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Introduction du chapitre 4

1. Les Clauses d’Actions Collectives : une revue de la littérature économique

1.1. Une analyse en termes de bien être

Eichengreen & al. (2003) modélisent, puis comparent les résultats d’une restructuration sous CAC et sous Clauses d’action à l’unanimité63 (CAU ou consentement unanime).

En l’absence d’aléa moral, la capacité actuelle et différée de paiement de l’emprunteur souverain est la même quelle que soit la juridiction choisie (i.e. juridiction new-yorkaise ou britannique). Néanmoins, les obligations avec CAC génèrent un gain plus élevé que les obligations avec CAU. En effet, ces dernières impliquent des délais de renégociation64 supérieurs qui sont coûteux pour les créanciers.

En présence d’asymétrie d’information, les obligations avec CAC sont sujettes à un phénomène d’aléa moral plus élevé, par conséquent la probabilité de défaut de l’emprunteur souverain s’accroît.

L’introduction de l’aléa moral dans le modèle engendre des effets ambigus. Dans le cas où la capacité réelle de payer est inférieure à la dette, le pays n’a d’autres choix que de défaillir. A ce moment là, les gains procurés par les obligations avec CAC sont supérieurs à ceux des obligations avec CAU. Mais si l’aléa moral est important, les gains espérés des obligations avec CAC relativement à ceux des obligations avec CAU décroissent et sont susceptibles

63 Les CAU sont, à l’origine, présentes dans les contrats émis sous la juridiction de l’Etat de New York.

64 Dans le modèle développé par les auteurs, la capacité de remboursement n’augmente pas pendant la période de négociation.

de devenir négatifs (synonyme de perte). Par conséquent, les pays qui introduisent les CAC dans leur contrat de dette verront une diminution de leur entrée de capitaux.

La restructuration de la dette émise sous clause d’action unanime

Si la totalité des créanciers acceptent de restructurer la dette, sous les hypothèses de respect des clauses de partage et d’accélération, alors chaque créancier reçoit comme paiement une part au prorata de ce que chacun détient.

Cependant une fraction des créanciers peut refuser de participer à la procédure, espérant ainsi obtenir un remboursement total des titres qu’elle détient, avant que les titres restants ne soient renégociés. A ce moment là, il existe des créanciers dissidents qui s’organisent sous la forme d’une coalition.

A l’équilibre, les créanciers rivalisent entre eux pour être membres de la coalition, ce qui implique que les titres émis sous clauses d’actions unanimes engendrent une renégociation inefficiente.

La restructuration de la dette émise sous clause d’action collective

Lorsque la majorité qualifiée vote la restructuration, alors les créanciers reçoivent comme paiement une part au prorata de ce qu’ils détiennent. Tout détenteur a intérêt à se joindre à la majorité qualifiée, car il est sûr de recouvrer une valeur plus importante qu’en tentant de s’allier à la minorité dissidente. Ce système élimine les stratégies de cavaliers solitaires.

Cependant, du fait de l’asymétrie d’information, l’Etat peut être incité à défaillir et renégocier sa dette (réduire le montant du principal, par exemple). Son incitation à mentir sur sa réelle capacité de remboursement peut être freinée, par contre, si sa dette est émise sous clauses d’actions unanimes. Comme les auteurs le démontrent, les délais associés à une restructuration imposent des coûts, en termes d’output et d’investissement. Les CAU

éviteraient donc les défauts opportunistes. Elles auraient un effet disciplinant sur l’emprunteur souverain.

Pour les obligations avec CAC, la probabilité de défaut est plus élevée, car les investisseurs peuvent y voir un défaut opportuniste. Les créanciers ne savent pas si la réelle capacité de paiement de l’Etat est inférieure ou supérieure à la dette restante à payer, autrement dit, ils ont du mal à connaître le degré de soutenabilité de la dette. La probabilité de défaut doit être plus faible si sa dette est émise sans CAC.

Les résultats relatifs à l’efficience

Les obligations avec CAU impliquent un remboursement différé. Partant, l’Etat souverain et les créanciers supportent des coûts de délai qui sont socialement coûteux. Les coûts de délai viennent s’ajouter aux coûts fixes de la renégociation. La présence des CAU dans les contrats de dette engendre une restructuration moins efficiente. L’emprunteur souverain a donc intérêt à opter pour les CAC.

En présence d’asymétrie d’information, les titres émis avec CAC sont sujets à un plus grand degré d’aléa moral donc à une plus grande probabilité de défaut. Plus grande est l’incertitude à propos de la capacité de remboursement, plus grand est le degré d’aléa moral et plus les entrées de capitaux diminueront dans les pays concernés. En conséquence, l’emprunteur souverain a intérêt à opter pour des contrats régis par des clauses avec CAU.

Pour conclure, un Etat dont les fondamentaux sont bons, avec un faible degré d’aléa moral et une probabilité de défaut peu élevée, est indifférent entre les clauses d’actions collectives et les clauses d’actions unanimes.

Kletzer (2003) conclut dans un premier travail que les CAC permettent d’augmenter le bien être du pays qui défaillit. Dans un second temps, Kletzer (2004), à partir du modèle de Kletzer & Wright (2000) concluent à la réduction des inefficiences induites par les créanciers dissidents. Les CAC réduisent les coûts de restructuration, mais ce faisant elles génèrent un aléa moral.

Les conclusions de Ghosal & Thampanishvong (2009) vont à l’encontre de la littérature qui conclut généralement en faveur de l’introduction des CAC dans les contrats de dette.

Dans leur modèle, l’emprunteur souverain est victime d’aléa moral et les créanciers, lors des négociations, sont en situation d’information incomplète. Ils démontrent que conditionnellement au défaut, les CAC produisent une efficience à une étape intermédiaire (ici, la restructuration), synonyme d’une meilleure coordination des créanciers, donc d’une réduction des coûts et d’une augmentation du bien être. Cependant, l’efficience ex ante (ici, ne pas défaillir) requiert des choix politiques judicieux de la part de l’emprunteur souverain afin de réduire la probabilité de défaut, or le fait d’assurer une meilleure coordination à une étape intermédiaire réduit l’efficience ex ante. L’efficience intermédiaire est plus élevée que l’efficience ex ante, ce qui limite les gains en termes de bien être, puisque l’emprunteur souverain n’est pas incité à éviter le défaut. Or, logiquement l’absence de défaut représente la meilleure solution en termes de bien être.

Suite à un choc, l’emprunteur souverain est incapable de servir sa dette, ce qui le conduit à prononcer le défaut sur sa dette souveraine. Il émet une obligation à un an, afin de payer les coupons restants et les futures obligations. Cette émission est assimilée à un changement des termes du contrat initial. Les créanciers ont le choix de souscrire ou non cette obligation. Dans le premier cas, cela équivaut à refinancer la dette du débiteur. L’information incomplète naît de leur incapacité à déterminer la valeur de la future obligation. Le vote des créanciers conduit à des équilibres multiples bayesiens. L’existence de ces équilibres justifient à eux seuls l’intervention d’une tierce partie afin d’assurer

la coordination des créanciers. Les auteurs pensent donc que les CAC doivent être assorties de comités.

Contrairement aux autres modèles, leurs résultats ne concluent pas à un équilibre unique.

La littérature conclut donc que les CAC procurent un avantage assorti d’un accroissement de l’aléa moral. Partant de ce constat, les travaux se sont attachés à étudier l’impact des CAC sur le coût d’emprunt des pays.