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Les représentations sociales un champ d’analyse du leadership politique féminin

PARTIE I : LES CONSTRUCTIONS CONCEPTUELLES ET THEORIQUES

Chapitre 4 : Les variables explicatives des représentations du leadership politique

1. Les représentations sociales un champ d’analyse du leadership politique féminin

Introduction

Les démarches visant à favoriser une plus grande présence des femmes à des positions de pouvoir en politique sont soumises à des contraintes non seulement conjoncturelles, mais aussi culturelles et sociales. Si les contraintes conjoncturelles peuvent être plus ou moins facilement identifiées (les textes, conventions, règlements et lois), les contraintes culturelles et sociales quant à elles sont plus implicites. Pourtant, ces dernières sont profondément enracinées dans la société et dans les structures mentales. Elles nous intéressent particulièrement dans ce chapitre où croyances, stéréotypes de genre et représentations en rapport avec le leadership politique féminin seront abordés comme facteurs de compréhension et d’explication des comportements ou des intentions de comportements électorales. Et pour mieux cerner les intentions de vote en faveur du leadership politique féminin, nous nous intéresserons aux attitudes, aux normes subjectives et au contrôle perçu en lien avec le choix d’une femme à une position de leader en politique. Le lien entre nos différentes variables va nous permettre de mettre en rapport deux principales approches théoriques à savoir les représentations sociales (Abric, 1984 ; Moliner, 1996) et la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1985, 1991, 2002). Le rapprochement que nous tenterons de faire entre ces deux approches théoriques dans l’explication des intentions du comportement électoral des français et camerounais débouchera sur la problématique générale de cette thèse ainsi que sur les différentes hypothèses de recherches.

1. Les représentations sociales un champ d’analyse du leadership politique féminin.

Il est difficile de définir les représentations sociales tant ce concept revêt de nombreuses définitions en fonction de l’épistémè dans laquelle il s’intègre (Doutre, 2007). Tantôt utilisé au singulier, tantôt utilisé au pluriel, la notion de représentations sociales est utilisée par des champs disciplinaires multiples et traitée selon des méthodologies diverses. Ainsi, « il n’est pas étonnant que les définitions de la représentation sociale changent suivant les auteurs et les

59 contextes […], elles sont elles-mêmes des représentations du concept, et elles doivent être reformulées pour fonctionner dans le schéma du discours qui l’utilise » (Lahlou, 1998, p.19). Rappelons que c’est Moscovici qui, en 1961 a le premier fait allusion à la notion de représentations sociales. Cet auteur définissait alors les représentations sociales comme :

« des systèmes qui ont une logique et un langage particuliers, une structure d’implications qui portent autant sur des valeurs que sur des concepts. Un style de discours qui leur est propre. Nous ne les considérons pas comme des opinions sur, ou des images de, mais comme des théories, des sciences collectives sui generis, destinées à l’interprétation et au façonnement du réel » (Moscovici, 1961, p. 48). Etudier les représentations sociales revient à étudier un système d’interprétation de la réalité, le « sens commun » en quelque sorte, c’est-à-dire la façon dont les individus se représentent quelque chose, quelqu’un, un évènement ou une idée. Cette connaissance socialement élaborée et partagée, permet au sujet, de construire une réalité qu’il partagera avec les autres (Jodelet, 1989). La formation des représentations sociales obéit à une démarche qui consiste pour le sujet dans un premier temps à sélectionner des informations qui ont pour lui une forte signification. C’est « le processus d’objectivation » (Moscovici, 1961). Dans un second temps, les informations sélectionnées par le sujet vont être transformées pour être intégrer dans un système de pensées préexistant et inhérent à son groupe d’appartenance. C’est « le

processus d’ancrage », qui permet selon Doise & Palmonari, (1986, p.22) « d’incorporer

quelque chose qui ne nous est pas familier ». Ainsi constituées, les représentations sociales vont permettre au sujet d’appréhender la réalité sociale environnante. Plusieurs démarches théoriques élaborées par les chercheurs vont permettre de mieux cerner comment l’objet de la représentation est intégré dans la réalité sociale de l’individu.

1.1. Le modèle structural et la théorie du Noyau central (Abric, 1994, Guimelli, 1994).

Le modèle structural décrit la structure et l’organisation d’une représentation mais aussi ses modalités de transformation. Il apporte des éléments de compréhension importants, quant à l’organisation interne des représentations sociales. Selon cette approche, toute représentation comporte deux sphères distinctes, celle de « la centralité » (le noyau central) qui définit et construit l’objet de représentation, et celle de « la périphérie » qui sert à ajuster la représentation aux situations quotidiennes complexes (Doutre, 2009). Le noyau central représente l’élément stable et essentiel à l’existence de la représentation. C’est lui qui en détermine la signification et l’organisation. Le système périphérique quant à lui permet

60 l’adaptation de la représentation aux évolutions du contexte et aux caractéristiques propres de l’individu. Dans l’opérationnalisation du concept de représentation du leadership politique féminin, nous nous intéressons particulièrement à la centralité des éléments qui pour nos participants traduisent leur représentation du leadership politique féminin.

1.2. Le modèle des principes organisateurs (Doise, Clémence & Lorenzi-Cioldi, 1992).

Le modèle des principes organisateurs aborde les représentations sociales comme de véritables « principes organisateurs » qui se chargent de réguler les rapports symboliques et rendent compte des variations entre individus. En d’autres termes, les représentations sociales permettent à l’individu de prendre position dans les rapports sociaux (Doise, 1986). Plus que des opinions consensuelles, les représentations sociales sont de véritables prises de positions, même si des repères communs peuvent être utilisés (Simonnet-Toussaint, Lecigne & Keller, 2005).

1.3. Le modèle bidimensionnel des représentations sociales (Moliner, 1995).

Ce modèle montre l’intérêt heuristique d’une association de l’étude de la dimension structurale à celle de la dimension évaluative, reflétant le comportement des sujets envers l’objet de la représentation. Ce modèle selon Doutre (2009) a démontré que certains éléments (des cognitions) composant les représentations sont investis d’une valeur qu’ils soient centraux ou périphériques. La représentation sociale va alors se composée des cognitions consensuelles (approche du noyau central) pas ou peu connotées qui définissent l’objet de la représentation sociale. Elle se composera aussi du champ des normes (approche des principes organisateurs) qui connote fortement les éléments selon une logique évaluative fondée sur des valeurs sociales (Moliner, 1996). La représentation selon ce modèle se compose aussi d’un système périphérique organisé en deux champs. Il s’agit du champ :

« des descriptions (issu de la théorie du noyau) qui permet de comprendre les situations quotidiennes, et celui des attentes (issu de la théorie des principes organisateurs), désirs ou craintes du groupe social à l’égard de l’objet. Ce dernier champ autorise l’expression évaluative individuelle mais dépend du champ central des normes et en actualiserait les valeurs » (Doutre, 2009, p. 85).

61 L’approche du modèle bidimensionnel semble particulièrement cadrée avec l’orientation théorique que nous donnons à nos différentes études dans le cadre de ce travail. En effet, la configuration particulière du modèle bidimensionnel peut permettre de mieux appréhender le rôle des cognitions qui influencent les représentations et nous aider à identifier les pratiques en lien avec les prises de positions de nos participants. L’idée ici est d’arrivé à cerner les intentions de vote de nos participants en faveur du leadership politique féminin à travers l’étude de leurs représentations. Il est notamment question de voir comment à travers les attitudes, les stéréotypes de genre, les normes subjectives et l’adhésion aux croyances et valeurs culturelles, il est possible d’apporter des éclairages en lien avec les pratiques.