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PARTIE I : LES CONSTRUCTIONS CONCEPTUELLES ET THEORIQUES

Chapitre 3 : Sexe, genre et culture

4. Les croyances et valeurs culturelles

Par le biais d’une enquête menée par l’entreprise américaine IBM spécialisée dans les technologies et le conseil, Hofstede (2001) va réunir une importante quantité de données sur les valeurs culturelles de plusieurs pays du monde. Les items de son échelle ont permis d’évaluer cinq dimensions de valeurs culturelles :

1- Dimension Distance au pouvoir hiérarchique (PDI) : Cette dimension mesure le ressenti des gens par rapport au niveau de distribution du pouvoir dans une culture donnée.

2- Dimension Individualisme / Collectivisme (IDV) : Cette dimension désigne le degré auquel les individus sont intégrés aux groupes. Elle porte sur le degré avec lequel une société reconnait les accomplissements collectifs ou individuels.

3- Dimension Masculinité / Féminité (MAI) : cette dimension mesure le niveau d’importance qu’une culture accorde aux valeurs stéréotypées masculines telles que l’agressivité, l’autoritarisme, la compétition et le matérialisme, ainsi qu’aux valeurs stéréotypées féminines telles que la construction des relations humaines.

4- Dimension Contrôle de l’incertitude (UAI) : Cette dimension évalue ici la tolérance d’une société pour l’incertitude et l’ambiguïté. Elle mesure la façon dont une société gère les situations inconnues, les évènements inattendus et l’anxiété face au changement.

55 l’horizon temporel d’une société. Les cultures orientées court terme donnent de la valeur aux méthodes traditionnelles, elles perçoivent le temps comme circulaire. Les cultures orientées long terme quant à elles, perçoivent le temps comme linéaire et regarde le futur plutôt que le présent ou le passé. Une telle société vise des objectifs et donne de la valeur aux récompenses.

Les travaux de Hofstede ont permis de mettre en évidence des dimensions culturelles étudiées comme points de divergences entre cultures nationales. Cependant, Bien que considérée comme révolutionnaire, l’échelle de Hofstede a essuyé de multiples critiques. En effet, les participants qui ont servi à la conception de la version originale de l’échelle étaient tous salariés d’une seule multinationale (Smith, 2002). De plus, l’auteur conçoit la culture nationale comme étant une entité historiquement déterminée, homogène et stable ; ce qui pour Cray et Mallory (1998) est vague, contradictoire et sans fondement théorique de base. D’autres auteurs trouvent que Hofstede ne mesure pas la culture en soi, mais plutôt les perceptions que les salariés d’une entreprise ont des valeurs et des comportements (Bartholomew & Adler, 1996; Roberts & Boyacigillier, 1984).

Pour sa part, Schwartz (1999) suggère trois préoccupations que toute société doit régler en vue d’assurer sa survie : 1) le lien entre l’individu et le groupe ; 2) les comportements recommandés pour la préservation du modèle social ; 3) le lien entre l’individu, la nature et la société. D’après Schwartz, face à chacune de ces préoccupations, chaque société développe des réactions spécifiques qui fondent son modèle culturel. Ces réactions spécifiques sont de trois ordres, réparties en 3 dimensions bipolaires à savoir : « ancrage ou fusion / autonomie intellectuelle et affective » ; « égalitarisme / hiérarchie» ; « harmonie / maîtrise ». Ainsi, certaines sociétés vont favoriser l’autonomie intellectuelle et/ou affective comme lien idéal entre l’individu et le groupe tandis que d’autres vont privilégier l’ancrage ou fusion de l’individu dans le groupe. S’agissant de la préservation du modèle social, certaines sociétés vont privilégier l’égalité entre tous ses membres tandis que d’autres seront favorables pour un ordre social hiérarchisé. Enfin, certaines sociétés vont favoriser l’harmonie avec la nature tandis que d’autres auront tendance à la transformer en vue de la maîtriser. Pour Schwartz (1999), mesurer les valeurs culturelles revient à capturer ces caractéristiques prédominantes dans une société à travers les trois dimensions bipolaires. La mesure originale des valeurs culturelles (Schwartz, 1992) repose sur ces 7 dimensions que l’auteur considère comme étant non orthogonales afin de se démarquer de Hofstede (1980).

56 Reynolds, Quevillon, Boyd et Mackey (2006) proposent une mesure des croyances et valeurs culturelles américaines, susceptible d’évaluer le rapport individuel aux pratiques culturelles. A partir des entretiens avec plusieurs personnes ressources et pratiquantes des us et coutumes des tribus indiennes, Reynolds et ses collaborateurs constituent un ensemble de 12 valeurs, croyances ou pratiques culturelles des peuples Dakota/Nakota/Lakota. Ces valeurs, croyances ou pratiques culturelles se réfèrent à l’identification et au sentiment d’appartenance à la communauté, la connaissance de l’héritage culturelle, la connaissance de la langue, l’appropriation des rituels spirituels et des pratiques coutumières. L’échelle de Reynolds et al. (2006), présente l’avantage d’évaluer le rapport individuel aux pratiques culturelles du groupe d’appartenance, en dépassant le seul fait d’appartenir à un groupe comme critère d’identification à la culture de ce groupe. Ces différentes approches de la culture et particulièrement celle de Reynolds (2006) peuvent être de sources d’inspiration pour voir l’impact des représentations culturelles parfois transmises de générations en générations, sur les comportements des individus vis-à-vis d’un objet social comme le leadership politique féminin.

Conclusion

Le chapitre qui s’achève, nous a permis de voir que la participation des femmes à la vie publique et politique a été le fruit d’une longue marche des mouvements féministes qui se sont battus pour déconstruire le sexe comme une donnée naturelle et proposer le genre comme sexe social. Cette déconstruction a permis de nourrir une grande réflexion des chercheurs sur les rapports sociaux de sexe notamment en lien avec les relations asymétriques entre hommes et femmes. Il y a non seulement une différence entre les hommes et les femmes, mais aussi une hiérarchisation. Cette hiérarchisation découle d’une catégorisation sociale qui se traduit par une sorte de domination des hommes sur les femmes. Les dominants sont perçus comme des individus alors que les dominés sont perçus comme membre d’un groupe. La sphère publique va également porter les marques de cette catégorisation, notamment à travers le travail salarié qui a été un facteur important d’ouverture des femmes à la sphère publique. La division sexuée du travail permet de voir que les hommes sont assignés à la sphère productive alors que les femmes sont liées à la sphère familiale, car le travail domestique reste typiquement féminin. Le travail de « plein air » semble en effet offrir un certain prestige et un pouvoir que la sphère privé n’apporte pas. La politique par exemple, reste encore un domaine presque exclusivement masculin où existe de nombreuses discriminations, institutionnalisées

57 ou de fait, entre hommes et femmes. Ces discriminations trouvent une partie importante de leurs explications dans les contextes culturels qui les portent. Les approches théoriques développées par Hofstede (1980), Schwartz (1992) et Reynolds et al. (2006) sont dans ce sens de très bons indicateurs d’explication des comportements en vigueur. En effet, l’émergence de la problématique de l’égalité entre les sexes dans les prises des décisions collectives bouscule aujourd’hui avec une grande acuité les croyances, les attitudes et stéréotypes des camerounais et français. Les représentations liées au leadership politique féminin vont être imprégnées de ces positions sociales de l’homme et de la femme et orienter les conduites.

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Chapitre 4 : Les variables explicatives des représentations du leadership