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précision ou à la connaissance du sol, parent pauvre de l’agriculture. Je souhaiterais donc suggérer à la représentation nationale d’élargir le débat, pour s’intéresser à tous ces aspects.

Je vous signale que l’Académie des technologies et l’Académie d’agriculture mènent actuellement une réflexion dans ce domaine.

M. Jean-Christophe Pagès. Je souhaiterais rappeler à Monsieur Bertheau qu’il avait eu les fiches dans lesquelles était développée la question du off target.

C’est faire insulte à ce comité que de prétendre qu’il a ignoré cet aspect. Nous avons précisé la question des « hors cible » afin d’expliciter la décision consistant à proposer que toutes les modifications ciblées soient considérées possiblement, moléculairement, comme des OGM, comme l’est la mutagénèse. Jamais il n’a été question d’occulter cette question des off target.

Tu as par ailleurs, Yves, discuté avec nous le 16 décembre et nous avions bien entendu l’ensemble des questions que tu avais posées.

CONCLUSION

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l’OPECST. Je voudrais simplement vous remercier, intervenants et participants dans la salle, d’avoir contribué à ce débat et soulevé autant de questionnements. C’est en effet ainsi que nous souhaitons travailler à l’OPECST, en associant à nos réflexions le maximum de monde.

Nous sommes aujourd’hui au tout début de l’étude que nous entendons mener. Cette audition publique en est la première étape et nous allons, pendant plusieurs mois encore, travailler sur le sujet. Nous aurons sans doute l’occasion, dans ce cadre, de revoir les uns et les autres, sur ces thèmes très variés, puisqu’il existe des différences notoires dans ce domaine entre le végétal et l’humain.

Je signale enfin que l’OPECST organise cette après-midi au Sénat une audition sur la question des maladies à transmission vectorielle, thématique évoquée ce matin par Monsieur Marois.

Comme vous le constatez, l’OPECST s’investit dans différentes réflexions, autour de problématiques toujours passionnantes.

Lorsque Jean-Yves Le Déaut m’a demandée de travailler avec lui sur le sujet de la modification du génome, j’ai tout d’abord, n’étant pas scientifique, manifesté quelques réticences. Je voudrais aujourd’hui le remercier vivement ; j’ignore si je serai à la hauteur de la tâche qui m’est confiée, mais trouve ce travail absolument passionnant.

B. AUDITION PUBLIQUE DU 27 OCTOBRE 2017 SUR « LES NOUVELLES BIOTECHNOLOGIES : QUELLES APPLICATIONS, QUEL DÉBAT ? »

OUVERTURE

M. Jean-Yves Le Déaut, député, président de l’OPECST. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) organise ce matin sa deuxième audition publique dans le cadre de l’étude sur « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », sur une saisine initiale de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Procaccia et moi-même avons été désignés comme rapporteurs de cette étude et nous y travaillons depuis plusieurs mois, d’abord par des auditions individuelles, puis par l’audition publique du 7 avril, dont l’enregistrement vidéo est disponible sur le site internet de l’OPECST, ensuite par plusieurs missions à l’étranger, selon une méthodologie ancienne de l’OPECST et qui fait sa spécificité.

Les biotechnologies ont connu un développement accéléré depuis les techniques dite de modification ciblée du génome, en particulier leur dernière génération, dénommée CRISPR-Cas9. Disant cela, je ne cède pas à la mode médiatique autour de cette technologie, la dernière expression en étant la prochaine série télévisée avec comme actrice vedette Jennifer Lopez, démontrant que la question parvient au grand public comme l’ont fait les tests ADN. Nous n’ignorons pas que le développement des biotechnologies est un continuum depuis : la découverte de la structure de l'ADN par James Watson et Francis Crick en 1953 ; la réalisation de la première molécule d’ADN recombinant par Paul Berg en 1972 ; la première plante transgénique (tabac) en Belgique en 1983 ; les premières thérapies géniques sur l’homme ; le séquençage de l’ADN en 2000 ; la biologie de synthèse ; et les générations successives de modification ciblée du génome (méganucléases, doigts de zinc, TALEN et en 2012 CRISPR-Cas9).

La recherche fondamentale est la clé de la recherche appliquée, elle-même porteuse de développements économiques souvent portés par des jeunes pousses (start-up) et de création d’emplois. La propriété intellectuelle des inventions est un enjeu économique considérable.

Les applications concernent des domaines multiples. On parle de biotechnologies « rouges » (médicales), « vertes » (agricoles) et « blanches » (environnementales et industrielles).

Le développement des biotechnologies s’accélère dans tous ces domaines.

Il pose des questions environnementales et éthiques qu’il ne faut pas éluder. Il demande à s’interroger sur la sécurité et la sûreté de ceux qui développent ces

technologies. Il force à questionner les règles en vigueur, en France, en Europe, et au niveau international.

Je vous rappelle la méthode de nos débats. Trois séquences se succèderont, consacrées à la recherche et au débat public, aux applications en médecine humaine et aux applications agricoles. Lors de chaque séquence, les intervenants effectueront une présentation initiale de cinq minutes maximum. Le respect de ces temps de parole permettra, après chacune de ces trois séquences, la tenue d’un large débat.

Le travail que nous menons avec Catherine Procaccia depuis un an s’avère passionnant. Les débats attenants à cette question, lesquels sont nombreux, traversent tous les pays que nous avons visité (Allemagne, Royaume-Uni, Brésil, États-Unis, etc.).

N’hésitez pas, tout en restant courtois, à confronter vos idées, ce qui nous permettra d’entamer un débat à l’Assemblée nationale et au débat sur ces sujets complexes.

PREMIÈRE TABLE RONDE :

LES NOUVELLES BIOTECHNOLOGIES : RECHERCHE ET DÉBAT PUBLIC

Mme Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l’OPECST.

L’étude qui nous est commandée porte d’abord sur la recherche, et singulièrement de la recherche en France. D’un côté l’excellence de la recherche fondamentale française est unanimement reconnue. D’un autre côté la contestation des applications agricoles des biotechnologies, en France comme en Europe, entraîne une délocalisation des activités et de la recherche, dont nous mesurons progressivement l’ampleur.

La dernière génération technologique portée par CRISPR-Cas9 est une évolution porteuse de révolution, de par sa simplicité, sa rapidité et son faible coût. Nous avons constaté partout son développement exponentiel.

Sur toutes ces questions, le citoyen est en droit d’exiger une information complète, par une approche multidisciplinaire, par l’expression de la diversité des opinions, par l’échange apaisé d’arguments fondés sur la raison et non par des invectives. C’est cette forme de débat public que l’OPECST réalise.

Madame Christine Pourcel, vous êtes parmi les inventeurs du vaccin contre le virus de l’hépatite B produit par génie génétique. Puis vous avez étudié la diversité génétique de bactéries pathogènes et développé des outils de génotypage moléculaire à l’Université Paris-Sud. C’est cette thématique qui vous a amenée à être parmi les découvreurs du rôle du système CRISPR-Cas9 grâce à un travail publié en 2005, et à figurer, avec votre collègue Gilles Vergnaud, dans

la série d’articles publiée cet été par le journal Le Monde et intitulée « La saga CRISPR ».

Ainsi, votre intervention portera sur la recherche fondamentale et appliquée en biotechnologies. La France garde-t-elle toujours la main ?

Mme Christine Pourcel, chercheur à l’Institut de biotechnologie intégrative de la cellule (I2BC), université Paris Saclay. Je fais partie des premiers découvreurs du système CRISPR-Cas9. Je n’utilise toutefois pas la technologie dans mon laboratoire. Je vous dirai donc la manière dont nous avons fait cette découverte et ce qui est intéressant dans les recherches actuelles fondamentales, permettant d’apporter des nouveautés en biotechnologie.

En 2003, nous avons travaillé sur une série de bactéries pathogènes : des chromosomes de bactéries de la peste. En étudiant ces bactéries, issues d’un évènement épidémique, nous avons observé qu’elles étaient toutes identiques à l’exception d’une petite région d’un chromosome, dont la taille était différente. En analysant plus précisément cette séquence différente, nous avons constaté qu’il s’agissait d’une série de répétitions séparées par des fragments d’ADN, qui étaient tous différents les uns des autres, soit une structure CRISPR. Ces séquences étaient connues, mais on ne savait pas leur utilité ni la nature des séquences uniques. Nos observations ont permis de proposer une hypothèse : la bactérie stockait des morceaux de virus bactériophages après une première rencontre avec ces virus, comme un système immunitaire. Il s’agit en effet d’un système immunitaire adaptatif chez une bactérie. À chaque rencontre avec une séquence étrangère, la bactérie attrape un morceau du génome de ce virus et le stocke dans la structure CRISPR. Des gènes proches, les Cas (« CRISPR associated »), jouaient un rôle dans ces mécanismes immunitaires de défense.

Ces hypothèses ont été publiées en 2005, simultanément à deux autres études, dont une française. Une autre équipe française, deux ans après, a fait la démonstration expérimentale du rôle de ce système CRISPR-Cas.

Dès lors, un grand nombre d’études dans le monde entier ont étudié ce système nouveau et curieux, notamment pour décrire ces protéines Cas, parmi lesquelles les Cas9 sont des nucléases, soit des enzymes qui coupent l’ADN. Cette protéine, guidée par ces tronçons d’ARN, copie de l’ADN qui sont homologues au morceau de virus, pouvait se poser à l’endroit précis homologue. Lorsque le virus revient dans la bactérie, il est donc possible de guider cette nucléase pour couper l’ADN. Il s’agit de la première mise en évidence de cette activité enzymatique.

Toutes ces recherches, impliquant de nombreuses équipes, ont mené en 2012 à la description du système CRISPR-Cas9. Trois équipes ont proposé d’utiliser cette protéine naturelle bactérienne pour cibler très précisément une région et la couper. Voilà le début de l’aventure du système CRISPR-Cas9.

Depuis, de multiples équipes ont commencé à utiliser cette technologie pour modifier l’ADN. Après une coupure de l’ADN, il se répare en effectuant une

mutation. Un nouvel ADN peut être proposé pour remplacer la partie retirée, pour modifier ou guérir un génome.

Ces travaux récents ont produit de grands résultats sur tous les systèmes possibles (cellules animales ou végétales), avec des conséquences importantes.

Cette technique, indispensable en recherche, est utilisée par tous les chercheurs s’intéressant aux organismes vivants.

Un évènement nouveau intervient pour l’amélioration des espèces : la possibilité de modifier l’ADN et d’intervenir dans l’évolution des êtres vivants.

Jusqu’où peut-on aller dans la modification des êtres vivants et avec quelles conséquences ? Les micro-organismes ont toujours été la source de fonctions biologiques, et ils le resteront au regard de la quantité phénoménale de fonctions biologiques à découvrir dans les microbes, lesquels sont des êtres qui s’adaptent à n’importe quel environnement. Il y aura d’autres protéines découvertes dont les fonctions pourront être utiles en biotechnologie.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur David Bikard est ingénieur de formation. En 2014, il a participé à la création de l’entreprise Eligo Bioscience, dans le but de mettre l’ingénierie génétique au service de la médecine. Vous travaillez maintenant à concevoir un nouveau système CRISPR qui permettrait de créer des « antibiotiques intelligents », comme nous l’a dit M. Rodolphe Barrangou, un des inventeurs français de CRISPR.

Votre présentation concernera donc également la recherche fondamentale et appliquée en biotechnologies.

M. David Bikard, responsable de laboratoire à l’Institut Pasteur. Cette bonne introduction de ces problématiques de biotechnologies permet de remettre la question dans le contexte plus général de l’histoire des biotechnologies et de souligner l’importance de la recherche fondamentale. CRISPR en est, en effet, le parfait exemple. Les études fondamentales sur l’organisation du génome bactérien et la découverte de nouvelles séquences ont véritablement mené à une technologie complètement nouvelle, qui n’aurait pu émerger via de la recherche financée vers des applications.

En outre, les CRISPR-Cas9 sont en grande partie d’origine française.

Néanmoins, les technologies de cette découverte, en grande partie française, ont été développées ailleurs, ce qui interroge notre capacité à prendre des découvertes et à les amener vers des applications et ce, aussi rapidement que d’autres.

Je dirige le laboratoire de biologie de synthèse à l’Institut Pasteur. J’ai travaillé sur les CRISPR aux États-Unis avant de rentrer en France pour créer ce laboratoire. Nous travaillons sur la description de la biologie de ces systèmes ainsi que sur leur utilisation biotechnologique, en particulier comme des antibiotiques intelligents, qui seraient capables d’éliminer spécifiquement des bactéries virulentes résistantes aux antibiotiques sans toucher au reste du microbiome.

Cette technique n’est pas nouvelle, mais sa rapidité et sa facilité d’utilisation ainsi que son fameux coût la rende intéressante. Si CRISPR-Cas9 concentre l’attention car il a été le premier, de nombreux systèmes CRISPR différents existent et ont des applications technologiques. Il s’agit d’une ressource pour des applications technologiques, qui s’avère formidable.

Parmi les questions soulevées par ces systèmes, la plus débattue concerne les applications de modifications génétiques, notamment appliquées à l’agriculture mais également à l’Homme. Pourrait-on modifier, chez l’homme, les cellules germinales ou somatiques ? Une modification des cellules somatiques pour guérir une maladie génétique ne pose a priori problème à personne. Les interrogations portent surtout sur la modification des cellules germinales, qui forment les gamètes essentiels à la reproduction de l’espèce. Cette modification se propagera au fur et à mesure des générations. Ces outils ont permis d’acquérir le pouvoir d’influencer notre propre évolution de manière rationnelle et directe. De véritables questions éthiques se posent, ce qui ne signifie pas que cette méthode ne doit pas être utilisée.

Sur les capacités de ces systèmes CRISPR-Cas9, ces techniques de gene drive, souvent traduit « forçage génétique ». Le but est d’utiliser ces systèmes pour forcer l’hérédité d’un trait particulier au travers des générations. En théorie, un seul organisme portant ce gene drive peut être relâché et faire en sorte que ce trait génétique de l’individu se propage à toute la population de l’organisme.

Pourquoi les chercheurs s’y intéressent ? La première application est de faire en sorte que les moustiques ne soient plus capables de transmettre des maladies telles que Zika ou Ebola.

Cette technologie, dont les chances de succès sont grandes, effraie car la réaction en chaîne génétique ne peut être contrôlée. Ces conséquences doivent toutefois être mises à la lumière des méthodes actuellement utilisées, à savoir l’épandage massif de produits chimiques dans l’environnement pour éliminer les moustiques, ce qui est loin d’être une solution.

Voilà les deux points où la technologie CRISPR pose des questions éthiques. Il est important de rappeler que son impact premier concerne la recherche, actuellement leur unique application pour la découverte de nouveaux traitements. En agriculture, leur utilisation se profile, en médecine elle se développe.

Mme Catherine Procaccia. Merci. Vous avez évoqué des questions déjà en partie soulevées lors de la première audition ainsi que lors des auditions des chercheurs à l’étranger. Le même avis a été émis sur les cellules germinales, dont la modification est pour l’heure interdite par la Convention d’Oviedo, y compris dans les pays non-signataires qui la respectent.

Monsieur Monsan, vous êtes professeur et ingénieur en génie biochimique et alimentaire. Depuis 1984, vous vous êtes impliqué dans différentes création de plusieurs entreprises. Vous êtes l’un des membres fondateurs de l'Académie des Technologies.

Votre présentation portera sur les biotechnologies industrielles environnementales, appelées biotechnologies « blanches ».

M. Pierre Monsan, président de la Fédération française des

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