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Introduction du chapitre 4

1. Les Clauses d’Actions Collectives : une revue de la littérature économique

1.2. Une analyse en termes de coût d’emprunt

D’un point de vue théorique, le fait que les CAC produisent une garantie

ex ante devrait se traduire par une augmentation du coût d’emprunt des pays,

les investisseurs anticipant un défaut. Des études empiriques menées sur la question ont tenté d’apporter un éclairage sur cette question en évaluant le surcoût.

Petas & Rahman (1999) comparent les émissions d’obligations souveraines du Kazakhstan, des Philippines et de la Turquie, émises sous les lois britannique et new-yorkaise pour le second marché. Ils concluent à un impact non significatif de la loi de gouvernance sur la fixation du prix des obligations.

Tsatsaronis (1999) étudie l’impact de la loi de gouvernance sur les spreads des obligations souveraines à partir d’un échantillon de 263 obligations souveraines (dont 194 émises par les marchés émergents) pour le marché primaire. Les spreads des obligations émises sous la loi britannique enregistrent une prime de 40 points de base par rapport à celles émises sous la loi new-yorkaise. Cependant, les résultats ne sont pas uniformes, d’autres

variables sont plus à même d’expliquer l’accroissement des spreads, telles que la facilité d’échanger les obligations sur le marché américain (enregistrement auprès du Securities Exchange Commission, SEC).

Dixon & Wall (2000) comparent des titres avec des caractéristiques de liquidité et de maturité similaires émis par six pays émergents65, sous les lois de gouvernance britannique (présence de CAC) et new-yorkaise (présence de CAU). Selon leurs résultats, le choix de la loi de gouvernance n’a pas d’effet systématique sur les rendements des titres, de plus les différences qui peuvent être constatées sont assez minimes.

Eichengreen & Mody (1999, 2000, 2004) cherchent également à déterminer quel est l’impact de l’introduction des clauses d’actions collectives dans les obligations souveraines sur les coûts d’emprunt. Pour ce faire, ils se servent d’obligations souveraines émises sous la loi britannique (présence de CAC) et sous la loi new-yorkaise (présence de CAU).

 La première estimation porte sur un échantillon de 2619 obligations internationales publiques et privées66 émises entre 1991 et 1998 par les marchés émergents. Elle donne un coefficient non significatif pour la loi de gouvernance anglaise.

 La seconde estimation porte sur un échantillon de 2774 obligations internationales publiques et privées67 émises entre 1991 et 1999 par les marchés émergents. Les auteurs prennent également en compte le fait que le choix de la loi de gouvernance peut être endogène et qu’elle peut avoir un impact sur les coûts d’emprunt selon la

65 La Chine, la Hongrie, le Liban, les Philippines, la Pologne et la Turquie.

66 Sur les 2619 obligations, 1160 ont été émises sous la loi britannique (44%), 840 sous la loi new-yorkaise (32%), et 619 sous ou une autre loi de gouvernance (24%).

67 Sur les 2774 obligations, 1209 ont été émises sous la loi britannique (44%), 894 sous la loi new-yorkaise (32%), et 671 sous une autre loi de gouvernance (24%).

notation68 de l’émetteur. Dans ce cas particulier, les résultats sont statistiquement significatifs.

Le fait que le coût d’emprunt augmente fortement dépend de la solvabilité de l’émetteur69. Sur une échelle de 100, les émetteurs qui sont en dessous des 50 voient leur coût d’emprunt augmenter de 150 points de base contre 53 pour ceux qui sont au-dessus. Aux extrémités, les différences sont encore plus marquées : au-dessus des 70, leur coût d’emprunt s’accroît de 25 points de base, contre 390 en dessous de 25. Par conséquent, les marchés perçoivent un faible aléa moral pour les bons emprunteurs qui émettent des titres avec CAC, et vice versa. Les conclusions sont défavorables à la généralisation des CAC pour les mauvais emprunteurs.

Becker & al. (2003) proposent une étude portant sur la même relation, mais suivent une méthodologie différente (Cf. Encadré 12) ; ils utilisent notamment le marché secondaire, lequel présente trois avantages :

 en prenant un point particulier du temps, les auteurs suivent l’évolution de l’impact (ou non) d’une loi de gouvernance sur le coût d’emprunt depuis sa date d’émission ;

 a priori, les investisseurs et les émetteurs souverains ont commencé à se focaliser sur les clauses d’actions collectives récemment. Le marché secondaire permet de voir si les changements ont été pris en compte en prenant différents points du temps70 ;

 les auteurs y trouvent le moyen de régler le problème d’endogénéité du choix de la loi de gouvernance. Les biais existants lors de

68 Il s’agit de la notation de la dette souveraine libellée en devises.

69 La solvabilité de l’emprunteur est comprise entre 0 et 100.

70  L’échantillon s’arrête en 1999, par conséquent les retombées de la déclaration de Cologne ne sont peut-être pas totalement retransmises et les conséquences des dernières crises peuvent ne pas être prises en compte.

l’émission peuvent changer à travers le temps et devenir moins importants. Par exemple, si l’Etat souverain n’a enregistré aucun défaut de paiement.

Dans un premier temps, ils testent la relation pour le marché primaire à partir d’un échantillon de 1520 obligations souveraines et privées, émises par les marchés émergents entre les mois de janvier 1991 et septembre 2000. Les obligations sont émises sous les lois new-yorkaise, britannique, allemande, japonaise et luxembourgeoise et libellées en dollar américain, yen japonais, livre sterling, franc suisse, écu et euro.

Dans un second temps, ils testent la relation pour le marché secondaire en deux temps : une première fois le 30 juin 1998, à partir d’un échantillon de 296 obligations souveraines et privées71, une seconde fois le 30 juin 2000, à partir d’un échantillon de 488 obligations souveraines et privées72.

Ils séparent les emprunteurs en deux classes : les emprunteurs risqués et non risqués, le critère étant la note de l’émetteur.

En combinant les estimations du marché primaire et secondaire, la loi britannique est associée à une réduction de 5 à 6% des spreads pour l’ensemble des emprunteurs émergents quelle que soit leur notation. Les emprunteurs les mieux notés voient leur coût d’emprunt augmenter de 10 points de base, contre 25 points de base pour les emprunteurs les moins bien notés.

Leur conclusion diverge de l’étude précédente. L’introduction des clauses d’actions collectives a un impact minime, le choix de la loi de gouvernance n’est pas un facteur d’accroissement du risque. Autrement dit, si l’aléa moral est faible et que le pays emprunteur a une probabilité de défaut faible, alors les investisseurs portent peu d’attention aux termes légaux qui régissent les contrats de titres.

71 Sur les 296 obligations, 80% sont libellées en dollar américain et 22% sont émises sous la loi britannique.

72 Sur les 488 obligations, 74% sont libellées en dollar américain et 23% sont émises sous la loi britannique.

Leur étude est donc favorable à l’adoption des CAC.