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Les moyens d’attache de l’utérus

II - Rapports de l’utérus

IV- Les moyens d’attache de l’utérus

L’utérus est maintenu en place à la fois par ses connexions avec les organes de voisinage et par des formations ligamentaires qui le soutiennent ou le suspendent; tous ces moyens sont très bien décrits dans l’Anatomie de l’utérus: « En effet, parmi les organes qui sont en relation avec l'utérus, certains le touchent à peine seulement et ne sont plus combinés à lui; mais beaucoup lui sont liés et ne pourraient être séparés sans dissection. II y en a aussi que l'on peut séparer en les écorchant; ainsi, il est rattaché à de nombreuses structures, et beaucoup y sont insérées.»217

Le tissu cellulaire pelvien, qui feutre les espaces entre les organes, renforcé par les tractus conjonctivo-musculaires, nerveux ou vasculaires, est décrit pour la première fois: « Il est attaché par des prolongements fibreux et minces au rectum et à la vessie, et les liens avec la vessie sont les plus nombreux218.... A la vessie et au rectum, il est réuni seulement au niveau du col par des structures membraneuses et artérielles avec une certaine quantité de graisse. On peut arriver à l'en séparer par la dissection mais il est aussi fortement lié que s'il était d'une seule et même chair.»219

« N'en sont pas moins des liens, d'autant qu’ils s'y insèrent, ceux qui tissent et tressent le corps même de l'utérus dont une part importante revient aux nerfs issus de la moelle épinière, ainsi qu'aux veines et aux artères qui assurent la croissance et l'alimentation de l'utérus et de l'embryon.»220

Quant aux ligaments utérins proprement dits, Galien écrit ceci:

« Il est aussi rattaché au sacrum, et même y est largement suspendu, par des ligaments élastiques qui peuvent se relâcher, formés de nerfs et de muscles. Par de telles formations, il est aussi suspendu aux vertèbres lombaires.»221

Nous avons là la description des ligaments utéro-sacrés, solides et résistants, qui s’étendent de la paroi antérieure du sacrum au niveau des trous sacrés et peuvent dans certaines espèces s’étendre jusqu’à la troisième vertèbre lombaire, jusqu’aux bords latéraux de l’utérus et de son col, soutenus par la lame du plexus nerveux hypogastrique et formés de vaisseaux et d’éléments musculaires et conjonctifs222; ils peuvent se distendre en laissant alors glisser la matrice dans le vagin et la vulve (« descente d’organe »)

215 Nat.fac .III,12 K.II 183

216 Nat.fac. III,12 K.II,183 La rupture des membranes ovulaires libère en effet des prostaglandines dans

l’utérus qui en augmentent la contractilité, phénomène bien connu des sages-femmes qui percent la poche des eaux pour accélérer le travail.

217 Anat.ut. IV K.II,892 N.40 Dans ce chapitre, Galien traite des rapports de l’utérus avec les organes de voisinage, non dans un ordre topographique comme dans les traités actuels, mais selon le degré d’adhérence.

218 Anat.ut. IV K.II,892 N.40

219 Anat.ut. V K.II,893 N.42

220 Anat.ut. IV K.II 893 N.42

221 Anat.ut. IV K.II,893 N.42

« Il est attaché aussi aux grands muscles lombaires qui, de chaque côté, envoient des prolongements remarquables qui se distribuent aux deux parties de l'utérus, au col de la vessie et au fondement. Tous ces liens sont lâches pour permettre à l'utérus de grandes variations de position et de forme.»223

Les prolongements des « grands muscles lombaires » à l’utérus sont les « ligaments

larges » qui suspendent les cornes et le corps utérin à la paroi postérieure et latérale du

bassin ou des flancs (voir fig.21). Ils sont très musculeux et épais chez les animaux quadrupèdes, en particulier les herbivores, sans qu’on puisse dire toutefois qu’il s’agisse de véritables prolongements des muscles psoas. Ils jouent un rôle actif de soutient de l’utérus, pouvant même se mettre en tension pour changer l’orientation de l’utérus, comme dans la parturition. Dans l’espèce humaine, où le poids de l’utérus est supporté par le plancher pelvien (station verticale) les ligaments larges sont minces et fins, dépourvus de muscles. Par contre, Galien ne parle pas des ligaments ronds, bien marqués chez la femme puisqu’ils mesurent une dizaine de centimètres et sont épais de trois millimètres environ; très solides, allant de la corne de l’utérus au canal inguinal, ils tirent l’utérus vers l’avant (antéversion) et jouent donc un rôle dynamique dans le soutient des organes génitaux; par contre, ils sont presque inexistants chez l’animal dont la paroi abdominale reçoit le poids de la matrice. Nous avons donc ainsi une nouvelle preuve, s’il en était besoin, que Galien n’a disséqué que des animaux. Quant à leur prolongement au col de la vessie et au rectum, il s’agit plutôt des lames sacro-recto-génito-pubiennes, expansions des ligaments utéro-sacrés.

Galien pourrait parler en précurseur de nos médecins modernes qui analysent la ‘dynamique utérine’ dans le fait que l’utérus est ‘soutenu, suspendu et orienté’: « Comme l'utérus est intimement lié à certaines structures, relié à d'autres, suspendu à d'autres, et que certaines assurent sa formation, d'autres sa nutrition, on pourrait dire ainsi qu'il est fortement lié au col de la vessie, au rectum et au vagin, comme aussi aux testicules et aux canaux spermatiques, qu'il est attaché aux autres parties de la vessie et du rectum, qu'il est attaché et suspendu au sacrum, qu'il est seulement suspendu à la moelle rachidienne et aux muscles lombaires; qu'il est suspendu, a même origine et est formé par les nerfs; (avec les artères et les veines il a des liens, une origine commune, des connexions) et il est nourri.»224

Galien a beaucoup insisté sur le caractère lâche des attaches utérines, qui permettent à cet organe de changer de forme ou de position, en particulier pendant la grossesse: « Il existe certains ligaments qui le rattachent au corps du rachis et aux autres organes voisins, tous très lâches, comme on ne peut en voir nulle part ailleurs; en effet, aucune autre partie ne peut par nature, se distendre autant et revenir aussitôt, en se contractant, aussi petite possible. Il faut donc que les ligaments s’étendent et suivent ce viscère dans toute sa marche errante, qu’ils ne se déchirent pas, sans le laisser trop s’écarter ou s’avancer dans des régions étrangères. » 225

Bien qu’il refuse l’idée d’un utérus ‘errant’, Galien emploie pourtant ici le même mot de

pla/nh (marche errante) que les anciens226. Les Grecs, comme les Egyptiens qui comparaient la matrice, dit-on, à une tortue ou un crocodile227, s’imaginaient que celle-ci était animée d’une vie propre, pouvait errer à travers l’abdomen et y entraîner certains

223 Anat.ut. IV K.II,893 N.42

224 Anat.ut. IV K.II 894 N.42

225 Usu part. XIV,14 K.IV,207

226 « planwme/nw t%= spla/gnw »; pla/nh, est aussi employé par Platon (Tim.91b) à propos de l’utérus; ce mot désigne le plus souvent la course vagabonde des planètes dans le ciel par opposition aux étoiles fixes.

227 Cette assertion est reproduite dans de nombreuses études mais sans que la référence exacte en soit donnée. Dans le Corpus des papyrus médicaux égyptiens, il n’est question que de fumigations ou de pessaires « pour faire redescendre la matrice à sa place » Bardinet T. (1995) p.221-230. par ailleurs, l’utérus est nommé par « hemet » représenté ainsi avec un déterminatif

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dommages.228Les médecins hippocratiques, influencés par les impressions des femmes et les observations des sages-femmes, en sont persuadés et basent une partie de leurs explications physiopathologiques sur cette propriété, comme dans les traités « cnidiens » des Maladies des femmes229. Mais l’examen détaillé du Corpus montre qu’ailleurs cette

hypothèse n’est pas retenue.230

228 Sur la mobilité de l’utérus voir par exemple à Byl S. (1995) - Sissa G.(1987) p.76-93

229 A.Rousselle (1980)

Figure 22 : Les ligaments utérins chez la chèvre – vue de la paroi postérieure

L’utérus, rabattu en avant, permet de dégager (1) l’uretère (2) Vx utérins et de déployer le ligament large (3) l’ovaire droit

S’il est tout à fait exact que l’utérus peut subir certains déplacements, en particulier une « descente », et que le développement de certaines formations tumorales, du fait de leur expansion abdominale ou de signes de compression pelvienne ait pu accréditer cette thèse, les progrès de la dissection ont rapidement démontré que l’utérus était « fixe ». Soranos, par exemple, décrit assez sommairement: « La matrice est rattachée par de fines membranes vers le haut à la vessie, vers le bas, au rectum, vers les côtés et à l’arrière aux saillies des os iliaques et au sacrum. En tout cas, lorsque ces membranes se tendent sous l’effet d’une inflammation, la matrice est tirée vers l’arrière ou se penche sur un côté; si au contraire elles se détendent et se relâchent, la matrice se prolabe: ce n’est pas, comme certains le croient parce qu’elle est un être vivant.. » 231

Galien, à son tour, combat « ceux qui ignorent ce que révèlent les dissections » et dans une longue dissertation « Sur l’hystérie »232 rapporte les déviations de la matrice à une attraction par les ligaments enflammés, ou à la réplétion de ses vaisseaux, ce qui se produit en cas de rétention de règles. « Le sang arrive bien jusqu’à la matrice, mais il ne peut pas s’introduire dans son intérieur, tantôt parce qu’il est trop épais pour pénétrer à travers les orifices des vaisseaux, tantôt parce que ces orifices sont fermés, de sorte qu’il engorge les veines et les distend et imbibe les ligaments qui sont proches; par suite de leur tension, la matrice, vu son rapport de continuité avec eux, est attirée en même temps; si la traction s’opère de tous les côtés par des forces égales, le déplacement de l’utérus s’effectue sans aucune déviation; si au contraire, les forces sont inégales, cet organe se porte là où la rétraction est la plus puissante...il serait plus convenable de parler de distorsion. »233

Il n’est pas lieu ici de refaire l’histoire de l’Hystérie, qui débute avec ‘l’affection utérine’ des traités cnidiens qui rendent responsables les déplacements de la matrice de nombreuses pathologies, dont la ‘suffocation’ où il est possible au lecteur contemporain de lire les premières descriptions de cette affection mentale, mais que les médecins hippocratiques considèrent comme totalement organique car « peu de femmes en réchappent ». Plus tard, la folie des femmes veuves, des jeunes filles est attribuée à une

231 Gyn.I,4 B.9

232 Loc.aff. VI,5 K.VIII,413-437

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rétention du sang menstruel dont le trouble arrive à pervertir l’intelligence et la raison234. Galien va un peu plus loin, puisqu’il attribue cette pathologie à une rétention de semence dont une très faible quantité peut agir sur l’organisme entier comme le ferait un poison.