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Réflexion sur les thématiques d’utilisation non éthique de la contention :

Dans notre étude, différents regroupements thématiques évoquent la perception d’une utilisation non éthique de la contention par les soignants. En effet, dix patients évoquent la thématique de non-respect/humiliation, sept patients la thématique de punition/sanction et sept patients la thématique de violence/agressivité de la part des soignants. Ici encore, il ne s’agit pas démêler la réalité ou non de ces thématiques mais de les prendre en compte comme construction ou reconstruction subjective de l’expérience de la contention par les patients. La revue de littérature réalisée par T. Strout évaluant les rares études qualitatives concernant le point de vue des patients quant à la contention physique relève également ce thème

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commun (118). En effet, six études sur les douze évoquent la perception des patients de pratiques non-éthiques de la part des soignants. Il s’agit essentiellement d’études réalisées dans des services psychiatriques – cette revue de littérature évaluant l’utilisation de la contention dans différents services médicaux. T. Strout relève notamment que des participants ont pu se sentir punis, abusés ou menacés par des soignants durant leur expérience de contention.

La perception de sanction ou de punition est évoquée par les participants de notre étude de deux manières différentes : sanction comme motif d’utilisation de la contention et sanction dans le rapport soignant/soigné au cours de la contention. En effet, certains patients expriment le sentiment que la contention vient sanctionner le fait d’avoir enfreint une règle de l’hôpital, le fait d’avoir réalisé un passage à l’acte hétéro-agressif. Pour ces patients, la contention n’a pas été mise en place comme un soin ou une protection. D’autres patients évoquent lors des entretiens que leur conduite lors du processus de contention est soumise à de possibles sanctions. Ainsi, selon eux, la contention pourrait être plus longue, les visites des infirmiers plus espacées selon s’ils ont un mauvais comportement envers eux. Cela peut renvoyer encore une fois au rapport de vulnérabilité et de dépendance avec le soignant, dans le fait que les assouvissements de ses besoins élémentaires sont dépendants de la volonté des soignants. Or, si les patients perçoivent l’utilisation de la contention par les soignants comme une punition de leur comportement, cela peut les conduire à interpréter leur attitude au cours de la contention comme pouvant être sanctionnée de la même manière par les soignants. L’étude réalisée par J. Thomas sur les représentations de la contention physique par les soignants retrouve également la notion de sanction comme indication (128). En effet, pour certains participants à cette étude, la portée thérapeutique de la contention varie selon la situation et la pathologie du patient. Par exemple, cette mesure appliquée chez un patient présentant une dépendance à l’alcool ne sera pas considérée comme un soin mais comme une sanction. On remarque ainsi que la contention comme sanction n’est pas seulement interrogée par les patients, mais aussi par les soignants.

Il s’agit pourtant d’une pratique qui est largement évoquée et déconseillée dans les différentes recommandations. Ainsi, le CPT proscrit l’utilisation de la contention comme punition, la Conférence de consensus au sujet de l’ « agitation aux urgences » l’inscrit comme une contre-indication absolue (81) (99). Aussi, le Contrôleur général des lieux de privation de

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liberté s’étonne dans son rapport annuel que la nuance entre soins et sanction soit aussi floue dans le cas d’utilisation de la contention de certains patients (97)

Si l’on raisonne selon les principes de Bioéthique décrits par Beauchamps et Childress, le constat est le même. La contention comme sanction ne peut être considérée comme un objectif éthiquement acceptable par la violation des principes de bienveillance et non-malveillance. (105)

Cette perception de sanction par le patient peut représenter une reconstruction de la situation ayant conduit à la mise en place des contentions. En effet, son état d’agitation et d’angoisse au moment de la pose de la contention lui permet-il de percevoir lucidement le motif de mise sous contention, même si cette information lui est délivrée à ce moment-là ? Certaines études qualitatives montrent que certains patients se plaignent de la pauvreté d’informations qui leur sont transmises lors d’utilisation de mesure de contrainte telles que la contention ou la mesure de chambre d’isolement (147). L’étude du vécu des soignants réalisée par J. Guivarch sur l’usage de la contention montre que les soignants identifiaient un vécu d’incompréhension chez les patients et une difficulté à s’approprier ce qui leur arrivait (127). Les auteurs s’interrogent ainsi sur la qualité de l’information qui est délivrée au patient, notamment lorsqu’ils mettent en évidence que l’information peut se montrer parfois froide et dépersonnalisante envers le patient, tel que : « c’est le protocole ». On peut alors s’interroger sur la bienveillance d’une information froide délivrée au patient, décontextualisée de la situation et le laissant libre de se représenter lui-même et de reconstruire, en l’absence d’explication valable, le pourquoi de la contention. Il s’agit là de l’information transmise au patient au moment même de la contention, mais aussi de l’information a posteriori de la situation, lorsque le patient y est davantage accessible. Une des hypothèses à la perception de pratiques non éthiques de la part du patient pourrait ainsi être la pauvreté des informations qui lui sont délivrées dans la situation elle-même et en aval de celle-ci.

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