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Comportements des soignants selon la perception du patient :

3. Résultats de l’analyse thématique des entretiens :

3.2. Pendant la contention :

3.2.2. Perception du monde : relation soignant/soigné :

3.2.2.1. Comportements des soignants selon la perception du patient :

3.2.2.1.1. Vécu positif du comportement des soignants :

11 patients ont pu exprimer dans leur entretien une perception positive de la manière dont les soignants se comportaient avec eux.

Certains patients considéraient que les soignants étaient compétents dans leur travail auprès des patients.

« J’ai pris conscience que j’étais malade et qu’il fallait me soigner. L’infirmier a été très compétent là-dedans. » Entretien 01

« Avec les infirmiers, ça s’est très bien passé. Je suis poli avec eux. Ils restent polis avec moi. […] Les infirmiers passaient régulièrement. Ils font bien leur travail. Je n’ai rien à dire sur eux. Ils sont très bien. » Entretien 07

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D’autres patients évoquent l’humanité, la gentillesse des soignants.

« Elle me regardait avec un regard d’amour. Pas parce qu’elle était amoureuse de moi mais elle n’aurait pas voulu que la situation se fasse. Beaucoup d’humanité. » Entretien 07

« Ils venaient gentiment. Ils changeaient le lit » Entretien 03 « Ils ont été très gentils, très humains. » Entretien 01

Enfin, certains patients estiment avoir été entourés, rassurés par les soignants.

« Je me sentais entouré. Il y avait M. J., un bon docteur, que je remercie. » Entretien 04 « J’ai eu l’hallucination d’un monstre, j’ai cru réellement qu’il y en avait un. Alors j’ai eu très peur. Et là, je ne savais pas quoi faire. Et quand les infirmiers venaient, ça me rassurait. »

Entretien 26

3.2.2.1.2. Thématique de non-humanité :

Il s’agit d’une thématique très présente dans les entretiens des patients. 11 participants en font mention. Cette thématique fait référence à l’impression des patients de ne pas être considéré comme des êtres humains par les soignants.

« Quand le plateau venait, et que les contentions étaient mal mises, je le foutais en l’air. Je leur disais : « Ramassez, bande de chiens ! Vous me prenez pour un chien, vous m’avez attaché comme un chien, et bien nettoyez comme des chiens ! » » Entretien 08

« Je me suis senti comme un animal. Attaché comme un animal. Je leur ai dit : « Je ne suis pas un chien pour que vous m’attachiez comme ça. » Ce sont les chiens, les animaux qu’on attache. Les êtres humains, on ne les attache pas comme ça. » Entretien 10

« Ils arrivent, ils viennent vers vous à une vitesse pas possible, ils prennent les sangles. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un porc être tué, à qui on enlève le poil. C’est un petit peu ça. On vous tourne, on vous prend comme un ballot. On ne vous prend plus du tout comme un être humain. » Entretien 22

« Il y a des infirmiers ou des docteurs, rien que pour leur envie ou la jalousie, ils nous attachent et ils nous traitent comme des chiens. Je n’ai même pas eu le droit de boire de l’eau. » Entretien 29

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En parallèle de cette thématique de non-humanité, les participants utilisent parfois des métaphores animalières afin de décrire leurs ressentis pendant la contention.

« Il y en a qui vont dans de grandes fêtes de foie gras. Il y a des volailles attachées. Ça me faisait un petit peu penser à ça, à la façon dont on est attaché. » Entretien 25

« On n’est pas obligé d’arriver avec quatre vigiles, comme un morceau de bœuf qu’on transporte » Entretien 22

« Même pour les vaches ou pour les brebis, on met de la musique pour le lait. Je pense que pour les gens, c’est pareil. Ecouter de la musique ou avoir une image, ça permet de se calmer. »

Entretien 06

3.2.2.1.3. Thématique de domination – soumission :

Il s’agit de thèmes dans lesquels le patient se sent soumis, impuissant vis-à-vis du soignant. Ainsi, le patient peut avoir l’impression qu’aucun choix sur sa personne ne lui est laissé, ou encore que le soignant souhaite dominer le rapport soignant/soigné. Huit patients évoquent cette thématique.

« Quand on est attaché, ça leur permet de dire que c’est eux les chefs. » Entretien 29

« C’est eux qui décidaient de tout. Ils pouvaient décider, par exemple, de me contentionner. Je me suis senti impuissant face à toute cette animosité. […] J’acceptais ce qu’ils me faisaient. De toute manière, on n’a pas le choix. » Entretien 15

« Et là, on m’a sanglée immédiatement avec une espèce de hargne, une espèce de surpuissance. Je me suis sentie toute petite. […] Je me sentais amoindrie. […] Je n’avais strictement aucun choix. Et puis cette surpuissance des autres par rapport à moi. » Entretien 22

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3.2.2.1.4. Thématique de non-respect – humiliation :

Certains patients se plaignent au cours des entretiens d’être victime d’irrespect de la part des soignants, voire d’humiliation. Certains avaient notamment la perception qu’ils étaient la cible de moquerie de la part des soignants. Dix participants à l’étude ont évoqué cette thématique.

« Ils rigolaient. Il y a une sorte de moquerie. […] Il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas ça mais je les vois sourire. Il y a beaucoup de manque de respect. » Entretien 29

« Je les entendais se vanter que j’étais un cas psychologique comme dans les années je ne sais plus combien. Ça ne me plaisait pas trop. J’étais en colère. Je n’ai pas trouvé ça honnête. »

Entretien 01

« J’ai été humilié. Je me suis dit : « Tiens, on m’attache les mains comme si j’étais un prisonnier. » Entretien 12

« On pourrait le faire en laissant la personne digne de ce qu’elle est et non pas en la dégradant. C’est déjà assez pénible d’être sanglé, en plus on la dégrade verbalement. » Entretien 22

Certains participants font le lien entre perception d’humiliation, d’irrespect et perte d’autonomie dans les gestes de la vie quotidienne.

« Et ils m’ont fait faire des besoins dans un seau. C’est de la maltraitance. » Entretien 29 « C’est un peu comme si on me mettait en situation où j’étais une personne handicapée au point que je ne puisse pas me gérer moi-même au niveau de ces besoins-là. On se sent un peu humilié. Un sentiment d’humiliation. » Entretien 25

« Même pour aller aux toilettes. On m’a donné une bassine pour… Mais ça a été humiliant, aussi. Je me croyais pire qu’en prison » Entretien 12

3.2.2.1.5. Thématique de punition – sanction :

Sept des participants à l’étude ont évoqué des thèmes en rapport avec une perception de punition, de sanction. Certains patients avaient l’impression que la justification de la contention était de les punir. Ces patients ont ainsi pu exprimer la sensation d’être puni à cause d’une faute qu’ils auraient commise, et d’être considérés comme des criminels, des prisonniers. D’autres patients avaient cette perception à travers les visites, les soins que

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réalisaient les soignants, ceux-ci étant conditionnés par leurs actes et possiblement sanctionnées.

« Comme si c’était pour me punir, comme si j’étais une petite fille. Pour me punir de quelque chose d’énorme que j’avais fait. […] Quand vous êtes maniaque en général, et quand vous êtes sanglée en particulier, on n’arrête pas de vous traiter comme un chien, comme si c’était de votre faute. C’est vrai qu’on est pénible, c’est vrai qu’on peut être dangereux, c’est vrai qu’on est insultant. […] C’est une sanction incroyable. On vous crie après. On vous crie tout le temps après comme si vous étiez un prisonnier. C’est une dégradation. Une dégradation totale. Une injustice. Ce n’est pas du tout à la mesure de ce que vous avez fait. C’est vraiment pire. »

Entretien 22

« Je me détestais ce jour-là. Je me disais : « Ce n’est pas moi. Qu’est-ce que j’ai fait ? Ce n’est pas moi. Je n’ai rien fait pour mériter une telle punition. » Parce qu’on peut appeler ça une punition. » Entretien 11

« Votre seul ami qui peut vous donner à boire, c’est l’infirmier. A ce moment-là, il faut être gentil avec l’infirmier. Si on devenait méchants, ils fermeraient la porte et vous laisseraient quatre heures à l’intérieur. Ça a toujours une logique. » Entretien 06

« Pour moi, c’était une punition, alors que je n’avais rien fait. C’était de l’injustice totale. Le psychiatre voulait me garder. Moi, j’ai refusé. En fait, il n’a pas aimé mon refus. Il aurait voulu que je coopère avec lui, de mon plein gré. » Entretien 18

3.2.2.1.6. Thématique d’abandon – rejet :

Neuf patients ont évoqué le sentiment d’être rejeté, abandonné, délaissé par l’équipe soignante au cours de la contention physique.

« Je me suis senti seul au monde. Je me suis senti comme si j’étais rejeté. Je me suis senti seul et abandonné. Rejeté par tout. Rejeté par la société. Rejeté par toutes les personnes qui m’avaient contentionné. » Entretien 15

« Ils vous attachent et, après, ils partent. Ils vous laissent tout seul. Ils vous laissent avec vous-même. Vous, vous ne savez pas s’ils vont revenir, s’ils vont vous oublier. » Entretien 18

« Quand j’appelais, personne ne répondait. Je me sentais seule au milieu de tout. Très seule. Enormément seule. » Entretien 26

108 « Le silence. L’éternité. Jusqu’à ce qu’à un moment vous vous dites : « On m’a oublié. » »

Entretien 16

3.2.2.1.7. Thématique de violence – jouissance :

Sept patients se sont plaints d’être victime de conduites violentes, verbalement ou physiquement, de la part des soignants. Les termes utilisés par les participants peuvent faire mention d’un plaisir de la part des soignants à user de violence.

« Il n’y avait que de la violence de leur part. Ils te dépossèdent de tes habits. Une fois que tu es en pyjama, ils te disent de t’allonger et ils sautent sur toi pour t’attacher. » Entretien 17 « J’avais l’impression qu’on s’acharnait sur moi. » Entretien 18

« Ils étaient trois pour me mettre des sangles. Ils ont tiré et tiré, chacun à chaque membre. Ils éprouvaient une certaine jouissance à le faire. […] Je les voyais avec un sentiment de contentement, un sourire de contentement. » Entretien 22

« Ils ont besoin de se défouler. Après, il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas ça mais je les vois sourire. […] Ils nous font mal au bras, ils nous tirent, ils nous poussent, ils nous bloquent, ils nous attachent et après, ils nous serrent fort, ils nous insultent : « Tiens, tu vas rester là pendant longtemps. Tiens, la piqûre. Tiens, cela. » C’est vrai qu’il y a de la violence et qu’on essaie vite de se venger au niveau des infirmiers. On essaie de les taper un peu. Parce qu’ils nous font la même chose. » Entretien 29

3.2.2.1.8. Perception de l’état du patient par les soignants :

Lors des entretiens, certains patients s’étonnaient du décalage entre ce que les soignants leur renvoyaient de leur état et ce qu’ils en percevaient eux-mêmes.

« Un peu de colère peut-être. Parce que je n’allais rien faire à l’infirmier. J’étais non-violent. Mais ils ne l’ont pas perçu. » Entretien 20

« Eux, voyant que j’avais arraché un bidule, étaient persuadés que j’étais gravement malade. Or, j’étais très lucide. » Entretien 02

109 « Je n’étais pas agité. Juste, j’ai pris mon sac, je commençais à marcher vers la sortie et j’ai vu que la porte était fermée, et voilà. Après, ils m’ont attaché parce qu’ils ont eu peur de je ne sais pas quoi. Je ne sais pas de quoi ils ont eu peur. » Entretien 18

« C’est beaucoup de souffrance d’être attaché, ne pas pouvoir bouger. On a soif. On ne peut pas lutter. On crie. On hurle. On nous prend pour des fous parce qu’on gueule mais, en fait, on est attaché. » Entretien 29

3.2.2.1.9. Perception des soins de contention par le soignant :

Certains patients se mettent au cours des entretiens à la place des soignants et tentent de se représenter comment ceux-ci considèrent l’utilisation de la contention. Les thèmes qui reviennent le plus fréquemment sont la difficulté des soignants à user de la contention, l’absence d’autres solutions à leur portée, une volonté de protection du patient.

« C’est une attaque, c’est vif pour le personnel. C’est souvent qu’ils souffrent plus que moi. »

Entretien 26

« C’est un métier qui n’est pas facile. Il y a des patients qui ne sont pas faciles. Si en plus, nous, on est agressif avec eux, ce n’est pas évident. » Entretien 24

« Il y avait des dames qui m’immobilisaient avec des messieurs. Ils n’étaient pas très heureux, ça se voyait. Ils n’aimaient pas faire ça. » Entretien 02

« Malheureusement, vous n’avez pas trouvé jusqu’à aujourd’hui un autre moyen de pallier à ça lorsque les patients sont trop agités. On ne peut pas faire autrement que de les attacher. »

Entretien 09

« Peut-être ont-ils peur qu’on se suicide. Ils ont peur qu’on se fasse des problèmes, qu’on se suicide à la suite de ça, comme on est dans un état second. » Entretien 01