• Aucun résultat trouvé

Christian Cottet, directeur général de l’AF J’interviens à double titre, en tant que représentant associatif mais également en tant que père d’une

enfant touchée par une maladie génétique rare. L’AFM est une association de malades ainsi qu’une organisation opératrice de recherches pour les maladies rares, notamment dans le domaine des thérapies géniques et cellulaires.

Environ sept mille maladies, dont plus de 80 % ont une origine génétique et dont une grande partie sont mono-géniques, sont rares. Les malades sont peu nombreux mais le nombre de maladies est tel qu’il s’agit d’une véritable question de santé publique. 3 millions de personnes sont concernés en France et 30 millions à l’échelle européenne. La diversité des pathologies est grande. Toutes les fonctions biologiques et tous les organes sont susceptibles d’être affectés par ce type de maladies. La moitié touche des enfants. Une partie est lourdement invalidante, souvent mortelle, avec un impact sur le pronostic vital qui est variable.

Le point le plus dramatiquement remarquable est que 99 % de ces maladies ne bénéficient à l’heure actuelle d’aucun traitement curatif, malgré des progrès considérables de la recherche (séquençage du génome, identification de près de quatre mille gènes responsables de ces maladies, etc.). Dans le domaine thérapeutique, les progrès sont lents mais néanmoins constants, avec parfois de véritables innovations de rupture.

Des milliers de maladie, dont la plupart ne concernent qu’un faible nombre de malades, nécessitent l’élaboration d’outils thérapeutiques novateurs, leur maîtrise et leur application à des maladies modèles pour une application à un grand nombre de pathologies. En s’appuyant sur la compréhension fine de l’origine de ces pathologies, les apports thérapeutiques ont naturellement ciblé le gène ou son expression. On peut ainsi citer la pharmaco-génomique, soit les thérapies de l’ADN, ou encore la thérapie génique, consistant à remplacer le gène muté par un gène fonctionnel apporté dans la cellule cible par un vecteur,

généralement d’origine virale, ou bien le genome editing, soit une correction ciblée des mutations avec ou sans introduction d’ADN exogène.

Les deux premières familles d’approches thérapeutiques sont aujourd'hui en clinique et les premiers médicaments sont au stade de l’autorisation de mise sur le marché.

Le monde des maladies rares est en mouvement, et ses succès sont appelés à être transposés à un grand nombre de maladies dont les mécanismes moléculaires sont identiques. Dans ce contexte, que dire du genome editing ?

Les technologies sont plurielles, les supports chimiques de cette intervention sont multiples. Il est important de considérer d’abord le concept thérapeutique, et non simplement la biochimie permettant de le mettre en œuvre.

Toutes ces approches sont d’origine naturelle et la recherche vise « simplement » à transposer et à orienter ces systèmes vers des cibles que sont l’ADN muté afin de réparer la mutation. Les mécanismes d’action sont les mêmes que les mécanismes naturels de découpe ciblée et de réparation de l’ADN.

Le potentiel thérapeutique est énorme et l’enjeu de la maîtrise de ces techniques est la mise en œuvre d’une vraie médecine de précision. Ces techniques de réparation de l’ADN seront un jour plus puissantes, plus précises, plus sélectives que les thérapies géniques par transfert de gènes, lesquelles représentent déjà une innovation de rupture sur le chemin du médicament.

CRISPR-Cas9 est aujourd'hui au stade de la recherche ou en phase préclinique mais les premières approches sont en clinique, pour le SIDA par exemple. Avec CRISPR-Cas9, les approches cliniques en thérapie génique ex vivo pourraient être rapidement en clinique. Ce processus sera vraisemblablement plus long pour la thérapie génique in vivo, qui soulève les mêmes difficultés de vectorisation que la thérapie génique par transfert de gènes et requiert de contrôler les effets hors cible qui pourraient provoquer des mutations non-désirées. Je n’oublie pas la délicate question des cellules germinales.

99 % de ces maladies n’ont aujourd'hui aucune solution thérapeutique.

Pourtant, le progrès thérapeutique réalisé ces trente dernières années a été considérable et la science a démontré que l’on peut guérir l’incurable. Les applications cliniques les plus pertinentes sont aujourd'hui obtenues par substitution ou modification de gènes. Demain, ces corrections seront encore plus précises et mieux ciblées, si on s’en donne les moyens.

CRISPR-Cas9 est à l’honneur aujourd'hui mais une autre chimie pourrait l’être demain. Peu importe. Le sens du progrès thérapeutique est là. Il ne faut pas renoncer.

Il faut faire preuve de prudence. Ces nouvelles approches n’en sont pas toutes au même stade de développement. Il est évident que les recherches doivent être encadrées et prendre en compte les précautions méthodologiques les plus rigoureuses et les réflexions éthiques les plus abouties. En même temps, elles ne

doivent pas être brimées par abus d’un principe de précaution fondé sur des bases idéologiques, que ce soit au stade fondamental, préclinique ou clinique.

Il ne faut pas perdre de vue que la finalité est de guérir. La question bénéfice/risque demeure donc plus que jamais d’actualité.

Mme Catherine Procaccia. Madame Streb est chargée de la veille bioéthique au sein d’Alliance Vita, une association fondée en 1993 au moment des premières lois bioéthiques.

Docteur en pharmacie, vous avez participé à la première audition publique de l’OPECST du 7 avril dernier sur les nouvelles biotechnologies, au cours de laquelle vous avez demandé l’instauration d’un moratoire.

Vous avez souhaité intervenir lors de l’audition publique de ce jour. Vous avez entendu les attentes de l’association de patients qui vous a précédée.

Votre intervention nous permettra d’entendre la position de votre association concernant les thérapies par biotechnologies.

Mme Blanche Streb, directrice des études d’Alliance Vita. Je souhaiterais examiner les enjeux éthiques émergeant avec ces nouvelles biotechnologies au travers de leur impact sur l’embryon humain.

Le premier enfant génétiquement modifié est déjà né voilà quelques semaines, conçu dans le secret d’un laboratoire et en dehors de tout radar éthique et règlementaire dans un pays où cela n’est pas explicitement interdit. Il a été conçu in vitro par la technique controversée, dite de « FIV à trois parents » par transfert nucléaire. La communauté internationale s’est retrouvée face au fait accompli. Il devient dès lors plus difficile de contester la manière dont il a été conçu.

Pourtant, selon une publication, un certain de pourcentages de maladies mitochondriales serait passé dans cette première cellule. Cela et d’autres inconnus pèsent désormais sur la santé future de cet enfant, cobaye à vie de la technique ayant contribué à le concevoir. Cet enfant et cette famille ne sont-ils pas victimes de fausses promesses, notamment d’un médecin dont l’activité s’oriente sur des problèmes de fertilité ?

Nous avons été étonnés de la manière dont cette affaire a été médiatisée, et de ne voir presque aucune contestation malgré une telle transgression. D’autres enfants naîtront bientôt en Ukraine avec cette technique, pour des raisons de fertilité et non de maladies mitochondriales. Ces modifications génétiques seront donc transmissibles aux générations suivantes et personne n’est aujourd'hui en mesure d’en anticiper les conséquences.

Ceci constitue un précédent. Ne sommes-nous pas déjà dans une fuite en avant ?

Selon un sondage de l’IFOP réalisé en mai dernier, 67 % des Français se disent inquiets devant l’accélération de l’intervention des scientifiques sur le génome humain. Il faut l’entendre car seuls des cadres éthiques, clairs et fondateurs, éviteront que la science ne soit injustement discréditée. Les Français sont très majoritairement opposés à une intervention sur le génome humain ou de leur propre embryon in vitro et 68 % demandent que la France s’engage pour demander un encadrement international de ces pratiques.

La France, pays des droits de l’homme et de la dignité de la personne, dotée de lois bioéthiques et d’institutions capables de débattre à un haut niveau, a vraiment son rôle à jouer sur cette thématique. Nous n’avons pas la vision utilitariste de l’être humain que peuvent promouvoir d’autres pays.

CRISPR-Cas9 est mis en œuvre sur l’embryon humain dans des laboratoires en Chine, en Angleterre et en Suède. Cette technique n’est à l’heure actuelle ni complètement sûre ni totalement efficace. Elle se perfectionne. La tentation ne deviendra-t-elle pas un jour trop prégnante, jusqu’à l’implantation d’un embryon transgénique ?

La recherche sur l’embryon en France a inexorablement évolué depuis que le principe éthique fondateur de l’interdiction totale présent dans les premières lois de bioéthique a été supprimé. Il assurait que la loi sur la primauté de la personne interdise toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantisse le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Le nouveau régime institué par la loi Santé permet la réalisation de recherches biomédicales dans le cadre de l’AMP sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon in vitro lui-même avant ou après son transfert à des fins de gestation dans le but d’améliorer l’efficacité des méthodes d’AMP ou de prévenir ou soigner des pathologies de l’embryon.

Ces mesures interrogent. Une saisine au Conseil constitutionnel a soulevé l’opacité de cette formulation. Aucune précision sur le but de ces recherches n’est mentionnée. Ce nouveau régime, appliqué à l’embryon humain, relève du droit commun des recherches biomédicales, soit du droit commun de la recherche sur la personne humaine. La science nous enseigne que rien ne change dans la nature de l’embryon. Comment alors expliquer qu’il passe du statut de matériau de laboratoire à celui de personne et vice versa selon que la recherche intervient dans le cadre d’une AMP ou non ? Cette loi Santé n’a-t-elle pas révélé l’artifice de considérer l’embryon comme un matériau de laboratoire ? Il est aujourd'hui interdit de faire naître un enfant génétiquement modifié, mais comment, si on se projette dans le futur, prétendre se prémunir des risques dans un système flou et variable, ne reposant pas sur des principes éthiques cohérents, stables et ancrés sur la dignité humaine ?

Ces nouvelles technologies nous questionnent et nous forcent à approfondir les buts qu’elles poursuivent, et notamment l’utilisation de l’embryon humain. Le débat éthique sur la production, la manipulation et la destruction

d’embryons humains reste ouvert et l’humanisation du regard sur l’embryon humain est possible, voire plus que jamais nécessaire car nous voyons les limites à ne réfléchir à une éthique qui ne concernerait que les applications.

Notre position est de rappeler la nécessité de protéger l’intégrité de l’être humain, dès son stade embryonnaire, contre toute exploitation qu’elle soit motivée par des intérêts particuliers ou collectifs. La responsabilité envers les générations futures n’est-elle pas de tout mettre en œuvre dès aujourd'hui pour que soit garanti le respect des droits de ceux qui verront le jour plus tard ? La nécessité de préserver la sécurité et la santé et le traitement éthique des techniques de procréation constitue un vrai enjeu sanitaire.

Ces thérapies géniques et de CRISPR-Cas9 ainsi que d’autres techniques éventuelles se révèlent très prometteuses pour soigner des maladies. Néanmoins, manipuler l’embryon humain pour corriger et transformer ses caractères conduit à l’instrumentaliser et à entretenir l’illusion de la suppression de la fragilité.

On commencera par vouloir éviter le pire mais cela conduira inévitablement à prétendre recherche le meilleur. La sélection des gènes par ces techniques glisse vers un génisme dont nous sentons tous la menace. Ces technosciences appellent à un état de vigilance éthique maximale car le seul véritable progrès recherche de manière indissociable le bien de l’homme et de l’humanité entière. Il doit être choisi, partagé, raisonné juste et viser à améliorer la qualité de l’homme sans altérer son environnement et désormais sa nature même.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur Simard, vous êtes docteur en génétique, habilité à diriger les recherches sur la biologie intégrative à l’université de Montpellier.

Vous vous intéressez aujourd’hui aux potentialités et aux risques du guidage de gènes (gene drive), cette technique qui permet en un temps très court de modifier une espèce de moustique responsable de maladies mortelles (paludisme, dengue, chikungunya, Zika…), et donc potentiellement d’éradiquer ces maladies. Quelles sont les potentialités du guidage de gènes ? Quelles sont les conséquences environnementales de supprimer ou modifier une espèce vivante ?

M. Frédéric Simard, directeur de recherche à l’Institut de recherche

Documents relatifs