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B- Nombre de condamnés : données quantitatives et chronologiques

I. Les chiffres avant 1478 et après 1530

La période étudiée va de 1478 à 1530, cependant nos sources mentionnent quelques cas avant et après cette date278. Avant d’exclure définitivement ces quelques condamnations plus anciennes, nous voudrions nous y intéresser un court instant ici. Nous avons vu dans la première partie, lorsque nous avons abordé l’historique de l’implantation du Saint-Office, que le tribunal n’avait pas été inactif du temps de son fonctionnement médiéval, contrairement à ce qu’avaient affirmé certains historiens279

. Selon Bernardino Llorca, qui fut un des premiers à étudier l’Inquisition dans le royaume de Valence, les procès s’accélérèrent dans les années 1460280. Ricardo García Cárcel confirme cette donnée en mentionnant dans son livre sur les origines de l’Inquisition quinze cas entre 1460 et 1467, mais n’en fait plus état par la suite dans son registre, dans une démarche logique puisqu’il intitule sa liste : « Nómina de procesados por la Inquisición valenciana (1484-1530)281. » Il donne le nom et prénom des 15 personnes, ayant toutes été condamnées à s’acquitter d’une simple pénitence, sauf Aldonça Colom qui fut acquittée et Clara Vilanova qui fut relaxée – en effigie ou en personne, nous ne le savons pas.

Nous n’avons pas trouvé d’autres informations quantitatives sur la période dite médiévale, aussi nous n’avons pu appuyer nos données que sur celles, encore une fois, de Ricardo García Cárcel. Des quinze personnes que mentionne cet historien, nous n’en avons retrouvé que trois dans les abécédaires du legajo 5320 des archives inquisitoriales. Joan Colom figure en effet sur la liste des réconciliés en 1461, et nous ne le retrouvons pas plus tard. Ricardo García Cárcel mentionne aussi dans ses listes sa fille Joana, relaxée en 1500282.

278 Pour notre analyse nous sommes partie, non plus du chiffre de 3 094 que nous citons depuis le début mais de

celui de 3 090 : les 4 références qui constituent cette différence sont des groupes d’individus et non des individus seuls : « la aljama y jurados de la morería de Valencia », information apportée par R. García Cárcel, les « aljama y morería de Ayora » et « aljama y morería de Alzira », ces deux dernières réconciliées en 1496, information fournie par l’AHN, Inq., leg. 5320, n° 10 ; enfin les « juez, alcalde, regidores, y oficiales de la

ciudad de Teruel », relaxés en 1484, pour lesquels nous ne comptons que sur l’affirmation de Ricardo García

Cárcel.

279

J. Blázquez Miguel, se référant à l’Inquisition de Barcelone, a écrit : « La Inquisición medieval puede ser

calificada de cualquier cosa menos de operativa y cruel. Escasas personas fueron procesadas, menos condenadas y el miedo que inspiró a los judíos y judaizantes llegó a ser prácticamente nulo » : La Inquisición en Cataluña. El Tribunal del Santo Oficio en Barcelona, 1487-1820, Tolède, Editorial Arcano, 1990, p. 27. Il

affirme aussi que pour Barcelone, à partir de 1459, sous l’autorité de l’inquisiteur Joan Cosmes, il n’y eut pas un seul procès.

280 Bernardino Llorca, « La Inquisición en Valencia, Nuevos documentos que ilustran su primera actividad », art.

cit. Voir aussi cette étude plus ancienne : Vicente Ferrán Salvador, Fr. Andrés Ros, primer inquisidor general de

Valencia, Castellon, Hijo de J. Armengot, 1922.

281 R. García Cárcel, Orígenes de la inquisición, op. cit. p. 48. Ces procès se trouvent à l’Archivo Histórico Nacional, Inq., leg. 537, n° 5 que nous avons également consultés sans trouver trace d’une des condamnés :

Clara Vilanova.

282

Le deuxième est Pere Giner, qui abjura de levi et fut réconcilié immédiatement après, en 1461283. Enfin, Clara Vilanova – elle fut relaxée selon R. García Cárcel –, que nous avons dans nos fichiers, uniquement dans la section des réconciliés, en 1461, mais pour laquelle il est tout de même précisé dans la marge « fou relaxada », ce qui semble donc confirmer l’information de cet historien. Dans nos fichiers, son mari Gabriel subit un procès « en memoria y fama » en 1512.

Hormis ces trois personnes qui se trouvent dans les deux sources, les nôtres et celles de l’historien valencien, nous avons quatre autres condamnés, ce qui porte notre chiffre total à 7 individus, tous pour l’année 1461 – nous n’avons pas d’explication qui justifie que seule cette date soit mentionnée dans nos listes – : il s’agit de Tomás Colom, marchand, réconcilié284 ; Aldonça Pedralbes, également réconciliée en 1461, femme de Johan Yvars, tailleur à Tortosa. Ricardo García Cárcel la connaît aussi, pour lui elle fut relaxée en 1486 ou en 1496. Pour nous, elle ne figure que dans le répertoire des réconciliés. Aldonça Soto fut réconciliée en 1461, elle était la femme de Johan Soto, et obtint d’abord une absolution avant d’être réconciliée. Nous n’avons pas trace de procès ultérieurs qui auraient pu la condamner à la relaxation pour relapse285. Enfin, la quatrième victime est Leonor Soto, femme de Tomás Soto, réconciliée en 1461 également. C’est tout pour le corpus des condamnés avant 1478286

. Signalons toutefois que certaines des personnes mentionnées par Ricardo García Cárcel pour l’année 1467 figurent dans notre registre également mais pour des années ultérieures, ainsi Angelina Pardo qui pour celui-ci fut pénitenciée en 1467, alors que d’après notre source elle fut réconciliée en 1515. Ce cas soulève néanmoins un doute car s’il s’agit de la même personne, elle serait très âgée, puisque 48 ans se sont écoulés entre ces deux dates, mais nous ne savons pas quel âge elle avait en 1467. La même interrogation existe à propos de Juan Pardo, relaxé en 1517. Enfin, nous rejoignons Ricardo García Cárcel pour Jaime Tori, calceter, effectivement pénitencié en 1467, mais encore présent dans nos abécédaires en 1469 pour être enfin relaxé en 1493287.

Dans les legajos analysés depuis le début de cette étude, nous avons constaté que certains procès, ou certaines listes affichaient des dates ultérieures à 1530, terme ad quem que

283 Ibid.

284 AHN, Inq., leg. 5320, n° 9-1 et 10. 285 Ibid.

286

Nous avons trouvé ces personnes dans AHN, Inq., leg. 5320, n° 9, 10, 11 et 12. Elles ne figurent nulle part dans les procès que nous avons consultés, mais sans doute est-ce parce que nous avons limité nos recherches à la période comprise entre 1478 et 1530.

287 AHN, Inq., leg. 5320, n° 9-1 et 12. Dans nos statistiques, il figure parmi les relaxés de 1493 et non en 1467,

nous nous sommes fixé. Cette date peut, à l’évidence, paraître assez arbitraire. Nous en avons donné la justification dans l’introduction, il est donc inutile d’y revenir à présent. Il n’en demeure pas moins que le Saint-Office avait encore, après 1530, de beaux jours devant lui, puisqu’il ne devait cesser son activité qu’au XIXe

siècle, pouvant se prévaloir d’une longévité institutionnelle, hélas, en tout point remarquable. Entre 1531 et 1542 – dernière date qui figure dans le legajo 5320 mais aussi dans les procès étudiés – nous avons trouvé vingt-quatre cas288. Sur ces vingt-quatre personnes poursuivies après 1530, quatorze furent présentées devant les juges avant la date de 1530 : par exemple, Angela Pardo fut relaxée en personne en 1534, mais elle comparut d’abord en 1526, Beatriz Catalá fut réconciliée en 1542, mais elle avait déjà été arrêtée une première fois en 1522. Quant à Gaspar Escolano, il comparut devant ses juges en 1518, en 1524, puis une nouvelle fois en 1539 pour être finalement réconcilié en 1540. Ces personnes mériteraient par conséquent d’être inclues dans nos statistiques d’avant 1530. Cependant pour ne pas compliquer davantage la situation donnée, nous avons décidé de les exclure complètement. Rappelons que nous avons décidé, lors de la présentation de nos sources, de conserver la dernière date en notre possession, c’est-à-dire la date de condamnation définitive. En outre, il faut songer que ces vingt-quatre cas, pour une période longue de douze ans, ne représentent probablement qu’une part minime de l’activité de l’office, la fiabilité des abécédaires laissant visiblement beaucoup à désirer à compter de la fin des années 1520. Il est donc préférable de les considérer comme des témoignages épigonaux d’une activité dont on n’est malheureusement pas parvenu à ce jour à fixer le volume.