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Introduction du chapitre 1

Encadré 1. Les plans Baker et Brady

Consécutivement à la crise de la dette des années 1980, une première solution de sortie de crise fut élaborée par James Baker, secrétaire d’Etat américain au Trésor. Ce plan rompt avec l’approche au cas par cas usitée jusqu’auparavant. Pour la première fois, il émerge un embryon de cadre de gestion général des crises de dette. La stratégie consiste à s’appuyer sur les banques et les IFI qui doivent fournir 29 milliards de dollars d’argent frais à quinze Etats coupés des financements extérieurs. Le plan Baker, en termes de volume de financements, s’avère être un échec : les banques ont seulement apportées 9 milliards de dollars entre 1986 et 1988. Néanmoins, la mise en œuvre du plan, ainsi que les rééchelonnements de dette réalisés entre 1982 et 1985 permettent l’évitement d’une crise globalevia la continuité des paiements.

Suite à l’échec relatif du Plan Baker, il a été mis en place un second plan de sortie de crise en mars 1989, plus connu sous le nom de Plan Brady (du nom du secrétaire d’Etat américain au Trésor, Nicholas Brady). La sortie de crise repose sur un programme de réduction volontaire de la dette via des procédures de marchés (titrisation des créances). Le plan comporte trois volets :

 Premièrement, les pays débiteurs désireux de réduire leur dette doivent au préalable conclure un accord avec les IFI, soumis à conditions, lesquelles doivent garantir la mise en œuvre de politiques économiques favorables aux entrées de capitaux.

 Deuxièmement, la Banque mondiale et le FMI apportent leur aide, se manifestant par l’octroi de prêts concessionnels.

 Troisièmement, les banques ont le choix entre trois options pour la réduction des dettes : la conversion de dette (debt for equity swaps), l’échange de dettes de nature différente (debt for debt swaps) et le rachat de dette (debt buy back).

Le programme repose, par conséquent, sur un marchandage à trois parties : les pays débiteurs, les banques créancières, et le secteur officiel.

Ainsi, il a été possible d’échanger les anciennes créances contre des obligations à trente ans assorties soit d’un taux d’intérêt fixe inférieur à celui du marché, soit d’une décote (obligations Brady). Le remboursement du principal a été garanti par la souscription de bons du Trésor américain à coupon zéro (capital et intérêt capitalisés ont été versés en fin de période) et détenus dans des comptes bloqués. Les intérêts des premières années seulement ont été garantis par un dépôt dans des comptes bloqués ou par le FMI et la Banque mondiale.

In fine, ce sont 18 pays qui ont souscrit au plan Brady (avec des modalités d’application diverses). Le plan a conduit à restructurer 200 milliards de créances bancaires en 154 milliards d’obligations (Chuhan & Sturzenegger, 2003). La réduction de l’encours a été de 32% (Raffinot, op. cit.) ; les premiers bénéficiaires ont été les banques (il faut rappeler leur opposition au plan Brady au commencement, dont elles jugeaient le sacrifice trop important).

Sur un encours de créances bancaires de 193 milliards de dollars, ces pays ont bénéficié d’une réduction de la valeur faciale de leur dette de 35 milliards, à quoi s’ajoute un gain cumulé sur la baisse du taux d’intérêt de 22 milliards en valeur actualisée.

Hormis la titrisation des créances, la force du plan a résidé sur la coordination des différents acteurs, notamment via l’existence de plusieurs options mises à disposition des créanciers (Chuhan & Sturzenegger, op. cit.; Bastidon Gilles & al., 2010).

La gestion de la crise de dette des années 1980 marque un tournant, pour la première fois les procédures de marché sont utilisées et mises en avant. De plus, la titrisation des créances a également pour effet de relancer le marché obligataire souverain émergent, ce qui permet la reprise des flux de capitaux vers les pays anciennement en défaut.

Le plan Brady a été considéré comme un succès dans le sens où les pays y ayant souscrit ont retrouvé l’accès au marché international des capitaux ; où il a permis de normaliser les relations entre débiteurs et créanciers.

La crise de la dette met un terme à la structure d’endettement s’appuyant sur le recours massif aux prêts bancaires syndiqués et scinde les pays en développement en deux catégories : un groupe caractérisé par un rationnement du crédit, donc exclu des financements extérieurs privés (i.e. les PED) et un groupe y ayant accès sous certaines conditions, les pays émergents.

Les années 1990 et 2000, le renouveau des obligations souveraines internationales

A partir des années 1990, les pays émergents recourent de nouveau aux obligations souveraines internationales, et dans une proportion importante. La crise de la dette a laissé des traces et les prêts bancaires syndiqués se sont raréfiés. Les pays émergents ont du s’adapter à cette nouvelle situation et trouver des sources de financement extérieur alternatives. Cependant, la récurrence des crises à partir du milieu des années 1990 et du début des années 2000 met de nouveau en avant la fragilité des modes de financements émergents, quelques années seulement après la résolution de la crise de la dette. La baisse des entrées de capitaux jusqu’en 2002-2003 les pousse à

accroître leur résilience face aux chocs externes, notamment en privilégiant les émissions en monnaie locale.

Les obligations souveraines internationales sont bénéfiques à plusieurs titres. Premièrement, elles sont une source supplémentaire de financement, ce qui a pour effet de réduire la dépendance vis-à-vis des prêts bancaires internationaux et officiels (multilatéraux et bilatéraux). Deuxièmement, l’implication des investisseurs étrangers a un effet disciplinant sur la politique budgétaire de l’emprunteur souverain et induit une plus grande transparence. Troisièmement, l’émission permet d’établir une référence qui servira pour les émissions futures des entreprises privées et semi-publiques (Das & al., 2008).

L’endettement en devises n’accroît pas nécessairement le risque de subir une crise financière (Bordo & Meissner, 2005). Le niveau d’endettement en devises correspond au degré de péché originel auquel est associé le pays. Ainsi, sur les périodes 1880 – 1913 et 1972 – 1997, certains pays sont relativement stables financièrement malgré un niveau élevé de péché originel. Il apparaît donc que l’endettement en devises est dangereux s’il est mal géré, c’est ce qui distingue principalement les pays émergents des autres catégories de pays. Les résultats de l’étude économétrique des auteurs établissent une courbe en U inversé entre crise de dette et péché originel. Ils déterminent ainsi trois catégories de pays pour les deux périodes. Le dix-neuvième siècle est caractérisé par l’existence d’un centre financier (i.e. l’Europe), d’une périphérie constituée des pays formant le cône de l’Amérique latine et des pays européens méditerranéens, enfin une dernière catégorie regroupant des pays aux institutions et systèmes financiers stables, capables d’ordinaire de faire face aux crises. Au vingtième siècle, les auteurs décomposent en trois groupes uniquement les pays fortement exposés au péché originel : les pays pauvres (exclus des financements extérieurs), les pays émergents, et les pays développés dollarisés.

Par simplification, l’économie mondiale est divisée en deux groupes de pays : un cœur, caractérisé par les pays fortement dotés en capital et une périphérie constituée des pays faiblement dotés en capital. Les flux de capitaux circulant à l’intérieur du cœur sont relativement stables, alors que ceux allant du cœur vers la périphérie sont davantage volatils, dépendant fortement des conditions économiques qui prévalent dans la première catégorie de pays.

Au cours des années 2000, certains pays d’Amérique latine (Uruguay, Colombie et Brésil) ont tenté de rompre avec la théorie du péché originel international, en émettant de la dette extérieure en monnaie locale (Cf. Encadré 2 et Tableau 2).