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A- Juifs et judéo-convers : deux dates critiques : 1391-1492

III. Les communautés juives après le premier pogrom de 1391

Pour reprendre les mots de Joseph Pérez, « hacia 1430 había menos judíos en España y muchos más conversos »73. En effet, les autorités de l’État et de l’Église virent, dans

71 Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme, t. II, Paris, Calmann-Lévy, 1961 et Y. Baer, cité par J. Pérez, Historia de una tragedia, op. cit.

72

R. García Cárcel, « La comunidad de los judeo-conversos en la época de Santàngel », art. cit., p. 425.

73 Joseph Pérez, Crónica de la Inquisición en España, Barcelone, Ediciones Martínez Roca, 2002, p. 44 : il parle

notamment des grandes villes de la Basse Andalousie, Séville en tête. A la fin du XVe siècle, selon les historiens Antonio Domínguez Ortiz, Luis Suárez Fernández ou encore Miguel Ángel Ladero Quesada : l’Espagne comptait moins de 100 000 juifs, 70 000 environ dans la couronne de Castille, 30 000 dans celle d’Aragon, ce qui représentait environ 1,5 % de la population totale. Les conversos devaient être entre 250 000 et 300 000. IIs vivaient dans les villes majoritairement.

ces pogroms, même si elles les condamnaient officiellement, le moyen de réduire le nombre de juifs. Elles validèrent ces conversions forcées et tâchèrent d’amplifier le mouvement initié en 1391 par des moyens moins drastiques, mais tout aussi efficaces : c’est-à-dire des mesures légales qui tendaient à isoler la communauté juive, et un prosélytisme appuyé. Il est évident qu’après 1391 il ne resta quasiment plus de juifs à Valence. La venue du frère Vicente Ferrer à Valence en 1413 accentua ce prosélytisme ; ses sermons très engagés allaient atteindre leur objectif. C’est sous son influence qu’en avril 1413, le Conseil de la Cité prit des mesures :

Pour la bonne édification des Chrétiens que vulgairement on appelle nouveaux. Il y a près de vingt ans qu’on a converti et baptisé les nouveaux chrétiens sans leur prodiguer grande information et grande instruction sur la sainte foi catholique. Ils ont continué à vivre ensemble, ils n’ont jamais pu améliorer leurs connaissances de la religion chrétienne, ils ne savent pas ce qu’ils doivent croire pour leur salut et ignorent encore plus les dévotions et actes de la dite Sainte Loi74.

Le Conseil attribue cette ignorance à leur persistance à vivre, à cohabiter, à nouer des liens familiaux au sein de l’ancienne aljama. Pour faire cesser cette situation, il faut que les nouveaux chrétiens ou conversos se mêlent aux vieux chrétiens dans la cité. On espère favoriser ainsi leur intégration. À partir de cette date, théoriquement, les conversos sont assimilés à la société chrétienne.

Les juifs d’après le pogrom ne suscitent pas à l’intérieur du royaume de Valence de mouvements hostiles. Il n’y avait pas eu parmi eux de grands financiers, comme en Castille, qui affermaient les rentes et les taxes par l’intermédiaire des officiers conversos de la Cour. Les juifs à Valence étaient surtout des intermédiaires, des revendeurs et de petits artisans75. N’étant ni financiers, ni fermiers des droits, ces juifs n’avaient aucune raison de faire l’objet de vindictes. D’après Andrés Bernáldez, chroniqueur des Rois Catholiques, les juifs étaient :

74 Cité par J. Guiral, Valence port méditérranéen, op. cit. p. 352.

75 Nous ne pouvons ici traiter des activités professionnelles des juifs de Valence ni de leur situation tant

économique que politique car cela nous éloignerait trop de notre sujet et de notre période. Pour plus d’informations à ce sujet nous renvoyons aux nombreux ouvrages écrits sur les juifs de Valence, dont nous mentionnons une partie dans la bibliographie, et en particulier le livre de J. Hinojosa Montalvo, La judería de

Valencia, op. cit, au chapitre IX, p. 469-589. Nous renvoyons également à l’ouvrage de S. Aldana, Los judíos de Valencia: un mundo desvanecido, op. cit., p. 143-175.

[....] marchands, courtiers, collecteurs d’impôts, commerçants, intendants de la noblesse, fonctionnaires, tailleurs, cordonniers, tanneurs, tisserands, épiciers, colporteurs, marchands de soieries, forgerons, joailliers et autres métiers analogues: aucun ne travailla jamais la terre, ni ne devint fermier, charpentier, maçon [....].

Cependant les attitudes étaient ambigües et les prises de positions contradictoires, en faveur ou contre les juifs, allaient se poursuivre, en fonction des circonstances sociales, des rois qui se succédèrent à la tête du royaume, ou pour tout autre évènement. En ce qui concerne la ville même de Valence, on peut distinguer quatre étapes entre 1391 et 1492 : après le pogrom de 1391, les rois Jean Ier et doña Violante décrétèrent la dissolution de la juiverie en octobre 1392 ; en décembre de la même année, ils revinrent sur leur décision et décidèrent la reconstruction de l’aljama ; en 1403 les Cortes intégrèrent dans leurs Fueros76

des mesures qui apparaissent sous le titre « Que los judíos no puedan residir en la ciudad de Valencia y de su señal », et en 1428 enfin, une pétition fut présentée au roi Alphonse V qui l’accepta, rappelant le Fuero de 1403 qui interdisait les juiveries dans la ville de Valence77. On décida aussi que les juifs pourraient demeurer dans la ville pendant un délai maximum de dix jours – avec un permis spécial du Bayle, ce délai pouvait être porté à quatre mois – et ils ne pouvaient surtout pas habiter chez les conversos de la ville78.

76 Fueros ou Furs en catalan : l’ensemble des lois régissant le royaume, véritable pacte entre le roi et ses sujets.

En effet, le monarque devait jurer fidélité aux Fueros devant les Cortes du royaume. C’est ce que l’on nomme le système « pactista ». Les Furs de València furent ratifiés par le roi Jaime I en 1261 et eurent cours jusqu’à leur abolition au XVIIIe siècle, sous le règne de Philippe V.

77 ARV, Real, 231, fol.100r. La pétition de 1428 est retranscrite aussi par J. Hinojosa Montalvo, La judería de Valencia, op. cit., p. 115 : « Item, senyor, com per expressa disposició de fur, en la ciutat de València no puixa haver juheria, ni los juheus qui han a fer alguns fets en la dita ciutat no poden eçer sotenguts sino per cert temps e en certa forma en lo dit fur expressada, e com no constrastant lo dit fur si atentad per cort batle general sostener dins la dita ciutat juheus e juhies per mestemps que lo dit fur no vol, e encara permetre.ls star ajustats en cert loch, donant principi de fer juheria, per ço supplica lo dit braç que sia vostra mercé provehir ni en manera que los dits juheus ixquende la dita ciutat, e lo dit fur inviolablement sia servat. Plau al senyor rey que sia feta executὸria del fur e que.ls juheus de present habitants en la dita ciutat sien expelits de continent de aquélla ».

78 J. Hinojosa Montalvo, La judería de Valencia, op. cit., ainsi que M. Azulay et E. Israel, La Valencia Judía : espacios, límites y vivencias, op. cit., p. 277.

B. Vers une assimilation des nouveaux convertis à la société vieille-