• Aucun résultat trouvé

L’Océanie a principalement été colonisée par des puissances ‘anglo-saxonnes’, et les quatorze États souverains qui la composent aujourd’hui ont tous élaboré leur droit sur le fondement de la Common Law. Trois d’entre eux –les Îles Marshall, Palau, et les actuels États fédérés de Micronésie– étaient des territoires sous tutelle des États-Unis. Dix autres (dont la Nouvelle-Zélande et l’Australie) sont d’anciennes colonies de l’Empire britannique, sous le contrôle direct du Royaume-Uni ou bien déléguées à une administration australienne ou néo-zélandaise. Le Vanuatu, enfin, était jusqu’en 1980 un condominium franco-britannique appelé les ‘Nouvelles- Hébrides’. Ces quatorze pays sont membres de l’Organisation des Nations Unies748

. Pour autant, il existe des variations dans le droit des pays océaniens. Treize d’entre eux ont une Constitution écrite, dont onze ont été rédigées postérieurement à la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, document dont les législateurs se sont inspirés à divers degrés. Ces onze Constitutions contiennent toutes une Déclaration des Droits, modelée certes sur le texte britannique ou américain du même nom, mais également sur la Déclaration universelle. Outre ces onze pays, les Tonga et l’Australie ont chacune une Constitution antérieure à 1948 – datant de 1875 et de 1900 respectivement–, tandis que la Nouvelle-Zélande a conservé le modèle britannique d’une « Constitution orale » composée de divers textes législatifs et de coutumes institutionnelles fondamentales. La Constitution tongienne inclut une Déclaration des Droits749, tandis que l’Australie est le seul pays océanien sans déclaration de ce type. La Nouvelle-Zélande s’est dotée d’une

747

BANGLADESH, SUPREME COURT (HIGH COURT DIVISION), Bangladesh National Women Lawyers Association

(BNWLA) vs Government of Bangladesh, 2011, § 18.

748 Kiribati, Nauru et Tonga sont devenus membres conjointement en 1999. Tuvalu a rejoint l’Organisation en 2000. 749

La Déclaration tongienne interdit l’esclavage, établit l’égalité de tous devant la loi, et garantit notamment le droit à la propriété, la liberté de culte, la liberté de la presse, le droit à l’habeas corpus, ainsi que le droit d’être jugé par un jury impartial et de ne pas être jugé deux fois pour le même chef d’accusation, principes et formulations directement empruntés aux droits britannique et américain.

déclaration des droits fondamentaux, énoncés dans la Bill of Rights Act de 1990, qui possède par convention une valeur constitutionnelle750.

De manière générale, la Constitution est la loi suprême, à laquelle aucune autre source de droit ne peut déroger. Toutefois, les Constitutions des États fédérés de Micronésie et des Îles Marshall se subordonnent explicitement au maintien et au respect des coutumes et des « traditions » autochtones751. Aux Îles Marshall, la Déclaration des Droits incorporée à la Constitution prime néanmoins sur le droit coutumier (article 10.2.2), mais en Micronésie c’est la règle inverse qui s’applique : la coutume prime sur la Déclaration des Droits, dans la mesure où le gouvernement souhaite accorder à une règle coutumière une reconnaissance législative (article 5.2).

Enfin, aux Tuvalu, une révision constitutionnelle en 1986 permit l’ajout, en préambule, d’une déclaration reconnaissant « que la stabilité de la société tuvaluane ainsi que le bonheur et le bien-être des Tuvaluans, aujourd’hui et à l’avenir, dépendent en très grande partie du maintien des valeurs, de la culture et des traditions tuvaluanes ». Cette nouvelle Constitution stipule que le principe de liberté individuelle n’interdit pas au gouvernement de reconnaître dans la législation « des obligations culturelles, sociales, civiques, familiales ou religieuses » qu’il estimerait pertinentes (article 10.3). En outre, les « droits et libertés humains fondamentaux » ne s’exercent que dans « l’intérêt national » et dans le respect « des valeurs et de la culture tuvaluanes » (article 11). Cette restriction est elle-même soumise à restriction, puisque aucune loi ne saurait être « oppressante », irraisonnable, ou injustifiable « dans une société démocratique proprement respectueuse de la dignité et des droits humains » (article 12.2).

Ainsi, certains droits de l’homme explicitement reconnus bénéficient d’une protection législative et coutumière en Nouvelle-Zélande ; d’une protection constitutionnelle absolue dans dix pays de la région ; et d’une protection constitutionnelle relative ou pondérée dans les États fédérés de Micronésie , aux Îles Marshall et aux Tuvalu. En Australie, la situation est plus complexe, puisqu’il n’existe aucun texte constitutionnel ou législatif stipulant l’ensemble des droits reconnus, et que ceux-ci sont inscrits dans des textes législatifs épars, ainsi que dans les principes de la Common Law.

750 NOUVELLE-ZÉLANDE, NEW ZEALAND PARLIAMENT, The New Zealand Constitution :

http://www.parliament.nz/NR/rdonlyres/AC9829DF-32D8-4569-A672-FFEFA2BC6278/6641/2005Constitutionupdate1.pdf.

751

Pour ce qui est de la Déclaration universelle, néanmoins, elle n’est mentionnée dans presque aucun texte constitutionnel ou législatif. Dans aucun pays elle n’a été incorporée explicitement et dans sa totalité par le législateur. Conséquemment, ce sont les juges qui, dans certains ce ces États, se sont penchés sur la question de l’applicabilité de la Déclaration en droit national. Les principes énoncés par les plus hautes cours faisant jurisprudence contraignante, en vertu du prin cipe de stare decisis hérité de la Common Law anglaise ou américaine, les décisions de justice dans ce contexte jouent potentiellement un rôle important dans l’évolution du droit national en relation aux principes de la DUDH.

Parfois, les États déclarent avoir incorporé ces principes. C’est le cas de la Micronésie, qui affirme avoir « accepté les principes » de la DUDH, dans son rapport au Conseil des droits de l’Homme en vue de l’EPU752

. Kiribati, de même, indique que la Déclaration des Droits inscrite dans sa Constitution est « calquée » sur la Déclaration de 1948753. Mais aucun de ces pays n’a, dans son droit écrit, explicitement reconnu une force contraignante à la DUDH, ni adopté l’ensemble des articles de cette dernière dans sa législation.

Parmi les Constitutions et législations océaniennes, seule la Constitution de Papouasie Nouvelle-Guinée (l’article 39.3 dispose que le droit national doit être conforme à la Déclaration universelle) et des lois australiennes (Natives Title Act, 1993 ; Housine Assistance Act, 1996) font explicitement mention de la DUDH ; les Constitutions de Fidji et Tuvalu consacrent la supériorité du droit international, mais ne mentionnent pas la DUDH ; la Constitution des Iles Marshall affirme la supériorité du droit national sur le droit international.

Les juges de Nauru, Samoa, Nouvelle-Zélande, Australie et Tuvalu se sont référés à plusieurs reprises à la DUDH pour interpréter le droit national, mais n’ont pas conféré de force contraignante aux dispositions de la DUDH qui n’ont pas été incorporées en droit interne.

Enfin, à Fidji, les juges ont incorporé l’ensemble de la DUDH dans le droit interne.

752 CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME, Rapport national présenté conformément au § 15 a) de l’annexe de la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme – États fédérés de Micronésie, rapport A/HRC/WG.6/9/FSM/1, 23 août 2010, p. 4.