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En poussant plus loin le dévoilement de l’un par le contact de l’autre, on arrive à des points où les deux disciplines se rencontrent réellement, c’est-à-dire deviennent communes sur l’essentiel. A force de chercher derrière « le voile des lois », l’écrivain en découvre l’aptitude au récit, ce qu’exprime François Ost lorsqu’il dit que le droit ne sort pas du fait mais du récit, en ce sens que parmi plusieurs scénarios possibles, une société en a choisi un qu’elle a mis en mots92. Il en ressort que le droit est un récit sur le monde à laquelle une société adhère par un contrat de départ fictif, selon Christian Biet. En effet, cette adhésion est la croyance en la vérité et la légitimité du système de valeurs ou de normes et c’est cette croyance qui la fonde, d’où l’importance, selon Balzac, de croire en l’institution, même très imparfaite :

met à analyser, juger et légiférer. Une partie de la critique voit dans La Chute d’Albert Camus l’intériorisation de la justice par le sujet écrivain qui se présenterait comme représentant de l’humain et détenteur de la vérité (Imaginer la loi, Le droit dans la littérature, ibid.).

88 Sur la sociologie balzacienne à propos du mariage, voir Arlette Michel, Le Mariage chez Honoré de Balzac. Amour et féminisme, Société d’Edition LES BELLES LETTRES, 1978, p. 195-207, où elle indique qu’il fait une sociologie du mariage historique, cherchant à montrer comment les transformations de l’histoire agissent sur le fait. Il se fait l’ « archéologue » d’une société, par exemple, sur la démographie dans les familles ou l’âge du mariage.

89 N. Dissaux, « Balzac et le droit : ce que la littérature peut apporter au droit », art. cit., p. 47.

90 La Peau de chagrin, op. cit. p. 200.

91 Henri Lévy-Bruhl, Sociologie du droit, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 951, 6e édition, 1981, p. p. 99, cité par Nicolas Dissaux, ibid., p. 42.

92 F. Ost, « Avant-propos : pour une critique de la raison narrative », dans Imaginaires juridiques et poétiques littéraires, sous la direction de Catherine Grall et Anne-Marie Luciani, CEPRISCA PUF, 2013, pp. 13 et s.

Se défier de la magistrature est un commencement de dissolution sociale. Détruisez l’institution, reconstruisez-la sur d’autres bases ; demandez, comme avant la Révolution, d’immenses garanties de fortune à la magistrature ; mais croyez-y93.

Cela nous contraint, parce que nous aurions préféré éviter utiliser ce terme, à évoquer la notion de fiction. La fiction littéraire par rapport à la fiction juridique, et à nous interroger sur le fait de savoir si le droit peut relever de la fiction ou non, ou bien d’une fiction spécifique. Le débat est ouvert ; beaucoup d’auteurs séparent les deux types de fictions et considèrent que s’il y a fiction en droit, c’est de façon ponctuelle et uniquement dans un but pratique, quand la fiction littéraire est plus ample et ouverte à tous les possibles94. En effet, pour la majorité de la doctrine juridique, la fiction ne se confond pas avec le droit, elle en est un outil de nature différente, si ce n’est subversive95. Au droit le vrai96, à la littérature et aux mythes la fiction ; et si le droit parfois s’y aventure, ce n’est qu’à contrecoeur et précisant bien qu’il n’est en rien concerné, dans sa valeur, par un outil qu’il relègue à ce qui n’est pas sérieux. Il apparaît alors que la notion de fiction s’apparente au mensonge, à l’affirmation fausse97 dont certains reconnaissent l’utilité98, d’autres non, considérant que toutes les fois où il y a fiction, il y a possibilité de la supprimer au moyen d’une modification sémantique. Par exemple, pour remplacer la qualification d’immeuble pour un pigeon d’un colombier, l’on propose le qualificatif « foncier99 ». Même si la notion reste floue et

93 Nous y revenons infra, au titre de la capacité.

94 Anne-Blandine Caire, « Fictions et présomptions », dans Les fictions en droit. Les artifices du droit ; les fictions, Actes du colloque du 20/05/2014, sous la direction d’Anne-Blandine Caire, LGDJ – lextenso éditions, 2015, p. 121-141.

95 Marie Bassano, « Sur la fiction. En guise d’accroche », ibid., p. 17-21.

96 Au Moyen-Age, le droit christianisé est empreint de naturalisme, c’est-à-dire que la nature est posée comme un ordre de choses divin, par conséquent parfait et surtout normatif. Le droit ne devait donc pas se présenter comme une transgression de cet ordonnancement (David Deroussin, « L’ancien droit des fictions », Les fictions en droit. Les artifices du droit ; les fictions, p. 23-69. Frédéric Rouvière, « Critique des fonctions et de la nature des fictions », ibid. p. 84-101).

97 D. Deroussin, ibid., Frédéric Rouvière, ibid. ; Anne-Blandine Caire, ibid. Egalement Henri Duméril : « En matière de droit, on entend d’une manière large par Fiction, la supposition, contraire à la réalité, d’un fait ou d’une qualité, supposition destinée à produire certains effets juridiques » qui propose une classification des différents types de fictions juridiques : les symboles (dans les législations dites « primitives ») et les fictions intellectuelles, elles-mêmes, divisées en plusieurs sortes ; selon lui, les véritables fictions sont les fictions judiciaires, hors de notre propos, les fictions légales étant ou bien des commodités, ou une assimilation d’un cas nouveau à un cas connu ou des présomptions (Les Fictions juridiques, Paris, Ernets Thorin, Editeur, 1882).

98 A l’inverse, Frédécric Rouvière s’attache à démontrer l’inutilité tout autant que l’incompatibilité de la notion de fiction, même conçue étroitement comme technique ponctuelle, avec l’idée du droit. Selon lui, elle est une notion « étrangère », « dangereuse et inutile ». Nous pouvons néanmoins le rejoindre sur le fait que le concept est totalement confus et connaît une multitude de définitions, ce qui ne facilite pas son étude. Pour sa part, il propose de ne retenir de fictionnel que les concepts et les catégories juridiques. Quant à notre étude, si elle s’attache à montrer le caractère fictionnel du droit, c’est sur dans autre approche de la notion de fiction et sans réellement remettre en cause les critiques que cet auteur à la notion de fiction telle qu’il l’entend.

99 André Bayart, « Peut-on éliminer les fictions du discours juridique ? », Les présomptions et les fictions en droit, Etudes publiées par Ch. Perelman et P. Foriers, Editions Bruylant, Bruxelles, 1974, p. 27-42.

souvent confondue avec des institutions voisines, l’on peut proposer cette définition de la fiction comme instrument juridique :

Tout principe juridique que l’on est spontanément porté à exprimer par une phrase du genre que voici : « Il faut faire comme si… »

La fiction serait alors essentiellement une affaire de qualification : par commodité dans le cas du pigeon ou par souci d’équité dans le cas de l’adage qui répute né un enfant à naître, chaque fois qu’il y va de son intérêt. Néanmoins, certains distinguent les fictions juridiques « fictives », c’est-à-dire purement verbale, des fictions juridiques « substantielles », c’est-à-c’est-à-dire inventant une situation inexistante, par exemple la notion de personne morale ou la mort civile100. Quoi qu’il en soit, la fiction serait un outil du droit qui lui permettrait quelques arrangements avec la réalité. Quelques auteurs, au contraire, envisagent le rapport entre le droit et la fiction, non pas comme un outil dans un espace plus large, mais comme une façon d’observer le droit101 :

Le droit est [donc] une fiction. Il existe un véritable roman du droit102.

C’est alors la distinction entre le droit et le fait et plus généralement, le juridique et le non-juridique, qui est posée. Cette construction est née au Moyen-Age comme une façon de théoriser le rejet de la fiction dans ce qui relevait de l’exception. Pourtant, c’est en ramenant le droit au fait que l’on nie toute parenté entre droit et fiction103, alors que le droit romain qui incorporait la fiction de façon bien plus fréquente et étendue que le nôtre, était aussi bien plus pragmatique. L’on voit que plus on tente de définir les notions, et plus exactement de les délimiter, plus elles s’éloignent. On pourrait alors considérer, avec René Demogue, que les fictions sont elles aussi une réalité104, ou mieux encore, cesser d’envisager les choses sous cet aspect sémantique105. Il en

100 Pierre-Louis Lucas, « Vérité matérielle et vérité juridique », Mélanges offerts à René Savatier, Paris, Librairie Dalloz, 1965, p. 583-601, citation page 593.

101 Ce qui renvoie à la conception de la fiction en droit romain qui l’utilisait beaucoup et ne la séparait pas du droit ; il n’y avait pas deux entités dont l’une agissait sur l’autre mais un aspect fictionnel du droit (Marie Bassano, « Sur la fiction. En guise d’accroche », art. cit., qui renvoie à Yves Thomas, Les opérations du droit, Paris, 2011, chapitre 6, p. 133-186 ; également D. Deroussin, « L’ancien droit des fictions », art. cit.). Ce n’est qu’au Moyen-Age que la fiction et le droit se sont séparés et qu’est née la suspicion toujours actuelle sur la fiction.

102 Philippe Ségur, « le droit dans les fictions », dans Les fictions en droit, op. cit., p. 19-28 ; p. 28.

103 C’est le cas pour Frédéric Rouvière dont le raisonnement est de faire du droit une matière qui porte sur du fait, du réel (« Critique des fonctions et de la nature des fictions », art. cit.).

104 R. Demogue, Les notions fondamentales, Paris, 1911, p. 248.

105 D’après Stefan Goltzberg, l’approche sémantique d’un discours est marquée par l’opposition vrai-faux, alors qu’une approche pragmatique évite cette référence (« De quoi la fiction indique-t-elle l’absence ? », dans Les fictions en droit, Les artifices du droit, les fictions, op. cit., p. 103-118).

résulterait une « Belle indifférence »106 au réel du droit qui pourrait donc ouvrir les horizons et s’en approcher, s’y coller ou s’en détacher.

Stefan Goltzberg montre que c’est un débat qui ne concerne pas la fiction juridique en propre mais la fiction tout court. En littérature, les années 1950 ont connu ce qu’il nomme un « tournant pragmatique107 » qui a détaché la notion de fiction de la question de la fidélité ou non au réel. Il y aurait peut-être matière à réfléchir à un pareil tournant en droit. Il n’y aurait donc pas ou pas uniquement des procédés relevant de la fiction dans le droit mais également l’idée d’un droit intrinsèquement traversé par un type de narration nommé fiction. C’est alors vers les notions de récit et de narration que l’on préfèrerait se tourner : le narratif serait ce qui entoure le discours normatif ; or, ne serait-ce que parce que le droit contient une part d’idéologie que les phénomènes ponctuels de fiction font apparaître108, tout droit incorpore une part de narratif109. Les distinctions juridique/non-juridique et fait/droit seraient ainsi des débats à recontextualiser dans la question plus large du rapport du droit au réel. La fiction juridique serait une modalité de la fiction tout court, ne serait-ce que parce qu’il y a discours et qu’un discours pose des problèmes « soulevés par le passage de la langue (française) au discours (balzacien)110 ».

En effet, la « voix neutre qui énonce le portrait, une voix sans origine précise, qui suggère l’absence de l’ « auteur » pour garantir l’objectivité de la description111 », n’a-t-elle aucune parenté avec celle du texte juridique ? Comme dans le texte de loi, « Le corps référentiel donne l’impression d’une présence immédiate en des mots purement descriptifs, signifiants, innocents de toute manipulation discursive112 ». Pourtant, le discours du roman est « troublé », l’ensemble du récit déborde l’objectivité, le portrait n’est pas la toile avec les pigments qui la recouvrent. Nous ne trancherons évidemment pas la question, nous nous contenterons de prendre le parti de considérer que le droit peut s’observer également sous l’angle de sa capacité à produire un récit dont il ressort une lecture de l’expérience humaine et une part de création de celle-ci dans un mouvement incessant d’ajustement entre absence de réel et excès de réel113.

106 Stefan Goltzberg, ibid. p. 115.

107 Ibid.

108 Voir Mathieu Doat, « Fictions et idéologies », dans Les fictions en droit, Les artifices du droit : les fictions, op. cit., p. 143-155.

109 Stefan Goltzberg renvoie à R. M. Cover, « Nomos and Narrative », Yale Law School, 1983.

110 Bernard Vannier, L’inscription du corps. Pour une sémiotique du portrait balzacien, Editions Klincksieck, Paris, 1972, p. 8.

111 Ibid. p. 21.

112 Ibid. p. 22.

113 Remarquons que l’étymologie du mot fiction renvoie au verbe Fingere, « modeler dans l’argile ». L’on ne modèle pas à partir de rien, mais l’action de modeler est une création qui donne une forme auparavant inexistante à une matière préexistante. Voir également Philippe Ségur, « le droit dans les fictions », art. cit. : « Ainsi le droit est-il une

Le lien entre l’individu et le droit n’est pas fait de vérité mais de croyance ; le droit ne porte aucune vérité sur le monde, tout au plus permet-il de lire en lui une façon de vivre des hommes, quand il ne s’éloigne pas plus du réel pour le créer à son tour.

Lecture

L’on pourrait alors lire les choses à l’envers, prendre le Code civil et voir ce qu’il nous révèle de la vie des hommes. Celui-ci cherche à systématiser, à organiser les rapports des individus entre eux et au monde. Or, ces rapports sont des rapports physiques. Il y a emprise, quelle que soit la nature et le degré de celle-ci, lorsque l’on s’attache, que l’on possède, que l’on utilise ou que l’on entretient, que l’on donne ou que l’on déplace, etc., de même qu’il peut y avoir mise à distance. Emprise sur l’extérieur ou sur soi, délaissement ou rejet de l’extérieur ou de soi, font les relations au monde et donc le droit. Le rapport au monde est sensitif et le droit traite de cela.

Le fait de découvrir qu’à côté de leur puissance évocatrice, les mots du droit portent l’essence de l’être au monde, que La Comédie humaine n’est pas uniquement une plongée dans la littérature pour y rencontrer du droit mais aussi une plongée dans le droit pour y découvrir la littérature de l’expérience humaine, autorise à envisager comment la littérature peut avoir vocation à être du droit, le droit ayant parfois vocation à raconter. Il n’est alors plus question de relations entre deux pôles mais de nature mixte de chacun d’eux ; ils ne sont plus envisagés l’un par rapport à l’autre mais l’un sans l’autre.

Cela éclaire différemment cette phrase de André-Jean Arnaud, et citée par Nicolas Dissaux : « Tout juriste doit avoir lu… Balzac114 ». C’est peut-être bien parce que le droit et la littérature parlent de la même chose. En parlant de l’homme, la littérature parle du monde de cet homme et finit par rencontrer le droit qui parle de la même chose. C’est la grande histoire humaine et sociale de l’homme. Une histoire de sentiments, de sexe, de brutalité, d’avidité ou d’amour.

histoire que l’humain se raconte et dans laquelle il s’efforce de contenir la réalité. Cependant la réalité changeante et imprévisible contraint sans cesse à une narration juridique supplémentaire pour réduire le réel qui à nouveau excède ce qui vient d’être dit et ceci dans une dialectique sans fin » (p. 28).

114 André-Jean Arnaud, Les juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, PUF, 1975, p. 19, cité par Nicolas Dissaux, « Balzac et le droit : ce que la littérature peut apporter au droit », art. cit., p. 39.

Si l’évocation d’un homme de loi115, au XIXe comme au XXIe siècle, renvoie à des sensations similaires en dépit des évolutions de décors, c’est que cet homme appartient à un type de rapport au monde qui parle immédiatement non pas à l’esprit mais aux sens. Le droit ne fait pas qu’organiser un rapport au monde, il est lui-même ce rapport. Lorsque Balzac utilise le droit pour faire des métaphores et parler de tout sauf de choses juridiques, cet emprunt n’a rien d’anecdotique ou de pittoresque, il n’extrait pas les mots ou les images du monde du droit pour les utiliser ailleurs que dans leur milieu d’origine, il plante ce rapport au monde au sein de celui-ci. Il réintègre ou récupère l’essence du droit qui sous-tend le monde pour nous la rendre palpable. Bien plus qu’une utilisation, il s’agit d’une présentation du caractère fondamentalement physique de l’existence. Il n’y a donc pas le monde du droit et le reste, il y a un éternel rapport au monde qui fait du droit et de la littérature un tout.

La Comédie humaine ramène dans ses filets juridique toute la vie des hommes, leurs unions et

désunions, leurs malheurs, leurs réussites. La condition juridique de la femme mariée parle d’elle avant de parler de la société. Ses rêves et ses déceptions sont une autre façon de lire les articles du Code civil de 1804, la robe de Natalie Evangelista est l’indice de la lutte entre le Code civil et les femmes, les hommes de loi sont avant tout des hommes d’une société, ayant choisi d’intervenir dans les problématiques juridiques d’autrui. Chaque personnage balzacien, en portant son nom comme un héritage ou un acquis, en construisant son avenir en fonction des trajectoires dessinées par le droit ou en se vivant comme homme ou comme femme, joue une partition juridique. La

Comédie humaine propose un « Modèle compréhensif exemplaire, alors inédit, des comportements

individuels et collectifs qui définissent les acteurs et les groupes sociaux116 ».

Les forces individuelles ou collectives ne s’extraient pas de cette mélasse qu’est la vie sociale. Mais tout fait loi, les forces des uns, les pressions du tout, tout obéit à des lois humaines ou sociales. La nécessité que représente le vol y est un mouvement que l’énergie humaine déploie dans cette matière qui contraint. Etant précisé que la nécessité chez Balzac n’est pas synonyme de besoin, elle est l’inexorable, l’inéluctable. Avant Le Procès, les personnages balzaciens veulent être tout-puissants117, « Je suis tout » disent-ils118 juste avant de n’être rien. Ne leur reste que le recours du

115 Voir par exemple l’article de Sylvain Chatry, « Les avoués », dans Balzac, romancier du droit, op. cit., p. 103-115.

116 Patrick Tacussel, Mythologie des formes sociales - Balzac et les Saint-simoniens ou le destin de la modernité, Paris, Méridiens Klincksieck, 1995, p.55.

117 Et l’on connaît l’un des thèmes importants de La Comédie humaine, la question de l’énergie comme capital à économiser (voir par exemple Claude Brémond et Thomas Pavel, De Barthes à Balzac, Fictions d’un critique, critiques d’une fiction, Albin Michel, Paris, 1998, p. 199-207 ou encore Maurice Bardèche, Une lecture de Balzac, Les Sept Couleurs, 1964, p. 14-37).

118 Vautrin le dit dans Le Père Goriot (L. P., t. III, p. 49) avant de s’effondrer (p. 212), le père Goriot, lui, affirme cette volonté de puissance dans un flot de paroles avant de reconnaître qu’il n’est « plus bon à rien » (p. 251).

fantastique pour décupler le « Pouvoir » et lui faire atteindre leur « Vouloir » ; celui que le hasard mène à rencontrer la peau de chagrin en meurt rapidement parce que le pouvoir qu’il détient n’est jamais en adéquation avec les possibilités réelles de l’individu qui doit transiger avec les forces de la société, les forces du droit. L’on peut même ajouter que les possibilités réelles de l’individu découlent directement de ce qu’il est dans la société et que, pour éviter de les consumer dans une hypertrophie du désir, il lui faut transiger sur cette identité.

En refusant la transaction, La Peau de chagrin et Le Colonel Chabert sont deux expériences de l’impossible adhésion totale avec le type d’identité que le droit définit : un ensemble de « Pouvoir(s) » d’action auquel correspond un ensemble de « Vouloir » les accomplir. Belle démonstration de l’identité comme édifice d’une multitude de transactions119.