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M. James Lawford Davies, juriste, Hempsons. Je suis un juriste (solicitor) associé du cabinet Hempsons, spécialisé dans la règlementation de la génétique, du tissu humain et de la reproduction humaine. Je travaille sur la règlementation de la recherche sur l’embryon et j’ai été consultant de l’Institut Francis Crick pour leur demande d’autorisation de recherche dans le domaine de la lignée germinale. Il s’agit de la première fois ou un régulateur national a été saisi d’une demande d’autorisation et que qu’il l’a accordée dans ce domaine-là.

Normalement je plaide contre la Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA).

L’Institut Crick a eu du mal à convaincre la HFEA de l’autoriser à faire ses recherches, mais il a réussi. Les discussions autour de la demande ont commencé il y a un an et le dossier a mis cinq mois à aboutir. L’examen par les pairs a mis du temps, car il y avait un approfondissent du dossier. La HFEA savait qu’il s’agissait d’un sujet qui pouvait poser un problème d’ordre éthique, donc cela a pris du temps. Beaucoup de questions ont été posées. Pourquoi avoir recours à ce traitement ? D’où viendraient les embryons ? Donc, il y a eu réel besoin d’éclaircissement sur cette demande.

Concernant l’obtention d’autorisations de recherche favorisant des demandes par d’autres organismes, je pense qu’il est toujours utile que le régulateur accepte d’octroyer une autorisation en lien avec les nouvelles technologies. Au début, quand nous avons autorisé le diagnostic préimplantatoire (DPI), le processus était très long, mais au fur et à mesure des demandes, de plus en plus fréquentes, le processus est devenu plus rapide. Actuellement, il n’y a pas d’autres demandes pour faire des recherches de ce type.

Le but de la recherches faite au sein de l’Institut Crick est très clairement établi, ouvert et franc. Le dossier déposé concerne un projet précisément défini de recherche fondamentale ; au-delà de cela, le traitement réservé serait différent.

La proposition de l’Institut Crick était de pouvoir faire des recherches sur des embryons jusqu’à sept jours, et non pas quatorze jours comme le permet la loi, car, selon les scientifiques, les résultats sont meilleurs dans ces délais.

De plus, l’Institut Crick a demandé d’utiliser des embryons surnuméraires, car sur le plan juridique il y a des aspects plus complexes concernant la création d’embryon. Les formules de consentements d’utilisation des embryons

surnuméraires ont été présentées, cela faisait partie du processus de demande à l’HFEA. Le nombre précis a été dans le dossier présenté pour la demande d’autorisation,

En ce qui concerne l’utilisation des méthodes comme CRISPR-Cas9, les laboratoires devront payer pour avoir l’autorisation d’utiliser des brevets. Pour le moment, le brevet et les autorisations sont donnés par l’Institut Broad (1) aux États-Unis. Il détient le seul brevet qui existe pour CRISPR-Cas9. Mais ce brevet est contesté…

Après un examen par les pairs, la documentation et les réponses sont présentées au comité d’autorisation de l’autorité. J’interviens au niveau de ce comité, pour faire appel, si besoin, de la décision prise par ce comité. Ce n’est pas un tribunal, ce n’est pas un comité scientifique en tant que tel présidé par un scientifique, entouré, mais un comité « profane ».

De plus, au Royaume-Uni la loi sur l’édition du génome est très claire.

Elle permet très clairement l’édition génomique pour faire de la recherche et l’exclut pour des fins thérapeutiques. Concernant le débat du don de mitochondrie, la loi initiale n’était pas claire, donc celle-ci a été modifiée en 2008, et beaucoup de discussions ont eu lieues autour de cette loi. En somme, il faudrait modifier la loi pour permettre le recours à des embryons dont le génome a été modifié par des fins thérapeutiques.

En ce qui concerne l’autorisation obtenue pour les sept jours, personne ne nous a demandé officiellement de réfléchir sur l’extension au-delà de quatorze.

Sincèrement, je pense que le gouvernement hésiterait beaucoup à s’engager dans cette voie, surtout en ce moment, car il s’agit d’un point très sensible et très controversé.

Suite à une question sur la sortie du Royaume-Uni et des conséquences que cela pourrait avoir, j’espère que le Royaume-Uni restera dans l’Union européenne, je pense qu’une sortie serait mauvaise pour la recherche au Royaume-Uni. Il y aurait une déconnexion entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sur ces questions. Le droit européen rendrait difficiles les recherches faites ici. Donc nous avons adopté un style différent de celui de l’Union européenne. Nous ne mettons de valeur moral, ni d’eugénisme dans le droit européen. Les directives européennes excluraient complètement et interdiraient le type de travail que nous faisons ici. Dans ce cas-là, la sortie serait justifiée, notamment en ce qui concerne la loi de protection des données. En effet, nous pouvons penser que la recherche biomédicale aurait pu être difficile avec la mise en place de la protection des données européennes. Cependant, permettez-moi un point de clarification, je ne suis pas d’accord pour dire que toutes les lois européennes limitent, certaines oui, mais d’autres non.

(1) Le Broad Institute est un laboratoire américain rattaché aux universités du MIT et de Harvard. Il est spécialisé en biomédecine et en recherche génomique.

Je suis d’accord pour dire que la loi actuelle suffit. En revanche, une question se pose, car l’évolution rapide de ces nouvelles technologies permettrait à d’autres pays de commencer à les utiliser de manière thérapeutique, ainsi le gouvernement britannique sera sous forte pression pour permettre la même chose.

S’il est possible d’aller dans un autre pays, les individus demanderont au gouvernement pourquoi le traitement ne peut être réalisé au Royaume-Uni. Je rappelle que le processus de modification de la loi concernant le transfert mitochondrial a pris huit ans.

En ce qui concerne les essais compassionnels (1), la recherche doit être autorisée par la HFEA, étant entendu que cela ne peut être appliqué dans un but thérapeutique. Cependant nous avons fait une exception pour le transfert mitochondrial à usage thérapeutique. Concernant la législation sur l’édition du génome et le cas de Layla, je distingue deux cadres règlementaires : l’édition du génome sur l’embryon et l’édition du génome chez l’adulte et les enfants. Leila a été traité dans un cadre juridique différent, qui n’a rien à voir avec le cadre règlementaire qui prévaut pour les recherches sur l’embryon.

La loi aux États-Unis et en France concerne la modification du génome des cellules germinales. En ce qui concerne les cellules somatiques cela n’affectera pas la descendance. De plus, le Royaume-Uni n’a pas ratifié la convention d’Oviedo, mais nous l’appliquons. Nous l’avons discuté lors des débats sur le transfert de mitochondrie et l’édition du génome. Cela a été pertinent lors du débat parlementaire, mais n’a pas empêché l’approbation de la réglementation dans la matière. Une convention de ce type est prise en compte, mais n’allons pas forcément y adhérer.

Les essais compassionnels sont prévus dans la loi britannique, d’ailleurs c’est un cas simple dans le cadre de la législation concernant le traitement des embryons humains. Cette disposition se retrouve aussi dans le droit de l’Union européenne : règlement du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et la directive 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. C’est moins sujet à controverse.

Dans mon travail auprès de la Chambre des Lords, je présente la structure de la loi, je fais des comparaisons avec d’autres pays, je cite quelques arguments contre l’édition du génome par exemple. Dans leur demande d’autorisation, l’Institut Crick n’a pas utilisé de méthode de lobbying parlementaire. Je travaille avec le Wellcome Trust et nous avons passé beaucoup de temps à convaincre le parlement de voter le don de mitochondrie, j’ai passé beaucoup de temps avec le Wellcome Trust pour parler avec les députés, pour leur présenter des arguments puis présenter des représentants. Il s’agissait de faire des entretiens, envoyer des documents auprès du parlement. Donc, si nous voulions vraiment faire une

(1) Il s’agit d’un traitement dont la prescription ne relève d’aucune expérience, d’aucun essai clinique, mais vise à traiter une personne qui nécessite une nouvelle solution thérapeutique pour mieux maîtriser la maladie.

demande pressante pour l’édition génomique à des fins thérapeutiques, le même processus serait mis en place.

Les deux chambres ont voulu soutenir les technologies, mais la Chambre de Lords a plus de scientifiques, médecins, alors que dans la Chambre des Communes dénombre beaucoup moins de scientifiques.

Au Royaume-Uni, les deux chambres doivent voter. Ce pays est considéré comme un pays permissif, mais il y a beaucoup de controverses autour de ce débat. Notamment en ce qui concerne la fécondation in vitro (FIV), beaucoup de médecins le pratiquent et disent que cela ne devrait pas être assujetti à une règlementation, alors que le gouvernement continue à vouloir une règlementation stricte sur ces méthodes.

Des cabinets spécialisés permettant de déposer des autorisations existent.

Leurs clients sont en général des universités et de centre de recherche dans les hôpitaux. En revanche, cela se développe plus lentement que les techniques précédentes, mais maintenant qu’une autorisation a été validée, cela pourra se développer davantage.

D’autres pays autorisant les dons de mitochondries : Chine, États-Unis, bien qu’ils soient encore indécis sur le sujet. Le Royaume-Uni est le seul pays ayant un cadre règlementaire permettant ce type de traitement. Mais aucune autorisation n’a été demandée pour l’instant.

La durée autorisée de la recherche est de trois ou quatre années. Au cours de la durée d’autorisation, l’Institut Crick doit fournir des rapports à la HFEA pour qu’elle puisse être informée de l’avancée de la recherche. La recherche a été formellement autorisée la semaine dernière. Ils ont dû attendre d’avoir l’autorisation éthique, qui a été octroyée sous réserve de l’approbation. Le don de mitochondrial se fait au tout début du développement ; le blastocyste.

Concernant la transmission à la descendance, nous avons débattu ce point pendant des années, certains font la différence entre la modification de l’ADN et le remplacement de l’ensemble de l’ADN mitochondrial. Le gouvernement a conclu que le don ne modifie pas l’ADN mais le remplace. Nous ne l’avons encore utilisé que pour la recherche fondamentale, mais la loi a été modifiée pour permettre l’application de cette recherche, même si personne n’a encore demandé d’autorisation. Cela permettrait de traiter des maladies graves, comportant un risque important de dommages sur la personne.

La demande de recherche de l’Institut Crick était pour comprendre le développement de l’embryon et les raisons de fausses couches. Je vais vous faire parvenir des informations concernant le don mitochondrial. Pour rappel, la loi a été adoptée en 2008 et modifiée en 2015.

*

Traduction de la présentation de M. James Lawford Davies, juriste au cabinet Hempsons sur « la règlementation de la modification ciblée du génome (genome editing) au Royaume-Uni ».

Dans une perspective globale, concernant les modifications génétiques de la lignée germinale de l’humain, on peut graduer les règlementations en trois catégories :

Restrictive (Israël, France, Europe en général, Canada, Brésil, Australie, Inde, Corée du Sud, Japon)

Intermédiaire (États-Unis, Royaume-Uni) Permissive (Chine)

Ces règlementations peuvent être soit des législations, soit des régulations :

Règlementation/législation (Israël, Corée du Sud, U.E, Australie, Canada, USA, Brésil)

Régulation (Singapour, Inde, Japon, Chine)

La règlementation de la Haute Autorité pour la fertilisation et l’embryologie (HFEA) – recherche

Loi n° 1990 sur la fertilisation de l’humain et d’embryologie (telle que modifiée en 2008) : une autorisation permet de créer des embryons in vitro et de garder puis d’utiliser les embryons pour tout projet de recherche spécifique inclus dans l’autorisation ; les recherches non autorisées sont des crimes.

Arbre de décision de la HFEA : 1° identifier les activités à autoriser ; 2°

savoir si cette activité peut être autorisée ; 3° voir si le projet inclut le « test du hamster » et la création, l’utilisation et le stockage d’embryons mélangés ; 4° voir si les activités sont nécessaires ou désirables pour le but recherché – ou bien si cette recherche permettra de produire une connaissance qui pourrait être appliquée dans le développement de la connaissance pour des traitements de maladies graves ou autres traitements médicaux : 5° le comité doit dire s’il est satisfait du fait que l’utilisation des embryons est nécessaire pour le but de la recherche, 6° le demandeur a-t-il démontré que cela ne pose pas de problème éthique ? 7° le comité est-il satisfait des formulaires d’information et de consentement du patient ? 8° la licence doit-elle être accordée sous conditions ?

Les principaux buts de recherche autorisés sont : accroitre la connaissance scientifique sur les maladies, développer de nouveaux traitements, compléter les connaissances dans le champ de recherche des maladies congénitale, faire progresser les traitements contre l’infertilité, les fausses-couches, développer de nouvelles formes de contraceptions, développer des méthodes pour détecter des maladies génétiques.

Il est noté que les autorisations de recherches sont accordées à la condition que les embryons utilisés et créés ne puissent être utilisés pour un traitement.

La règlementation de la Haute Autorité pour la fertilisation et l’embryologie (HFEA) – traitement

Un ovocyte peut être traité lorsque l’ADN nucléaire ou mitochondrial n’a pas été altéré.

Un embryon peut être traité seulement si aucun ADN des cellules nucléaires ou mitochondrial d’aucune cellule de l’embryon n’a été altéré.

Des régulations peuvent prévoir qu’un ovocyte ou un embryon peuvent être traités même s’ils ont subi, dans des circonstances prescrites, un processus prescrit dans l’intention de prévenir la transmission de maladie mitochondriale sérieuse.

Une autorisation de traitement ne peut être autorisée en cas d’altération de l’ADN des cellules nucléaires ou mitochondriales qui fait partie de l’embryon, sauf dans le but de créer un embryon autorisé.

L’utilisation d’embryons non autorisés dans un traitement est considérée comme un crime.

Qu’en est-il des pays européens ?

Belgique : interdiction des recherches ou traitements de nature eugénique, en somme, interdiction de se focaliser sur la sélection ou l’amplification des caractéristiques génétiques non pathologiques de l’espèce humaine (loi de 2003 sur la recherche des embryons in vitro).

France : interdiction des « crimes contre l’espèce humaine ». Aucun individu ne peut ébranler l’intégrité de l’espèce humaine, et réaliser des pratiques eugénistes dans le but d’organiser une sélection des individus (loi de 2004 relative à la bioéthique).

Conseil de l’Europe : une intervention cherchant à modifier le génome humain pourrait être envisagé seulement dans un but préventif, diagnostique ou thérapeutique, et seulement si son but n’est pas d’introduire de modification dans le génome pour les descendants des individus. (article 13 de la convention d’Oviedo de 1997).

Règlementation de l’Union européenne

L’article 9(6) de la directive sur les essais cliniques interdit les essais qui ont pour but de modifier l’identité génétique de la lignée germinale du sujet.

Cependant, la directive concerne les essais cliniques sur les produits médicaux utilisés pour le traitement d’individu, que l’édition du génome d’un embryon implique la mise en œuvre d’un processus ou d’une technique.

Cela ne doit pas créer un produit, encore moins un produit médical, car aucune « substance » n’est créée.

Contrairement, la directive européenne sur les tissus musculaires et les cellules énonce clairement que les décisions prises par les États membres d’interdire ou non l’utilisation des cellules et tissus humains sont hors du cham de la directive et de la compétence des États membres.

L’article 3(2) de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (droit de l’intégrité de la personne) dispose : « Dans le domaine de la médecine et de la biologie, les points suivants doivent être respectés, notamment […] (b) l’interdiction des pratiques eugénistes, en particulier celles ayant pour but la sélection des individus ». Cette disposition a été ajoutée à la charte sur la recommandation du groupe européen sur l’éthique dans les sciences et les nouvelles technologies dans un rapport sur les implications de la charte pour l’innovation technologique.

L’interdiction d’eugénisme a pour but de prévenir deux préoccupations :

« Les pratiques qui impliquent par exemple la stérilisation forcée, les grossesses ou avortement forcés, les mariages forcés d’un point de vue ethnique, etc., tous actes qui sont expressément considérés comme des crimes internationaux par le statut de Rome (18 juillet 2000) qui a créé la cour pénale permanente internationale. »

« L’eugénisme… peut aussi comporter des manipulations génétiques sur l’être humain comme la modification de la lignée germinal pour son amélioration, sans but thérapeutique. »

Le rapport du groupe européen d’éthique (European Group on Ethics – EGE) poursuit : « …l’eugénisme diffère des autres pratiques individuelles qui permettent d’éviter la naissance d’enfant handicapé (DPI ou diagnostic prénatal pour les maladies graves ou incurables par exemple) ».

Conclusions

Le modèle anglais offre un cadre stable, flexible et potentiellement permissif pour la réglementation de l’édition du génome : il protège les patients, calme les préoccupations du public, protège les chercheurs, fournit un environnement propice à l’innovation scientifique et au progrès, sans nécessité de moratoire.

Le DPI et le don mitochondrial proposent un modèle utile pour une législation solide sur les applications thérapeutiques.

Besoin de transparence et d’un dialogue ouvert entre les chercheurs et les responsables politiques.

*

Le débat public : M. Nick Meade, Genetic Alliance ; et Mme Hilary Sutcliffe, MATTER.

Mme Hilary Sutcliffe, responsable de l’innovation, MATTER. Je ne suis pas une scientifique, je représente une ONG en essayant d’être indépendante et impartiale pour l’usage responsable de ses technologies.

M. Nick Meade, Genetic Alliance. Je suis directeur de Genetic Alliance au Royaume-Uni, une organisation qui représente les patients.

Mme Hilary Sutcliffe. J’ai commencé dans le domaine de la technologie, en m’intéressant aux usages responsables des nanotechnologies. Par le passé, j’ai beaucoup parlé avec Mme Dorothéa Brolles (Agora) en France pour évoquer toutes les questions relatives à ce sujet. La question des modifications génétiques et les nanotechnologies influencent beaucoup la perception du public sur les biotechnologies.

Au Royaume-Uni, j’étudie les innovations responsables de toutes les technologies, en mettant l’accent sur les technologies sujettes aux controverses. La biologie de synthèse est la plus controversée. Il n’est pas encore clair, pour les profanes, de déterminer les différences entres les éditions du génome, la biologie de synthèse, la modification génétique.

Les différences entre nos responsabilités et celles du Nuffield Council sont les suivantes. Nous sommes une structure militante, nous contribuons aux rapports écrits par le Nuffield Council, mais nous sommes plus engagés. Puis nous sommes moins bien financés que le Nuffield Council, ce sont des ONG, des fondations, des individus qui nous financent. Nous conseillons le gouvernement et les scientifiques, nous cherchons à garder notre indépendance par rapport à toutes ces structures. Nous ne recevons pas de financement de la part du gouvernement ou des industries. Mes cibles d’intérêts sont le grand public et les groupes militants.

En ce qui concerne l’édition du génome, je siège au groupe de gouvernance et de travail du forum du leadership dans le domaine de biologie de synthèse (Synthetic Biology Leadership Council), avec huit grandes technologies qui doivent être développées, dont la biologie de synthèse. Nous étudions les modifications génétiques dans différents domaines.

M. Nick Meade. Il est difficile d’avoir une bonne définition, car nous avons une technique, la modification ciblée du génome (gene editing), qui pourrait s’appliquer à l’être humain autant qu’aux végétaux. Pour l’édition du génome, on confond beaucoup les différentes applications qui pourraient se faire pour les végétaux ou la reproduction. Mais tout cela demeure encore confus, il n’y a pas

encore de définition très claire, car il y a plusieurs versions de la technique. Quand la presse évoque l’édition du génome, elle parle des utilisations potentielles de ces techniques.

Mme Hilary Sutcliffe. De plus, les universitaires et les entreprises présentent de manière exagérée l’utilisation de ces techniques, donc le public a du mal à faire la part des choses. Il n’est pas bien informé. La mission de Matter est d’expliquer qu’il est possible de développer de manière responsable ces technologies, cela fut le cas pour les nanotechnologies, nous rassemblons les parties prenantes pour voir quel serait l’usage responsable de ces technologies.

À la question de savoir s’il y a des exemples d’innovation irresponsable, je rappelle que nous avons un petit projet sur ce sujet. Il s’agit toujours de quelqu’un qui dit que l’usage de la technique sera responsable, puis il y a une dérive. Nous pouvons prendre l’exemple de l’amiante. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’amiante a des répercussions aujourd’hui, alors qu’elle a été produite il y longtemps. La nanotechnologie vient de l’amiante. Nous ne serions pas ici si nous ne rencontrions pas de problèmes concernant les modifications génétiques.

M. Nick Meade. La modification génétique pose problème. En adoptant la loi sur le choix de la reproduction « bébé sur mesure » ou « bébé designer », il s’agit d’effectuer un DPI pour réaliser une FIV et produire un enfant qui n’a pas tel ou tel maladie génétique. Dans la presse, cela est présenté sous forme de sélection d’un gène, donc comme un « bébé sur mesure ».

Mme Hilary Sutcliffe. J’ai préparé un rapport pour la Commission européenne sur les innovations responsables, donc il y a le problème du passé et les inquiétudes sur ce sujet, engendrant un réel manque de confiance. Puis les problèmes scientifiques du passé, qui, au départ, avaient le désir de promouvoir les technologies à des fins positives sur la société plutôt que de les envisager à seule fin de la recherche. Mais il est difficile d’établir les dérives.

M. Nick Meade. Il y a quelques cas où le test n’a pas réussi et l’enfant est né avec la maladie. Nous souhaitons contrer certains lobbies concernant les

« bébés sur mesure », en mettant en place les technologies pour permettre le développement de cette pratique de manière plus invasive. Deux ans se sont écoulés entre l’arrivée du DPI et son évaluation. Depuis, nous avons contribué au débat autour du don mitochondrial, qui fut plus difficile à faire accepter dans le cadre de la loi britannique.

Mme Hilary Sutcliffe. En Europe, le baromètre Edelman Trust permet de mesurer le niveau de confiance dans le monde. D’après ce baromètre, il n’y a pas de baisse avérée concernant la confiance pour les scientifiques, les ONG ont plutôt confiance. En ce qui concerne le remplacement mitochondrial, les politiques avaient le sentiment que le public serait contre, mais le public a eu une position organisée et positive. Pour le gouvernement, ce sont de grands enjeux.

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