profitent des raisons qui sont présentes, ils essayent de récupérer nos personnalités. » Entretien 29

D’autres évoquent des thématiques sexuelles.

« J’entendais des voix d’infirmières. Elles me disaient comme quoi si je voulais faire l’amour avec une infirmière, il fallait que je fasse un truc qui était en rapport avec l’hôpital. Il fallait que je reste sur place et que je l’attende. Et moi, je suis parti et je n’ai pas eu de nouvelles. »

Entretien 19

Enfin, des idées délirantes à thématique mystique sont évoquées.

« Dès que j’ai vu qu’il allait fermer la porte, je me suis vite mis en isolement. Ils ont essayé de me tenir. Dans ma tête, ceux qui essayaient de me tenir, c’était le Diable. » Entretien 08 « Mais il y a des gens que je vois méchant. Je voyais des gens d’une bonne image et des gens, je les voyais comme des diables. J’ai vu des diables, des cauchemars. » Entretien 14

3.2.2.2.4. Craintes du patient vis-à-vis des soignants :

Certains patients ont pu craindre que les soignants les oublient dans la chambre d’isolement, de ne pas pouvoir les alerter en cas de problème.

« Imaginez qu’on m’oublie dans une salle où j’ai été contentionné. Il suffit juste d’un oubli. La porte est fermée. Si je commence à crier, je vais m’agiter. Il faut se contrôler. […] Mais c’est très dangereux ça. Parce qu’il suffit qu’il y ait un oubli. Je peux faire une crise cardiaque. Je m’agite,

112

je crie, sueurs froides, tatata. C’est la crainte. Je crains à nouveau les contentions. C’est comme un appel au secours. Et rien qu’y penser, ça me fait la chair de poule. » Entretien 23

« J’étais assez inquiète parce que je respirais mal et je ne sais pas ce qu’il pouvait m’arriver, puisque personne ne venait me voir, et je ne pouvais pas sonner. » Entretien 22

« Ils vous attachent et, après, ils partent. Ils vous laissent tout seul. Ils vous laissent avec vous-même. Vous, vous ne savez pas s’ils vont revenir, s’ils vont vous oublier, s’ils ne vont pas vous oublier. Vous ne savez rien. » Entretien 18

Certains patients craignent quant à eux d’être victime de maltraitance de la part des soignants.

« Mais si je suis donné à une personne mal intégrée, une personne qui a une haine contre moi, qui travaille dans la société clinique et qui veut me faire du mal. C’est possible qu’il me laisse attacher des heures et des heures. » Entretien 23

Certains patients, au contraire, craignent de passer à l’acte sur les soignants.

« Mais, ce qui m’embête, ce sont les dommages collatéraux. J’ai peur de lâcher trois ans de colère sur une personne. Je sais que je suis capable de le faire. Mon niveau de colère, je le connais. Et la capacité de passer de normal à homicide, il n’y a pas grand-chose. » Entretien 06

D’autres patients appréhendent que les soignants leur donnent trop de traitement, posent une durée de contention trop longue.

« Est-ce qu’ils vont me mettre sous cachet ou sous perfusion ? Est-ce que j’allais être shooté plusieurs jours comme je l’avais été une fois. […] J’avais peur de ne pas être conscient de moi-même, de ne pas pouvoir marcher, de ne pas pouvoir… C’était ma première crainte. J’avais peur de rester beaucoup plus longtemps ici que prévu. » Entretien 24

3.2.2.2.5. Comportement positif du patient vis-à-vis des soignants :

De nombreux patients, seize d’entre eux, évoquent leurs comportements positifs vis-à-vis des soignants. La majorité exprime cela par l’absence de violence, d’agressivité qu’ils ont manifestée tout au long de la contention ou dans un second temps.

« J’ai toujours été très sociable. Je ne me suis jamais battu avec personne. Je n’ai jamais frappé personne, ni un infirmier, ni un patient. Ça se passait bien. » Entretien 05

113 « Ça s’est bien passé parce que j’étais calme. Je n’étais pas agressive avec eux. J’étais calme. »

Entretien 09

« Je n’ai jamais été agressif physiquement avec eux. Je ne les ai pas tapés, je ne les ai pas touchés. » Entretien 24

« Moi, je ne me suis pas débattu. Il y en a beaucoup qui se débattent dès le début. Je ne me suis pas débattu pendant la contention. » Entretien 25

D’autres participants évoquent leur coopération avec les soignants.

« Ça s’est toujours bien passé. Parce que j’étais coopérant. Avec les médecins, ça s’est toujours bien passé. J’acceptais ce qu’ils me faisaient. » Entretien 15

« Au bout d’un moment, ils m’ont détaché pour que je prenne quelque chose, mais, de moi-même, je me suis fait de nouveau attacher. J’ai regagné leur confiance, en quelque sorte. »

Entretien 08

« Ce sont les surveillants qui m’ont attaché, avec les infirmiers. J’ai donné mes bras en me laissant faire. » Entretien 04

« Je me suis laissé faire parce que je me suis dit que plus ils savaient qu’ils m’avaient bien contentionné, plus ils allaient me les enlever. » Entretien 23

Certains patients présentent leurs excuses aux soignants de leur comportement qu’ils ont pu avoir à leur encontre.

« C’était un coup de folie, d’énervement. J’ai présenté mes excuses ensuite. Je leur ai demandé pardon. » Entretien 04

« Il y a deux infirmiers qui se sont beaucoup occupés de moi. Ça s’est un peu mal passé. Après, je me suis excusé, ça a été mieux. » Entretien 24

Un patient remarque qu’au cours de la contention, ses rapports se sont améliorés avec les soignants et il a pu être dans l’humour avec eux.

« A la fin, on a rigolé avec les infirmiers. Je leur disais : « Put your hands up ! Put your hands up ! » » Entretien 08

114

3.2.2.2.6. Comportement négatif du patient vis-à-vis des soignants :

De nombreux entretiens, 15 au total, évoquent les comportements négatifs du patient envers les soignants. Les thèmes les plus fréquents, cités par 12 patients, représentent l’agressivité physique, d’une part, et l’agressivité verbale d’autre part.

Ces comportements d’agressivité sont justifiés par certains participants par un rapport de force avec l’équipe soignante.

« On voulait me faire boire un médicament. Je n’ai pas voulu et par la force, on m’a mis la piqûre. Et là, j’ai eu G. en face de moi et je l’insultais. Parce que je n’étais pas malade. »

Entretien 12

D’autres patients expliquent ces comportements dans un souci d’échapper à une situation angoissante.

« Je sais que je me suis débattue une fois. Et c’était vraiment le catch. C’était vraiment la défense pour ne pas être attaché car ça fait une impression d’être attachée, une souffrance d’être attachée qui fait très mal. » (pleurs) « On ne veut pas être attachée, alors on se débat pour ne pas être attachée. On n’en veut pas aux infirmiers. » Entretien 26

« Là, je me suis débattue comme un beau diable. J’ai mordu. […] Je me débattais. J’avais l’impression qu’il fallait que j’échappe au viol. Tout ça va très vite. Vous êtes brutalisée, brutalisée. Vous vous défendez. Alors, j’ai mordu. » Entretien 16

Pour certains participants, c’est dans une volonté de vengeance, voire de sentiment de persécution.

« Je les ai insultés. Je les ai traités de tous les noms. Il fallait qu’ils écopent pour ce qu’ils me faisaient écoper. Voilà, c’était : « Salauds », « Fils de pute ». […] Je les ai appelés « Couilles molles » parce que, justement, ils avaient profité d’être plus puissants que moi, plus forts que moi pour me sangler. » Entretien 22

« J’ai commencé à mettre des coups de pied, des coups de main parce que, pour moi, même un chien, on ne l’attache pas. La liberté est égale pour tout le monde […] Je fais toujours payer au centuple le mal que l’on me fait. J’ai réussi à mettre une droite à un des infirmiers. »

115 Pendant la contention Perception de soi-même Perception du monde Relations soignant/soigné Perception des soins de contentions Perception de la présence de tiers non soignant Perception du temps

« Dans ma tête, ceux qui essayaient de me tenir, c’était le Diable. C’était l’infirmier à qui j’avais mis un coup de boule. De là, ils m’ont tous attaché. Ils m’ont tous attrapé. Je leur crachais dessus. » Entretien 08

Pour une patiente, c’est le sentiment d’incompréhension qui prédominait dans ce comportement agressif.

« Quand on est jeune, qu’on a seize ans, et qu’on se fait attacher, on ne comprends rien à ce qu’il nous arrive. Ça s’est mal passé avec les infirmiers. Je les ai insultés de tous les noms de pigeons, d’oiseaux, de tous les noms qui pouvaient exister. » Entretien 09