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L’expérience des comités de créanciers : l’exemple de la CFB Entre 1820 et les années 1870, les pays en situation de défaut négociaient avec

Introduction du chapitre 3

Encadré 11. L’expérience des comités de créanciers : l’exemple de la CFB Entre 1820 et les années 1870, les pays en situation de défaut négociaient avec

des comités de créanciers ad hoc. Les résultats étaient généralement assez médiocres pour les deux parties pour trois raisons (Suter, op. cit.; Eichengreen & Portes, 1986, 1989) :

 Le manque de spécialisation et d’expérience des négociateurs.  La faible coordination des créanciers.

 La compétition existante entre les différents comités.

Nous ajoutons à ces trois raisons, la durée excessivement longue des restructurations (quatorze ans en moyenne).

A partir de 1868 opère un changement avec la création de la British Corporation of Foreign Bondholders (CFB) qui avait pour mission principale de délivrer des informations sur les conditions des pays en défaut et de coordonner les créanciers.

« In case of arrangements of Foreign Loans, there are

generally some parties antagonistic to a settlement, and often either the negociating Governments or some Bondholders wish to enforce their own peculiar views or terms upon the Council, which may be the contrary to the general interest. » (1874 Report, p. 8)

Elle avait également le droit de contrôler l’accès des débiteurs souverains au marché londonien.

« It is duty of the Bondholders of England and the Continent to remain united in their policy … and to preserve a common action,

associent des rééchelonnements de dette, l’apport d’argent frais et parfois le maintien des lignes de crédits commerciales à court terme.

maintaining and promoting credit to the honest and inflicting penalties on dishonest governments. » (1873 Report, p. 43)

Le rôle joué par la CFB est à prendre en compte, notamment grâce aux accords obtenus avec la Turquie, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la Mexique, l’Argentine et le Brésil. Il faut cependant le relativiser. En effet, le nombre de pays en défaut, ainsi que les montants, déclinent fortement entre les années 1870 et le début du vingtième siècle. Or, c’est à cette période que la CFB connut son activité la plus forte. Nous constatons également que ses faiblesses et les succès des créanciers américains sur les petits pays d’Amérique latine et les Etats du Sud des Etats-Unis ont montré que les liens commerciaux et la politique internationale ont eu plus de poids que les actions de la CFB. Il faut rappeler que les créanciers américains, contrairement aux britanniques ne bénéficiaient pas à l’époque d’une structure protégeant leurs intérêts. Les succès des créanciers américains sur une partie de l’Amérique latine s’explique en partie par la proximité géographique et les liens commerciaux entretenus mais également par l’impact de la doctrine Monroe*.

La constitution de la CFB fut une réponse à la vague de défauts du dix-neuvième siècle, et le bénéfice de son existence a décliné avec la faiblesse du marché obligataire international au cours du vingtième siècle, ainsi que celle des investisseurs britanniques au profit des investisseurs américains. Aujourd’hui, l’importance du marché de la dette souveraine émergente associé à la récurrence des défauts et leur difficile résolution ont conduit à réhabiliter les intérêts procurés par les associations de créanciers.

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* Le Président américain républicain, James Monroe, prononça un discours le 2 décembre 1823 devant le Congrès qui fixa les grandes lignes droites de la diplomatie américaine au cours du dix-neuvième et début du vingtième siècle. Les principes définis ne prendront le nom de doctrine Monroe qu’à partir de 1854. Il ressort trois grands principes du discours du président américain.

 Les puissances européennes ne peuvent plus coloniser le continent américain.  Toute intervention d’une puissance européenne sur le continent américain est

considérée comme une manifestation inamicale à l’égard des Etats-Unis.

 Les américains, en retour, s’engagent à exclure toute intervention dans les affaires

européennes.

Source : d’après Mauro & Yafeh (2003)

Doit-on encourager la création d’une association de créanciers ? Comme le suggèrent Eichengreen et Portes (op. cit.), Portes (2000) pense qu’il en est de la responsabilité des institutions internationales et des pays avancés.

Si tel devait être le cas, quels en seraient les membres naturels ? Faudrait-il baser l’appartenance sur la nationalité des créanciers, la taFaudrait-ille des investisseurs, la place d’échange ou le type d’obligation ? Le juriste MacMillan (1995a, 1995b) opte pour la « résurrection » du Foreign Bondholders

Protective Council pour les détenteurs d’obligations émises sous la juridiction

new-yorkaise et la reconstitution de la CFB pour les porteurs d’obligation répondant à la juridiction britannique.

Aujourd’hui, la volonté d’une plus grande coordination des créanciers répond essentiellement au désir de limiter l’action des fonds vautours.

Ce type d’association serait-elle bénéfique aujourd’hui ? Quels sont les obstacles auxquels elle devrait faire face ?

Il était compliqué pour la CFB d’obtenir le consensus des créanciers, spécialement des groupes de porteurs de différents types d’actifs, cela le serait d’autant plus à l’heure actuelle. La coordination était facilitée par l’existence de collatéraux tangibles qui permettait la saisie. Aujourd’hui, il semble peu vraisemblable qu’une association de créanciers puisse administrer les revenus fiscaux d’un pays défaillant, sous peine de tomber dans l’ingérence la plus totale. La force de dissuasion la plus importante de la CFB était son pouvoir d’interdire l’accès des pays en défaut au marché international des capitaux, ce qui semble difficile à mettre en place actuellement, même si la réforme du FMI voulu par le G20 peut permettre, à nouveau, de réfléchir sur ce type d’option.

La question de la conditionnalité

A partir de 1996, puis de 2002, le secteur officiel reprend l’idée de généralisation des CAC dans les obligations de dette souveraine, mais les recommandations sont plus légères. Elles ne font pas mention de création d’un comité des créanciers, comme le préconisaient Eichengreen et Portes (op. cit.), ni d’obligation d’adopter les CAC, ni de les conditionner à l’assistance financière du FMI.

L’adoption des CAC dans les contrats obligataires pourrait devenir une condition explicite d’accès aux ressources du FMI (Geithner & al., 2002). Deux types de condition ont été formulés :

 Une condition forte : les ressources (ainsi que le déblocage des fonds) du FMI sont uniquement accessibles aux pays ayant inclus des CAC dans leurs obligations souveraines (Geithner & al., op. cit.).

 Une condition faible : les ressources du FMI sont accessibles à un taux préférentiel pour les pays ayant inclus des CAC dans leurs obligations souveraines (Taylor, 2002).

Cependant, il existe un inconvénient de taille à l’adoption de ces recommandations, tout comme pour le régime de préqualification proposé par la commission Meltzer (2000), l’existence de l’article V du FMI qui garantit un traitement de comparabilité égale entre les pays membres de l’organisation (Eichengreen, 2003).

Le choix des clauses d’actions collectives comme mode d’implication des investisseurs privés dans la gestion des crises de dette souveraine n’a pas suivi un processus linéaire. Dans un premier temps rejetées, elles ont finalement été acceptées par défaut de peur de voir naître le MRDS. Cependant, nous avons montré qu’elles possédaient intrinsèquement les qualités pour répondre aux difficultés associées aux procédures de restructuration, à savoir les problèmes d’action et de représentation collectives, pour peu que les Etats choisissent la version forte des CAC.