• Aucun résultat trouvé

L’évolution du statut de la connaissance

CHAPITRE II : THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE ET APPROCHE PAR COMPÉTENCES

1. L’évolution du statut de la connaissance

Elle prend sa source dans l’étude et/ou la traduction des œuvres littéraires et philosophiques des grands auteurs grecs arabes et romains depuis l’Antiquité jusqu’à la Renaissance. La connaissance et la transmission de la culture se fondent sur des enseignements encore appelés "humanités anciennes", lesquelles sont censées avoir abordé tous les domaines depuis la création. Les enseignements touchent des domaines aussi bien scientifique, culturel que philosophique. Les facultés de lettre et de philosophie (facultés nobles) y constituent les pôles de référence. Les connaissances s’acquièrent à partir de l’étude des "commentaires" des maîtres, que l’élève doit pouvoir commenter à son tour. De nos jours, il en subsiste encore quelques traces à travers les options d’apprentissage du grec et du latin.

1.2. Le modernisme classique

Le modernisme classique et encyclopédique naît de la curiosité scientifique qui va conduire les individus à établir des lois sur la base d’observations naturelles, de vérifications et d’expérimentations. Connaître c’est restituer un savoir assimilé alors qu’enseigner revient à transmettre des savoirs. Dans beaucoup de champs et à la faveur de nombreuses découvertes et de multiples expériences, de grands principes sont énoncés. Ils concernent aussi bien les sciences exactes que celles d’observation encore appelées sciences naturelles, aujourd’hui sciences de la vie et de la terre (SVT).

Parmi les précurseurs, on peut citer pêle-mêle, Claude Bernard, Pascal, Gauss, Diderot et bien d’autres, dont les recherches ont permis d’asseoir la connaissance ou de prédire des phénomènes dans des domaines aussi variés que pointus, tels que la médecine, la mathématique, les statistiques, etc. Progressivement, les facultés des sciences, de même que les grandes écoles d’ingénieur vont accroître leur importance au sein des universités, alors qu’un mouvement inverse s’opère dans des filières linguistiques et philosophiques, jusque-là nobles. Les programmes des« humanités anciennes » sont peu à peu supplantés par ceux des « humanités modernes », mais ils sont construits autour d’un répertoire de contenus d’apprentissage.

11 Cf : De Ketele et Hanssens(1999).

38

1.3. Le modernisme scientifique expérimental

Il est à la conjonction du taylorisme et du béhaviorisme, deux mouvements qui visent à introduire plus de rationalité dans la compréhension aussi bien des mécanismes de développement industriel au profit de la croissance économique, que celle de la démarche appliquée aux sciences humaines, à partir de l’observable et des comportements qui ne relèvent pas de l’intention. D’un côté, le taylorisme veut mettre plus de rigueur dans les modes de fabrication industrielle, afin d’accroître la production, de l’autre, le béhaviorisme tente de réduire la complexité des phénomènes étudiés par la méthode du saucissonnage des éléments en structures de plus en plus simples ou en de courtes séquences observables.

Ces mouvements vont avoir une influence notable sur le monde de l’éducation, à travers des auteurs comme Mager (1962, 1971), mais surtout Bloom (1968, 1976, 1979) et d’autres grands chercheurs comme De Ketele (1980), Hameline (1980), De Lansheere (1980) ou D’Hainaut (1983), qui ont beaucoup travaillé sur "la pédagogie par objectifs". Le principe de la PPO consiste à décomposer l’objet d’étude en unités de plus en plus fines, précises et hiérarchisées. On ne peut passer à un nouvel apprentissage tant que l’on n’est pas assuré que les prérequis nécessaires à celui-ci ont été installés chez l’apprenant.

Il va s’en suivre un vaste mouvement de réformes de curriculums sur le modèle de "la pédagogie de la maîtrise", aussi bien dans les filières scientifiques de référence comme les facultés de médecines ou d’ingénieurs, qu’au niveau des grandes écoles d’enseignement professionnel.

Les traces de ce mouvement restent encore perceptibles, voir très prégnantes dans la plupart des Écoles normales supérieures africaines (ENS), et des unités de formations professionnelles comme les Écoles normales d’instituteurs (ENI), qui majoritairement, éprouvent jusqu’alors d’énormes difficultés à opérer la transition d’un curriculum bâti sur le modèle de l’arbre des objectifs, vers un véritable référentiel de compétences.

1.4. Le post-modernisme professionnalisant

La vision a priori du post-modernisme professionnalisant semble aller de pair avec celle de l’économie de marché et de la libre concurrence. Cependant, face aux enjeux de la mondialisation, qui affectent directement le monde socio-économique, il convient de voir derrière ce mouvement l’expression de besoins nouveaux dans la société, dont la recherche de nouvelles formes d’autonomie et de responsabilité des individus par : l’adaptabilité, la flexibilité et aussi la

performance. Dans un environnement de plus en plus compétitif dans lequel l’efficacité et la rentabilité constituent des enjeux fondamentaux, le diplôme devient un critère de sélection et la compétence un atout majeur dans les opportunités d’offre d’emploi ou l’exercice d’un métier. Les plus diplômés ont en effet plus de chances d’obtenir un emploi d’autant plus que le diplôme est censé apporter davantage d’information sur les capacités de l’individu. Toutefois, le signal du seul diplôme peut s’avérer insuffisant pour faire face à une situation-problème même si l’on détient des connaissances et/ou des techniques indispensables à sa résolution. En effet comme le rappelle Rogiers12 : « aujourd’hui le pouvoir n’est plus à celui qui sait comme autrefois, ni même celui qui cherche, mais à celui qui agit, entreprend, organise et gère ».

Fondamentalement, cela revient à former des individus compétents, c’est-à-dire, capables d’accomplir de façon efficace des tâches associées à leur fonction. D’où l’émergence du concept de "référentiel de compétences" et d’un curriculum fondé sur les compétences requises attendues dans des sections de formation qui soient réellement professionnalisantes.

Par exemple, le projet UNICAP (Unités capitalisables) procède de cette logique au sein de l’Union européenne. Celui-ci vise non seulement à élaborer des référentiels de compétences en fonction des types de métiers, mais aussi à répartir la formation en unités capitalisables.

Tableau.II.1: Les 4 périodes de l’évolution du statut de la connaissance Tradition des

fondements Modernisme classique encyclopédique

Modernisme scientifique expérimental

Post-modernisme professionnalisant Source Les grands auteurs Découvertes, Diderot C. Bernard, B. Bloom Compétitivité

Connaître « Traduire » Restituer les savoirs S et SF observables Compétences

Enseigner « Commenter » Transmettre Pédagogie de la maîtrise APC/APP

Curriculum Choix des auteurs Choix des savoirs Arbre des objectifs PPO Référentiels

Programme

noble « Humanités anciennes » « Humanités modernes » Filières scientifiques PPO Formations professionnalisantes

Faculté noble « Philo et Lettres » « Sciences » Médecine, Ingénieurs Reconnues par les employeurs

Traces

actuelles Options latin-grec Filières sciences ENS africaines Vers la généralisation

Sources : De Ketele (2007).

12 (2006).

40