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Redoublement et amélioration des performances des élèves

CHAPITRE IV : LA QUALITÉ DE L’ÉDUCATION DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

4. Politiques éducatives et qualité de l’éducation en Afrique

4.2. Redoublement et amélioration des performances des élèves

Il ne s’agit plus de revenir ici sur tous les aspects concernant le redoublement. Ceux-ci ont été suffisamment mis en évidence et à maintes occasions dans plusieurs recherches (Crahay, 2007 ;

28 ISU et Pôle de Dakar.

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Bernard, 2005 ; Mingat, 2000). Notre véritable préoccupation est de savoir si un curriculum construit selon le modèle APC pourrait dans sa mise en œuvre, contribuer à atténuer les effets de ce phénomène, plus qu’inquiétant, aussi bien au plan de la scolarisation comme ci-dessus présenté, mais surtout au plan de la qualité et de l’augmentation des acquis des élèves. En effet, même si les effets négatifs du redoublement ont souvent été pointés, force est pourtant de constater que la croyance aux vertus supposées de cette pratique reste très prégnante au sein de la communauté éducative, particulièrement dans les SE d’Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, quel peut être l’impact de l’introduction du curriculum APC dans les écoles ? Sa seule présence participe-t-elle peu ou prou à la diminution de ce problème et de quelle manière ? La réponse à ces questions n’est pas simple. En effet, tel l’habit ne fait pas le moine, telle l’exploitation d’un curriculum quelque modèle soit-il, ne pourra résoudre in extenso l’épineuse du redoublement, à fortiori celle de l’efficacité de l’école primaire africaine. Toutefois, dans la philosophie véhiculée par l’APC, une préoccupation majeure reste et sous-tend incontestablement la réduction du redoublement dans les classes. Le fondement des réformes éducatives actuelles repose d’ailleurs sur le facteur de l’inefficacité de l’école et de l’échec scolaire, dont le redoublement est l’un des maux les plus graves. Cependant, c’est aussi bien à travers les mécanismes de montage de la réforme que la traduction des intentions en faits (dont les pratiques sous-jacentes) qu’on pourra observer l’ampleur des effets du curriculum APC sur la lutte contre l’échec scolaire et in fine du redoublement.

Il faut savoir que dans le souci d’améliorer la qualité de l’enseignement, deux arguments sont souvent utilisés pour justifier la contribution du redoublement. Le premier argument classique en rapport avec la nature des apprentissages distingue les apprentissages séquentiels ou cumulatifs aux apprentissages indépendants. La différence entre les deux réside dans le fait que ces apprentissages nécessitent ou non des prérequis spécifiques. On considère pour les apprentissages cumulatifs que la bonne maîtrise des connaissances enseignées à une étape est nécessaire pour acquérir les connaissances à l’étape suivante. Dans cette optique, il apparaît que le redoublement soit effectivement justifié, car il est difficile que l’enfant accède à la classe supérieure sans qu’il n’ait un bon niveau initial. Les apprentissages indépendants quant à eux ne sont pas soumis à la nécessité d’acquisitions préalables. Les deux types d’apprentissages se côtoient durant l’année scolaire et l’idée que l’élève doive justifier d’un niveau minimum d’acquisitions pour suivre

aisément ou sans trop de difficultés sa classe supérieure procède plutôt du bon sens et du reste, rallie beaucoup d’opinions.

Le second argument lui fait référence aux pratiques pédagogiques des enseignants et suppose que des classes plus homogènes seraient favorables à la progression de la majorité d’entre eux. Indirectement, il faut comprendre a contrario qu’une classe fortement hétérogène serait plus encline à produire de l’échec du fait des jeux potentiellement conflictuels des inégalités d’allocation cognitive ou d’aptitude différenciée devant l’apprentissage.

Bien que séduisants les arguments évoqués pour justifier la pratique du redoublement sont malheureusement contredits par des analyses empiriques menées à large échelle. Celles-ci tendent à prouver que le redoublement n’améliore ni la qualité de l’enseignement, encore moins les performances scolaires des SE. Le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), basé sur les résultats d’une évaluation de 32, pays a confirmé non seulement le caractère improductif du redoublement, mais aussi montré qu’une forte proportion d’élèves l’avait déjà subit dans leur scolarité avant l’âge de 15 ans (Figure 5).

Figure 5: Taux d’élèves ayant déjà redoublé avant 15 ans

Source : PISA (2012).

La mise en relation des variables performances en compréhension de l’écrit avec le taux de redoublement du pays, fait ressortir assez curieusement que des pays qui pratiquent la promotion

automatique se retrouvent en tête du classement (c’est le cas de la Finlande), tandis que ceux qui ont recours au redoublement, comme le Portugal, sont en queue du peloton. Ce résultat est donc loin de démontrer un quelconque avantage du redoublement, considéré comme facteur de qualité de l’enseignement. De même, il ne prouve pas a contrario, le caractère pénalisant des systèmes qui ont recours au passage automatique. Si l’argument des bienfaits du redoublement était poussé jusqu’à l’extrême, les SE ayant recours au redoublement se démarqueraient par des performances meilleures que celles des systèmes pratiquant la promotion automatique.

Les analyses de même type ont été répliquées dans le cadre des évaluations conduites par le Consortium de l’Afrique australe et orientale pour le pilotage de la qualité de l’éducation (SACMEQ) dans 13 pays. En dépit de la différence de contextes, on observe de nouveau les mêmes tendances comme l’indique le graphique qui suit (Figure 9). Les résultats en matière d’acquisitions des élèves montrent que les pays qui font le moins appel au redoublement comme les Seychelles, la Tanzanie ou Maurice se retrouvent une fois encore en tête du classement au contraire des autres qui y ont massivement recours, c’est le cas du Lesotho et du Malawi.

Figure 6: Relation entre les performances de lecture au primaire et le redoublement29

Source : UNESCO (2005).

Du reste, on remarque aussi que, pour des niveaux de performance comparables, le Malawi présente un taux de redoublement de l’ordre de 15% alors que celui du Botswana n’excède pas

29UNESCO (2005) et SACMEQ www.sacmeq.org (9 juin 2005). 104

les 3%. En définitive quel que soit le contexte, redoublement et performances ne riment pas forcément.