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Les interprétations par les titulaires de mandat

Si la résolution qui établit les procédures spéciales ne stipule pas que la Déclaration universelle fait partie des mandats au titre des procédures spéciales, certains titulaires de ces mandats ont considéré qu’elle faisait partie de leur cadre juridique.

§1 - L’absence de référence pour les procédures spéciales

La résolution 1235 (XLII) du Conseil économique et social430, qui définit le mandat des procédures spéciales, ne fait pas explicitement mention de la Déclaration universelle. Elle avait autorisé dans son article 2 « la Commission des droits de l’homme et la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités à examiner, conformément aux dispositions de la résolution 8 (XXIII) de la Commission, les renseignements concernant les violation s flagrantes des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Selon les termes de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale, ces mandats sont aujourd’hui rattachés au Conseil des droits de l’Homme431

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Bien que la résolution établissant les procédures spéciales ne fasse pas mention de la DUDH, Roberto Garreton souligne que, « leur source est, fondamentalement, la Déclaration universelle, et de manière complémentaire les pactes – qui ont leurs propres mécanismes de contrôle – et les autres instruments tels que les règles minimales, l’ensemble des principes, directives, déclarations, etc. »432

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§2 - Les interprétations des titulaires de mandat

Plusieurs titulaires de mandat ont considéré que la Déclaration universel le fait partie de leur cadre juridique.

Etabli en 1967 par l’Assemblée générale, le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme de la population des

430 CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL, Question de la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la politique de discrimination raciale et de ségrégation ainsi que la politique d’apartheid, dans tous les pays, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants , résolution 1235 XLII, 6 juin 1967.

431 ASSEMBLEE GENERALE, Conseil des droits de l’homme, résolution A/RES/60/251, 3 avril 2006, article 6.

432 GARRETON Roberto, « La valeur juridique de la Déclaration universelle dans le système des Nations Unies », pp. 271-

territoires occupés interprète et poursuit son mandat en s’appuyant notamment sur la Déclaration universelle. Bien que l’Etat d’Israël n’ait pas participé à la rédaction de la DUDH (Israël n’a rejoint l’ONU que le 11 mai 1949), et qu’il n’ait pas à cette époque ratifié les Pactes internationaux, le Comité spécial a considéré dans l’un de ses rapports que, « pour l’interprétation et la conduite de son mandat (…) ces droits [énoncés par la Déclaration universelle] sont d’application universelle aux personnes couvertes par ses investigations »433.

La même année, la Commission des droits de l’Homme établit par la résolution E/CN.4/RES/2 (XXIII) du 6 mars 1967 le groupe de travail ad hoc d’experts sur l’Afrique du Sud434

. Si la résolution ne définit pas la compétence juridique du groupe de travail, celui-ci considère dans son rapport que la DUDH constitue une interprétation des droits de l’Homme et libertés fondamentales mentionnés dans la Charte des Nations Unies. Il conclut ainsi que le gouvernement sud-africain viole les articles 5 et 9 de la Déclaration universelle relatifs, d’une part, à la prohibition de la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’autre part aux détentions, arrestations et exils arbitraires435. Dans son rapport soumis à la 24ème session de la Commission des droits de l’Homme, il affirme que : « les pratiques suivies par les autorités sud-africaines (...) constituent une violation (...) de la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et des Règles minima pour le traitement des détenus (...). [Le groupe de travail condamne le gouvernement d'Afrique du Sud] pour sa perpétuation et l'intensification de la politique inhumaine de l'apartheid en violation totale et flagrante de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme (...) »436. Le groupe de travail a réaffirmé son interprétation dans son rapport soumis en 1985 : « De l'avis du Groupe spécial d'experts, la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue l'interprétation de l'Assemblée générale des Nations Unies de

433 ASSEMBLEE GENERALE, Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme de la population des territoires occupés, A/8089, 5 octobre 1970. Cité in RAMCHARAN Bertrand, The concept and present status of the international protection of human rights: forty years after the universal declaration , Boston : M.

Nijhoff Publication, 1989, 611 p. 50.

434 RAMCHARAN Bertrand, Op. Cit., p. 47-50. 435

E/CN.4/950, chapitre 4, cité in ibidem.

436 Idem, p. 48-49. La résolution n’est pas disponible dans le système de recherche SEDOC des Nations Unies. Traduction

personnelle. Texte original : “the practices followed by the South African authorities (…) constituted a violation (…) of the United Nations Charter, the Universal Declaration of Human Rights and the Standard Minimum Rules for the Treatment of Prisoners (…). [It condemned the Government of South Africa] for its perpetuation and intensification of the inhuman policy of apartheid in complete and flagrant violation of the Charter of the United Nations and of the Universal Declaration of Human Rights (…)”.

l'expression "droits de l'homme et libertés fondamentales" figurant dans les passages cités de la Charte des Nations Unies. Le Groupe a réaffirmé que les obligations qui incombent aux Etats Membres en vertu de ces dispositions de la Charte se trouvaient élargies par 1'énoncé plus précis des prescriptions de la Déclaration universelle. Il a également affirmé que les dispositions de la Déclaration universelle devraient être reconnues comme des principes généraux du droit international du fait qu'elles avaient été acceptées par de très nombreux Etats et organisations internationales ».437. Cette interprétation a été endossée par la Commission des droits de l’Homme le 26 février 1985, lorsqu’elle a adopté ses conclusions et recommandations.

La résolution E/CN.4/1371 de la Commission des droits de l’Homme qui établit le mandat du Rapporteur Spécial sur la Guinée équatoriale demande au titulaire d’exercer son mandat en gardant à l’esprit la Charte des Nations Unies ainsi que la Déclaration de 1948, sans toutefois préciser que ces textes peuvent constituer la base juridique de leurs examens. Un des rapporteurs, Fernando Volio Jimenez souligne toutefois dans son rapport soumis le 12 février 1980 « un système de répression des libertés fondamentales énoncées dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif a ux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que dans d'autres instruments de même importance et d'application mondiale »438.

Titulaire du mandat établi le 11 mars 1981 par la résolution 34/XXXVI de la Commission, l’Envoyé spécial sur la situation des droits de l’Homme en Bolivie affirme dans son rapport soumis le 22 septembre 1982 que les obligations internationales conventionnelles de la Bolivie dans le domaine du respect et de la promotion des droits de l’Homme « découlent directement de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme »439.

Le mandat du Représentant spécial de la Commission sur la situation des droits de l’Homme dans la République islamique d’Iran est établi par la Commission dans

437 E/CN.4/1985/8, §38, cité in idem, p. 49. 438 E/CN.4/1371, §229, p. 63.

439

sa résolution 1984/54. Répondant à une lettre du représentant d’Iran dans laquelle ce dernier affirmait que le droit islamique prévaudrait dans son pays sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il écrit dans son rapport soumis le 1er

février 1985 : « [N]ul Etat ne peut s'autoriser de lois nationales ou de règles religieuses pour manquer au respect de droits fondamentaux et bien établis comme le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture, la liberté de pensée, de conscience et de religion, et le droit de faire entendre équitablement sa cause, qui sont consacrés par la Déclaration universelle et les Pactes »440. Il précise que « [l]e Représentant spécial est convaincu que les principes fondamentaux ci-après s'appliquent à la République islamique d'Iran, comme à tout autre pays, aujourd'hui et demain : a) Les Etats Membres de l'Organisation des Nations Unies ont l'obligation de se conformer à des règles de conduite universellement acceptées à l'égard de leur population (…) b) S'agissant des droits et des libertés fondamentales de la personne, la Déclaration universelle des droits de l'homme donne corps aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies en matière de droits de l'homme, et des dispositions fondamentales comme celles qui sont citées ci-dessus constituent des normes ressortissant non seulement au droit coutumier international mais aussi au jus cogens ; c) Les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme viennent donner un plus grand poids juridique aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui, déjà, relèvent elles-mêmes du droit coutumier international. La République islamique d'Iran étant partie aux Pactes, toutes les dispositions de ces instruments ont force obligatoire pour le Gouvernement iranien, qui doit s'y conformer de bonne foi »441.

440 E/CN.4/1985/20, §18, p. 9, cité in idem p. 56-57. 441

T

ITRE

III

L

A RECONNAISSANCE D

UN STATUT JURIDIQUE

INTERNATIONAL OBLIGATOIRE

Cette troisième sous-partie vise à analyser les interprétations du statut juridique international de la Déclaration universelle par les acteurs juridiques que sont les « publicistes les plus qualifiés »442 et par la jurisprudence établie par les décisions des organes judiciaires et quasi-judiciaires.