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5.3 Action ´electrostatique sur le micro-miroir

5.3.1 La force ´electrostatique

Les micro-miroirs ont ´et´e fabriqu´es dans un ´echantillon de silicium l´eg`erement dop´e, qui pr´esente une conductivit´e faible mais non n´egligeable (de l’ordre de 10 mΩ.cm), ce qui permet d’envisager l’usage d’une force ´electrostatique pour d´eplacer le MEMS. On a donc ajout´e une ´electrode conductrice `a l’arri`ere du micro-miroir, pour former l’´equivalent d’un condensateur avec le r´esonateur. On peut appliquer entre la pointe et le r´esonateur une tension qui va induire une force ´electrostatique entre les deux extr´emit´es de ce condensateur. Pour une diff´erence de potentiel V , la force r´epulsive qui s’exerce entre deux armatures suppos´ees parfaitement conductrices, planes et parall`eles, de surface S et s´epar´ees d’une distance d dans le vide, s’´ecrit :

Fel = ǫ0S

2d2 V2, (5.27)

o`u ǫ0 est la perm´eabilit´e ´electrique du vide. Aux fr´equences auxquelles on travaille et vu la taille caract´eristique des syst`emes qu’on ´etudie, l’approximation des r´egimes quasi-stationnaires s’applique encore et on peut utiliser cette expression statique.

Ordres de grandeur

Cette force d´epend quadratiquement de la diff´erence de potentiel et varie de mani`ere inversement proportionnelle au carr´e de la distance. Pour fixer les ordres de grandeur, la force s’exer¸cant entre deux plaques conductrices de surface ´egale `a 200 µm × 200 µm et s´epar´ees de 100 µm est de l’ordre du nanonewton pour une diff´erence de potentiel de 10 V. A r´esonance, la susceptibilit´e m´ecanique χ[Ωm] = Q/M Ω2

m vaut environ 2.5 × 10−3m/N pour un mode de masse effective 100 µg, oscillant `a 1 MHz avec un facteur de qualit´e de 104. On s’attend donc `a mesurer des d´eplacements de l’ordre de 2 × 10−12m pour une modulation `a r´esonance de 10 volts. Cette valeur est `a comparer au bruit thermique `a la r´esonance m´ecanique qui limite la sensibilit´e typiquement au niveau de 10−15m/√

Hz. Il est donc tr`es facile de mesurer le d´eplacement induit par la force ´electrostatique. Bien sˆur, une d´etermination plus pr´ecise des ordres de grandeur n´ecessiterait de prendre en compte la g´eom´etrie r´eelle de la pointe et du r´esonateur. Mais ce calcul montre que notre dispositif est capable de mesurer des forces

avec une sensibilit´e de 400 fN/√

Hz, et qu’avec une r´esolution spectrale de 1 Hz, la force ´electrostatique est 1000 fois plus ´elev´ee.

Fig.5.15 – Spectre de position du micro-r´esonateur en r´eponse `a une force ´electrostatique modul´ee au voisinage de la fr´equence de r´esonance du mode propre `a 814 kHz. La mesure a ´et´e effectu´ee avec une r´esolution spectrale de 10 Hz.

On a repr´esent´e sur la figure 5.15 le d´eplacement induit par une force ´electrostatique mo-dul´ee `a une fr´equence voisine de la r´esonance du mode propre `a 814 kHz du r´esonateur P3. La mesure a ´et´e effectu´ee en moyennant une centaine de balayages, avec une r´esolution spectrale de 10 Hz. On a volontairement choisi une fr´equence de modulation l´eg`erement diff´erente de celle de la r´esonance pour mieux distinguer la r´eponse du mode `a la force ´electrostatique par rapport au spectre de bruit thermique. On constate l’importante dynamique qui existe entre le d´eplacement induit par la force et le bruit thermique, et ce pour des tensions de quelques volts seulement.

D´ependance avec la tension

La force ´electrostatique varie comme le carr´e de la diff´erence de potentiel V . Cette loi quadratique s’av`ere peu pratique `a l’usage car elle introduit une non lin´earit´e entre la tension appliqu´ee et le d´eplacement induit. Lorsqu’on va moduler `a une fr´equence donn´ee avec une tension variable V (t) = V0 cos (Ωt), on va obtenir une force oscillant `a la fr´equence double. On a v´erifi´e cette d´ependance en appliquant une tension sinuso¨ıdale oscillant `a la fr´equence moiti´e de la fr´equence de r´esonance du premier mode d’une poutre diff´erente de P3 (puce P2 dont la fr´equence du mode fondamental est ´egale `a 407 kHz). On a fait varier l’amplitude de la modulation et mesur´e le d´eplacement induit pour chaque valeur de la tension. De fa¸con `

a augmenter la tension appliqu´ee `a la pointe, le g´en´erateur pilote un amplificateur TEGAM capable de fournir une tension de ±200 V avec un gain de 30. Les r´esultats sont report´es sur la figure 5.16. La courbe en pointill´es repr´esente un ajustement quadratique des donn´ees.

On retrouve un comportement en partie lin´eaire en appliquant simultan´ement une tension de d´ecalage VDC continue et une tension de modulation V (t) = V0cos (Ωt), puisque la force

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Fig. 5.16 – D´ependance avec la tension du d´eplacement induit, dans le cas d’une modulation `a la fr´equence moiti´e (203.5 kHz pour une r´eponse `a 407 kHz du r´esonateur P2). La tension report´ee en abscisse est la valeur crˆete-`a-crˆete appliqu´ee `a la pointe.

Fig. 5.17 – A gauche : sch´ema de principe de la mise en œuvre de la force ´electrostatique `a l’aide d’une pointe m´etallique plac´ee derri`ere le r´esonateur. A droite : sch´ema ´electrique du sommateur entre une tension de d´ecalage et la modulation.

´electrostatique s’´ecrit alors : Fel= ǫ0S 2d2 µ VDC2 +V 2 0 2 + 2VDCV0cos (Ωt) + V02 2 cos (2Ωt) ¶ . (5.28)

On applique de cette mani`ere une force statique, un terme modul´e `a la fr´equence double et un terme oscillant `a la fr´equence de modulation dont l’amplitude est proportionnelle `a la ten-sion de d´ecalage VDC. La composante statique va d´eformer en continu le r´esonateur et donc modifier la longueur de la cavit´e, mais ceci est compens´e par l’asservissement de la fr´equence du laser qui va maintenir la cavit´e `a r´esonance. La modulation `a la fr´equence double devient n´egligeable lorsque l’amplitude V0de la modulation est petite devant le d´ecalage continu VDC. De plus, on mesure les d´eplacements r´esultants `a l’aide de l’analyseur de spectre et il est facile de ne s´electionner que les fr´equences autour de Ω. L’amplitude de la force est modul´ee `a Ω est finalement modifiable directement `a partir de l’amplitude de la modulation V0 mais aussi en changeant la tension d’offset VDC. Ceci sera utile dans les exp´eriences de refroidissement par friction froide qu’on pr´esentera plus loin (section 5.3.4) pour changer le gain global de la

r´etroaction.

Pour exercer des forces importantes, il faut appliquer une tension de d´ecalage VDC impor-tante sur la pointe. Le champ de claquage de l’air sec est de 3 MV/m. Pour un espacement de l’ordre de 200 µm entre la pointe et le r´esonateur, on doit se limiter `a des tensions inf´erieures `

a 600 volts. Pour pouvoir sommer les deux tensions, on a construit un circuit permettant d’ajouter `a la fois une tension continue importante, jusqu’`a 1000 Volts, et une tension de commande adapt´ee `a 50 Ω. Le sch´ema de principe est repr´esent´e sur la figure 5.17. Pour produire la tension de d´ecalage, on utilise le r´eglage d’offset d’un amplificateur de tension 0 - 1000 volts. Un filtre passe-bas plac´e sur la voie DC et un filtre passe-haut dans la voie de modulation permettent d’ajouter les deux tensions au niveau de la pointe, tout en assurant un isolement efficace entre les deux entr´ees. Les deux r´esistances de valeur ´elev´ees (22 MΩ) permettent d’utiliser des condensateurs haute tension de capacit´e r´eduite, et limitent le cou-rant en cas de court-circuit de la pointe.

Fig. 5.18 – Amplitude des oscillations du mode fondamental du r´esonateur P2 obtenues en faisant varier la tension de d´ecalage de la force ´electrostatique, pour une tension de modulation de 5 V d’amplitude `a 407 kHz. La distance de la pointe au r´esonateur est d’environ 200 µm. La courbe en pointill´es est un ajustement lin´eaire des donn´ees.

On a test´e l’influence de la tension de d´ecalage sur la force ´electrostatique en appliquant une modulation de 5 volts d’amplitude, `a la fr´equence de r´esonance du mode fondamental du r´esonateur P2 (407 kHz). Comme le montre la figure 5.18, les d´eplacements `a r´esonance augmentent de mani`ere lin´eaire avec la tension de d´ecalage. On obtient des d´eplacements de l’ordre de quelques picom`etres pour des tensions de d´ecalage de quelques centaines de volts. La pente est en bon accord avec la valeur que l’on peut calculer `a partir de l’´equation (5.28) : on trouve en effet une pente de 30 pm/kV pour une susceptibilit´e m´ecanique ´egale `a 6 × 10−4m/N d’apr`es les caract´eristiques mesur´ees du mode, et pour une pointe ayant une surface effective de 200 µm de diam`etre, plac´ee `a une distance de 200 µm du micro-r´esonateur.

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Variation avec la distance entre la pointe et le r´esonateur

On a ´etudi´e la d´ependance de la force ´electrostatique avec la distance s´eparant la pointe et le r´esonateur. La pointe ´electrostatique est mont´ee sur un syst`eme de trois translations mi-crom´etriques gradu´ees avec un vernier pr´ecis `a 10 µm. En pratique, le jeu existant et l’´elasticit´e de la pointe limitent la pr´ecision sur la distance `a environ 20 µm. Le positionnement trans-verse de la pointe est effectu´e en l’observant au moyen d’une cam´era CCD plac´ee `a l’arri`ere de la cavit´e Fabry-Perot.

On a repr´esent´e sur la figure 5.19 la variation des d´eplacements mesur´es en fonction de la distance d entre la pointe et le r´esonateur. On observe une d´ecroissance des d´eplacements comme l’inverse de la distance pour des ´ecartements inf´erieures `a 300 µm. Cette d´ependance est diff´erente de celle pr´edite par le mod`ele plan-plan (´equation 5.27) et correspond plutˆot `

a celle pr´edite pour une sph`ere et un plan `a condition que la distance reste petite devant le rayon de la sph`ere [108]. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’on a utilis´e comme pointe ´electrostatique une structure usin´ee en laiton qui ne ressemble en rien `a une armature plane de condensateur.

Fig. 5.19 –D´ependance des d´eplacements induits par la force ´electrostatique avec la distance entre la pointe et la face arri`ere du r´esonateur.

Il est difficile de mesurer la distance absolue d entre la pointe et le r´esonateur, d’une part car la surface de la pointe n’est pas plane, d’autre part parce qu’il vaut mieux ´eviter de faire entrer en contact la pointe ´electrostatique avec la surface du r´esonateur, mˆeme si ce n’est pas destructif pour des pointes suffisamment peu rigides. En lisant la graduation l de la vis microm´etrique, on n’a donc acc`es qu’`a une valeur relative. On peut toutefois faire un ajustement des points obtenus exp´erimentalement, en tenant compte d’un d´ecalage d0 de fa¸con `a reproduire le comportement observ´e en 1/(l + d0). On a effectu´e cette proc´edure afin d’obtenir la figure 5.19 o`u l’abscisse repr´esente la distance absolue : on trouve ainsi que la position de la pointe a vari´e entre 50 et 850 µm.

Le comportement `a plus longue distance est plus difficilement interpr´etable. La g´eom´etrie est tr`es complexe d`es lors que la pointe sort de l’orifice de la face arri`ere du r´esonateur, c’est-`a-dire au-del`a de quelques centaines de microns, puisque le champ ´electrostatique vu par le r´esonateur est tr`es certainement perturb´e par la pr´esence du substrat en silicium.

En pratique la pointe est plac´ee `a environ 200 µm du r´esonateur dans les exp´eriences qui suivent, une distance ´evitant tout risque de contact direct tout en donnant force ´electrostatique d’amplitude suffisante.