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Les rendements ex post des obligations émergentes Nous l’avons précédemment mentionné, l’une des raisons qui poussent les

Introduction du chapitre 1

Encadré 6. Les rendements ex post des obligations émergentes Nous l’avons précédemment mentionné, l’une des raisons qui poussent les

investisseurs à détenir des obligations au titre de la dette publique émergente est le gain supérieur qu’elles procurent.

Or, Klingen & al. (2004) estiment que les rendements des obligations souveraines émergentes sont en moyenne de 9% par an, sur la période 1970-2000, soit les mêmes que les obligations émises par le Trésor américain, qualifiées sans risques. Par conséquent, les investisseurs n’ont pas plus gagné sur le marché de la dette publique émergente que s’ils avaient choisi le marché de la dette souveraine américaine.

La non performance des obligations émergentes s’explique par l’impact négatif de la crise de la dette des années 1980 sur les rendements. Depuis 1989, les rendements se sont accrus, compensant de justesse les mauvais résultats de la période antérieure.

Afin d’obtenir une analyse plus fine, les auteurs décomposent la période globale en deux sous-périodes : 1970 – 1989 et 1989 – 2000. La dernière sous-période fait elle-même l’objet d’une division : 1989 – 1994 et 1994 – 2000. La césure en 1989 correspond au point culminant de la crise de la dette, celle de 1994 marque le début de l’ère des gros renflouements.

Les résultats sont les suivants :

 sur la période 1970 – 2000, les rendements sont de 9% par an, en moyenne ;  le marché de la dette émergente est moins volatil que celui de l’equity, mais

plus que celui des obligations à rendements élevés (high yield bonds) ;

 le marché de la dette émergente ne semble pas corrélé au marché mondial et/ou américain des actions ;

 sur la période 1970 – 1989, les rendements ont été faibles. Ce résultat s’explique en partie par l’élévation des taux d’intérêt américains durant la décennie 1980, rendant les obligations américaines plus rentables que les émergentes ;

 sur la période 1989 – 2000, les rendements se sont accrus. Ce résultat s’explique en grande partie par la très bonne performance de la sous-période 1989 – 1994 et des pays non affectés par les crises de la fin du siècle dernier.

Les valorisations reflètent relativement bien la diversité des situations en période d’euphorie. Faria & al. (2006) montrent que les pays émergents qui attirent le plus de capitaux étrangers en provenance des pays avancés sont principalement ceux dont la qualité des institutions est jugée la plus saine et/ou avec un niveau élevé de capital humain. Leur étude porte sur deux périodes : 1870-1913 et la période présente. Ils rejoignent ainsi les conclusions d’Alfaro & al. (2005a, 2005b) et Wei (2005).

L’absence de dichotomie entre les pays émergents lors de l’occurrence de fragilités est à la fois issue et exacerbée par les agences de notations.

(ii) Le rôle des agences de notation

Le premier objectif des agences de notation est d’évaluer le risque de crédit associé à un actif émis par un Etat ou une entreprise36 (Afonso & al., 2007). L’information fournie doit participer à améliorer la transparence et ainsi octroyer une référence supplémentaire aux investisseurs lorsqu’ils décident d’acquérir ou de vendre leurs actifs. Les notes décernées par les agences de notation conditionnent donc l’accès des emprunteurs aux financements extérieurs (i.e. le coût), mais également la distribution des investissements, ainsi que la catégorie d’investisseurs à laquelle ils peuvent prétendre. Dès lors, les notations ne constituent pas seulement un sentiment.

Schématiquement, les agences de notation séparent les actifs en deux catégories : les actifs associés à un risque de crédit faible et les actifs associés à un risque de crédit élevé, le plus souvent appelés actifs spéculatifs. Sur l’ensemble des pays émergents, la moitié appartient à la seconde catégorie selon les agences de notation Moody’s, S&P et Fitch. Par conséquent, les

36 Nous préférerons le terme risque souverain lorsqu’il s’agit du risque crédit associé à un actif émis par un Etat.

émetteurs émergents de dette souveraine appartenant à la catégorie spéculative sont contraints de proposer des rendements supérieurs à la moyenne. Le rendement offert aux investisseurs doit plus que compenser la perception du risque des créanciers.

En séparant les actifs en deux classes, les agences de notation déterminent également la catégorie d’investisseurs à laquelle peuvent prétendre les pays émergents. Ainsi, un pays émergent appartenant à la catégorie spéculative ne peut obtenir des financements des investisseurs institutionnels internationaux. Or, parmi l’ensemble des investisseurs ce sont eux qui détiennent l’horizon temporel le plus long, donc qui peuvent nouer une relation pérenne avec l’emprunteur souverain. En effet, trois raisons expliquent la faible proportion de titres émergents dans le portefeuille des investisseurs institutionnels :

 la charte de certains investisseurs institutionnels leur interdit de détenir des titres ne bénéficiant pas de la qualité investissement. De ce fait, ils ne peuvent acquérir de titres dits spéculatifs et hésitent fortement à détenir des titres situés à la frontière, une simple dégradation les obligeant à vendre ces titres ;

 la nécessité d’acheter des titres à long terme, alors que le stock et l’émission de titres à court terme restent importants chez les pays émergents, bien que des efforts aient été faits pour allonger la maturité de la dette ;

 l’existence de réglementations qui limitent la détention de titres étrangers dans les portefeuilles et/ou qui obligent à investir une part minimum dans les titres domestiques.

Les agences de notation, en déterminant la classe d’actif à laquelle appartient un instrument de dette, participe également à l’établissement des actifs pouvant servir de collatéraux lors des opérations de refinancement des

Banques centrales. La Banque Centrale Européenne (BCE), en temps normal, n’acceptent que les obligations souveraines notées entre AAA et A- pour ses opérations de refinancement. La crise des subprimes a modifié momentanément le champ des possibles, la BCE accepte les titres notés au minimum BBB-, le système initial reprendra à partir de janvier 2011. Ainsi, les obligations souveraines grecques peuvent encore être acceptées comme collatérales. Si le système de départ était en place, ce ne pourrait être le cas, ce qui augmenterait un peu plus la défiance des investisseurs privés à l’égard de la Grèce.

La notation effectuée par les agences a un caractère procyclique. Bien souvent, elles n’anticipent pas, elles continuent de maintenir ou d’augmenter les notes, alors même qu’elles devraient procéder à un ajustement. Les dégradations ne se font que bien plus tard, quand le mal est déjà fait (crise asiatique de 1997, scandales financiers d’Enron et Wordcom au début des années 2000, crise du marché hypothécaire américain de 2007). Par conséquent elles accroissent la prise de risque dans un premier temps, et exacerbent la volatilité dans un second temps. La notation impacte les flux de capitaux. Elle peut être à la base d’entrées massives de capitaux et de sorties soudaines.

Plusieurs recommandations ont été faites dans le but d’améliorer le fonctionnement des agences de notation. Dans un premier temps adapter le rating à la complexité financière ; puis atténuer les conflits d’intérêt entre activité de notation et activités annexes, tels que l’estimation du risque de défaut, des taux de recouvrement et des matrices de transition ; enfin rééquilibrer le marché de la notation qui à l’heure actuelle est dominé par trois agences réalisant 90% du chiffre d’affaires de celui-ci (i.e. rendre le marché davantage concurrentiel). Il est également préconisé de renforcer le contenu ainsi que la portée du code de bonne conduite (Artus & al., 2008).