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Perception du monde : perception des soins de contention :

3. Résultats de l’analyse thématique des entretiens :

3.2. Pendant la contention :

3.2.3. Perception du monde : perception des soins de contention :

3.2.3.1. Perception de l’indication des soins de contention :

Parmi les 29 participants de l’étude, sept patients ne perçoivent pas l’indication de la mise sous contention. Certains évoquent leur incompréhension à leur utilisation.

« A mon avis, ils voulaient dominer la situation. C’est compliqué pour eux car je n’étais pas agressive du tout, et je ne voulais pas être agressive avec eux. Je n’ai vraiment pas compris, encore aujourd’hui, pourquoi ils l’ont fait. Je me suis allongée et je me suis laissé attacher. […] Surtout que je ne suis pas quelqu’un d’agressif, je n’ai pas compris. Si on me demandait encore aujourd’hui pourquoi ils ont fait ça, je ne saurais pas quoi dire. » Entretien 03

« En fait, c’est juste comme ça que j’ai été attaché au lit. C’était juste parce que je revenais des urgences. Je n’étais pas attaché aux urgences. Par contre, j’étais attaché à G. pour rien. »

Entretien 15

« Et puis un jour, c’était le soir, où je me disais : « Qu’est-ce que je fous là ? C’est Noël, qu’est-ce que je fais ici ? » Je frappe à la salle où il y avait une infirmière. Il était visiblement un peu

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tard. Et, visiblement, je la dérangeais. Elle était la vitre. Et puis, j’insiste. Il n’y a pas mal à ça quand même. Et là, qu’est-ce qui arrive ? En trombe. Il y a quatre à cinq hommes qui arrivent en trombe. Ils m’attrapent. Ils me saisissent. Et là, je me suis dit : « mais qu’est-ce que j’ai fait ? » » Entretien 16

D’autres participants déclarent ne pas avoir de souvenir de la situation.

« Je ne sais pas parce que je n’étais pas conscient. On peut dire que je n’étais pas conscient pendant trois mois. Je me suis levé une journée et je me suis retrouvé en isolement. Je ne sais pas où je suis. » Entretien 14

D’autres encore évoquent des motifs en décalage avec l’indication d’une telle mesure.

« Je n’arrivais pas à trouver le sommeil, donc ils m’ont attaché au lit pour, en quelque sorte, je puisse m’endormir. » Entretien 29

3.2.3.2. Perception de la justification des soins de contention :

21 des participants expriment la perception que l’utilisation de la contention n’était pas justifiée dans leur situation précise. Certains d’entre en eux mettent en lien cette perception avec un sentiment d’injustice.

« Ça a été la seule fois où on a été obligé de m’attacher durant mon parcours psychiatrique. C’était dû à une injustice. » Entretien 05

« Pour moi, c’était une punition alors que je n’avais rien fait. C’était de l’injustice totale. »

Entretien 18

Pour une patiente, l’utilisation de la contention est démesurée par rapport à sa situation.

« La petitesse de ce que j’ai fait, c’était complètement démesuré. » Entretien 22

Pour un autre patient, son état ne justifiait pas une telle mesure.

« Comment on peut laisser faire ça à des gens ? Je trouvais ça dur. Parce que je ne suis quand même pas si malade pour qu’ils me prennent comme ça. » Entretien 01

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Au contraire, pour six patients, l’utilisation de la contention était justifiée.

« Quelque part, ils ont fait ça pour me maintenir en vie » Entretien 21

« Encore aujourd’hui, si je devais retourner en contention, ça ne me dérangerait pas. Je sais que c’est pour mon bien » Entretien 06

« Moi, ça va. Je vois que c’est pour mon bien, que ce n’est pas pour mon mal. Si ça avait été pour mon mal, je me serais échappé. » Entretien 23

Cette justification pouvait résider dans une volonté de protection du patient.

« Mais je devais être attachée pour ne pas me faire mal ou faire mal aux autres. Ça, je le comprenais. » Entretien 26

Une patiente dit avoir pris conscience de la justification de la contention dans un second temps.

« Le lendemain, lorsqu’on en a reparlé avec les infirmiers, j’ai compris que c’était pour mon bien. » Entretien 09

Pour certains patients, la justification de la contention est en lien avec le fait de la mériter ou non.

« Pour un patient comme moi qui a tout fait pour avoir les contentions, c’est mérité. »

Entretien 06

« Je dirais avec le recul que si le mec a été contenu, c’est qu’il l’a cherché. » Entretien 09

3.2.3.3. Perception des indications de la contention d’ordre général :

Tandis que la majorité des participants considèrent que la contention n’a pas été justifiée dans leur situation, certains patients donnent leur opinion quant aux indications optimales de l’utilisation de cette mesure en psychiatrie.

Certains patients réservent cette mesure aux patients présentant une dangerosité, un risque agressif pour autrui.

« Il faut voir s’il y a une raison aussi. Si le mec a tué quelqu’un, on peut l’attacher. » Entretien 19

118 « Je ne le conçois que pour les gens dangereux. Les autres personnes ne devraient pas avoir de contention. » Entretien 03

« Face à une personne qui peut être dangereuse, et qui présente des signes d’agitation extrême, voire de menace, bien évidemment la contention s’impose. » Entretien 02

Pour d’autres patients, il s’agit de l’état d’agitation du patient qui détermine l’indication.

« Il faut le faire en cas d’extrême agitation. Quand le patient est vraiment agité, c’est en dernier recours. » Entretien 21

« C’est une sorte de solution pour certaines personnes. Les personnes qui sont vraiment agitées. » Entretien 18

L’indication peut être également le risque de passage à l’acte auto-agressif.

« Mais une personne qui se fait du mal, elle s’est coupée avec un rasoir et a voulu se tuer, il faut l’attacher. Les contentions, c’est une sorte de solution. » Entretien 18

Pour une patiente, le motif de la contention doit être la sanction.

« Il faut quand même que ce soit une sanction. Il faut quand même que l’on vous sanctionne pour ce que vous avez fait. » Entretien 22

3.2.3.4. Réflexion autour de la légitimité de l’utilisation de la contention :

Certains patients posent la question de la place de la contention dans le soin, de la légitimité de son utilisation.

« Ce n’est pas juste attacher les gens. C’est les priver de leur liberté totale. » Entretien 15 « Ils nous amènent en chambre d’isolement, ils nous enferment, ils nous attachent, ils nous mettent des piqûres. C’est injuste. Ils n’ont pas le droit de faire ça. […] J’ai été contenu aux urgences et ça mérite de porter plainte. » Entretien 29

« Je me disais, c’est impossible de laisser quelqu’un dans cet état-là. Je trouvais que c’était de la torture. Comment peut-on laisser faire ça à des gens ? » Entretien 01

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3.2.3.5. Perception du traitement médicamenteux lors de la contention :

Le traitement médicamenteux est un sujet fréquemment rapporté par les participants, et cela de manière spontanée car cette question n’était pas évoquée dans les différents axes de l’entretien semi-structuré.

Onze patients rapportent un vécu négatif du traitement médicamenteux. Cela peut être en lien avec l’effet sédatif mal supporté, avec les effets indésirables.

« Ils m’ont attaché et m’ont shooté une fois toutes les six heures. Je me rappelle de ces quarante-huit heures comme dans un brouillard. […] On aurait simplement pu arrêter de me shooter avec des produits qui produisent des effets indésirables indescriptibles, tellement c’est douloureux pour l’âme et le psychisme. » Entretien 05

« Parce que le traitement, ça fait aussi mal. On est très, très fatigué. Plus de force. On a l’impression, une fois qu’on a pris les gouttes, qu’on est à la fin de notre vie, qu’on va mourir, qu’on a un cancer de quelque chose. » Entretien 18

« Ils m’ont fait une piqûre. Et là, j’ai vu ma tête s’arrêter. Et comme si j’étais une pierre. Mon corps qui se figeait et je me sentais partir, mourir. » Entretien 29

Le vécu négatif peut être en lien avec l’acte de l’injection en lui-même.

« On m’a piqué. On m’a donné une piqûre alors que je n’en voulais pas. Pour moi, c’était comme un viol. Je l’ai ressenti comme si c’était un viol. » Entretien 07

Trois patients évoquent un vécu positif du traitement médicamenteux lors de la contention.

« Ils ont eu l’intelligence de me faire immédiatement la piqûre. Vous la connaissez comme moi. Cette piqûre, bien évidemment, m’a fait dormir et je me suis réveillé à l’hôpital V. dans d’excellentes conditions. […] On m’a détaché juste après la piqûre. » Entretien 02

« Si on met un traitement quand on est contentionné, c’est pour supporter d’être attaché. […] C’est pour le bien de la personne si on lui donne des cachets, la contention. Pour que ça passe plus vite. Et plus ça passe vite et mieux c’est. » Entretien 18

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3.2.3.6. Perception du matériel de contention :

La thématique du matériel de contention est un sujet largement abordé lors des entretiens, 20 patients en font mention.

Certains participants donnent leur avis sur les sangles et le système de fermeture des contentions. Six patients se plaignent des liens trop serrés.

« Pour la contention en elle-même, le plus dur est le serrage. Ils n’ont pas l’impression de serrer. » Entretien 06

« Ils ont serré énormément. C’était très douloureux d’avoir été sanglée, avec des liens qui sont quand même très épais et très larges. » Entretien 22

« On m’a mis sur un lit avec une sangle sur la poitrine […]. La sangle était trop serrée. Je commençais à être étouffé. » Entretien 02

Certains patients s’étonnent d’avoir pu se libérer eux-mêmes des liens, et même d’être parvenu à fuguer.

« Je voulais aller aux toilettes. Je me suis détaché une main et j’ai fait pipi à côté. »

Entretien 04

« Je me suis jouée des sangles et je les ai ouvertes régulièrement, l’une après l’autre. Il y avait trois sortes de sangle différentes et je les ai ouvertes. C’était un plaisir. Une espèce de vengeance énorme. » Entretien 22

« Vu que j’ai fugué dans la nuit, j’ai pu me détacher tout seul de ce que j’étais attaché. Je n’étais attaché que d’un bras et d’un pied. En diagonal. » Entretien 20

Un patient se plaint du système de fermeture qui pose des difficultés à l’équipe soignante puisque lent à mettre en place.

« Les soignants, on ne s’en occupe pas trop. Eux qui n’ont pas de colère envers moi, qui ne me connaissent même pas, c’est un calvaire. C’est plutôt de ce côté qu’il faudrait voir. On peut créer des matériaux plus adaptés pour les infirmiers, pour que ça aille très vite. » Entretien 06

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Certains patients apprécient d’être libérés d’une ou plusieurs sangles afin de gagner de l’autonomie.

« La nuit, ils m’ont enlevé une main. Ça permet de faire pipi dans l’objet. » Entretien 01 « Au bout de trois heures, ils sont venus m’enlever une main pour que je puisse fumer. »

Entretien 06

« Au bout d’un moment, ils m’avaient juste attaché le pied droit et la main gauche. J’étais libre. Je pouvais au moins bouger quelques membres. » Entretien 08

« Après, ils nous détachaient quand même. Pour qu’on puisse se doucher […]. Ils nous détachaient pour aller aux toilettes. » Entretien 13

Pour quelques-uns des participants, certains objets élémentaires pouvaient manquer dans la chambre. Cela peut concerner les besoins élémentaires.

« C’est assez dur de manger dans ces conditions. On fait ce qu’on peut avec une fourchette. Parce que, évidemment, quand on est contentionné, c’est pour une situation de violence particulière, donc il y aura pendant le repas des outils qu’il n’y aura pas. Il y aura la fourchette en plastique, des choses comme ça. Et ce n’est pas évident de manger avec une seule main. »

Entretien 25

« Je n’avais pas d’eau, pas à manger. Oui, c’est difficile. Et toute une nuit dans le noir sans manger et sans boire. J’étais laissée comme un vagabond dans le caniveau. » Entretien 22 « A la fin, les infirmiers ne m’avaient pas mis le truc pour pisser. L’urinoir. Je me suis pissé dessus. Je suis resté presque trois heures dans ma pisse. » Entretien 08

D’autres se plaignent de l’absence de sonnette et de l’impossibilité d’alerter les soignants.

« Je n’ai appelé personne car je n’avais pas de sonnette. J’étais obligé de gueuler : « s’il vous plait ! S’il vous plait ! Je suffoque ! » Parce que je croyais que je suffoquais. » Entretien 08 « Quand on est sanglé, ce qui serait sympa, c’est d’avoir la possibilité d’une sonnette. Ça, ce n’est pas possible non plus. Quand on veut aller aux toilettes par exemple, ou des choses comme ça. Quand on a des problèmes pulmonaires. Moi, j’étais assez inquiète parce que je respirais mal et je ne sais pas ce qu’il pouvait m’arriver, puisque personne ne venait me voir, et que je ne pouvais pas sonner. » Entretien 22

122 Pendant la contention Perception de soi-même Perception du monde Relations