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Introduction du chapitre 3

1. Les enjeux des restructurations de dette souveraine

1.1. L’étude des dernières restructurations

Les dernières restructurations, souvent considérées comme réussies, montrent néanmoins certaines faiblesses. Certains indicateurs retenus, tels que la durée du défaut de paiement et le taux de participation des créanciers, pour attester de la réussite des procédures de restructuration masquent la réalité des résultats.

Afin d’avoir une compréhension complète des dernières restructurations, il est important de revenir un instant sur les caractéristiques des crises qui ont conduit à la prononciation du défaut sur la dette souveraine (Cf. Tableau 12). Sur les six cas présentés ci-dessous, quatre sont des crises triples associées chacune à un phénomène de run. Ces quatre pays (Russie, Equateur, Argentine, Uruguay) ont dû procéder à une restructuration de leur dette souveraine domestique et extérieure (Cf. Tableau 13).

Tableau 12. Caractéristiques des crises de 1998 à 2005 Russie (1998) Ukraine (1998) Pakistan (1999) Equateur (1999) Argentine (2001) Uruguay (2003) Suspension des paiements Oui Oui -

négociations Non Oui non

Contraction de l’activité économique

Faible Moyenne Moyenne Importante Importante Importante Crise

monétaire Oui Non Non Oui Oui Oui

Crise

bancaire Oui Non Non Oui Oui Oui

Crise

financière Oui Non Non Oui Oui Oui

Ajustement Modeste Modeste Modeste Important Important Modeste Run bancaire Oui – dépôts

domestiques Non Non Oui Oui

Oui – dépôts domestiques Gel des

dépôts Non Non Partiel Oui Oui Non

Source : d’après Roubini & Setser (op. cit.)

Les derniers défauts ont été rapidement résolus (durée inférieure à deux ans en moyenne), à l’exception de celui de l’Argentine qui a duré plus de deux ans (IADB, op. cit.). L’étude de Trebesch (op. cit.) confirme ces résultats. En comparant 90 défauts sur la période 1980 – 2007, il en estime la durée moyenne à :

 un an à un an et demi sur la sous-période 1980 – 1990 ;  cinq ans sur la sous-période 1990 – 1998 ;

 un an à un an et demi sur la sous-période 1998 – 2007.

Cette étude nous amène à une première conclusion : la Russie, l’Ukraine et l’Argentine ont mis plus de temps que la moyenne pour résoudre leur restructuration.

Le taux de participation des créanciers a été relativement élevé. Il était en moyenne supérieur à 90%, toujours exception faite de l’Argentine (69% en moyenne sur les trois phases de la restructuration). La participation élevée s’explique en partie par le recours de la part de certains pays à un taux de participation minimum (action à la majorité qualifié par défaut), l’octroi de liquidité et les offres à choix multiple.

Si nous étudions en détail les taux de participation (Cf. Tableau 14), nous constatons qu’il existe une grande disparité entre les titres restructurés. Ainsi, pour la Russie la restructuration de deux séries de titres n’atteignent pas les 90% : les MinFin3 (75%) et GKO/OFZ « non-résidents » (89%), Il en est de même pour l’Ukraine : les OVDP « résidents » (84%) et OVDP «

non-résidents » (82%).

Les différences de traitement entre les catégories de créanciers ont été exposées précédemment à l’occasion du chapitre 2 (Cf. supra). Notre objet dans cette sous-section est d’analyser les résultats des restructurations du point de vue des emprunteurs souverains. D’autres indicateurs sont importants pour attester de la réussite des restructurations. En effet, leur objectif est de restaurer la soutenabilité de la dette, les conditions préalables à la croissance économique et l’accès aux marchés de capitaux internationaux.

Il existe plusieurs indicateurs pour mesurer le caractère soutenable de la dette publique. Le plus communément utilisé est le ratio dette publique rapportée au PIB. En outre, si l’Etat est fortement endetté en devises, il devient nécessaire d’incorporer l’effet du taux de change. En effet, une dépréciation de la monnaie domestique implique d’accroître l’excédent budgétaire pour stabiliser la dette. Trois variables sont donc nécessaires pour attester la solvabilité d’un Etat : l’excédent budgétaire qui permet de dégager les ressources nécessaires au remboursement des échéances, le taux d’intérêt qui représente le coût de l’emprunt et le taux de change.

132 Suite à la restructuration de la dette uruguayenne, le ratio dette/PIB est resté inchangé à celui d’avant la crise s’établissant à 94%. Des doutes quant à la soutenabilité de la dette à moyen/long terme ont donc légitimement été émis (Diaz-Cassou & al., 2008a, 2008b). Des craintes ont également été formulées pour l’Equateur en raison de sa forte dépendance aux matières premières et de l’instabilité politique. Benjamin & Wright (op. cit.) notent, qu’en moyenne, la résolution d’un défaut ne s’accompagne pas d’une baisse de l’endettement des Etats.

Le rétablissement de la croissance économique a été dans l’ensemble rapide et les pays ont enregistré une croissance robuste. La reprise a été favorisée par une amélioration des termes de l’échange et un accroissement des prix des matières premières.

L’accession des pays anciennement en défaut sur les marchés internationaux de capitaux est plus ou moins rapide selon les pays précités. L’Uruguay a mis moins d’un an avant d’émettre de nouveau (novembre 2003), les obligations émises étaient associées à un spread de 600 points de base (EMBI). La Russie a attendu trois ans avant d’emprunter de nouveau sur la scène internationale (octobre 2001), les titres ont fait état d’un spread de 1000 points de base (EMBI+). L’Ukraine a de nouveau emprunté quatre ans après son défaut (2002) avec un spread de 600 points de base (EMBI). L’Argentine et l’Equateur ont mis respectivement cinq et six ans, l’émission argentine était associée à un spread inférieur à 500 points de base et les obligations uruguayennes faisaient état d’un spread de 700 points de base (EMBI+ et EMBI). Pour la plupart des pays mentionnés, la fin de restructuration de la dette marque leur retour sur les marchés financiers internationaux. Les spreads sont au niveau, en général, de celui d’avant la crise.

Tableau 13. Caractéristiques des restructurations de dette souveraine : 1998-2005 Russie (1998 /2000) Ukraine (1998/2000) Pakistan (1999) Equateur (2000) Argentine (2001/2005) Uruguay (2003) Lois de gouvernance 1 2/3 1 2 8 6

Présence de CAC Oui – Mais non utilisées Oui – Simulation non utilisées Oui – Mais Non Non

Oui – Pour les obligations

Samouraï

Accord de sortie Non Non Non Oui Non Oui

Arriérés en mois 18 3 2 10 41 Aucun

Baisse du coupon Non Oui Oui Non Oui Non

Hausse de la

maturité Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Défaut ou restructuration de la dette souveraine

Oui – Dette externe et

domestique Oui – Dette externe

Oui – Dette extérieure

Oui – Dette extérieure et domestique Oui – Dette extérieure et domestique Oui – Dette extérieure et domestique Défaut sur la dette

privée extérieure Non Non Non Oui Oui – Partiel Non

Contrôle des capitaux après la crise

Oui Préexiste Préexiste Non Oui Non

Accord Club de Paris Oui (actif), 01/0/1999, Traitement Ad Hoc Oui (actif), 13/07/2001, Traitement Classique Oui (remboursé) Oui (actif), 15/09/2000,

Traitement Houston Non Non

Sources : Roubini & Setser (op. cit.), Club de Paris (consulté en ligne, www.clubdeparis.org)

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Tableau 14. Résultats des restructurations de dette souveraine de 1998 à 2005

Date Valeur faciale éligible (US$ bn) Taux de participation (%) Nb d’instruments éligibles Nb de nouveaux instruments Nb d’options proposées Principal du ? Intérêts dus ? Cash ? Réduction valeur faciale ? Conversion monétaire GKO/OFZ

(résidents) Mars 1999 4,81 95 21 9 1 Oui Non Oui Oui Non

GKO/OFZ

(non-résidents) Mars 1999 3,50 89 21 9 1 Oui Non Oui Oui Non

MinFin3 Février 2000 1,31 75 1 2 2 Oui Non Non Non Option

Russie

PRIN/IAN Août 2000 29,08 99 2 2 1 Non Oui Oui Oui Non

OVDP

(résidents) Août 1998 4,47 84 T-Bills 1 1 Non Non Non Non Non

OVDP (non-résidents)

Septembre

1998 0,42 82 T-Bills 1 3 Non Non Oui Non Option

Chase loans Octobre 1998 0,11 100 1 1 1 Non Non Oui Oui Non

ING Loan Août 1999 0,16 100 1 1 1 Oui Non Oui Oui Non

Ukraine

International

bonds Avril 2000 2,60 97 33 2 2 Oui Oui Oui Oui Non

Pakistan International bonds Décembre 1999 0,61 99 3 1 1 Non Non Non Non Non

Equateur International

bonds Août 2000 6,51 98 6 2 1-2 Oui Oui Oui Oui Non

Phase I (résidents)

Novembre

2001 64,37 65 79 106 1-3 Non Non Non Non Non

Pesification Février 2002 57,55 65 107 107 1 Non Non Non Oui Forcée

Argentine

2005

International Avril 2005 79,70 76 156 11 1-3 Oui Oui Oui Oui Option

Externe Mai 2003 3,77 90 19 19 2 Non Non Oui Non Non

Uruguay Domestique Mai 2003 1,62 99 45 15 2 Non Non Oui/non Non Non

1.2. Les futurs enjeux d’une procédure de