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Le rejet de certaines interprétations du droit fondées sur la Déclaration

Le TANU a, tout d’abord, considéré que l’ensemble du texte que constitue la Déclaration universelle ne constitue pas une source de droit pour la fonction publique internationale. Il a également rejeté plusieurs principes dont les requérants considéraient qu’ils se fondaient sur la Déclaration universelle. Enfin, il a ignoré de nombreuses références par des requérants à la Déclaration universelle.

Comme l’indique Anthony J. Miller, le droit applicable par le Tribunal administratif se constitue du contrat d’engagement, du Statut et du règlement du personnel366, ainsi que de sa propre jurisprudence367 ; cette dernière, qui constitue un

365 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Statut du Tribunal administratif des Nations Unies (accès au site

Internet le 21 février 2013) : http://untreaty.un.org/unat/Statute_French.htm.

366 MILLER Anthony J., « Le droit applicable par le Tribunal administratif des Nations Unies », pp.219-242, in SOCIETE

FRANCAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, Le contentieux de la fonction publique internationale : actes des

élément important dans les décisions prises par le TANU, se fonde sur les principes généraux du droit, définis par le Tribunal administratif368. A l’exception de ses articles 8, 97, 100, 101 et 105 relatifs à l’emploi du personnel, et qui sont reproduits dans le règlement du personnel369, la Charte de l’ONU, et notamment ses dispositions relatives aux droits de l’Homme, ne fait pas partie du droit applicable par le TANU .

Dans un jugement de 1956, le Tribunal administratif a rejeté la portée juridique des droits de l’Homme et de la Déclaration universelle. Dans cette affaire, le requérant, Arnold Khavkine, né en Russie et ayant acquis la nationalité française, demandait l’annulation d’une décision du Secrétaire général qui lui interdisait de signer une levée des privilèges et immunités afin qu’il puisse acquérir la résidence permanente dans son pays d’accueil. Le Tribunal administratif note que le requérant a notamment fondé sa demande en argumentant qu’il s’agit d’une violation du droit de choisir librement sa résidence tel qu’énoncé par la DUDH. Il indique qu’il est en accord avec le défendeur selon lequel « cette affirmation du requérant n’est pas pertinente et qu’il confond les droits de l’homme en général et les conditions particulières de service qui gouvernent son contrat d’emploi »370

.

En outre, le Tribunal administratif a rejeté l’existence de certains principes, dont les interprétations étaient fondées Déclaration universelle : droit de choisir son lieu de résidence (1956 : Khavkine – cité plus haut) et de changer de nationalité (1984 : Fischman ; 1997 : Moawad), principe de salaire égal pour un travail égal (1959 : Champoury), et libre-choix en matière d’éducation (1984 : Cordovez).

Lorsque le TANU a rejeté la force juridique obligatoire de la DUDH dans le jugement Khavkine (1956), précédemment cité, il a considéré que la Déclaration universelle ne peut pas servir pour fonder le droit de changer de lieu de résidence.

Le Tribunal administratif se réfère à nouveau à ce jugement pour rejeter le principe du droit de changement de nationalité dans l’affaire Fischman (1984). Dans cette affaire, le requérant, Emilio Norberto Fischman, traducteur d e nationalité argentine, demandait à pouvoir renoncer aux privilèges et immunités afin de pouvoir

367 Idem, p. 224. 368

Idem, p. 226.

369 NATIONS UNIES, Règlement du personnel, ST/SGB/2002/2, 1er janvier 2002.

370 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Khavkine c. le Secrétaire général de I'Organisation des Natio ns Unies, jugement n°66, affaire n°67, 8 décembre 1956, p. 388.

acquérir un statut de résident permanent aux Etats-Unis, et d’ainsi obtenir la nationalité de ce pays. Il argumente notamment que ce refus constitue une violation des droits de circuler librement et de changer de nationalité, inscrits respectivement aux articles 13 et 15 de la Déclaration universelle. Le TANU reconnaît que la Déclaration universelle peut établir des principes, mais considère que ce principe peut être exercé, malgré les décisions de l’Administration, dans la mesure où les fonctionnaires peuvent à tout moment démissionner :

« Le Tribunal doit respecter les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les Pactes internationaux associés. Il ne peut cependant accepter l'argument du requérant dans la présente affaire (…).

Le requérant pense que son droit fondamental doit prévaloir sur les conditions particulières de contrat. Le Tribunal ne peut pas partager cette vue (…).

Les conditions d’emploi aux Nations Unies n’excluent pas a priori tout changement de nationalité durant la période de service. Le règlement du personnel laisse la possibilité à la discrétion du Secrétaire général, dans le cadre de la politique qui peut être établi par l’Assemblée générale, d’agir d’une telle manière qui peut rendre possible un changement de nationalité ou pas. Cela est d’aucune façon contraire à aucun principe d’aucun instrument international des droits de l’Homme, étant donné que tout membre du personnel peut à tout moment démissionner de son poste et se libérer de toute contrainte de service. Le Tribunal estime en conséquence que l’allégation du requérant concernant la violation de ses droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme est infondé et qu’il « confond les droits de l’homme en général et les conditions particulières de service qui gouvernent son contrat

d’emploi (Jugement no. 66 : Khavkine) »371

.

Cette jurisprudence, selon laquelle l’Administration n’a pas pour obligation de garantir la liberté de changer de nationalité ses agents, ce principe étant protégé de

371 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Fischman c. le Secrétaire général de I'Organisation des Natio ns Unies, jugement n°325, affaire n°326, 17 mai 1984, p. 190.

fait par la liberté de démissionner, a été rappelée en 1997 dans l’affaire Moawad372

. Dans cette affaire, le requérant, Hasan Moawad, estimait que sa liberté de changer de nationalité était entravée par le refus d’abaisser la catégorie de son poste à un poste de services généraux afin de lui permettre de lever les immunités et privilèges. Le Tribunal administratif rappelle également le pouvoir discrétionnaire du Secrétaire général en matière de levée de privilèges et immunités.

Dans l’affaire Champoury dans laquelle le requérant demandait de modifier son poste (de P-1 à P-2), argumentant notamment qu’il s’agissait d’une violation du principe « salaire égal pour un travail égal » énoncé dans la Déclaration universelle (article 23), le Tribunal administratif a considéré que « [c]e principe peut seulement être interprété à la lumière des conditions prévalant à l’endroit où le travail est fait », et qu’il « n’est donc pas nécessaire de considérer l’effet contraignant de la Déclaration universelle des droits de l’homme dans cette affaire »373.

Le 26 octobre 1984, le TANU rejette une demande de remboursement de la part du requérant, Diego Cordovez, portant sur des dépenses de voyages liées aux études de son fils à l’université, pour lesquelles le requérant a droit au paiement des frais d’étude. Rappelant que le requérant avait considéré qu’il s’agissait d’une violation de l’article 26 (3) de la DUDH qui consacre le « droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants », le Tribunal administratif ne s’est pas prononcé sur ce droit, mais a jugé qu’une organisation internationale n’a pas d’obligation de rembourser les « dépenses qui incombent aux membres du personnel pour l’éducation de leurs enfants ».

Enfin, le TANU n’a pas considéré les références à la Déclaration universelle mises en avant par de nombreux requérants.

A la suite du jugement Robinson de 1952, par lequel le Tribunal administratif reconnaît l’article 20 de la Déclaration universelle relatif au droit d’association (voir

infra), de nombreux requérants ont appuyé leur demande en se fondant sur la

Déclaration universelle, sans que le TANU ne s’y réfère374.

372

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Moawad c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations

Unies, jugement n°819, affaire n°853, 25 juillet 1997 , p. 9.

373 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Champoury c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies, jugement n°76, affaire n°73, 17 août 1959, p. 40.

374 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Crawford c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°18, affaire n°26, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Kaplan c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°19, affaire n°27, 21 août 1953 ; TRIBUNAL

Après le jugement Khavkine de 1956 par lequel le Tribunal administratif refuse de reconnaître le droit de choisir son lieu de résidence (voir supra), les demandes de requérants fondés sur la Déclaration universelle sont moins nombreuses, mais les références à la DUDH sont également ignorées375.

Enfin, après le jugement par lequel le TANU reconnaît en 1984 (jugement

Moser) le principe de non-discrimination fondé sur la Déclaration universelle (voir infra), de nombreux requérants ont fondé leurs demandes en s’appuyant sur la

Déclaration universelle, sans toutefois que le Tribunal administratif ne s’y réfère376.

ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Middleton c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies , jugement n°20, affaire n°28, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Kager-Pozner c. le

Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°22, affaire n°30, 21 août 1953 ; TRIBUNAL

ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Sokolow c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies , jugement n°23, affaire n°31, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Van Tassel c. le Secrétaire

général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°25, affaire n°33, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DES NATIONS UNIES, Zap, Marjorie c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies , jugement n°26, affaire n°34, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Wallach c. le Secrétaire général de

l’Organisation des Nations Unies, jugement n°28, affaire n°36, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES

NATIONS UNIES, Zap, Herman c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies , jugement n°27, affaire n°35, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Glaser c. le Secrétaire général de l’Organisation

des Nations Unies, jugement n°38, affaire n°46, 21 août 1953 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Wallach c. le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°53, affaire n°36, 29 mai 1954.

375 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Fort c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies, jugement n°102, affaire n°102, 10 octobre 1966 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Yáñez c. le Secrétaire général de I'Organisation de l’Organisation de l'aviation ci vile internationale, jugement n°112, affaire n°110,

25 octobre 1967 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Roy c. le Secrétaire général de I'Organisation de

l’Organisation de l'aviation civile internationale, jugement n°123, affaire n°115, 31 octobre 1968 ; TRIBUNAL

ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, de Olagüe c. le Secrétaire général de l'Organisation maritime consultative

intergouvernementale, jugement n°191, affaire n°188, 11 octobre 1974 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS

UNIES, Squadrilli c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°229, affaire n°218, 14 octobre 1977 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Mathur c. le Secrétaire général de I'Organisation des

Nations Unies, jugement n°235, affaire n°220, 20 octobre 1978 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Adler c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°267, affaire n°249, 21 novembre 1980. 376 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Paveskovic c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies, jugement n°341, affaire n°324, 2 novembre 1984 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Giscombe c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°356, affaire n°344, 5 novembre 1985 ;

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Roy c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°369, affaire n°369, 6 juin 1986 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Roy c. le Secrétaire

général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°368, affaire n°357, 6 juin 1986 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DES NATIONS UNIES, Moser c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°388, affaire n°273, 4 juin 1987 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Piscombe c. le Secrétaire général de I'Organisation

des Nations Unies, jugement n°391, affaire n°401, 5 juin 1987 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Voll-Wagenfeld c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°410, affaire n°432, 17 mai 1988 ;

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIE S, Shaaban c. le Secrétaire général de l'Organisation de l'aviation

civile internationale, jugement n°441, affaire n°454, 18 mai 1989 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Morales c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°445, affaire n°478, 24 mai 1989 ;

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Large c. Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les

réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, jugement n°448, affaire n°441, 26 mai 1989 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DES NATIONS UNIES, Janitschek c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°449, affaire n°466, 30 mai 1989 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Silveira c. le Secrétaire général de

I'Organisation des Nations Unies, jugement n°458, affaire n°491, 7 novembre 1989 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES

NATIONS UNIES, Maneck c. Le Comité mixte de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies , jugement n°514, affaire n°486, 23 mai 1991 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Fallah c. le

Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, jugement n°545, affaire n°532, 12 novembre 1991 ; TRIBUNAL

ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Khan c. le Secrétaire général de I'Organisation des Nations Unies , jugement n°563, affaire n°595, 2 juillet 1992 ; TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Gardner c. le Secrétaire

général de l’Organisation des Nations Unies, TD/DEC/605, jugement n°605, affaire n°603, 29 juin 1993 ; TRIBUNAL

Section 2 - La reconnaissance de principes généraux du droit fondés sur