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Représentations sociales comme objet de recherche : interface entre l’individu et le collectif 21

Chapitre 1 Représentations des conceptions incas et espagnoles du monde lors de leur

1.1. Définition du phénomène et son approche méthodologique 13


1.1.4. Représentations sociales comme objet de recherche : interface entre l’individu et le collectif 21

En fait, dans le contexte du présent mémoire, l’étude d’un phénomène civilisationnelle comme les conceptions du monde trouve son objet dans les expressions et de productions individuelles qui donnent les moyens concrets d’accéder aux conceptions du monde comme entités abstraites. Or, Jodelet (1997) explique que l’étude des représentations sociales donne accès à ce qui régit la relation, tant collective qu’individuelle, au monde et aux Autres et ce qui oriente et organise la conduite et la communication sociales des individus (Jodelet 1997, 53). Pour elle, les représentations sociales serviraient d’interface entre l’individu et les collectivités, entre la psychologie et la sociologie :

[L]a notion de représentation sociale présente comme les phénomènes qu’elle permet d’aborder une certaine complexité dans sa définition et dans son traitement. « Sa position mixte au carrefour d’une série de concepts sociologiques et de concepts psychologiques » (Moscovici, 1976, p.39) nécessite qu’elle soit mise en rapport avec des processus relevant d’une dynamique sociale et d’une dynamique psychique et que soit développé un système théorique lui-même complexe (Jodelet 1997, 58).

D’ailleurs, la figure 2 de la page suivante présente le tableau de Jodelet où elle synthétise le système théorique complexe nécessaire à l’approche du champ d’études des représentations sociales. La figure centrale doit se lire dans deux sens.

D’abord, selon l’axe vertical (Forme de savoir – représentation – pratique), un individu fait appel à des formes variées de savoir, issus de différentes collectivités, pour guider sa pratique. Ainsi, l’axe vertical fait le pont entre un bagage collectif (les savoirs) et une pratique qui relève également d’une compréhension de l’individu (modélisation) et des motivations individuelles (compromis psycho-social). L’axe horizontal (sujet – représentation – objet) illustre quant à lui que le sujet, dans sa localisation épistémique, psychologique, sociale et collective, construit et exprime des représentations de la réalité qui relèvent à la fois de l’interprétation des réalités humaines sociales, idéelles ou

matérielles qui lui sont extérieures et d’une construction symbolique de ces réalités. Finalement, la modélisation ouvre sur la triangulation de la construction et l’expression de l’expérience individuelle avec les savoirs sociaux, la réalité et les pratiques autorisées.

Figure 2 : « L'espace d'étude des représentations sociales » selon Jodelet

(Jodelet 1997, 60).

À partir de cette modélisation de Jodelet, il est impossible de prendre en compte la relation au monde sans considérer l’individu, mais cette relation est par ailleurs toujours liée aux conditions collectives de production et de circulation des RS (partie de gauche4 du tableau). Cependant, sa définition des dimensions collectives me semble ne pas traduire le même niveau de complexité que celui que je tente de comprendre. Peut-on dire que la culture d’un groupe se résume à des valeurs, à des modèles et à des invariants?

4 Dans le présent travail, je n’aborde pas le statut épistémologique des représentations sociales de Jodelet, soit la partie de droite du tableau qui porte sur la valeur de vérité et de réalité des représentations sociales, qui ne sera abordée que dans la mesure où il en sera question dans le matériau retenu puisque je ne maîtrise pas suffisamment les répercussions de ces choix épistémologiques. L’auteur dont j’analyse le discours affirme ses représentations sociales comme réalité et vérité et juge la capacité ou non des Autres à la concevoir, donc évidemment il sera question de ce sujet, mais je ne suis pas arrivée, dans ce travail, à me situer moi-même quant à la nature de la société, la nature de l’individu, d’où mon incapacité à retenir une théorie ou une autre.

Il me semble que la définition des conceptions du monde par Ikengah-Métuh ouvre sur davantage de dimensions possibles à observer lorsque l’on cherche à comprendre sa civilisation et celle d’une autre famille de culture (Mauss). Par contre, la définition de société de Jodelet va plus loin que ce que Mauss, Ikengah-Metuh et Watzlawick m’ont permis d’entrevoir, en faisant le pont avec les messages véhiculés dans le discours d’un auteur comme Sarmiento5.

En effet, les représentations sociales me semblent un objet d’étude privilégié si je cherche à comprendre des conceptions du monde (mythes, croyances, savoirs, codes symboliques et institutions : Ikenga-Metuh) que des individus d’une diversité de cultures partagent (forme de civilisation : Mauss) entre eux en fonction de certaines continuités et transformations (Watzlawick) du savoir et de l’expérience accumulés par ce qu’ils considèrent être leurs ancêtres d’autres époques (couches civilisationnelles : Mauss). La figure 3 suivante présente le réseau notionnel qui guide l’observation et l’analyse de l’objet de recherche dans ce mémoire.

Figure 3 : Modélisation du réseau notionnel retenu

5 En fait, le discours de Sarmiento m’a permis d’observer une série de dimensions sociales (structure et fonctions des institutions, réseaux sociaux, etc.), mais faute d’espace et de temps pour explorer plus à fond une définition de la société, ces aspects sont restés en dehors du mémoire. Mais le concept de société et une théorie permettant d’aborder la complexité des niveaux de réalité qui y participent me restent encore à identifier.

Ce réseau explicite ma représentation de la réalité, suite à différents choix notionnels, et le langage que j’utilise pour en parler. Il importe d’expliciter ce bagage pour le mettre en dialogue avec les représentations de la réalité et le langage de l’auteur retenu pour l’observation et l’analyse de mon objet de recherche.

Les représentations sociales sont donc comprises, dans l’opérationnalisation de cette recherche, comme une interface entre l’individu et les phénomènes de civilisations que sont les conceptions du monde, telles que définies jusqu’ici. Par exemple, en Occident, les savoirs grecs, les pratiques romaines ou les croyances religieuses comme le christianisme continuent à faire partie des mythes, savoirs et récits historiques qui fondent notre rapport au monde. Ce « déjà-là » pensé (Jodelet 1997, 73) varie d’une civilisation à l’autre, ainsi qu’entre les groupes qui forment les civilisations. En outre, Jodelet souligne que des modifications ou des nouveautés dans les représentations sociales, si elles sont efficaces pour maîtriser l’environnement, peuvent devenir un ancrage pour les références dans le futur (Jodelet 1997, 73). En ce sens, le discours individuel est révélateur du système plus général auquel il est nécessairement rattaché. Reste à savoir comment comprendre le rattachement des représentations d’un individu au système collectif duquel il fait partie.

Pour Vergès, les représentations sont une forme sociale de connaissance et un savoir partagé, par conséquent un champ de signification sociale qui peut être abordé, au moins en partie, par l’observation du discours que les acteurs sociaux « bricolent » à partir de quatre dimensions principales (Vergès 1997, 410-411).

Nous proposons donc l’existence d’une production sociale des représentations par quatre lieux relativement autonomes : la place socio économique des acteurs [leur localisation sociale], leur pratique [leur expérience], l’instance idéologique comme organisation des significations par des rapports sociaux [entre groupes sociaux précis], et la mémoire collective propre à chaque groupe ou classe sociale. De ces quatre lieux la société génère un « discours circulant ». Les acteurs sociaux, eux, vont bricoler les éléments de ce discours (Vergès 1997, 413).

L’analyse de discours semble donc une méthode appropriée pour l’étude des représentations d’un individu quant aux conceptions du monde des civilisations andines et occidentales.

1.1.5. Analyse de discours comme méthode : fondements et limites de

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