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Renaud Wilson, conseiller, Department for Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA)

M. Renaud Wilson, conseiller, Department for Environment, Food and Rural Affairs (DEFRA). Je n’ai pas de profil de scientifique. Je m’intéresse aux aspects politiques. Pour nous, le gouvernement britannique actuel, nous nous intéressons aux conclusions de l’Union européenne sur les nouvelles technologies et l’édition du génome. Nous attendons de savoir ce que la Commission européenne a décidé sur cette notion de contrôle, cette opinion devrait arriver cette année.

Une entreprise, Cibus, nous a contactés concernant la sélection de semence, pour savoir si la législation européenne permettait l’utilisation de l’édition du génome. Ils ont mis en place une nouvelle variété de soja, et voulaient avoir notre avis, sur leur méthode de mutagénèse oligodirective, une technique d’édition de génome. Donc nous avons formé un comité d’experts scientifiques, et nous avons conclu qu’ils ne s’agissaient pas juridiquement d’organismes génétiquement modifiés (OGM), donc que cette entreprise n’avait pas besoin de notre approbation pour leurs essais au Royaume-Uni.

Ainsi nous avons établi des principes de base à partir de cas en se basant sur la définition de l’Union européenne par la saisine de Cibus. Par conséquent, si la technique d’édition dit qu’il n’y a pas d’ADN étranger, ou si le changement se produit de manière naturelle, cela ne devrait pas poser de problème. Cibus a donc demandé un avis à six autres États membres, qui sont arrivés à la même conclusion que nous, heureusement : Suède, Finlande, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Espagne, mais pas la France.

Pour l’instant, nous sommes en attente de la position de la Commission concernant la question de l’interprétation de la définition d’un OGM. Mais l’expérience que nous avons permet de dire que les contrôles ne se sont pas appliqués de manière efficace. Si la conclusion atteinte par la Commission était que l’édition du génome soit considérée comme OGM, cela aurait des répercussions négatives sur l’innovation pour l’agriculture. La technique de l’édition du génome ne devrait pas, selon nous, être considérée comme OGM. Car les changements par cette technique peuvent être comparables à un processus naturel.

L’autre question que vous évoquiez concerne la règlementation : ne devrait-elle pas être moins stricte ? Pour nous, le contrôle des OGM, s’il était appliqué, devrait permettre un processus d’évaluation moins lourd lorsque les circonstances le justifient. Il serait important d’avoir une évaluation au cas par cas.

Cela dit, nous craignant que, dans la pratique, le jugement de l’Union européenne sur les différentes classes d’OGM soit remis en cause. L’Union européenne n’a pas développé la capacité à faire cette distinction entre les différentes classes d’OGM, les régulations sont plus ou moins strictes. Le processus européen s’est fait emprisonner au plan politique. Les États membres ne sont pas d’accord d’un point de vue politique, sur les cultures politiques. Le contrôle des OGM est très loin d’être satisfaisant. Nous ne sommes pas contre une évaluation proportionnée, justifiée, basé sur des preuves scientifiques. Mais nous sommes plutôt inquiets, et pensons que cela bloque l’innovation. J’essaie de m‘exprimer de manière diplomate, car la France a rendu la culture OGM difficile, et vous avez un poids important dans la décision finale.

Concernant la perception des OGM par l’opinion publique, je réponds que je peux comprendre cela en Angleterre, nous avons eu beaucoup d’essais OGM.

Mais si nous regardons le débat autour de l’édition du génome, il faut faire différemment que pour les OGM. Nous savons que les organisations non gouvernementales (ONG) qui se sont battues contre les OGM vont faire la même chose avec l’édition du génome. Finalement, cela nous a menés à une situation regrettable. C’est pour cela que nous attendons les conclusions auxquelles va aboutir l’Union européenne. Il faudrait pousser le débat pour qu’il soit mieux compris en présentant scientifiquement et informant au mieux le public. Cela serait plus facile si nous avions un débat censé sur les OGM. Pourquoi règlementer des organismes qui pourraient être produits de manière naturelle ? Et donc pourquoi les soumettre à la règlementation de l’Union européenne. Nous avons l’impression d’être isolés au Royaume-Uni pour avoir des décisions basées sur la science. La position de Nicolas Sarkozy a complétement changé, présentant des arguments plus justifiés. Car l’édition du génome aurait un impact très bénéfique et considérable pour l’Union européenne, nous nous rendrons plus compétitif. La préoccupation autour de la sécurité est légitime, mais nous pouvons faire face. Le blocage par les ONG de la culture par l’édition du génome risque d’empêcher d’avoir un débat progressiste au sein de l’Union européenne.

Sur la politique menée au Royaume-Uni concernant les OGM en cas de Brexit, je ne répondrais pas, car ce n’est pas mon travail, mais je pourrais y répondre indirectement. Il y a des décisions au cas par cas, nous avons adopté une loi au Royaume-Uni qui a le même contenu que la directive européenne. La question principale est celle de l’application de la loi : un système règlementaire qui est raisonnable sur le papier mais qui n’est pas appliqué est en quelque sorte était corrompu. L’Union européenne n’a accepté qu’un seul OGM depuis 1998.

Certaines demandes attendent depuis dix ans, et cela ne peut fonctionner comme cela.

Concernant les importations d’OGM en provenance des États-Unis et d’Argentine, j’estime que la différence faite entre les importations et la culture sur le territoire européen ne tient pas debout. Lors de votes sur ce sujet, la France vote contre ou s’abstient, l’Allemagne s’abstient aussi, car elle n’a pas de position claire. Pour nous il n’y a pas de difficulté quand on analyse les preuves ou les résultats. Si la France devait adopter une décision analogue concernant l’édition du génome, il sera difficile d’avoir une politique agricole incluant les nouvelles technologies.

Au Royaume-Uni, nous n’avons pas eu de débat sérieux sur l’édition du génome. Il y aura des campagnes contre les OGM et pour l’édition du génome. Le débat se concentre sur des techniques spécialisées, nous cherchons à savoir si ce sont des OGM ou non. Le comité scientifique dit qu’il ne faudrait pas règlementer sur la technique mais sur la caractéristique innovante. Est-ce que cet organisme est doté d’une caractéristique nouvelle ? Et c’est sur cette base que nous devrions règlementer. C’est le processus qui prévaut au Canada, le seul pays qui a ce type de règlementation. Pour les scientifiques il s’agit d’une méthode raisonnable, car cette technique de sélection n’indique pas de risque, en effet, le risque provient des caractéristiques du produit, sa tolérance en somme.

Si nous acceptons cette approche, nous abandonnons le débat sur la classification. Pour le gouvernement britannique, c’est un argument qui tient debout. Si nous revenons à l’Union européenne, comment va-t-elle réagir ? La modification de la législation des OGM pour aller vers une approche basée sur les caractéristiques de l’organisme, si l’attitude politique ne change pas pour la plupart des États membres, risque d’empirer la situation. Nous nous engagerions à une règlementation de produits conventionnels qui ne sont pas touchés par la règlementation actuelle, qui ne sont pas couverts. Il faut faire fonctionner cette législation européenne comme elle aurait dû être appliquée dès le départ.

La Commission va bientôt publier son opinion sur les nouvelles techniques de sélection végétale. Il y a eu des discussions informelles, qui devraient mener à des discussions à la Commission européenne. Certaines ONG déposeront sans doute un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Ainsi, une interprétation de ce document européen devra être faite, mais les opinions expliquent que cela pourra être interprété de manière différente.

Concernant Cibus, il n’y a pas d’autres documents, mais je peux communiquer les points essentiels.

Il n’y a pas de positionnement politique du gouvernement britannique sur la législation européenne à ce sujet. Si nous devons avoir des règles fonctionnelles et opérables, alors la règlementation serait tout à fait acceptable. Mais jusqu’ici la législation européenne ne fonctionne pas correctement. Cela permettrait de dire que l’édition du génome ne serait considérée comme des OGM. Donc les nouvelles technologies ne seraient pas assujetties à la règlementation OGM. Ainsi se pose la question du niveau de réglementation. Faut-il une règlementation plutôt légère (light), moins onéreuse ? Mais l’Union européenne n’est pas capable

d’adopter une logique graduée. Pour certains États membres, leur attitude politique négative demande de plus en plus d’information avec des évaluations de plus en plus onéreuses. Nous ne pouvons pas nous fier à l’Union européenne.

Je peux parler de l’élevage des animaux. Il va y avoir un débat parlementaire sur les insectes génétiquement modifiés (gene drive ou guidage génétique). Nous adoptons les mêmes principes politiques dans tous les domaines.

Nous appliquons l’évaluation de risque au cas par cas. Nous considérons que l’ensemble de ces technologies peut être appliqué de manière intelligente, sans risque, pour que les agriculteurs puissent les utiliser. Nos chercheurs, nos entreprises, se préoccupent des recherches qui pourraient être réalisées, mais qui ne peuvent aboutir sur un marché européen assez dissuasif par rapport aux produits nouveaux. L’entreprise Oxitec, qui a une technologie permettant de rendre stérile les insectes, travaille sur des espèces qui provoquent des ravages agricoles et posent problème en Europe. Oxitec pourrait faire des expérimentations en plein champ en Angleterre, mais ne pense pas trouver de débouchés pour son produit en Europe. Cette entreprise travaille aussi sur des moustiques porteurs du virus comme Zika, permettant un débouché vers les États-Unis.

L’intérêt de la technique d’Oxitec est qu’elle est autolimitant. L’objectif est de réduire de manière significative la population totale. Ils ont fait des essais au Brésil, aux Iles Caïmans, ils attendent de pouvoir lancer des essais en Floride, je crois aussi en Malaisie. Ils ont déjà effectué des essais au Brésil, mais n’ont pas d’autorisation de commercialisation. Il y a différentes étapes à franchir avant de pouvoir libérer des moustiques OGM. Cela réduit la population des moustiques de 80 à 90 %.

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