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5.3 Action ´electrostatique sur le micro-miroir

5.3.4 Refroidissement du micro-miroir par friction froide

La force ´electrostatique permet d’appliquer sur le r´esonateur des forces tr`es importantes en comparaison de ce qui peut ˆetre atteint avec la pression de radiation d’un faisceau laser se r´efl´echissant sur le miroir. Elle est donc un bon candidat pour mettre en œuvre la technique de friction froide [21] qu’on a pr´esent´e dans la partie 1.4 du chapitre 1.

R´ealisation de la boucle de contre-r´eaction

Il s’agit d’appliquer sur le r´esonateur une force proportionnelle `a sa vitesse. Pour cela, on utilise le signal d’erreur qui retranscrit le mouvement du r´esonateur et on effectue une d´erivation temporelle. Le signal ainsi produit commande l’amplitude de la force ´electrostatique modul´ee appliqu´ee au micro-miroir. On comprend ici l’int´erˆet de la m´ethode utilisant la ten-sion de d´ecalage : elle permet d’appliquer une force ´electrostatique directement proportionnelle `

a la tension de commande et de modifier simplement le gain global de la boucle de contre-r´eaction, puisque la tension de d´ecalage agit directement comme un facteur multiplicatif entre la tension de commande et la force appliqu´ee.

Fig. 5.23 – D´eplacements du mode (0,2) du r´esonateur P3 en r´eponse `a une force ´electrostatique modul´ee. La courbe en pointill´es repr´esente la courbe attendue, d’apr`es les param`etres d´eduits du spectre de bruit thermique.

On a choisi de travailler sur le mode (0,2) oscillant `a 814 kHz du r´esonateur P3 car on n’a pas observ´e pour ce mode de creux dans la r´eponse m´ecanique qui pourrait nuire `a l’effi-cacit´e de l’asservissement, comme c’est le cas pour le mode oscillant `a 2824 kHz. La r´eponse m´ecanique du mode propre `a la force ´electrostatique est repr´esent´ee sur la figure 5.23. La courbe en pointill´es repr´esente un ajustement lorentzien de la r´eponse, sans fond, d´eduit des param`etres mesur´es sur le spectre de bruit thermique. L’accord est excellent, ce qui signifie que sur cette plage de fr´equences, la r´eponse du syst`eme `a la force ´electrostatique est bien assimilable `a celle d’un simple oscillateur harmonique.

Fig. 5.24 –Sch´ema du dispositif exp´erimental utilis´e pour la mise en œuvre de la friction froide.

Le sch´ema de principe de l’exp´erience est repr´esent´e sur la figure 5.24. Comme dans l’exp´erience de mesure du bruit thermique, le signal d’erreur produit par la technique Pound-Drever-Hall est utilis´e `a la fois pour asservir le laser `a r´esonance sur la cavit´e et pour mesurer le spectre de position de l’oscillateur. Il est ´egalement utilis´e pour produire le signal de contre-r´eaction. Le signal d’erreur passe d’abord par un filtre passe-bande centr´e sur la fr´equence de r´esonance de l’oscillateur (814 kHz) pour ne pas faire saturer l’´electronique en injectant du bruit sur une trop grande plage de fr´equences. On choisit n´eanmoins la bande passante du filtre suffisamment ´elev´ee pour ne pas d´ephaser les signaux sur la plage d’observation : en pratique, on a choisi une bande passante de l’ordre de 50 kHz ce qui correspond `a un facteur de qualit´e de l’ordre de 16. Ce filtre avait ´et´e d´evelopp´e au laboratoire dans le cadre des exp´eriences de friction froide r´ealis´ees avec des miroirs conventionnels [15, 21]. Il poss`ede un r´eglage du facteur de qualit´e du filtre. Pour effectuer ce r´eglage et mesurer la bande passante, on a envoy´e sur le filtre un bruit blanc g´en´er´e par un g´en´erateur basse fr´equence et on a mesur´e la largeur du spectre de bruit transmis par le filtre.

Le signal ainsi filtr´e est appliqu´e `a l’entr´ee d’un d´ephaseur variable, lui aussi r´ealis´e au laboratoire [15]. Il est con¸cu de mani`ere `a pouvoir obtenir un d´ephasage quelconque entre 0 et 2π, ind´ependant de la fr´equence sur la plage qui nous int´eresse. Ce r´eglage de la phase permet de compenser les d´ephasages induits par les diff´erents ´el´ements ´electroniques de la boucle (d´etection, filtre passe-bande, amplificateurs, syst`eme ´electrostatique) et de produire une force exactement en quadrature avec le d´eplacement du miroir, ´equivalent sur une plage de fr´equence petite autour de la r´esonance `a une d´erivation temporelle. On obtient de cette mani`ere un signal proportionnel `a la vitesse du r´esonateur, sur une plage de fr´equence li-mit´ee par le filtre passe-bande. Le signal est ensuite amplifi´e, d’abord par un amplificateur ZHL 32A assurant un gain de 20 dB, puis ´eventuellement par un second amplificateur large bande de marque TEGAM. Le signal est finalement envoy´e sur l’entr´ee modulation du boˆıtier sommateur d´ecrit pr´ec´edemment (figure 5.17). La tension de d´ecalage est fournie par un am-plificateur 0 - 1000 V `a faible bruit construit au laboratoire, qui poss`ede un potentiom`etre de r´eglage de la tension d’offset. Pour augmenter encore le gain de contre-r´eaction, on a utilis´e une ´electrode poss´edant une surface plus importante qu’une simple pointe en cuivre. On l’a choisie plus large et on a ajust´e sa position transverse `a l’arri`ere du r´esonateur de mani`ere

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a optimiser la r´eponse ´electrostatique du r´esonateur. Pour ajuster la phase de la boucle de contre-r´eaction, on observe le bruit thermique sur l’analyseur de spectres pour une valeur ´elev´ee du gain de la boucle. Une phase mal ajust´ee ´etant ´equivalente `a une force de contre-r´eaction partiellement proportionnelle au d´eplacement, qui a pour effet de modifier la raideur de l’oscillateur et de d´ecaler la fr´equence centrale du pic de bruit thermique. On ajuste la phase de mani`ere `a annuler ce d´ecalage en fr´equence.

R´esultats exp´erimentaux

Les spectres de bruit thermique en pr´esence de la contre-r´eaction sont mesur´es sur une plage de 8 kHz centr´ee sur la fr´equence de r´esonance. La r´esolution spectrale de la mesure est de 10 Hz. Les spectres sont moyenn´es sur environ 300 balayages de l’analyseur, ce qui n´ecessite une dizaine de minutes d’acquisition pour chaque spectre. On a repr´esent´e sur la figure 5.25 les spectres obtenus pour diff´erentes valeurs de la tension de d´ecalage. On constate que le spectre de bruit thermique est fortement r´eduit lorsqu’on augmente le gain, tout en s’´elargissant du fait de l’augmentation de l’amortissement effectif, conform´ement aux pr´edictions th´eoriques (section 1.4).

Fig.5.25 – Evolution du spectre de bruit thermique pour des valeurs croissantes du gain de contre-r´eaction (courbes a `a e ; la courbe a est obtenue sans contre-contre-r´eaction).

Le spectre de bruit du r´esonateur pour un gain g de la boucle de contre-r´eaction est donn´e par les ´equation (1.66) et (1.67) :

Sxfb[Ω] = ST[Ω]/M

2

(Ω2

m− Ω2)2+ (1 + g)2Γ22. (5.35)

La largeur du pic de bruit thermique est modifi´ee par la contre-r´eaction et devient Γfb= (1 + g)Γ, tandis que la r´eduction de l’amplitude des d´eplacements `a r´esonance est proportionnelle

Fig. 5.26 – A gauche, courbe de calibration du gain `a partir des mesures de l’amortissement effec-tif Γfb/Γ et de la r´eduction de l’amplitude des d´eplacements `a r´esonance. A droite, ´evolution de la temp´erature effective Tfb en fonction du gain de contre-r´eaction.

` a 1 + g (´equation 1.68) : s ST x[Ωm] Sfb x[Ωm] = 1 + g (5.36)

Pour chaque valeur de la tension de d´ecalage, donc du gain, on a mesur´e la largeur et la hauteur du pic de bruit thermique en effectuant un ajustement lorentzien du spectre obtenu. On a aussi d´eduit de cet ajustement l’aire du spectre de bruit thermique qui est proportionnelle `a la temp´erature atteinte.

Le gain g de la boucle de contre-r´eaction n’est pas directement mesurable. On le d´eduit en comparant le coefficient d’amortissement Γfb mesur´e en pr´esence de la friction froide `a la valeur Γ mesur´ee sans r´etroaction. Pour estimer l’incertitude sur la mesure du gain, on a aussi estim´e le gain `a partir de la r´eduction du bruit `a r´esonance. On a report´e sur la figure 5.26 `a gauche l’´evolution de la r´eduction de l’amplitude du bruit `a r´esonance en fonction de la variation relative Γfb/Γ du coefficient d’amortissement. Ces deux quantit´es devraient en principe ˆetre ´egales `a 1 + g et l’´ecart `a la droite trac´ee en trait plein correspond `a l’erreur sur la d´etermination du gain. A faible gain, l’effet de la friction froide est peu important et la mesure de la variation de la hauteur du spectre est peu pr´ecise. A fort gain, l’effet de friction froide est important et on ne mesure pas le spectre de bruit sur une plage suffisante pour estimer pr´ecis´ement la largeur du spectre de bruit. Dans ces deux situations, on observe donc un l´eger ´ecart entre les deux mesures, par contre aux valeurs interm´ediaires du gain, les deux mesures fournissent des valeurs compatibles entre elles. Dans la suite, le gain utilis´e est la valeur moyenne d´eduite de ces deux d´eterminations et les barres d’erreur correspondent `a leur ´ecart.

On constate qu’on a pu appliquer un gain d’environ 100, obtenu pour une tension de d´ecalage de 345 Volts. La largeur effective de la r´esonance m´ecanique de l’oscillateur est alors d’environ 10 kHz pour une valeur initiale de 97 Hz et le bruit thermique `a r´esonance est r´eduit de presque 40 dB. Bien qu’on puisse facilement augmenter le gain, par exemple en augmentant

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la tension de d´ecalage ou en rapprochant la pointe du r´esonateur, on n’a pas cherch´e `a aller au-del`a car la mesure de la largeur du pic de bruit thermique devient trop impr´ecise.

L’aire du spectre de bruit thermique est directement proportionnelle `a la temp´erature effective du mode. On a report´e `a droite sur la figure 5.26 l’´evolution de la temp´erature effective en fonction du gain de contre-r´eaction. La temp´erature est r´eduite au maximum par un facteur 60 : on atteint une temp´erature effective de 5 K pour un gain de 100. La courbe en pointill´e correspond `a l’expression th´eorique de la temp´erature, donn´ee par l’´equation Tfb = T /(1 + g) dans le cas simple d’un seul oscillateur harmonique sans fond (´equation 1.70). On constate un bon accord entre les donn´ees exp´erimentales et la courbe th´eorique. A fort gain, les deux dernier points exp´erimentaux commencent `a s’´eloigner de la courbe th´eorique. Dans une telle situation, le fond m´ecanique des autres modes devient comparable au niveau du spectre de bruit thermique refroidi, ce qui rend le mod`ele simple inappropri´e [60]. L’existence de ce fond nuit `a l’efficacit´e de la r´eduction de temp´erature par friction froide. On doit donc chercher `a travailler avec des modes propres poss´edant une dynamique tr`es importante par rapport au fond m´ecanique. C’est le cas lorsqu’un mode est suffisamment ´eloign´e de ses voisins et qu’il poss`ede un grand facteur de qualit´e m´ecanique. En r´eduisant la temp´erature de mani`ere cryog´enique, on s’attend d’ailleurs `a une am´elioration des facteurs de qualit´e m´ecanique du fait de la r´eduction des pertes par effet thermo-´elastiques.

Chapitre 6

Refroidissement par pression de

radiation dans une cavit´e

d´esaccord´ee

Dans ce chapitre, on pr´esente un autre m´ecanisme permettant de refroidir un micro-miroir. Il se produit lorsqu’on d´esaccorde la cavit´e Fabry-Perot et il met en jeu la pression de radiation exerc´ee sur le r´esonateur par le champ ´electromagn´etique pr´esent dans la cavit´e.

En d´esaccordant la cavit´e, cette force peut dans certaines conditions devenir visqueuse, ce qui va profond´ement modifier la dynamique du micro-miroir, en gelant son mouvement ou au contraire en le rendant instable. C’est l’utilisation de cavit´es optiques de grande fi-nesse et d’oscillateurs m´ecaniques poss´edant une masse effective tr`es faible, des fr´equences de r´esonance et des facteurs de qualit´e ´elev´es qui a permis l’observation de ces effets [27].

6.1 Couplage optom´ecanique dans une cavit´e d´esaccord´ee

Dans cette partie, on pr´esente les cons´equences du d´esaccord de la cavit´e sur la dynamique du syst`eme constitu´e du micro-r´esonateur m´ecanique coupl´e au champ dans la cavit´e. Dans un premier temps, on explique qualitativement comment le d´esaccord de la cavit´e peut conduire `

a un refroidissement du r´esonateur. On pr´esente ensuite les diff´erentes exp´eriences men´ees dans le monde en vue d’observer ces effets, avant d’´etudier quantitativement l’influence du d´esaccord de la cavit´e sur le couplage optom´ecanique.