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En regroupant les sources décrites ci-dessus, nous avons élaboré un nouveau registre qui compte 3 094 références, soit 740 victimes supplémentaires par rapport aux 2 354 noms connus de Ricardo García Cárcel et repris entre autres par Stephen Haliczer262. Ce chiffre, quoique important, est encore loin de celui donné par Béatrice Pérez pour le tribunal de Séville à la même époque environ, mais il situe le tribunal valencien parmi les plus actifs, ainsi que nous aurons l’occasion de le constater dans les tableaux comparatifs que nous produirons tout au long de ce chapitre263.

261 AHN, Inq., leg 540, n° 22. Le nom de cette femme figurait déjà dans l’édit de décembre 1487 dont nous

avons parlé plus haut (leg. 5319 n° 4) suite à la convocation de sa fille Esperança, âgée de 14 ans.

262 S. Haliczer, Inquisicion y sociedad en el reino de Valencia, op. cit. Cette différence de 740 victimes est en

réalité de 779 individus : la différence est dûe aux erreurs (doubles références) constatées chez R. García Cárcel que nous avons évaluées à 39, après un premier « nettoyage », ce qui est très peu compte tenu du nombre total. Ces erreurs sont rarement dues à des doubles saisies qu’il aurait été facile pour l’historien de rectifier, mais bien plus souvent à des confusions faites sur les femmes, entre un nom de jeune-fille et celui du mari, ce qui vient démontrer, une fois de plus, les difficultés que nous décrivions plus haut dans le chapitre consacré aux patronymes. Tout au long de notre travail de reconstruction de ce fichier, nous avons naturellement porté une attention toute particulière aux condamnés de sexe féminin afin d’éviter autant que possible ce genre d’erreur. Ci-après quelques unes des doubles références que nous avons annulées : Margarita Conques/Vizcaíno – Luis Caravanya/Saravanya – Beatriz Arenós/Bosch – Ursula Boil/March – Joana de Boloniera mujer de Alonso Aragonés – Aldonça Bosch/Gómez – Francina Castillo/Riera – Graciosa Celma/Ferrer –Violant Dolç/Almenara – Castellana Guioret/Vives – Joan de Malferit/Tristany – Gabriel March/Boil – Rafael Moncada (2x) – Tolsana Monçonis/Trullols – Castellana Naflor/Sanchis – Violant Ort (2x) – Violant Pardo (2x) – Constança Riera/Puig – Alfonso Roiz (2x) – Aldonça Salvador/Boyl – Gabriel Sans (2x) – Isabel Torrijos/Catalá – Jaime Viabrera (2x) – Aldonça Vicent/Vives – Joan Grande/Tonybanys – Leonor March/Marça - Jaume/Joan Tori. Nous avons également de fortes présomptions de doubles saisies que nous n’avons pas rectifié lorsque nous n’en avions pas une preuve formelle : ainsi Rafael Tamayo ou Ramayo.

263

B. Pérez, Inquisition, Pouvoir et société, op. cit. p. 137 : elle comptabilise 4 294 condamnations de judéo- convers à Séville entre 1481 et 1524. Henry Kamen, La Inquisición española, Madrid, Alianza, 1973, p. 301- 302, parle de 6 150 personnes poursuivies par l’Inquisition de Tolède avant 1505 et de 20 000 hérétiques pursuivis à Séville avant 1524, ce qui tranche avec la clémence du tribunal de Ciudad Real, de Barcelone ou de Saragosse, mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin.

Pour continuer dans cette logique de comparaison des sources, nous reprenons à présent dans le tableau ci-dessous le nombre de condamnés retrouvés dans les différentes sources en croisant les données qui ne se trouvaient que dans une seule source – celle des archives inquisitoriales ou celle de l’historien valencien par exemple – , puis dans deux et enfin dans trois. L’addition de toutes ces sources nous fournit un registre de 3 094 victimes du tribunal. Il s’agit, nous insistons, d’un chiffre minimum, sous-évalué sans doute de 15 à 20 %.

Tableau n° 2 : Décompte global comparatif des condamnés

(Ricardo García Cárcel et liasses de l’Archivo Histórico Nacional)

Sources Nombre de personnes qui ne se

trouvent que dans la source indiquée

Nombre de condamnés se trouvant uniquement dans la liste de Ricardo García Cárcel

941 individus264 Nombre de condamnés se trouvant dans

l’AHN (leg., 5320 n° 9, 10, 11 et 12) seulement

693 individus Nombre de condamnés se trouvant dans

les procès uniquement 41 individus

Nombre de condamnés se trouvant à la fois dans l’AHN et chez Ricardo García Cárcel

961 individus Nombre de condamnés se trouvant à la

fois chez Ricardo García Cárcel et dans les procès

149 individus Nombre de condamnés se trouvant à la

fois dans les legajos de l’AHN et dans les procès

42 individus Nombre de condamnés se trouvant à la

fois dans les trois sources 264 individus

Nombre de condamnés se trouvant dans

d’autres sources 3 individus

Nombre total de personnes condamnées par l’Inquisition de Valence entre 1478 et 1530

3094 individus et groupes d’individus (aljamas)

Nous constatons que 961 personnes étaient à la fois présentes dans les listes de Ricardo García Cárcel et dans la nôtre. De même, hormis pour 41 cas qui ne se trouvaient que dans les procès et qui sont venus s’ajouter au nombre déjà existant, 496 noms figuraient dans les procès et dans l’une ou l’autre source. Les trois sources réunies représentent 264 cas. Le

264 En réalité de ces 941 individus, 917 n’ont été repérés que par Ricardo García Cárcel, les autres 24 condamnés

nombre de personnes ayant eu affaire à l’Inquisition, retrouvées dans nos sources inquisitoriales – abécédaire et/ou procès – et n’ayant pas été comptabilisées par Ricardo García Cárcel, représente 779 personnes265.

Enfin, avant de clore ce chapitre comparatif des différentes sources, nous souhaiterions revenir sur les sentences capitales : « relajación al brazo seglar ». Ricardo García Cárcel mentionne 754 relaxés et 155 relaxés en effigie266. Nous en déduisons donc que les 754 relaxés signifient « relaxés en personne ». Quant aux relaxés en effigie, il ne nous indique pas s’ils le furent parce qu’ils étaient défunts ou parce qu’ils avaient fui. Après avoir épuré son registre des erreurs – des doublons en majorité –, nous comptons 717 relaxés – en personne, donc – et 125 en effigie, ce qui fait un écart de trente-sept condamnés à la relaxation en personne en moins, et de trente condamnés à la relaxation en effigie en moins.

Si à présent nous essayons d’apporter des précisions à partir de nos différentes recherches et nos autres sources, nous pouvons nuancer les chiffres de Ricardo García Cárcel comme suit :

Tableau n° 3 : Décompte comparatif des sentences capitales

Ricardo García Cárcel Notre registre final Nombre de victimes Totaux

Relaxé en effigie Relaxé en personne 7

Relaxé en effigie Relaxé en effige - défunt 3

Relaxé en effigie Relaxé en effige - absent 33

Relaxé en effigie Relaxé en effigie 76*

Relaxé en effigie Réconcilié 2

Relaxé en effigie Pénitencié 4

sous/total 125

Relaxé Relaxé en personne 205

Relaxé Relaxé en effigie - défunt 106

Relaxé Relaxé en effigie - absent 42

Relaxé Relaxé 243** Relaxé Réconcilié 107 Relaxé Pénitencié 8 Relaxé Absous 3 Relaxé Abjuré 3 sous/total 717 total 842

265 Les 2 354 cas mentionnés par Ricardo García Cárcel se réduisent à 2 315, les 39 cas de différence étant des

doubles références ou des erreurs de comptabilisation. Voir notre note n° 262.

266

* Pour 46 d’entre elles, nous n’avons pas pu déterminer non plus s’il s’agissait de relaxations par contumace ou parce que les personnes étaient décédées267. Pour les trente restantes, il s’agit de victimes trouvées par l’historien valencien mais que nous n’avons pas localisées dans nos sources, nous avons donc conservé la sentence indiquée par R. García Cárcel.

** Même remarque que ci-dessus : pour 135 victimes, nous n’avons pas d’autres informations et pour 108 d’entre elles, ce sont des personnes qui ne figurent que dans le registre de R. García Cárcel.

Les points intéressants à soulever sont les suivants : d’après nos recherches et nos calculs, des 754 relaxés en personne présents dans le registre de Ricardo García Cárcel – et ramenés à 717 comme nous l’avons indiqué plus haut –, il n’y en a en réalité que 205 sûrs et 243 pour lesquels nous n’avons pas pu être plus précise que lui, soit 448 relaxés en personne, 148 d’entre eux sont en réalité relaxés en effigie et 107 réconciliés268

. Nous développerons les sentences dans le chapitre suivant269.

Nous allons conclure là les comparaisons entre les différents fichiers que nous avons eu à consulter pour ne garder que le registre global, mis à jour, qui se trouve en annexe de cette étude et qui regroupe l’ensemble des informations fournies par les uns et les autres. Dorénavant, seule cette liste finale, indifférenciée, fera l’objet de nos statistiques et de nos conclusions.

267 Dans les procès d’Inquisition, le terme employé en cas de décès est : « proceso en memoria y fama ».

268 Ces 107 réconciliés, auxquels s’ajoutent les huit pénitenciés, les trois abjurés et les 3 absous peuvent être

sujets à doute. En effet, Ricardo García Cárcel avait peut-être trouvé des documents indiquant que ces personnes, dans un premier temps condamnées légèrement, furent ensuite relapses et donc condamnées au bûcher. Il aurait donc raison sur ce point. Mais comme nous ne connaissons ni les sources ni le mode opératoire de l’historien, nous arrêtons ici les données en fonction de nos sources connues.

269 Rappelons que nous n’avons traité dans cet aparté que les chiffres de relaxation en personne fournis par

Ricardo García Cárcel dans son étude de référence. Ils ne concernent pas la totalité des statistiques que nous fournirons plus bas, à partir des 3 094 références constituant notre registre définitif.

CHAPITRE III

ÉTUDE QUANTITATIVE DE NOTRE REGISTRE

Prenant pour point de départ ce nouveau registre de 3 094 personnes poursuivies par l’Inquisition de Valence, nous allons à présent procéder à une analyse quantitative en reprenant, comme Ricardo García Cárcel l’avait fait avant nous, le nombre de condamnés, le type de sentence prononcée, les pics annuels d’activité, les différents délits dont on accusait les victimes, en somme ce que nous avons appelé par commodité les données quantitatives de la répression, et nous conserverons l’analyse sociologique pour la troisième partie de ce travail – les lieux, les noms, les métiers, le sexe. Ces premières données vont différer quelque peu des conclusions trouvées par Ricardo García Cárcel puisque nous sommes partie d’un registre riche de 779 noms supplémentaires et d’informations différentes par endroits – nous ne reviendrons pas sur ce qui a été exposé dans le chapitre précédent auquel nous renvoyons. Notre propos n’est donc pas de relever les différences entre nos deux sources, mais simplement de produire nos propres conclusions, sans les comparer avec celles de notre illustre prédécesseur, dès lors que les objectifs et la perspective d’analyse de celui-ci – une histoire de l’établissement du nouveau tribunal inquisitorial de Valence – diffèrent sensiblement des nôtres – l’étude de la répression inquisitoriale du crypto-judaïsme dans le royaume de Valence à l’aube des temps modernes. Plus exactement, par-delà l’histoire d’une persécution particulière, nous souhaitons poser quelques jalons pouvant contribuer à une meilleure connaissance des milieux judéo-convers visés par le Saint-Office, ce qui explique le soin avec lequel nous avons tenu à élaborer notre échantillon.