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Les relations utérus - mamelles

76 2- Les vaisseaux utérins

X- Les relations utérus - mamelles

« Il existe entre les mamelles et les matrices une sympathie étroite qui démontrera encore l’art admirable de la nature. » 317

Nous avons déjà mentionné l’importance que Galien attribuait à la symétrie de nombre entre les mamelles et les « chambres » utérines318: « Il existe autant de mamelles que de cavités utérines.... De même que la femme a deux cavités utérines qui aboutissent à un même col, elle a deux mamelles qui en sont les fidèles servantes, chacune de la cavité correspondante.»319

On supposait aussi une correspondance fonctionnelle, puisque le développement de ces organes se fait en même temps à la puberté et qu’après la ménopause se produisent affaissement des seins et involution utérine.320

De plus, la pathologie montrait bien les liens physiologiques, reconnus déjà par Hippocrate dans ses Aphorismes et qui ne sont pas dus à une erreur de raisonnement321, mais aux actions hormonales sur leurs récepteurs: en dehors de la gestation, une

sécrétion anormale de prolactine peut provoquer le syndrome «

aménorrhée-galactorrhée »322. Pendant la grossesse, la mort de l’oeuf, associée à un effondrement des sécrétions hormonales placentaires peut entraîner une détumescence des seins323

(surtout dans les premiers temps de la grossesse ou si la mort foetale survient après une période de souffrance de l’enfant qui provoque un arrêt de sa croissance et une diminution progressive des hormones chorioniques) ou inversement une montée de lait.324

Pour les médecins hippocratiques, le lait provient, comme le sperme, de la coction du sang qui se fait dans la région des matrices à partir de la partie la plus grasse des aliments et qui remonte jusqu’aux seins sous l’effet des mouvements du foetus325 qui « en profite un peu » par des veines qui s’élargissent ensuite lorsque l’enfant tette.326 Cet équilibre entre la production du lait, la grossesse et les menstruations (puisque la femme qui allaite n’a en général pas de règles) pouvait ainsi entrer dans les théories des humeurs.327

Aristote, lui aussi, assimile le lait au sang des règles328, mais comme le principe des veines est le coeur qui est situé au-dessus du diaphragme, « le lait s’accumule à la partie

316 S.Sisson (1953) p.628. Ces canaux ont été d’abord décrits par Malpighi en 1681 puis par Gartner en 1822. Ils sont donc très facilement observables par un anatomiste attentif.

317 Usu part. XIV 8 K.IV 176

318 Se reporter au chapitre sur la morphologie de l’utérus

319 Usu part. XIV 4 K.IV 152

320 Usu part. XIV 4 K.IV 154-5

321 Comme l’affirme un peu rapidement R.Joly (1966) p.66

322 Aph.V,39 L.IV 544 : « Si une femme qui n’est ni enceinte, ni ne vient d’accoucher, a du lait, c’est que ses règles manquent »

323 Aph.V,37 L.IV,544: « Une femme enceinte dont les mamelles s’affaissent subitement, avorte », ce qui est vrai, sans aller jusqu’à l’affirmation de l’Aph. suivant (38): en cas de jumeaux, si c’est le sein droit qui diminue de volume, c’est le foetus mâle qui est mort, si c’est le gauche, le femelle; et Aph.V,53 « Chez celles qui sont sur le point d ’avorter, les mamelles s’affaissent »

324 Aph.V,52 L.IV, 550 : « Si des mamelles d’une femme enceinte, il coule une grande quantité de lait, c’est signe que le foetus est faible »

325 Effectivement, l’apparition du colostrum dans les seins correspond à peu près à la perception des premiers mouvements de l’enfant, vers le cinquième mois, mais la montée laiteuse ne se produit qu’au troisième jour après l’accouchement dans l’espèce humaine, tandis qu’elle annonce la parturition chez les animaux.

326 Nat.puer. XI L.VII,510 J.67

327 Gland.16 L.VIII,572 et M.P.Duminil (1983) p.198-9

supérieure du corps, dans les mamelles » (ce qui le gêne un peu pour les espèces où elles sont situées à la partie caudale de l’abdomen).329

Galien retient la même explication: le sang superflu qui s’écoule dans l’utérus en période menstruelle, est attiré par le foetus pendant la grossesse, mais étant donné la largeur et la longueur de ces veines qui font réservoir, le trop-plein « déborde et cherche une région où il puisse se transporter... il est donc lancé vers les mamelles par des veines distendues et surchargées par la masse entière du ventre qui les presse.»330

La dissection va permettre à Galien de mettre en évidence la correspondance anatomique, vasculaire, entre les seins et la matrice et de démontrer les affirmations

hippocratiques et aristotéliciennes, « logiquement », par le principe des vases

communiquant, comme il le fait dans ses traités anatomiques:

« Il y a une autre paire de veines... qui remontent le long des muscles droits et qui vont ensuite au même endroit que les extrémités des veines qui descendent de la poitrine aux hypochondres; de chaque côté, il existe une autre petite veine qui vient de la même racine et se rend à la matrice; c’est par ces veines que s’établit surtout la communication entre mamelles et utérus. Ces veines sont donc placées à la surface interne des muscles droits de l’abdomen et celles qui remontent vers les hypochondres leur sont reliées. Mais à la partie externe de ces mêmes muscles, il y a une autre paire de veines qui aboutissent aux parties génitales.»331

« (A partir des veines qui sont au voisinage de l’utérus) naissent deux autres veines qui vont d’abord un moment vers en avant obliquement et s’insèrent dans les deux muscles droits de l’abdomen puis ces deux veines, à partir de là, avancent verticalement et passent sous les muscles droits pour s’unir avec les veines qui descendent d’en haut. Ces veines qui viennent d’en haut sortent à l’extérieur du thorax des deux côtés du cartilage qu’on appelle « semblable à une épée » (xiphoïde) puis à partir de celles-ci se divisent des rameaux minces qui sortent de la région de la mamelle et se dirigent en descendant de haut en bas en profondeur et rencontrent les veines dont nous avons dit qu’elles allaient de bas en haut le long des muscles charnus (droits) ... Puisque entre les veines qui sont dans le thorax et celles qui sont dans les mamelles et puis les veines qui sont dans l’utérus et celles qui sont dans les parties restantes de la génération, il y a une communication de deux types: une par l’intermédiaire des veines internes dont nous avons dit qu’elles sont couchées tout le long des muscles droits charn0us de l’abdomen, l’autre par l’intermédiaire des veines externes que j’ai précédemment mentionnées. » 332

329 G.A. IV,8 776b L.171

330 Usu part. XIV,8 K.II,177-9

331 Ven.art.diss. K.II 813; mais aussi Usu part.XVI,10 K.IV 332

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Galien s’étend donc sur ses explications dans l’Utilité des parties: « Comme la nature avait disposé les deux appareils (mamelles-utérus) pour l’accomplissement d’une seule oeuvre, elles les a unis par les vaisseaux qui vont aux mamelles; pour cela, elle a fait descendre des veines et des artères dans les hypochondres et dans tout l’hypogastre, puis elle les a rattachées à celles qui remontent des parties inférieures et qui fournissent les vaisseaux à la matrice et au scrotum. Chez les animaux, ce sont en effet les seuls vaisseaux qui, nés des régions supérieures du diaphragme, se rendent à la partie basse du corps, et les seuls qui des parties inférieures remontent; car les parties en question sont les seules qui aient besoin d’être rattachées par des vaisseaux, afin que, pendant le temps où le foetus se développe et se forme dans les matrices, les veines communes aux deux parties versent à ce dernier seul de la nourriture et qu’après sa venue au monde, toute nourriture reflue aux mamelles. »333

Une fois de plus, ne recherchons pas dans l’anatomie humaine l’anastomose entre les vaisseaux mammaires internes et épigastriques inférieurs qui sont trop peu développés pour avoir été décrits ici par Galien: le sein chez la femme est vascularisé par un plexus veineux qui se draine très modestement en profondeur par des veines satellites des artères, mais surtout par un réseau superficiel, bien visible pendant la grossesse, vers la jugulaire, la céphalique, et vers les veines sous cutanées de l’abdomen.334

N’oublions pas qu’il s’agit d’anatomie animale comme nous pouvons le comprendre d’après ses Pratiques anatomiques : « Si, lecteur, tu veux mettre à nu toutes les artères

333 Usu part. XIV,8 K.II,179

334 Kamina (1974). p.425

qui se trouvent dans l’hypogastre, tu dois d’abord sectionner les muscles comme je te l’ai indiqué un peu plus haut; (taille) un peu en dessous des mamelles, où les artères qui se trouvent dans cette région s’enfoncent en profondeur, sous les muscles droits avec les veines de cette région; l’autre sorte de veines, des deux qui sont communes aux mamelles et à l’utérus (je veux dire celles qui sont à la surface du corps sous la peau) est sans artère. »335 Il s’agit de brebis ou de chèvre, puisque chez les ruminants et les équidés, les complexes mammaires sont en position caudale, ce qui explique leur vascularisation; la vascularisation artérielle se fait essentiellement par l’intermédiaire de l’artère honteuse externe qui arrive par l’orifice inguinal et se divise pour donner un rameau basal caudal, une branche mammaire caudale, une branche mammaire latérale qui vascularise la plus grande partie de la glande et l’artère mammaire médiale qui se poursuit par l’épigastrique caudale superficielle qui s’anastomose avec l’épigastrique crâniale superficielle.

En ce qui concerne la vascularisation veineuse, chez la chèvre (il existe des différences notables suivant les espèces) la glande mammaire se draine vers la veine honteuse externe et les veines épigastriques par deux réseaux veineux: les veines mammaires

335 Anat.adm. XIII,3 Gar.1003

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latérales et la veine mammaire médiane, large et unique, non accompagnée d’une artère comme Galien nous l’a bien signalé.

Chez la truie, les rongeurs, les carnivores, (voir fig.30)les complexes mammaires, en nombre variable suivant les individus et les espèces, s’étendent le long de la paroi thoraco-abdominale antérieure: une partie de leur vascularisation est alors assurée par les rameaux perforants de l’artère thoracique interne et des artères intercostales, et par les rameaux mammaires des artères épigastriques crâniales et caudales, formant un système anastomotique le long de la chaîne des mamelles. Ainsi, la communication vasculaire entre les seins et l’utérus explique qu’il ne peut y avoir en même temps règles et lait.