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La formation des enseignants

CHAPITRE II : CADRE D’ANALYSE ET DONNÉES

6. La formation des enseignants

Parmi les critères qui ouvrent l’accès à la fonction enseignante se trouvent le niveau d’étude et le diplôme académique. Le recrutement, même par voie de concours, s’appuie sur la dernière classe atteinte de l’impétrant, ou la plus élevée, mais davantage sur le diplôme que détient la personne qui veut avoir accès au métier d’enseignement. En ce sens, ces variables associées à d’autres critères constituent des points de repère importants dans l’éligibilité du candidat à la fonction. En plus de ces critères se rajoute le diplôme pédagogique, délivré seulement si on a satisfait aux exigences de la formation professionnelle. Bref, chacune de ces variables est susceptible de jouer dans les acquisitions d’élèves tant il existe une grande variété aussi bien des niveaux académiques que de recrutement réel des maîtres. À vrai dire, dans des contextes aussi difficiles que ceux des pays en développement, il y a une sorte de déséquilibre entre les besoins en enseignants et les capacités à pourvoir, mais surtout à prendre en charge leur formation, compte-tenu d’un ensemble de contraintes à la fois structurelles et économiques. Il existe des cas où certains enseignants peuvent obtenir le droit d’exercer sans avoir suivi de formation. Dès lors, le niveau d’étude ou le diplôme, même sans lien avec le domaine de l’éducation, va déterminer l’intégration dans le corps d’enseignement. Les autres cas concernent les candidats qui vont

passer par des cycles de formation, privés ou étatiques, avec ceci de particulier que ces créneaux présentent souvent d’énormes disparités au niveau des critères de recrutement, de la durée de formation et de l’exigence qualitative, comme cela a déjà été relevé plus haut.

La classe : bien que le salaire détermine le niveau d’éducation et de formation, par voie de conséquence, celui du recrutement des enseignants, il ne reste pas moins que ce sont les contraintes, évaluées en termes de ressources et des besoins qui fondamentalement, vont définir les modes de recrutement des enseignants dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Nombre d’entre eux, recrutés dans l’urgence pour palier le manque d’enseignants ne répondent pas toujours aux critères d’admissibilité requis pour exercer la fonction.

Tableau.II.12: Classe la plus élevée atteinte par le maître

PAYS Niveau d’étude du maître

Classe Effectifs Pourcentage

BÉNIN Cm2 au + 0 0% 3e au + 28 10% Tle au + 224 79% Niv- sup 31 11% GABON Cm2 au + 0 0% 3e au + 51 18,6% Tle au + 82 29,8% Niv- sup 142 51,6% MADAGASCAR Cm2 au + 2 0,6% 3e au + 100 29,3% Tle au + 217 63,6% Niv- sup 22 6,5%

Un présupposé veut que la qualité des apprentissages soit fonction du niveau de recrutement, mais surtout de formation des enseignants91. Pour autant, dans une étude réalisée au Gabon sur les déterminants de la réussite en cours préparatoire, Mengue Abessolomvono (1997) a relevé un effet positif significatif des acquisitions d’élèves auprès des enseignants non-fonctionnaires, de statut inférieur et souvent peu formés, par rapport à leurs pairs fonctionnaires. Même lesdits phénomènes peuvent s’expliquer par le degré de motivation, la garantie de l’emploi contre la précarité et autres, cette situation met pour le moins en lumière un véritable paradoxe parce qu’elle pointe une des réalités du fonctionnement des écoles en Afrique.

91 Rapport PASEC, Pôle de Dakar (2008).

184

Le tableau plus haut montre un seuil de recrutement plus élevé au Gabon, avec plus de la moitié des enseignants (51,6%) ayant atteint le cycle d’études supérieures. Au Bénin et à Madagascar, le niveau de recrutement prédominant reste celui du lycée avec respectivement 79% et 63,6%. À noter qu’on retrouve quand même à Madagascar, 2 enseignants placés dans la tranche d’âge des 40-49 ans et dont le niveau scolaire n’excède pas celui du primaire.

Le diplôme académique : si le BEPC constitue le minimum indispensable pour prétendre exercer le métier d’enseignant, cette exigence, compte tenu des nouveaux enjeux éducatifs du millénaire a vu ce niveau relevé au diplôme du bac dans certains pays.

Tableau.II.13: Type de diplôme académique possédé par le maître

PAYS Diplôme académique du maître Type Effectifs Pourcentage

BÉNIN CEPE 8 2,8% BEPC 235 83% BAC 37 13,1% DIP_SUP 3 1,1% AUTRE 0 0% GABON CEPE 28 10,2% BEPC 85 30,9% BAC 157 57,1% DIP_SUP 5 1,8% AUTRE 0 0% MADAGASCAR CEPE 7 2,1% BEPC 4 1,2% BAC 323 94,6% DIP_SUP 3 0,9% AUTRE 4 1,2%

Manifestement, Madagascar et le Gabon ont souscrit à cette politique qui consiste à recruter des enseignants à partir du niveau bac. On observe respectivement dans l’échantillon que 94,6% et 57,1% d’entre eux en sont titulaires.

Le diplôme pédagogique : est le facteur le plus important du point de vue de la qualification à la fonction enseignante. Cette variable qui peut jouer dans la définition du statut de l’enseignant permet aussi d’apprécier le niveau de compétence qui en ouvre le droit d’accès. Fruit de la formation professionnelle, le diplôme pédagogique valide d’une certaine manière, la maîtrise des capacités à organiser les activités éducatives, à utiliser les méthodes didactiques, essentielles aux pratiques pédagogiques, mais aussi la capacité à mener une séquence d’enseignement. Cela étant,

il n’existe aucune forme d’homogénéité en matière de qualification, tant à l’intérieur d’un même système qu’entre SE différents. En principe, les tâches inhérentes au métier d’enseignement sont basées sur un référentiel de tâches. C’est un ensemble d’activités communes que tout enseignant est censé réaliser dans sa classe. Pour autant, on constate que les contenus de formation, la durée, mais aussi les modalités de formation varient fortement d’un pays à l’autre. La vraie question qui se pose est celle de savoir si le fonctionnement des structures de formation étatique ou non, disposent non seulement de véritables référentiels de formation, mais encore, sont tenues de respecter quelques règles déontologiques en matière de formation et soumises à une obligation de contrôle.

Tableau.II.14: Diplôme pédagogique possédé par le maître

PAYS Diplôme d’enseignement du maître Situation Effectifs Pourcentage

BÉNIN SANS 170 60,1 AVEC 113 39,9 AUTRE 0 0% GABON SANS 37 13,5% AVEC 228 82,9% AUTRE 10 3,6% MADAGASCAR SANS 106 31,1% AVEC 218 63,9% AUTRE 17 5%

Le tableau ci-dessus montre que la majorité des enseignants béninois exerce sans qualification pédagogique. Dans cette situation, près de 60,1% ont un diplôme contre 39,9% sans. Plus des ¾ d’enseignants gabonais sont titulaires d’un diplôme pédagogique. En plus de ceux-là, on constate qu’il existe aussi des personnes qui exercent sans diplôme ou avec un diplôme autre que pédagogique. Il y a respectivement 37 personnes, soit 13,5%, et 10 personnes, soit 3,6% de l’échantillon à se retrouver dans ces situations. À Madagascar, 31,1% d’enseignants de l’échantillon n’ont pas de diplôme pédagogique, 5% sont en possèdent un diplôme autre et le reste, soit une majorité de 63,9% sont détenteurs tout de même d’un diplôme pédagogique. 7. Les pratiques pédagogiques

Dans la mesure où il existe plusieurs facteurs associés aux pratiques d’enseignement et afin de limiter les risques d’erreurs, la description des pratiques d’enseignement sera circonscrite à quelques variables clés susceptibles de donner une vision assez réaliste des effets de la réforme,

dans la mesure où cette dernière avait aussi pour ambition de transformer fondamentalement les représentations et les pratiques existantes.

Formation complémentaire : les réformes curriculaires ont porté essentiellement sur la transformation et le renouvellement d’anciens programmes mis en place par beaucoup de pays d’Afrique francophones autour des années 80 avec la polarisation de la pédagogie dite par objectifs (PPO). Actuellement, les nouvelles orientations en matière d’éducation, suggérées par les recherches dans ce domaine, ont conduit plusieurs pays à adopter l’approche par compétences comme modèle général d’enseignement dans le cadre des réformes curriculaires. L’objectif de ce choix est de répondre aux problèmes d’inefficacité éducative par la réduction significative des échecs et l’amélioration de la qualité des apprentissages. Aussi, parallèlement aux activités de conception des supports didactiques, nombre de formations ont été dispensées au profit des personnels enseignants en vue de renforcer leurs compétences, car, ce n’est qu’à travers leur adhésion et leur capacité à assumer correctement les tâches pédagogiques que les suites des réformes curriculaires seront visibles, du moins peuvent produire des effets, d’où l’intérêt de la systématisation des procédures de formations inscrites en la circonstance dans le cadre de la formation continue avant d’être intégrées, sous forme de module, dans les institutions de formation initiale.

D’un autre côté, si la formation et surtout l’expérience professionnelle peuvent les faire varier, les pratiques, quelles qu’elles soient, dépendent entre autres de la dynamique des équipes pédagogiques et de la structure de représentation interne de chacun. Dans le premier cas, la collaboration autant que la fréquence des relations entre collègues conditionnent les modes de fonctionnement de l’établissement. Dans le second, il ne fait nul doute que la pratique du redoublement reste fortement corrélée aux représentations que les enseignants entretiennent quant à ses effets supposés, notamment son efficacité par rapport aux apprentissages.

Tableau.II.15: Formation complémentaire des enseignants sur les 3 pays

PAYS Domaine de formation complémentaire

Classe Sans Linguistique APC Multigrade Groupe Autre Total

BÉNIN 2e année 81 19 31 3 4 1 139 5e année 57 18 52 4 5 8 144 GABON 2e année 12 5 99 3 12 5 136 5e année 16 9 90 5 11 8 139 MADAGASCAR 2e année 110 8 34 22 40 4 218 5e année 120 11 12 10 29 7 189

Les analyses précédentes ont montré que beaucoup d’enseignants exercent sans qualification pédagogique, cependant à travers des formations complémentaires, nombre d’entre eux ont l’opportunité de renforcer leurs compétences par le biais des stages de formation continue, des séminaires ou des sessions de recyclage pédagogique comme le montre le tableau ci-dessus. Hormis Madagascar où la gestion des classes à grands groupes présente les effectifs les plus importants, la formation à l’approche par compétences apparaît de loin comme celle dont ont le plus bénéficié les enseignants béninois et gabonais. Néanmoins, on observe des différences entre les deux niveaux. Si au Bénin la plus grande proportion des maîtres formés à l’APC se retrouve en 5e année, la tendance inverse s’observe au Gabon, où la 2e année compte le plus d’enseignants formés à cette pratique. Les différences pourraient s’expliquer d’une part à travers la stratégie adoptée par chaque pays pour conduire la réforme ; d’autre part, la période de l’année qui a été retenue par le PASEC pour mener ses évaluations diagnostiques. Par exemple au Gabon, l’APC a été introduite de façon progressive en commençant par les petites classes dès l’année 2002, alors que l’évaluation PASEC s’est déroulée au cours de l’année 2005.

Supports didactiques : la disponibilité du matériel didactique est l’un des problèmes majeurs que rencontrent les élèves et enseignants en Afrique. Chez l’enseignant, les supports pédagogiques sont à la fois des outils nécessaires à la préparation de classe et des auxiliaires indispensables, dont on a régulièrement recours pour trouver des solutions face à des difficultés rencontrées dans la classe, certaines ss’avérant récurrentes. En plus des défaillances liées à la formation, on sait qu’il se pose aussi des problèmes d’encadrement et de suivi des enseignants. Le guide pédagogique et le manuel deviennent par conséquent des auxiliaires essentiels à l’élaboration du travail d’enseignement pour le maître d’école.

Graphique 5: Disponibilité et utilisation des supports didactiques au Bénin

PAYS Utilisation des manuels par le maître Disponibilité des guides

B

É

NIN

On voit au travers des graphiques ci-dessus que les enseignants béninois, majoritairement, ont un guide pédagogique et utilisent toujours les manuels scolaires pour enseigner.

Graphique 6: Disponibilité et utilisation des supports didactiques au Gabon

PAYS Utilisation des manuels par le maître Disponibilité des guides

G A B O N 189

Même si quelques enseignants gabonais avouent ne pas utiliser les manuels, la majorité déclare y avoir recours. De plus, une forte proportion ne dispose du guide pédagogique, notamment celui de mathématiques parmi les titulaires de 5e année. C’est ce qui est illustré par le graphique (6) ci-dessus.

Graphique 7: Disponibilité et utilisation des supports didactiques à Madagascar

PAYS Utilisation des manuels par le maître Disponibilité des guides

M

ADAG

AS

CAR

Il en est de même pour les enseignants malgaches, dont la grande majorité a recours au manuel pour enseigner, mais aussi à posséder différents guides. Les graphiques qui suivent montrent assez clairement la situation malgache sur la disponibilité et l’usage d’outils didactiques

essentiels que constituent les manuels et les guides pédagogiques. Il existe bien évidemment d’autres types de matériel non pris en compte dans cette description.

Contact avec les collègues – Fréquence des contacts : en général, l’efficacité scolaire dépend aussi de la capacité des équipes pédagogiques à se mobiliser autour d’un projet pédagogique commun. Le graphique ci-dessous montre que le Bénin est le pays où les enseignants collaborent et se fréquentent le plus. Des trois pays, Madagascar est celui où il apparaît le moindre niveau de collaboration et aussi le moindre taux de fréquentation entre collègues. Bien qu’il existe au sein des écoles des circonstances de rencontres comme celle du conseil des maîtres ou réunion

Graphique 8: Relations du maître avec ses collègues

PAYS CONTACT FRÉQUENCE

B É NIN G A B O N M ADAG AS CAR 191

pédagogique, beaucoup d’enseignants se retrouvent parfois dans des grands moments d’isolement face à une difficulté ponctuelle. Dans ces situations, la relation de pair, le conseil et le fonctionnement collaboratif peuvent s’avérer très utiles pour certains enseignants.

Graphique 9: Avis du maître sur l’efficacité du redoublement PAYS

BÉNIN

GABON

MADAGASCAR

Redoublement : Au-delà de toute raison, l’une des croyances communément entretenue dans de nombreux systèmes éducatifs, notamment d’Afrique subsaharienne francophone est de penser que le redoublement comporte des vertus pour les élèves qui le subissent. En effet, plusieurs maîtres, encadreurs pédagogiques et parents d’élèves estiment que cette pratique contribue à

l’amélioration du niveau des acquisitions chez des élèves identifiés comme faibles à l’école (Bernard et coll., 2005). Les graphiques ci-dessus confirment cette représentation qu’ont les enseignants sur le redoublement. Plus de la moitié d’entre eux croit en son efficacité.

7.2. Les autres variables92

La mise en place de l’approche par compétences a conduit à l’élaboration d’un ensemble d’outils didactiques destinés aux enseignants et aux élèves.

Documents APC : les supports enseignants comprennent le curriculum et les guides d’intégration. Le premier sert d’outil de planification des apprentissages et recouvre les différents contenus disciplinaires enseignés aux élèves par niveau. Les seconds, surtout utilisés lors des périodes d’évaluation, renferment les principaux instruments dont l’enseignant se sert pour conduire sa classe. Le graphique ci-dessous montre que les enseignants en majorité disposent de la plupart des documents APC, 49,1% possèdent tous les documents alors que 31,4% détiennent la moitié. Il reste tout de même que 7,4% d’enseignants qui n’ont pas le moindre outil didactique de l’APC.

Graphique 10: Proportion de documents à disponibilité des élèves et des enseignants

PAYS Documents du maître Cahiers de situations élèves

GABON

Cahiers de situations : Pour pouvoir les évaluer et définir les niveaux de maîtrise des différentes compétences disciplinaires, le dispositif APC a imaginé la conception d’outils spécifiques

92 : Relevées dans l’enquête complémentaire.

193

destinés aux apprenants. À ce titre, chaque élève devrait posséder trois cahiers de situations. Chaque cahier contient une série d’activités d’évaluation. L’enquête complémentaire a permis de relever qu’une proportion d’élèves légèrement inférieure à la moitié possède les trois cahiers, soit 48,9%, contre 15% qui n’en ont pas du tout. Tout le problème est de savoir comment évaluer ces derniers, sachant que dans l’APC, les compétences de base se développent par paliers successifs. La résolution des situations problèmes constitue un moyen non seulement de construire chacune des compétences scolaires, mais également d’en certifier la maîtrise.

Conclusion

Ce chapitre avait pour but essentiel de présenter le cadre analytique de la recherche. Nous y avons notamment exposé la structure schématique, ou cadre de référence ainsi que la méthodologie qui ont permis de construire et formaliser les outils d’investigation. Nous avons notamment procédé à une série d’analyses descriptives et générales des variables. Celles-ci permettent de se faire une idée assez juste de la situation des systèmes d’enseignement impliqués dans le champ d’étude.

Si on observe sans surprise des différences de caractéristiques scolaires au niveau des pays, on note également peu de variété à l’intérieur de chaque système éducatif. Ceci étant, les principaux facteurs de variation s’expriment en termes d’organisation scolaire, des modes de fonctionnement ainsi que de l’ensemble des variables caractérisant les enseignants et leur environnement scolaire. Finalement, on va retenir que l’essentiel des différences tient pour une large part à la structure socio-économique et culturelle des différents pays. Deux exemples permettent de résumer cette affirmation. Au niveau des formations on a pu relever un faible taux de participation des enseignants gabonais alors qu’inversement, ils ont été plus nombreux à s’impliquer aux formations sur l’APC. Ensuite lorsqu’on analyse les variables qui déterminent les contacts sociaux, on peut remarquer que le Bénin est le pays qui présente le taux de fréquence le plus élevé sur ces caractéristiques. A l’inverse, le contexte malgache où les contacts humains par excellence restent souvent sobres, montre un niveau de réserve plus élevé des contacts entre collègues. Une analyse sociologique plus poussée pourrait peut-être esquisser un début de réponse à ce résultat.