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Frédéric Simard, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), maladies infectieuses et vecteurs : écologie,

d’embryons humains reste ouvert et l’humanisation du regard sur l’embryon humain est possible, voire plus que jamais nécessaire car nous voyons les limites à ne réfléchir à une éthique qui ne concernerait que les applications.

Notre position est de rappeler la nécessité de protéger l’intégrité de l’être humain, dès son stade embryonnaire, contre toute exploitation qu’elle soit motivée par des intérêts particuliers ou collectifs. La responsabilité envers les générations futures n’est-elle pas de tout mettre en œuvre dès aujourd'hui pour que soit garanti le respect des droits de ceux qui verront le jour plus tard ? La nécessité de préserver la sécurité et la santé et le traitement éthique des techniques de procréation constitue un vrai enjeu sanitaire.

Ces thérapies géniques et de CRISPR-Cas9 ainsi que d’autres techniques éventuelles se révèlent très prometteuses pour soigner des maladies. Néanmoins, manipuler l’embryon humain pour corriger et transformer ses caractères conduit à l’instrumentaliser et à entretenir l’illusion de la suppression de la fragilité.

On commencera par vouloir éviter le pire mais cela conduira inévitablement à prétendre recherche le meilleur. La sélection des gènes par ces techniques glisse vers un génisme dont nous sentons tous la menace. Ces technosciences appellent à un état de vigilance éthique maximale car le seul véritable progrès recherche de manière indissociable le bien de l’homme et de l’humanité entière. Il doit être choisi, partagé, raisonné juste et viser à améliorer la qualité de l’homme sans altérer son environnement et désormais sa nature même.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur Simard, vous êtes docteur en génétique, habilité à diriger les recherches sur la biologie intégrative à l’université de Montpellier.

Vous vous intéressez aujourd’hui aux potentialités et aux risques du guidage de gènes (gene drive), cette technique qui permet en un temps très court de modifier une espèce de moustique responsable de maladies mortelles (paludisme, dengue, chikungunya, Zika…), et donc potentiellement d’éradiquer ces maladies. Quelles sont les potentialités du guidage de gènes ? Quelles sont les conséquences environnementales de supprimer ou modifier une espèce vivante ?

M. Frédéric Simard, directeur de recherche à l’Institut de recherche

Nous avons donc besoin de nouvelles méthodes de lutte pour compléter ce panel.

CRISPR offre une réelle opportunité.

D’autres moustiques transmettent d’autres maladies (dengue, chikungunya, Zika, etc.). Ces moustiques se sont adaptés à la ville et se retrouvent dans des environnements urbains, aux quatre coins de la planète. La transmission de la dengue et du chikungunya est désormais possible dans le sud de la France, même si son ampleur demeure limitée.

CRISPR, chez les moustiques, donne des opportunités de développer des méthodes de lutte, a priori très efficace, avec deux possibilités :

- l’élimination des populations de moustiques en introduisant un gène létal ou en tuant, grâce à CRISPR et de manière héréditaire, un gène bénéfique pour les moustiques, en les rendant stériles localement ;

- l’insertion de gènes antiparasitaires ou antiviraux qui vaccinent le moustique contre les pathogènes qu’ils transmettent et permettre de conserver une population de moustiques dans l’environnement avec un effet environnemental moins important en préservant les chaînes trophiques qui dépendent de ces moustiques, tout en limitant les risques de transmission.

Néanmoins, les populations seront exposées à la piqure de moustique génétiquement modifiée, sans qu’un contrôle ou un choix ne soit possible, ce qui pose un problème éthique. Dans la balance risque/bénéfique, le risque avec les moustiques n’est pas uniquement sanitaire mais également économique. Le paludisme est souvent mortel, la dengue, le chikungunya et Zika ont un impact économique considérable puisque les malades ne peuvent pas travailler. Le manque à gagner est considérable. Une question sociétale liée à l’exposition aux moustiques se pose également. La réflexion sur la transformation génétique des moustiques doit impliquer les chercheurs, les décideurs ainsi que la population.

Ces techniques font partie de l’arsenal des méthodes de lutte mais doivent être réalisées correctement, dans un cadre règlementaire, et en concertation avec les pays du Sud, au regard du caractère mondial de la problématique.

DÉBAT

M. Jean-Yves Le Déaut. Une assez forte unanimité est observée pour continuer la recherche. Les potentialités thérapeutiques sont grandes. Des techniques précédentes ont déjà certains produits pouvant être utilisés. Des espoirs de développement d’un certain nombre de thérapies existent.

Vous avez peu abordé la question de thérapie sur des cellules germinales.

Par ailleurs, Madame Streb, nous n’avons pas fait une loi sur les embryons mais sur les cellules souches embryonnaires. La possibilité de faire des recherches sur les cellules souches a été modifiée, afin de comprendre les premiers instants de

la vie. à l’instar d’expériences et d’essais cliniques sur des sujets sains ou post mortem, on ne s’est pas interdit d’en faire sur des cellules souches au début de la vie. J’ai participé à ce débat, sur lequel le Parlement a donné son avis. Des embryons surnuméraires sont aujourd'hui détruits conformément à la loi au bout de cinq ans, où des lignées de cellules souches sur lesquelles un travail est réalisé.

Nous partageons les mêmes préoccupations éthiques.

Mme Catherine Procaccia. Jean-Yves Le Déaut évoquait les cellules germinales. Une question me taraude depuis le début des auditions. Si la modification du gène d’une de ces maladies est un jour possible, pourrons-nous continuer de refuser d’intervenir sur ces cellules alors que la transmission de la maladie aux générations futures sera ainsi stoppée ?

M. Christian Cottet. Le débat éthique ne devrait pas être conduit sur des bases idéologiques, or tel semble être le cas. Une discussion sur la dignité de l’embryon humain est possible mais ce débat ne soit pas être unilatéral. Doit également être considérée la dignité de ces couples ayant donné naissance à des enfants lourdement dépendants, qui les ont accompagnés pendant des semaines et des mois dans des situations de dépendance et de détresse horrible. Ces enfants sont morts étouffés car leurs fonctions vitales n’étaient plus assurées. Parlons également de la dignité de ces bébés. Le débat doit être éthique, et ne pas se limiter et être orienté sur des bases idéologiques.

S’agissant de la possibilité future, potentiellement thérapeutique, d’intervenir sur l’embryon à des fins de faire disparaître une mutation grave, létale et mortelle de la descendance, je pense que cette question n’est pas d’actualité.

Tout débat éthique s’inscrit dans un débat de développement des sciences, des technologies et des techniques. Le jour où ces derniers apporteront, avec une sécurité prouvée et rationnellement démontrée, la possibilité de le faire, le débat méritera d’être posé et ne pourra pas être empêché.

Aujourd'hui, un autre débat teinté de considérations éthiques devra être ouvert sur les nouvelles possibilités thérapeutiques sur certaines pathologies par modification génétique, thérapie génique ou autre approche, lesquelles apportent des potentialités de guérison ou d’amélioration. Il faut accepter que le progrès thérapeutique avance par étapes progressives. Plus ces approches sur le génome sont appliquées précocement, notamment avant que la maladie ait fait des dégâts, plus elles sont efficaces. Aussi, le criblage à la naissance des enfants susceptibles d’être touchés par une pathologie grave deviendra une vraie question sociétale et éthique.

Aujourd'hui, peu de pathologies sont testées à la naissance, notamment car leur détection n’entraînait jusqu’à présent aucune implication thérapeutique. Cet élément changera considérablement dans les années à venir. Pour un grand nombre de pathologies graves, invalidantes, parfois mortelles, la question de l’identification dès la naissance de la mutation de vie deviendra importante, puisqu’un enjeu thérapeutique pour la qualité de vie de cet enfant se posera.

À chaque moment du développement de l’histoire des sciences et des techniques, il faut reposer le débat éthique.

M. Karim Laouabdia Sellami. Une clarification s’impose sur la recherche sur l’embryon et sur la recherche sur l’ANP. Pour rappel, en 2013, la révision de la loi a entraîné des autorisations avec dérogations strictement encadrées. En effet, la recherche en ANP au moment de la fécondation in vitro relève désormais du domaine de la recherche biomédicale. En 2013, une difficulté est intervenue au moment du vote de la loi, récupérée par la suite. Aucune modification du génome humain ou du patrimoine de l’embryon n’est réalisé. Il s’agit de recherches lorsque les techniques sont déjà prouvées à un niveau international et après avis de l’Agence de la biomédecine. L’embryon n’est pas ré-implantable.

M. Pierre Cordelier. En tant que communauté scientifique, nous souhaitons que la recherche sur les cellules germinales soit autorisée mais pas à visée médicale. Les scientifiques seront amenés à donner un avis sur la sécurité, la faisabilité et l’efficacité. Mais la décision demeure collégiale et pluridisciplinaire.

Mme Blanche Streb. Mon propos ne se situe pas sur la thérapie somatique que nous encourageons au regard de ses chances de pouvoir guérir certains malades, mais bien sur la fabrication de l’embryon. La FIV 3 parents n’a visé à soigner personne mais à fabriquer un être humain. Le docteur Zhang, un scientifique américain au Mexique, a instrumentalisé une famille traversant des difficultés par rapport à des maladies mitochondriales et souhaitait un enfant en bonne santé. L’enfant est aujourd'hui malade. Pèsent sur lui de lourdes questions.

Cette technique est extrêmement controversée ; et la santé de l’enfant pose question.

On parle de faire des tests cliniques. Dans le futur et au niveau mondial, la conception d’un enfant avec des modifications génétiques, prétendues maîtrisées ou comprises, induit que ses génomes seront uniques. Aucun test clinique global ne pourra donc être réalisé.

M. Didier Gornel. J’ai écouté le débat avec grande attention. Je m’étonne que le changement de paradigme dans certains lieux, notamment aux États-Unis, ne soit pas abordé. En Californie, la Chan Zuckerberg Initiative a un annoncé un projet démesuré, avec un investissement de 3 milliards de dollars, pour mettre un terme aux maladies.

Dans des pays comme la France et les États-Unis, 90 % des décès sont liés aux maladies liées au vieillissement. Dans une optique de droits de l’Homme, la question majeure est la manière de permettre à ces individus qui meurent aujourd'hui de vivre plus longtemps en bonne santé. Monsieur Chneiweiss, un projet Humain brain project est-il envisageable dans le domaine des maladies liées au vieillissement en France et en Europe, où les investissements dans le domaine est surtout public ?

M. Hervé Chneiweiss. La réponse est assez simple dans la mesure où l’une des trois actions prioritaires de l’INSERM est dirigé vers les maladies du vieillissement L’approche ne peut être que multifactorielle. La biologie, notamment celle de la personne humaine, est l’une des composantes du vieillissement, mais les composantes d’environnement (alimentation, mode de vie, etc.) doivent être prises en compte.

Pour les questions de l’embryon, plusieurs notes du Comté d’éthique de l’INSERM ont été publiées, en discussion avec les agences règlementaires. Seules quatre autorisations de recherche sur l’embryon ont été octroyées en France, comparé à vingt-cinq en Belgique, malgré une communauté scientifique plus importante. Des limitations perdurent.

Les questions sur la biologie humaine au premier stade de la vie, qui ne se limitent pas à la génétique, sont si nombreuses. 22 000 gènes existent dans l’espèce humaine, soit 6 % d’ADN. En outre, les gènes n’ont jamais pu être observés hors de son environnement. Nous avons tellement d’éléments à comprendre que la recherche cognitive doit être encouragée, encadrée, et peut-être certaines pourrons éradiquer certaines maladies dramatiques. Qui me dira, qu’au nom de la dignité humaine, il faut laisser naître un enfant atteint de mucoviscidose ?

Sans stigmatiser les patients, au nom de quel principe et de quelle histoire de l’humanité nous interdirions-nous d’éradiquer ses maladies de l’humanité, si nous en avons la possibilité ? Depuis que l’homme existe, son objectif est de lutter contre la souffrance et contre ce qui diminue la dignité humaine par la maladie.

Nous continuons cette histoire de l’humanité.

TROISIÈME TABLE RONDE :

APPLICATIONS DES NOUVELLES BIOTECHNOLOGIES

EN AGRICULTURE : LES MODIFICATIONS CIBLÉES DU GÉNOME DES PLANTES ET DES ANIMAUX

M. Jean-Yves Le Déaut, député, président de l’OPECST. Le débat sur les applications agricoles des biotechnologies est celui qui a été le plus animé lors de notre première audition publique et je prévois qu’il en sera de même aujourd’hui. C’est en effet dans ce domaine que les positions sont les plus divergentes.

Je souhaiterais que le débat que nous allons mener le soit sur des arguments, sur des faits démontrés, sur des raisonnements.

Le débat sur les organismes génétiquement modifiés – les OGM – a été jusqu’à présent impossible en France depuis 1996-1997. Auparavant, les lois relatives à ce sujet étaient passées dans l’indifférence générale. Tentons aujourd’hui de le mener car il est essentiel.

La France était dans les années 1990 un des pays en pointe en matière de biotechnologies agricoles, avec plusieurs centaines de parcelles cultivées. Leur nombre a brutalement chuté à partir de 1999, la dernière culture en plein champ ayant été arrêtée par l’INRA en 2013 avec peu de courage politique puisque cela ne correspondait pas à une interdiction.

La plus grande partie du soja et du maïs cultivés aux États-Unis, au Brésil et en Argentine est transgénique. Ils sont importés massivement en Europe et en France, essentiellement pour l’alimentation animale.

Les variétés végétales issues de la mutagénèse, biotechnologie la plus ancienne et la plus primitive, ne font pas l’objet d’évaluation au titre de la directive européenne n° 2001/18 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement. Nombre de variétés végétales actuellement cultivées et consommées en France et en Europe en sont issues. Elles sont autorisées par un processus très lent.

La Commission européenne reporte d’année en année son interprétation des nouvelles techniques de modification ciblée du génome des plantes – new breeding techniques, NBTs en anglais – au regard de ladite directive. Certains estiment que, si elles ne comportent pas de transgène, elles ne sont pas considérées comme des OGM ; elles ne sont pas différentes des mutations qui interviennent naturellement et sont le plus souvent indétectables. D’autres estiment que ce sont des « OGM cachées » et qu’elles doivent à ce titre être interdites.

Lors de nos visites, nous avons constaté que les produits pouvaient être classés en trois grandes catégories :

- produits qui pourraient être obtenus par des technologies nouvelles des NBT et par des croisements sexués ;

- des technologies qui ont été ou pourraient être obtenues par mutagénèse (y compris par des mutations classiques ou des mutagénèses dirigées ;

- aucun matériel héréditaire exogène n’est maintenu dans la descendance des produits obtenus.

Une quatrième catégorie recouvre des produits identiques aux organismes génétiquement modifiés et à leur définition selon la législation européenne. Un consensus souhaiterait qu’il soit soumis aux règles de la directive 2001/18.

Pour les autres catégories, la plupart des pays, à l’exception de l’Autriche qui est restée floue, n’applique pas la directive lorsqu’il n’y a pas d’organismes génétiquement modifiés. Il ne s’agit pas d’un problème technique mais d’un problème politique et d’interaction entre la science et la société.

Tous les sondages montrent que la grande majorité des Français sont opposés aux OGM, dénotant de grandes inquiétudes. Il en est de même en Allemagne. La culture et la commercialisation de produits bio se développent en France, en Allemagne, ailleurs en Europe... Par exemple, le Centre de l’INRA de Pech Rouge à Gruissan a cultivé des plants de vigne génétiquement modifiés via des croisements classiques selon un lent processus ayant permis de développer des résistances naturelles au mildiou. Ce matériel est prêt depuis plusieurs années et pourraient être développé par des techniques plus rapides, personne n’ose les autoriser. Ces vignes pourraient être cultivées sans le moindre apport de sulfate de cuivre, que le bio autorise. Or cette substance est néfaste, notamment pour les microorganismes des sols.

Nous devons avoir ces discussions.

Monsieur Rogowsky, vous êtes docteur en biologie et génétique de l’université de Regensburg en Allemagne. Vous êtes maintenant chercheur à l’INRA.

Premier institut de recherche agronomique en Europe, deuxième en sciences agricoles dans le monde, l'INRA mène des recherches au service d'enjeux de société majeurs : [nourrir la France et la planète, assurer une alimentation saine et durable, anticiper et lutter contre le changement climatique, innover en sélection végétale et animale, réduire la dépendance aux pesticides et aux engrais, conserver la biodiversité génétique…]

Vous êtes le coordonnateur du projet GENIUS (2012-2019) : « Ingénierie cellulaire : amélioration et innovation technologique pour les plantes d’une agriculture durable ».

Vous nous parlerez aujourd’hui de la recherche en biotechnologies et de la mobilisation du levier génétique en agriculture. En quoi l’apparition des nouvelles techniques de modification du génome des plantes (new breeding techniques – NBTs) renouvelle le sujet ?

M. Peter Rogowsky, chef adjoint du département Biologie et

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