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D´ependance des facteurs de qualit´e avec la pression

5.2 Etude du spectre de bruit du micro-miroir

5.2.3 D´ependance des facteurs de qualit´e avec la pression

Dans cette section, on s’int´eresse aux facteurs de qualit´e m´ecanique et `a leur d´ependance vis-`a-vis de la pression. La pr´esence de gaz autour du miroir induit l’´emission d’ondes acous-tiques, ce qui se traduit par une d´egradation de ses facteurs de qualit´e m´ecanique. On introduit d’abord un mod`ele simple d´ecrivant l’´emission d’ondes acoustiques par une surface mise en mouvement, puis on pr´esente les r´esultats exp´erimentaux obtenus en mesurant l’´evolution avec la pression des facteurs de qualit´e.

5.2. ETUDE DU SPECTRE DE BRUIT DU MICRO-MIROIR 163

Rayonnement acoustique du micro-miroir

Pour un fluide `a la temp´erature T et `a la pression P , le libre parcours moyen ¯l est reli´e `a la section efficace σ et `a la densit´e volumique n de l’air par :

¯l= 1

. (5.17)

Le temps moyen s´eparant deux collisions est τ = ¯l/vT o`u vT est la vitesse quadratique moyenne des particules de masse m (vT = p3kBT /m). Pour l’air `a temp´erature ambiante et pression atmosph´erique, le libre parcours moyen est de l’ordre de 140 nm et il d´ecroˆıt de mani`ere inversement proportionnelle `a la pression. A pression ambiante, il est donc toujours tr`es petit par rapport `a la taille caract´eristique du micro-r´esonateur, de l’ordre de 100 µm, et ce jusqu’`a des pressions de l’ordre du mbar. Au-dessus de cette pression, un traitement acoustique des ondes ´emises est donc justifi´e, en de¸c`a il faut utiliser un mod`ele balistique.

Supposons que l’onde acoustique rayonn´ee ait une longueur d’onde petite devant la lon-gueur caract´eristique des d´eformations de sa surface. On peut alors consid´erer que chaque ´el´ement de surface de l’objet rayonne dans l’air une onde plane [91]. Le flux d’´energie moyen de l’onde ´emise vaut cρairv2, o`u ρair repr´esente la masse volumique de l’air, c la vitesse du son et v2 la vitesse quadratique moyenne de l’onde dans l’air. On s’int´eresse au flux d’´energie au niveau de la surface o`u la vitesse dans l’air est ´egale `a celle du r´esonateur. La vitesse instantan´ee ~v(~r, t) de la surface du miroir au point ~r se d´eduit de la d´ecomposition modale (´equation 2.37) :

~v(~r, t) =X

n

˙an(t)~un(~r). (5.18)

La puissance totale rayonn´ee P par la surface du miroir vaut : P = cρair Z S d2r v2 = cρair X n | ˙an(t)|2 Z S d2r |~un(~r)|2, (5.19)

o`u on a utilis´e l’orthogonalit´e des modes propres2, S repr´esente toute la surface du r´esonateur, c’est-`a-dire `a la fois ses faces sup´erieures et inf´erieures. La puissance rayonn´ee se met alors sous la forme d’une somme de termes Pn correspondant `a la puissance dissip´ee par chaque mode acoustique ind´ependamment les uns des autres :

Pn= cρair| ˙an(t)|2 Z

S

d2r|~un(~r)|2. (5.20)

L’amplitude an du mode n subit un amortissement li´e `a la dissipation d’´energie par l’onde acoustique rayonn´ee, avec un taux Γairn pour le mode n d´efini par l’´equation :

Pn= MnΓairn | ˙an(t)|2, (5.21)

2

Formellement l’orthogonalit´e entre deux modes est d´efinie comme l’int´egrale sur tout le volume du produit de leurs d´eformations, mais pour tous les modes basse fr´equence qu’on ´etudie, le r´esonateur se d´eforme en bloc, ce qui signifie que la relation d’orthogonalit´e reste vraie lorsqu’on la restreint `a une int´egration surfacique. Ceci n’est plus vrai d`es qu’on ´etudie des modes de respiration, mais ceux-ci sont attendus `a beaucoup plus haute fr´equence, au-del`a de cSi/2e = 18 MHz pour une structure de 60 µm d’´epaisseur et une vitesse du son dans le silicium de cSi= 2200 m/s.

o`u Mn est la masse du mode n (´equation 2.40). On peut relier Γairn `a la d´eformation ~un(~r) `a l’aide de l’´equation (5.20) : Γairn = cρair ρSi R Sd2r |~un(~r)|2 R V d3r |~un(~r)|2, (5.22)

o`u on a utilis´e la d´efinition de la masse du mode en fonction de l’int´egrale en volume des d´eformations ~un(~r) du mode et de la masse volumique ρSi du silicium. Pour calculer cette expression, il faut connaˆıtre la d´ependance de la structure spatiale du mode selon l’´epaisseur e du micro-miroir. Pour les modes propres ´etudi´es et aux fr´equences auxquelles on travaille, les modes correspondent en fait `a des d´eplacements en bloc selon l’´epaisseur du r´esonateur. L’int´egrale selon l’´epaisseur se simplifie et l’int´egrale en volume se r´eduit au produit de l’´epaisseur e par l’int´egrale sur une surface du miroir (´equation 2.40). L’expression de Γairn devient : Γairn = 2c e ρair ρSi . (5.23)

o`u le facteur 2 correspond `a la prise en compte du rayonnement des deux faces de l’oscillateur. D’apr`es ce mod`ele, on s’attend `a un amortissement compl`etement ind´ependant de la structure du mode propre. Avec les masses volumiques ρair = 1, 3 kg/m3 et ρSi = 2330 kg/m3 et une ´epaisseur e = 60 µm, on trouve un taux d’amortissement dˆu au rayonnement acoustique de l’ordre de Γairn /2π = 977 Hz `a la pression atmosph´erique. Cette valeur est du mˆeme ordre de grandeur que celles obtenues pour l’amortissement total mesur´e `a pression ambiante (pour le mode (0,2) oscillant `a 814 kHz, on a mesur´e un amortissement de 1170 Hz `a pression ambiante), ce qui laisse esp´erer une augmentation significative des facteurs de qualit´e en allant sous vide.

La vitesse du son c ´etant ind´ependante de la pression [98], la d´ependance de Γair

n en fonction de la pression P n’apparaˆıt qu’`a travers la masse volumique ρair de l’air selon la formule

ρair= Mair

RT P, (5.24)

o`u Mair est la masse molaire de l’air et R la constante des gaz parfaits. Comme le taux d’amortissement total Γn du mode est la somme de Γair

n et d’autres sources d’amortissement a priori ind´ependants de la pression, on s’attend `a une d´ependance affine de la largeur des pics de r´esonance du miroir avec la pression.

Etude exp´erimentale de la d´ependance avec la pression

On a fait varier exp´erimentalement la pression en ajoutant une micro-fuite r´eglable en sortie de l’enceinte `a vide (voir la section 3.5). La pression est mesur´ee au moyen d’une sonde Pirani pour les basses pressions et avec un manom`etre `a aiguille au-dessus de 1 mbar. On a recoup´e les informations des deux sondes dans la zone interm´ediaire. Lorsqu’on mo-difie la pression, on change l’indice optique dans la cavit´e et donc on d´ecale la fr´equence de r´esonance optique : il faut `a chaque fois retrouver la r´esonance en balayant la fr´equence du laser. Pour chaque valeur de la pression, on effectue une acquisition du spectre de bruit thermique du r´esonateur, ce qui permet de d´eterminer l’amortissement total des modes en effectuant des ajustements lorentziens des pics de bruit thermique. On peut voir clairement sur la figure 5.11 l’affinement du spectre de bruit thermique du mode `a 2824 kHz, entre la pression atmosph´erique et une pression de 10−3mbar. La hauteur `a r´esonance du spectre

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Fig.5.11 –Bruit thermique du mode `a 2824 kHz du r´esonateur P3, `a pression ambiante (a) et sous vide `a une pression de 10−3

mbar (b).

de bruit thermique varie comme l’inverse de l’amortissement total, comme on s’y attend `a l’´equilibre thermodynamique (´equation 5.14).

On a repr´esent´e sur la figure 5.12 la variation avec la pression de l’amortissement de quatre modes propres de vibration du micro-miroir P3. Consid´erons tout d’abord le mode propre (0,2) `a 814 kHz. L’´equation de la courbe (a) en pointill´es est :

Γ = Γ0+

air (0,2)

dP P, (5.25)

avec Γ0/2π = 90 Hz et dΓair(0,2)/dP = 2π ×1080 Hz/bar. On constate que l’ajustement suit bien les points exp´erimentaux dans la plage 100 - 1000 mbar, avec une l´eg`ere d´eviation aux pressions interm´ediaires, entre 1 et 100 mbar. N´eanmoins, le calcul pr´ec´edent est tr`es satisfaisant pour ce mode propre, aussi bien pour la d´ependance lin´eaire avec la pression que pour la pente. On gagne plus d’un facteur 10 en passant sous vide, le facteur de qualit´e m´ecanique augmentant de 700 `a 9000.

Si on s’int´eresse maintenant aux autres modes propres, on constate que le mod`ele th´eorique n’est plus valable, tant au niveau de l’amortissement attendu `a pression ambiante (notamment pour le mode `a 1612 kHz) que pour la loi de puissance observ´ee. La courbe noire en pointill´es correspond `a une ´evolution en √

P du facteur de qualit´e, en d´esaccord avec la pr´ediction lin´eaire en P . Une premi`ere explication `a ce d´esaccord est li´ee `a l’hypoth`ese que la longueur d’onde acoustique est petite devant la structure du mode. Dans l’exemple du mode oscillant `

a 2824 kHz, la longueur d’onde acoustique est de c/f ≃ 120 µm, qui n’est plus petite devant l’espacement entre les nœuds (≃ 200 µm) : l’onde acoustique ´emise poss`ede une structure en champ proche plus complexe qu’une onde plane.

Une autre source de dissipation permet d’expliquer la loi de puissance observ´ee : la viscosit´e de l’air. Un exemple bien connu est la force de Stokes ~F = −6πηR~v s’exer¸cant sur une structure simple comme une sph`ere de rayon R se d´epla¸cant `a la vitesse ~v dans un fluide de viscosit´e dynamique η [98]. Pour un syst`eme oscillant `a la pulsation Ω, l’´epaisseur de la couche

Fig.5.12 –Evolution de l’amortissement total avec la pression pour quatre modes propres diff´erents du r´esonateur P3. Les courbes en pointill´e correspondent respectivement `a une d´ependance lin´eaire (a) et en√

P (b) de l’amortissement avec la pression.

limite est d´efinie par δ =pνair2π/Ω, o`u νair est la viscosit´e cin´ematique. Cette couche est de l’ordre de δ = 2 µm dans l’air `a pression atmosph´erique pour une fr´equence d’oscillation de 2824 kHz (νair = ηairair= 15.6 × 10−6m2.s−1). On peut calculer la force qui s’exerce alors sur la sph`ere lors de son mouvement oscillant [99] :

~ F = −6πηairR µ 1 +R δ ¶ ~v. (5.26)

A fr´equence nulle, on retrouve la loi de Stokes. Plus la fr´equence est ´elev´ee, plus l’´epaisseur de peau est faible et la force de frottement importante. On comprend ainsi que les effets visqueux puissent devenir la cause principale de l’amortissement par l’air pour des petites structures `

a fr´equence ´elev´ee. La viscosit´e dynamique de l’air ηair est ind´ependante de la pression ; par contre la viscosit´e cin´ematique νairvarie de mani`ere inversement proportionnelle `a la pression `

a travers la masse volumique ρairde l’air. Ainsi, l’amortissement dˆu `a la viscosit´e varie comme √

P , et ce mod`ele simple donne une interpr´etation possible de l’´evolution de l’amortissement avec la pression pour le mode r´esonnant `a 2824 kHz. Bien sˆur, il n´ecessiterait d’ˆetre raffin´e pour prendre en compte le vrai profil spatial du r´esonateur. Pour les deux derniers modes pr´esent´es sur la figure 5.12, l’amortissement intrins`eque est beaucoup trop ´elev´e pour esp´erer d´eterminer avec pr´ecision l’´evolution avec la pression.

Les facteurs de qualit´e m´ecanique les plus ´elev´es que nous ayons obtenus sous vide corres-pondent `a des modes transverses de type (0,n) peu coupl´es aux modes de la puce en silicium. La valeur maximale atteinte est de 15 000, ce qui est finalement peu compar´e aux valeurs ob-tenues dans d’autres exp´eriences [103]. Ceci peut ˆetre dˆu `a la pr´esence de pertes de diff´erentes natures ; citons par exemple les effets thermo´elastiques [104, 105], les pertes par encastre-ment, la rugosit´e de surface, le couplage avec la puce. Les facteurs de qualit´e devraient ˆetre am´elior´es par une meilleure isolation du r´esonateur de son support et par le fait d’aller `a basse

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temp´erature, ce qui r´eduira les pertes par effet thermo´elastique.