• Aucun résultat trouvé

Introduction du chapitre 4

Encadré 12. Remarques méthodologiques

1.3. Une analyse en termes de seuil

Il est donc assez difficile d’obtenir un résultat tranché sur la question. Par la suite, les travaux ont porté sur la détermination du seuil optimal, c’est-à-dire celui qui permet d’inclure les CAC tout en limitant le risque moral.

1.3. Une analyse en termes de seuil

Les CAC sont susceptibles, en théorie, d’accroître l’aléa moral, bien que les travaux empiriques ne produisent pas de résultats clairs et définitifs. Légitimement, les travaux suivants ont essayé de déterminer quels facteurs guidaient les choix des emprunteurs souverains pour fixer le seuil de vote à la majorité qualifiée.

Selon Weinschelbaum & Wynne (2005), les CAC sont nécessaires pour coordonner les créanciers d’une même émission. Une meilleure coordination des créanciers permet d’abaisser les coûts de restructuration. Cependant, l’introduction des CAC modifie les incitations du débiteur. Ce dernier serait en fait moins vigilant quant à assurer la soutenabilité de sa dette, en ne mettant pas en place les bonnes politiques, ce qui accroît la probabilité de crise. En conclusion, un niveau élevé du seuil de vote à la majorité qualifiée a un effet disciplinant sur le comportement de l’emprunteur souverain.

Haldane & al. (2004) montrent que les principaux facteurs qui influencent la détermination des seuils de vote sont le degré d’aversion au

risque et la solvabilité de l’emprunteur souverain (Cf. Encadré 13). Contrairement aux souhaits développés par la communauté financière internationale d’une harmonisation des contrats de dette, les auteurs sont contre l’uniformisation, qui serait source de coûts supplémentaires pour certains pays. En effet, les pays ayant des préférences pour le risque qui divergent et des degrés de solvabilité différents, il peut être, selon Haldane & al. (op. cit.), sous-optimal d’imposer un standard de marché (i.e., 75%).

 Pour n’importe quel niveau de solvabilité, un emprunteur souverain neutre au risque préférera toujours choisir un seuil de vote élevé (i.e. supérieur à 75%), car sous cette hypothèse le pays ne s’intéresse pas à la distribution des paiements, mais cherche à abaisser la probabilité de crise.

 Un emprunteur souverain averse au risque optera toujours pour un seuil de vote faible afin de s’assurer une restructuration aisée, car il accorde plus de poids à la distribution des paiements.

 Un pays dont la solvabilité est faible ne contractera pas d’assurance (i.e., l’inclusion de CAC) sous peine de voir les taux d’intérêt augmenter et d’accroître un peu plus le risque de défaut.

In fine, adopter un seuil de vote faible fournit une assurance à l’emprunteur

souverain dans l’éventualité d’un défaut, mais ce choix accroît la probabilité d’un non refinancement de la dette, donc une augmentation des coûts d’emprunt initiaux.

Encadré 13. La détermination des seuils de vote de la clause d’action à la majorité qualifiée : la démarche d’Haldane et al. (op. cit.)

Le cadre d’analyse du modèle

En t0, les émetteurs souverains émettent des obligations pour des investisseurs neutres au risque. Les obligations comportent une clause d’action à la majorité

qualifiée, soit k, le seuil de vote de cette clause. La détention d’obligations donne droit à un versement d’intérêt à chaque période, soit r le taux d’intérêt fixé par le marché. Le projet arrive à maturité en t2, il rapporte θ.

θ ~ U[0, b], où b est une mesure de la solvabilité

En t1, les créanciers captent un signal privé non biaisé mais bruyant, xi, concernant l’état des fondamentaux, θ. Sur la base de cette information, ils choisissent ou non de refinancer la dette. La fuite d’une part des créanciers, soit f cette part, entraîne une première liquidation, qui provoque des pertes de croissance et réduit la future capacité du pays à honorer ses engagements.

En t2, le projet est réalisé. Si le projet est une réussite, le pays rembourse la totalité de la dette restante, autrement le pays prononce le défaut et entame la restructuration de sa dette.

Jeu de restructuration

- Le pays joue en premier et fait une offre qui satisfait les k créanciers ;

- Les créanciers ont deux options : accepter la première offre ou chercher à obtenir l’output résiduel, 2 f , stratégie pour laquelle ils contractent des coûts . li

- Le pays doit donc offrir 2f lk. Le débiteur perçoit une rente dans ce cas.

- Plus le seuil choisi par le pays est faible, plus élevé est le coût marginal pour les créanciers, et plus élevée est la part de l’output restant pour le pays.

Jeu de refinancement

A partir d’une modélisation proche de Morris & Shin (1998), les auteurs résolvent le jeu de refinancement.

Chaque créancier analyse son signal, xi, et le signal reçu par les autres créanciers (ils reçoivent tous le même signal mais ils en font une interprétation différente). Après analyse, chaque créancier essaie de trouver combien de créanciers comptent fuir.

À la valeur de déclenchement de la crise, deux conditions sont formulées : - Une condition d’insolvabilité qui caractérise la situation pour laquelle il y a

suffisamment de créanciers qui rompent leur engagement en pour produire un t1

défaut en t2;

- Une condition d’indifférence qui caractérise une situation pour laquelle le créancier marginal « fuyant » est strictement indifférent entre le fait de fuir ou de rester.

Ces deux conditions sont suffisantes pour résoudre ce jeu. Combinaison des deux jeux précédents

Chaque créancier bénéficie de deux options – fuir ou rester – leur anticipation concernant ce qu’ils peuvent recouvrir en cas de défaut est endogénéisée et basée sur le résultat du jeu de restructuration,  2f lk.

Ce résultat est intuitivement évident, mais difficile à montrer. Plus faible est la valeur de recouvrement espérée, plus faible est le seuil de vote, et plus les créanciers sont enclins à fuir en . t1

Détermination du taux d’intérêt et du seuil de vote

Le taux d’intérêt qui est déterminé ex ante reflète la probabilité de crise, θ* / b. Le débiteur opère le premier pour fixer le seuil de vote essayant de prendre en compte tous les effets ultérieurs.

Les remarques à propos du choix du seuil de vote

Intuitivement, le pays s’intéresse à trois paramètres :

- L’utilité en période normale – basée sur le paiement des intérêts – r ; - L’utilité en période de restructuration – basée sur lk ;

- La probabilité de crise, θ* / b

Les auteurs montrent dans cet article que les effets intermédiaires sont les suivants :

- augmenter le seuil de vote abaisse le taux d’intérêt ; - augmenter le seuil de vote abaisse les coûts des créanciers ;

- augmenter le seuil de vote abaisse le seuil critique des fondamentaux.

Suite au succès de la première émission de dette assortie de CAC sur la place new-yorkaise par le Mexique en 2003, d’autres pays émergents ont décidé de suivre cette voie. La plupart des pays ont opté pour un seuil de vote de 75%, hormis le Brésil, le Belize et le Venezuela. Peu de temps après le Mexique, le Brésil émet une dette libellée en dollars américains sous juridiction new-yorkaise porteuse de CAC, mais contrairement au Mexique, il fixe son seuil de vote de la clause d’action à la majorité à 85%, suivant les recommandations de l’IAD. Le Brésil explique son choix par la classification de sa dette dans la catégorie spéculative par les trois agences de notation que sont Standard & Poor’s, Moodys et Fitch. Le Brésil étant un pays associé à un risque de défaut élevé, il décide de fixer son seuil à un niveau supérieur afin de rassurer les investisseurs sur sa volonté de ne pas défaillir. Cependant, d’autres

pays dans le même cas de figure que le Brésil ont préféré suivre la position du Mexique, comme la Turquie et le Pérou par exemple. Les obligations nouvellement émises n’ayant pas enregistrées de prime de risque, le Brésil est revenu sur le niveau de son seuil un an après, lors d’une nouvelle adjudication, pour le porter à 75%.

Les investisseurs semblant peu sensibles au niveau du seuil de vote, les 75% devraient représenter un standard de marché. Par contre, l’émetteur devrait avoir le pouvoir de modifier le seuil de vote quand cela est nécessaire. Suite à un événement de crédit prédéfini, par exemple la dégradation du rating de la dette libellée en devises, le pays pourrait abaisser son seuil de vote afin de s’assurer une restructuration plus efficiente en cas de défaut.

Le fait de permettre à l’émetteur d’ajuster son seuil de vote à la majorité qualifiée qui porte sur l’amendement des termes du contrat en fonction de l’état de ses fondamentaux, revient à rendre les contrats de dette contingents aux états de la nature. L’adaptation des conditions de financement à la réalisation d’un état de la nature existe dans les obligations corporate via l’introduction de clauses contingentes, notamment les clauses de coupons step-up (Cf. Encadré 14). Elles se définissent de la manière suivante :

« Les clauses contingentes sont l’ensemble des dispositions présentes dans les contrats d’émission obligataire ou dans les accords de financement bancaire, dont l’activation, déclenchée par la survenance d’un événement de crédit prédéfini, entraîne une modification substantielle des conditions initiales dans lesquelles le financement a été consenti. » (Levy, 2002, page 103).

Les conséquences d’une modification des conditions initiales de financement sont par exemple le paiement du coupon à la période suivante et non à la période présente.

 Une entreprise émet une dette sous forme d’obligations. Elle doit verser au 31 décembre 2009 le coupon à un investisseur. Sa note vient d’être dégradée. Le contrat prévoit que si sa note est dégradée, le paiement du coupon se fera non pas au 31 décembre 2009 comme l’échéancier initial le prévoyait mais au 31 juin 2010.

L’événement de crédit prédéfini est la dégradation de la note de l’émetteur par une ou plusieurs agences de notation. En effet, la modification des conditions initiales de financement fait suite à la dégradation de la note par une ou plusieurs agences de notation (cela dépend des spécifications du contrat à l’émission).

Dans notre cas, la modification des conditions initiales de financement est le contrat de dette restructurée (principal, intérêt, échéance, devises …) et le déclencheur de l’indexation est également la dégradation du rating de la dette souveraine par les agences de notation.

La notation de la dette souveraine libellée en devises, et depuis quelques années en monnaie locale, est un reflet de la capacité du pays à honorer le service de sa dette (principal et intérêt) tel qu’il est prévu par les termes du contrat (échéance). Si les ratings produits par les agences de notations prédisent faiblement les crises monétaires, elles performent relativement bien pour prédire les défauts souverains (Reinhart, 2002)73. Suite à l’avènement d’une crise, les agences de notation ont tendance à dégrader les notes. La production de rating a donc un caractère procyclique. La crise engendre une hausse de la probabilité de défaut, par conséquent il est assez logique que les notes soient un bon indicateur des défauts.

73 La faible capacité prédictive des ratings peut s’expliquer en partie par les méthodologies employées par les agences de notations pour les établir. Les agences ont tendance à surestimer les indicateurs macroéconomiques traditionnels et à sous-estimer les indicateurs de liquidité, notamment.

Encadré 14. Les clauses contingentes dans les obligations corporate