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M. Jean-Christophe Pagès, professeur, président du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). La première question à laquelle je vais répondre concerne le statut du texte publié. Le Haut Conseil des biotechnologies a été interrogé par le gouvernement. Les réponses à ces interrogations ont donné lieu à la publication d’une note du HCB. Le fait qu’il s’agisse d’une note et non d’un avis a été clairement précisé lors de la publication du document.

Ce travail du HCB comportait deux parties. La première partie revenait sur la description des techniques, en prenant en compte le cadre règlementaire de la directive 2001/18, ce qui compliquait quelque peu la situation. C’est la raison pour laquelle nous avons notamment, au travers de tableaux, fait référence à des éléments de cette directive, pour identifier la possibilité de voir ou non un changement génétique, identifier ou non la technique à l’origine de cette modification, et voir s’il existait des risques spécifiques à la technique en comparaison avec des techniques exemptées par exemple au titre de l’annexe 1B.

À l’issue de ce travail, nous avons associé à ces tableaux une série de commentaires visant à expliciter un grand nombre d’éléments de compréhension.

Nous avons enfin produit une synthèse de l’analyse moléculaire. Il est par ailleurs clairement indiqué dans ce document que les éléments du statut juridique qui pourront être donnés aux produits de ces nouvelles techniques ou aux nouvelles techniques si toutefois l’on souhaite qualifier les procédés, doivent, d’une manière ou d’une autre, considérer les éléments moléculaires. Ce n’est donc pas le comité scientifique qui a préempté le débat.

Quant à savoir la raison pour laquelle les ministres ou les députés se sont exprimés d’une façon ou d’une autre, je pense qu’il conviendrait de leur adresser la question. Ils ont lu nos documents, ainsi que ceux élaborés par le comité économique, éthique et social ; peut-être en ont-ils tiré des éléments de réflexion.

Je ne crois pas que des décisions aient été prises en ce sens et défendues devant la Commission européenne, puisque les débats n’ont pas encore eu lieu.

M. Jean-Christophe Gouache. De nombreux commentaires additionnels pourraient être faits. Je souhaiterais vous en soumettre trois.

Vous avez, Madame Le Dain, rappelé les risques liés à l’instrumentalisation de nos peurs. Ceci m’inspire une observation sur les effets hors cible et la « biologie de garage ». Il existe effectivement des effets hors cible, mais instrumentaliser la réflexion sur les plantes en utilisant la crainte que ces éléments off target peuvent générer dans les applications en santé humaine et vouloir transposer ces peurs au débat sur les plantes me paraît quelque peu déplacé. On a utilisé la mutagénèse dite « aléatoire » pendant plus de cinquante ans en amélioration des plantes. Il existait alors bien évidemment des effets hors cible, dans la mesure précisément où il n’y avait pas de cible. On a la chance, dans ce domaine, de pouvoir observer le comportement des plantes, pour voir ce qu’il advient.

M. André Choulika. Et les reséquencer intégralement. Dans l’approbation, on redemande en effet la séquence intégrale.

M. Jean-Christophe Gouache. Ce n’est pas tellement la question ici. Le sujet des effets hors cible dans les plantes, souvent évoqué, me semble déplacé. Je rappelle que, dans la base de données de la FAO, sont répertoriées plus de trois mille variétés issues de la mutagénèse aléatoire.

Ma deuxième remarque concerne l’intérêt de la diversité. Dans son introduction, Madame Le Dain a fait référence aux grosses sociétés mondiales, aux questions de monopole. Il me semble important que les technologies puissent être utilisées par des acteurs les plus variés possibles, au service des agricultures les plus diversifiées possibles. Vous avez, Monsieur Le Déaut, parlé de

« stratégie » des uns et des autres. Il m’apparaît important de sortir de ce débat stratégique. Il se trouve qu’une interview de Monsieur Urs Niggli, directeur du FIBL (institut de recherche de l’agriculture biologique en Suisse), a été publiée très récemment. Dans ce texte, Monsieur Niggli explique les bénéfices que

CRISPR-Cas9 pourrait apporter à l’agriculture biologique, en créant des variétés résistantes aux maladies contre lesquelles on ne peut pas lutter en agriculture biologique aujourd’hui, malgré les quantités de cuivre que l’on déverse dans les sols. Si l’on parvient à s’extraire de positionnements stratégiques, le potentiel de ces technologies pour la diversité des agricultures me paraît très important.

Pour finir sur cette question du positionnement stratégique, qui a malheureusement eu cours lors des vingt dernières années, nous savons aujourd’hui que l’application du champ de la directive 2001/18 en Europe signifie mettre une étiquette sur certains produits OGM et, de facto, interdire la commercialisation de ces produits en Europe. C’est une réalité. On peut la déplorer ou s’en réjouir, mais c’est ainsi. Cela illustre bien les positionnements stratégiques évoqués précédemment par Monsieur Le Déaut.

M. Patrick de Kochko, membre du Réseau Semences paysannes, vice-président du CEES du HCB. Je suis membre du Réseau Semences paysannes, que je représente au sein du CEES du HCB, dont je suis l’autre vice-président, c’est-à-dire celui qui n’a pas été invité à la table.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je précise que tous ceux qui le souhaitent peuvent participer et s’exprimer. Nous avons fait le choix de ne convier à la table que cinq personnes, nombre au-delà duquel il n’est guère possible d’organiser un véritable débat. Nous avons également veillé à dédier une partie du temps de cette audition à des échanges avec la salle. Je refuse donc d’entendre dire qu’il n’est pas possible de s’exprimer. La parole vous a largement été donnée, à plusieurs reprises.

M. Jean-Christophe Gouache. Je m’excuse, mais je n’ai, à aucun moment, parlé en ma qualité de vice-président du HCB. Je me suis seulement exprimé au nom de mon entreprise, Limagrain, qui a été invitée à contribuer à ce débat en tant qu’acteur économique.

M. Patrick de Kochko. Vous avez pourtant été présenté comme vice-président du comité économique, éthique et social du HCB et Monsieur Pagès comme représentant du HCB, et non du comité scientifique.

Libre à vous d’inviter qui bon vous semble. Je remarque simplement que je ne suis pas sûr de pouvoir bénéficier du même temps de parole que les intervenants conviés à la table pour développer ce que seraient les positions de la société civile et des organisations paysannes, qui ont une autre vision du système alimentaire que les personnes présentes à la tribune. Je souhaite simplement exprimer mon inquiétude et mon regret.

Dans le cadre du HCB, dont je suis encore, à cette heure, vice-président, les débats sont très difficiles, voire impossibles. Concernant le comité scientifique, je ne suis pas d’accord avec la présentation effectuée par Monsieur Pagès de l’élaboration du document en question, présenté comme une note. Je pense que Monsieur Bertheau a largement démontré le détournement de procédure que j’ai pu observer, pour arriver à produire un texte sur lequel le gouvernement s’appuie

aujourd’hui pour prendre une position qui est entérinée d’une part dans les réponses aux questions parlementaires, d’autre part dans la nouvelle saisine, attendue pendant trois ans, puisque Monsieur Pagès indique dans sa note qu’il a constitué voici trois ans un groupe de travail anticipant une saisine gouvernementale, qui est arrivée la semaine dernière.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vous saurais gré, Monsieur, de traiter les questions du HCB au HCB.

M. Patrick de Kochko. J’interviens précisément pour cela. Sans doute êtes-vous au courant que huit organisations ont suspendu leur participation aux travaux du CEES du HCB, constatant que le débat n’y était plus possible. Il est important que vous en preniez acte. En effet, il ne nous est pas possible de nous faire entendre au HCB, où l’on est pourtant censé pouvoir débattre, alors que l’on a été saisi quelques jours auparavant et avons eu trois semaines pour produire une note qui n’est pas une. Le problème vient du fait que, je le confirme, le gouvernement vient d’envoyer une saisine prenant acte des positions rangeant certaines techniques hors du champ d’application de la directive 2001/18, en ligne avec les positions de Messieurs Pagès et Gouache.

Certains de vos propos ont laissé entendre que règlementer revenait à interdire. Je suis producteur de semences paysannes, que je multiplie et reproduis, mais que je n’ai pas le droit de vendre, parce qu’une réglementation me l’interdit.

Si vous pensez que règlementer, c’est interdire, alors je comprends votre problème.

Comment pensez-vous prendre en compte les positions de la société civile et des organisations paysannes, qui ont une autre vision de l’agriculture que celle qui a été exposée ce matin ?

Comment peut-on par ailleurs prétendre faire des évaluations de choix scientifiques et techniques quand les trois personnes chargées d’organiser et d’animer la séance de réflexion et d’échanges sont à ce point pétries d’a priori et relaient des informations fausses ? J’en veux pour preuve les propos introductifs de Madame Le Dain, indiquant que la mutagénèse et la fusion cellulaire n’étaient pas des OGM (ce qui est absolument faux) ou que l’utilisation d’agrobacterium était une nouveauté, alors qu’on l’utilisait déjà dans la transgénèse, notamment pour produire du Bt.

Je pense qu’il est important de vérifier les informations que l’on donne et de ne pas oublier de considérer l’ensemble des positions, sans a priori, en écoutant la société civile et les organisations paysannes, afin de pouvoir élaborer des choix scientifiques et techniques correspondant véritablement aux aspirations et à la volonté de la société.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je ne peux pas vous laisser dire que les organisateurs de cette audition fondent leur approche de la question sur des a priori.

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