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Pierre Cordelier, directeur de recherche Inserm, responsable d’équipe au sein du centre de recherches en cancérologie de Toulouse,

président de la Société française de thérapie cellulaire et génique. Il existe déjà des humains traités par des thérapies géniques, mais ces traitements ne peuvent se transmettre à la descendance. La question mérite donc d’être approfondie sur la question germinale.

M. Jean-Yves Le Déaut. La vraie question est celle des avantages et des risques. Les débats sont tronqués. Lorsque des prix Nobel disent que les biotechnologies doivent être utilisées au niveau mondial, d’aucuns affirment qu’ils mentent mettant en exergue le nombre de kilos de production génétiquement modifiée nécessaire pour atteindre les taux de vitamines fournis par une plante non-modifiée. Ces aspects doivent être évalués, à l’instar de l’intérêt thérapeutique, l’économie sur les ressources possibles ou encore l’empreinte carbone. En l’absence de technology assessments avec des débats contradictoires, la question ne pourra être résolue, puisqu’elle continuera de reposer sur des affirmations médiatiques des uns contre les autres.

M. Daniel Boy. En 1837, Mary Shelley publie Frankenstein. Il s’agit d’une histoire ancienne. Ce courant passe nos sociétés depuis longtemps, avec notamment le référentiel du « savant fou ». Le public est influencé par l’univers fictionnel ainsi que par l’univers médiatique. Les médias ont fondamentalement changé. Les plus jeunes ne regardent pas la télévision, mais privilégient les réseaux sociaux. Ce qui se passe sur ces derniers est tout à fait différents de ce qui se passe dans les médias. Les premiers résultats d’une recherche Google sur

« OGM » sont négatifs, ce qui n’est pour l’heure pas le cas de CRISPR. L’univers des médias doit être appréhendé de manière différente, puisque les médias traditionnels perdent de l’audience au profit des réseaux sociaux, lesquels doivent être intégrés à la réflexion.

M. Jean-Michel Race, ANSM. Deux dimensions interviennent dans la question bénéfices/risques : interconnexion de l’individuel et du collectif ainsi que la simultanéité ou non du bénéfice et du risque. Dans le domaine de la santé, l’opinion serait favorable à la création de nouvelles technologies pour de nouveaux « antibiotiques ». Une difficulté se pose néanmoins sur la généralisation des antibiotiques. En outre, un problème de vaccination se pose, notamment en France. Elle n’est pas perçue comme un risque individuel mais le bénéfice est collectif.

Par ailleurs, la proposition d’un médicament engendrant des risques mais permet des bénéfices actuels peut être accepté. Dès lors que ces interconnexions temporelles et collectives/individuelles sont plus bouleversées, des difficultés apparaissent.

Mme Catherine Procaccia. Lundi, un colloque était organisé sur la vaccination et les journalistes.

M. Philipp Lengsfeld. I want to add one more element on the negative references that M.BOY was mentioning. It is a very important and dangerous point. We have to avoid having too many negative references. We should not allow demonization of science field. It is a fundamental issue. I strongly advise against demonising any field. If some field needs to be demonised, there should be very good reasons, because it is creating a spiral of negative references where in the end everybody loses and where innovation is impossible. It is always easier to destroy something than to create it.

Of course, we have to talk about limits and risks. Setting limits is not similar to demonization. I would suggest talking about limits but not destroying or demonising items.

DEUXIÈME TABLE RONDE :

APPLICATIONS DES NOUVELLES BIOTECHNOLOGIES EN MÉDECINE HUMAINE : POTENTIALITÉS ET QUESTIONS ÉTHIQUES

Mme Catherine Procaccia. Lors de nos déplacements, en particulier aux États-Unis mais également au Royaume-Uni, nous avons constaté un développement foisonnant des recherches en médecine humaine. Pour certains, CRISPR n’est qu’en phase de recherches fondamentales. Or des essais sur l’homme seront lancés aux États-Unis dès l’an prochain sur certaines maladies génétiques très ciblées.

Les très nombreuses maladies à cause génétique sont les cibles potentielles des thérapies de modification ciblée du génome. Certes aucune application clinique n’est actuellement autorisée avec CRIPSR-Cas9, mais plusieurs sont déjà réalisées avec la technologie des doigts de zinc ou avec TALEN. Le développement est rapide. La modélisation de maladies humaines sur des animaux est très avancée. Les effets hors cible constatés sur les premiers essais se raréfient.

Les travaux portent par exemple sur la myopathie de Duchenne, la bêta-thalassémie, les rétinites, voire le diabète, les maladies du cerveau, la maladie d’Alzheimer... Plusieurs études concernent une meilleure compréhension des mécanismes des premières heures de la procréation, avec à la clé une action possible contre les causes d’infertilité. Les essais menés pour lutter contre le virus du sida, bien que jusqu’à présent infructueux, restent prometteurs.

La lutte contre les maladies mortelles à cause vectorielle comme le paludisme, la dengue, le chikungunya ou Zika pourra s’intensifier avec la modification des moustiques concernés.

La modification du génome humain pose des questions éthiques évidentes.

Il faut distinguer la modification des cellules somatiques chez un adulte, et la modification des cellules germinales, qui est héréditaire. Cette dernière fait l’objet d’un consensus quasi-général au niveau mondial, avec des formes très différentes selon les zones géographiques et les pays, pour interdire la modification de la lignée germinale humaine.

Il faut également distinguer l’amélioration – ou « l’augmentation » – de l’homme, qui rappelle l’eugénisme de triste mémoire. Des lignes rouges ne doivent pas être franchies. Où les tracer ?

Mme Catherine Procaccia. Nous connaissons bien les activités de l’Agence de la biomédecine (ABM) en matière de prélèvement et de greffe d’organes. Mais nous connaissons moins ses activités cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation, ses activités de diagnostic prénatal, préimplantatoire et génétique et ses activités de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et l’embryon humain.

Monsieur Karim Laouabdia-Sellami, vous êtes docteur en médecine et vous représentez l’ABM. Vous intervenez aujourd’hui pour parler de l’autorisation par l’ABM des recherches géniques faisant intervenir gamètes et embryons, ainsi que pour la procréation médicalement assistée (PMA). Peut-on comparer ces nouvelles techniques avec le Diagnostic préimplantatoire (DPI) ?

M. Karim Laouabdia-Sellami, directeur général adjoint chargé de la politique médicale et scientifique de l’Agence de la biomédecine. L’Agence de la biomédecine est un établissement public administratif créé en 2004 par les lois de bioéthique. Ses champs de compétence couvrent les domaines de la greffe, de la reproduction, de l’embryologie et de la génétique humaine. L’agence est dotée d’instances : le Conseil médical et scientifique, le Conseil d’administration ainsi que d’un Conseil d’orientation, qui veille à la qualité d’expertise en prenant en compte les questions éthiques susceptibles d’être soulevées par les questions scientifiques. Elle rend un avis sur les questions intéressant la recherche scientifique. Elle est obligatoirement consultée sur les autorisations délivrées par l’agence, et particulièrement dans les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines.

La thérapie génique utilise des gènes et l’information qu’ils portent pour traiter une maladie ou modifier un comportement. La thérapie somatique introduit des gènes dans des cellules somatiques pour traiter un défaut dans les cellules touchées. Les débats portent en particulier sur la sûreté et la capacité des techniques. Les thérapies germinales ou sexuelles s’appliquent à l’embryon au stade de quelques cellules, avec une transmission. Le débat porte sur l’intégralité

du génome, les risques d’utilisation à des fins non-thérapeutiques ainsi que le génisme.

L’encadrement de la recherche en génétique

S’agissant de la recherche fondamentale sur les cellules souches, somatiques et germinales, une déclaration auprès du ministère de la recherche avec l’avis du Comité de protection des personnes est nécessaire. Sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, l’autorisation est octroyée par l’ABM.

S’agissant de la recherche clinique, sur les cellules somatiques, l’autorisation de recherche médicale est demandée à l’ANSM, avec un avis de l’ABM. La recherche en génétique est interdite par la loi sur les embryons et les cellules germinales. En vertu du Code civil, aucune transformation ne peut être apportée au caractère génétique dans le but de modifier la descendance de la personne.

La réglementation actuelle interdit toute intervention dans le but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante décédée, la conception in vitro d’embryon ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de recherche, la création d’embryons transgéniques ou chimériques.

Un embryon ne peut être conçu par clonage ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles. Est également interdite toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques.

La recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires humaines

La loi a évolué dans ce domaine. Les lois de 2004 et 2011 interdisaient avec dérogation. La loi d’août 2013 prévoit des autorisations encadrées par l’ABM. Les autorisations de recherche sont délivrées par l’agence selon quatre critères : pertinence scientifique, finalité médicale, l’absence d’alternative et le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent en aucun cas être transférés à des fins de gestation. De quel embryon parle-t-on ? Il s’agit d’embryons surnuméraires issus de fécondation in vitro, d’embryons transférables sans anomalie ainsi que sans projet parental, des embryons issus de fécondations in vitro qui ne sont pas transférables du fait d’anomalie morphologique, des embryons issus de fécondations in vitro avec découverte d’anomalies chromosomiques au cours d’un DPI. Le consentement des parents est nécessaire.

Les circuits d’autorisation sont simples : dépôt de la demande d’autorisation avec trois fenêtres par an, examen par un collège d’experts scientifiques, examen par le Conseil d’orientation de l’ABM, décision de la directrice générale de l’agence qui peut autoriser la recherche, renouvelable dans les mêmes conditions.

S’agissant du suivi et du contrôle de l’autorisation de recherche, le responsable de la recherche adresse sa déclaration en début d’activité, un rapport annuel d’activités, un rapport final sur le protocole à la direction générale de l’agence. Deux registres sont instaurés afin d’assurer la traçabilité des embryons et des cellules souches : un registre tenu par les établissements et organismes autorisés à effectuer les recherches ainsi qu’un registre national des embryons et des cellules souches humaines.

Concernant le CRISPR-Cas9, trois demandes d’autorisations ont été déposées à l’agence entre 2015 et 2016. Elles sont conformes aux dispositions prévues par la loi et aux protocoles autorisés.

À ce jour, aucun protocole n’a été déposé pour CRISPR-Cas9 sur la recherche d’embryon.

Mme Catherine Procaccia. Les deux missions centrales de l’ANSM sont d’offrir un accès équitable à l’innovation pour tous les patients et de garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise sur le marché. L’ANSM autorise les essais cliniques pour les différentes catégories de produits de santé.

Monsieur Race, vous nous parlerez des autorisations par l’ANSM des traitements médicaux de thérapies géniques et des recherches pour la Procréation médicalement assistée (PMA).

M. Jean-Michel Race, directeur à l’Agence nationale de sécurité des

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