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La détérioration de la réputation de l’emprunteur souverain

Introduction du chapitre 2

1. Les coûts du point de vue de l’emprunteur souverain

1.1. La détérioration de la réputation de l’emprunteur souverain

Au sens strict du terme, les coûts en termes de réputation font référence à l’exclusion immédiate et définitive des pays emprunteurs des marchés internationaux de capitaux d’une part (Eaton & Gersovitz, op. cit.), et à la répudiation de la dette d’autre part (i). Aujourd’hui, ces deux composantes ne sont plus d’actualité (hormis quelques répudiations qui font suite aux caractères « illégal » et « immoral » de la dette contractée38). Par conséquent, il est préférable d’analyser la perte de réputation en termes d’augmentation du coût d’emprunt du financement extérieur (ii).

38 Nous pensons, dans ce cas, à la décision du président équatorien, Monsieur Correa, de répudier une partie de la dette extérieure (40%) en 2008. Ce choix fait suite aux conclusions du rapport de la CAIC, qui juge illégitime une partie de la dette équatorienne (présence de documents antidatés, destination du financement non respectée). Néanmoins, nous devons préciser qu’il n’existe pas de définition juridique de l’illégitimité d’une dette.

(i) La perte d’accès aux marchés financiers et le risque de répudiation

Du point de vue empirique, un défaut souverain n’est pas nécessairement associé à une perte d’accès au marché international des capitaux.

Lindert & Morton (1989) montrent que dans les années 1980, l’accès au financement extérieur ne dépendait pas uniquement de l’historique des défauts des pays. Jorgensen & Sachs (1989) concluent dans le même sens. Meideros &

al. (2005), dans une étude consacrée aux défauts des années 1980, estiment que

la probabilité de regagner le marché financier après un défaut dépend, premièrement, de la situation extérieure du pays au moment du défaut, deuxièmement, de ses performances macroéconomiques domestiques (niveau du PIB, inflation, balance des paiements et réserves de devises). Gelos & al. (2004), quant à eux, démontrent que durant les années 1980, un pays qui faisait état d’un défaut devait attendre quatre ans et demi, en moyenne, pour retrouver l’accès au marché international des capitaux, contre 3 mois et demi, en moyenne, durant les années 1990. En conséquence, la perte définitive d’accès au financement extérieur est provisoire et à relativiser.

La durée des défauts varie fortement d’une période à une autre. Ainsi, on estime la durée moyenne d’un défaut sur la période 1970-1990 à huit ans, contre quatre ans depuis 1991. Depuis les années 1990, les obligations souveraines sont devenues une source importante de financement, et contrairement aux croyances établies, il semble que dans la réalité, la restructuration des obligations soient plus faciles que celle des prêts bancaires syndiqués, ce qui vient corroborer la thèse de Roubini & Setser (2004), IADB (op. cit.). La crise de la dette débute en 1982 avec le défaut du Mexique. Il faut attendre 1989 avant qu’une solution ne soit trouvée, soit une durée de sept ans. Dans les années 1990 et 2000, aucun défaut n’a duré aussi longtemps, exception faite du cas argentin qui n’est toujours pas résolu, et ce depuis 2001.

Un défaut temporaire ne conduit pas à une exclusion définitive des marchés internationaux de capitaux : un pays peut vraisemblablement perdre l’accès au marché au moment du défaut mais dès que la restructuration est entérinée et qu’il assure de nouveau le service de sa dette, le marché n’opère qu’une discrimination marginale entre les pays anciennement en défaut de ceux qui ne l’ont pas été. De même que l’absence de défaut ne garantit pas à un pays l’accès au marché ; les derniers pays qui ont défailli ont regagné rapidement l’accès au marché, une fois l’accord de restructuration atteint.

Si les pays ne sont pas exclus à titre définitif des marchés internationaux de capitaux, nous ne concluons pas pour autant que les marchés ne sanctionnent pas l’emprunteur souverain qui défaillit. Dorénavant, la punition se matérialise par l’accroissement des coûts d’emprunt du financement extérieur, qui peut conduire à une raréfaction des crédits.

(ii) L’augmentation des coûts d’emprunt du financement extérieur

De Paoli & al. (2006), Ozler (1993) et Reinhart & Rogoff (2004) montrent que les pays qui ont subi un défaut supportent des coûts d’emprunt plus élevés que les bons emprunteurs. Néanmoins, les auteurs ont du mal à déterminer si cet effet est durable dans le temps. Tomz (2007) avance que le remboursement de la dette argentine envers le Royaume-Uni dans les années 1930 visait à renforcer l’image de bon emprunteur du pays, beaucoup plus que d’éviter les embargos, contrairement à ce qui est soutenu par Diaz-Alejandro (1983).

Lindert & Morton (op. cit.) et Chowdhry (1991) estiment que les défauts du dix-neuvième siècle et ceux des années 1930 n’impliquent pas des coûts d’emprunt plus élevés dans les années 1970. Ozler (op. cit.) trouve une prime assez faible sur les prêts bancaires souverains sur la période 1968-1981 pour

les pays ayant défailli dans les années 1930. Flandreau & Zumer (2004) montrent que les défauts sur la période 1880-1914 sont associés à une augmentation des spreads de 90 points de base, l’année qui suit le défaut, néanmoins l’effet disparaît rapidement. Pour la plupart des marchés obligataires souverains, Ades & al. (2000) démontrent que l’historique des défauts d’un pays n’a pas d’effet significatif sur les spreads souverains durant les années 1990. Contrairement aux travaux de Dell’Ariccia & al. (2002) qui rapportent que les défauts de paiement ont des effets persistants dans le temps sur le niveau de l’emprunt, mais également que les coûts d’emprunt sont plus élevés pour les pays ayant adopté le plan Brady, cette prime s’est, par ailleurs, élargie après la crise russe de 1998. Pour Borenzstein & Panizza (2009), sur la période 1997 – 2004, les spreads sont plus élevés de 400 points de base l’année suivant le défaut. L’année suivante, la prime de risque est divisée par deux.

En moyenne, les spreads retrouvent leur niveau d’avant défaut en moins de deux ans. En revanche, les pays qui ont défailli continuent d’être associés à des spreads plus importants que les bons emprunteurs.

La réputation de l’emprunteur peut également se mesurer par la note qui lui est attribué. Les auteurs aboutissent à une corrélation négative, le résultat confirme les conclusions d’Ozler (op. cit.) et Reinhart et Rogoff (op. cit.). Pour cette relation, l’effet est de court terme, ce qui tendrait à démontrer que les marchés ont une mémoire limitée.

Par conséquent, il n’est pas surprenant de constater que, pour un ratio dette / PIB donné, les pays anciennement en défaut sont gratifiés d’un spread plus élevé et d’un rating plus faible que les bons emprunteurs (IADB, op. cit.). Ce fut le cas pour le Mexique (1995) et la Russie (1998). Le même résultat est observé pour des pays anciennement en défaut qui bénéficient d’une dette gouvernementale et extérieure plus faible que les autres, pays qualifiés d’intolérant à la dette (Ozler, op. cit. ; Reinhart & Rogoff, 2003). Des spreads plus élevés et des ratings plus faibles contribuent à accroître les coûts du

financement extérieur. Cependant, les études qui étudient la corrélation entre défaut/rating ou défaut/spread ne concluent pas à des effets importants et persistants.

1.2. Les sanctions directes appliquées à