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Les différentes entrées du curriculum

CHAPITRE II : THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE ET APPROCHE PAR COMPÉTENCES

12. Les différentes entrées du curriculum

Le schéma 1 qui suit présente la structure des différents points d’entrées dans un processus d’enseignement/apprentissage. Selon la tradition, on peut avoir une entrée qui passe par les ressources ou contenus-savoirs, une entrée qui passe par des comportements observables ou objectifs pédagogiques, mais aussi une entrée qui passe par des situations problèmes ou tâches complexes.

Figure 1: Les différents modes d’entrée dans le curriculum

12.1. L’entrée par les ressources

Elle repose sur deux postulats de base : d’une part, que les connaissances se transmettent de celui qui sait à celui qui ne sait pas, et d’autre part, que l’enseignement se produit selon une progression linéaire et graduelle, qui va du simple au complexe. Qualifiée de traditionnelle, l’entrée par les ressources ou contenus-matières a subsisté jusque vers les années 70. Elle se caractérise notamment par le découpage de l’enseignement en disciplines ou sous-disciplines

selon que les savoirs, codifiés ou formalisés (règles, faits, principes, démarches, etc.) appartiennent au même domaine de connaissances. L’approche thématique ou des centres d’intérêt y est privilégiée dans le but de favoriser l’interdisciplinarité. Malheureusement, cette n’empêche pas l’existence d’un cloisonnement parfois arbitraire entre les disciplines et contenus-matières, parfois enseignés en dehors de tout contexte significatif pour l’élève.

L’entrée par les ressources cultive largement les méthodes de type frontal et une évaluation qui vise essentiellement à mesurer les capacités de l’élève au moyen d’exercices structuraux, nécessitant la restitution et l’application des situations proches de celles qui ont été exploitées pendant le cours. Utilisé dans certaines conditions, ce modèle peut se révéler stimulant pour l’activité intellectuelle. Les premiers auxiliaires de l’administration coloniale, destinés aux tâches subalternes ont sans doute été formés grâce à ces principes. Par ailleurs, nombreux sont les enseignants qui utilisent encore aujourd’hui, par commodité ou faute d’alternative, des listes de contenus ou la progression disciplinaire du sommaire des manuels en usage.

12.2. L’entrée par les capacités

Elle correspond à la pédagogie par objectifs issue de la psychologie comportementale ou néo-behavioriste. Dans ce modèle, toute action d’éducation est orientée par un ou des objectifs (s) pédagogiques (s) ou intentions (s) d’apprentissage préalablement défini (s), avant de déboucher sur un comportement observable et mesurable. Devant la multiplicité des objectifs à intégrer dans un curriculum, trois grands domaines ont été arrêtés :

- le domaine cognitif qui se rapporte à la connaissance au sens large ;

- le domaine socioaffectif, qui établit le rapport entre l’individu et son environnement social, mais aussi les manifestations d’attitudes, d’intérêts en relation avec le système de valeurs que la personne devrait normalement entretenir au sein de la société.

- le domaine psychomoteur par lequel les comportements de l’individu vont participer à l’exploration perceptivo-motrice de l’environnement (locomotion, manipulations…) et de ce fait, intervenir dans sa survie.

Ceci étant, il n’existe, pour ainsi dire, pas de frontière nette entre les trois domaines, lesquels restent bien perméables, tout est question de dominante.

Bien qu’il soit aujourd’hui remis en cause, ce modèle reste encore très prégnant dans les classes. En tout cas, il ne fait nul doute que l’entrée par les capacités comporte des avantages. Elle s’intéresse à l’apprenant dans son travail et offre aux enseignants un instrument de communication efficace, à travers la formulation des objectifs pédagogiques en opérations concrètes. L’organisation et la planification des enseignements sont facilitées, de même que le contrôle individuel à travers des critères d’évaluation bien définis, lesquels permettent de faire le diagnostic des difficultés des élèves et délivrer des feedbacks rapides et appropriés.

Ces avantages ne cachent cependant pas des dérives importantes. Ainsi, la multitude d’objectifs fait penser au saucissonnage et alourdit inutilement la tâche des enseignants. La poursuite d’objectifs, qui relèvent surtout du domaine cognitif au détriment des autres domaines, conduit à cultiver davantage par cette démarche, des savoir reproduire, des savoir redire ou refaire, qui sont des opérations de niveau taxonomique inférieure (connaissance, compréhension, application) par rapport au niveau supérieur (analyse, synthèse, créativité, évaluation). Ajouté à cela, le fait que beaucoup d’élèves, même s’ils ont maîtrisé l’objectif d’apprentissage, éprouvent parfois d’énormes difficultés à opérer un transfert positif dans des situations inédites.

De fait comme nous l’avons déjà évoqué, l’entrée par les objectifs est une évolution par rapport à l’entrée par les ressources, dans la mesure où elle permet de clarifier les activités inhérentes aux contenus. Cependant, elle ne garantit pas de façon stricte le caractère fonctionnel des apprentissages. De plus, il apparaît que la formulation réductrice de « pédagogie par objectifs » tend à attirer davantage l’attention sur l’aspect technique au détriment du sens (Demeuse, 2006). 12.3. L’entrée par les situations

Elle s’inscrit dans le paradigme de la continuité définie par la logique des objectifs d’intégration. En effet, les recherches de la psychologie de l’apprentissage sur la cognition permettent aujourd’hui de mieux comprendre le fonctionnement des processus mentaux et les modalités de construction des connaissances. Deux perspectives renforcent simultanément ce modèle : la première en termes de solution à une situation-problème, elle est en lien avec la notion d’objectif pédagogique d’intégration, et la seconde en termes de processus, de démarches ou de schèmes opératoires mis en œuvre pour résoudre le problème posé.

Le mode d’entrée dans lequel s’inscrivent les approches pédagogiques dites par compétences, on s’en doute, travaille à partir des situations significatives, parce que la compétence s’exerce dans

le cadre de situations précises. Autrement dit, les contenus disciplinaires (ressources) ne sont déterminants au processus d’apprentissages, mais les situations dans lesquelles l’apprenant peut utiliser ses « connaissances viables » comme ressources pour se montrer compétent en situation (Jonnaert, 2002). Ce qui pour autant, ne signifie pas qu’il faille sous-estimer les contenus-matières, bien au contraire, il importe que les démarches et les contenus induits soient porteurs de sens pour les apprenants. La construction de compétences ne devrait pas conduire à renoncer à l’acquisition des savoirs et/ou de connaissances factuelles, voire de certains automatismes comme ceux que l’on mobilise systématiquement dans le processus de mémorisation, et restent par conséquent indispensables à la culture intellectuelle de l’apprenant. La culture générale n’est d’ailleurs pas incompatible avec l’APC (Demeuse, 2006). Par ailleurs, le fait pour un élève de posséder des ressources nécessaires à la résolution d’un problème ne prédit pas sa compétence. Il doit en avoir le contrôle et pouvoir identifier les ressources à mobiliser et avoir la capacité de les structurer en schèmes opératoires. Enfin sur ce modèle, il faudrait retenir que les compétences s’élaborent selon une trajectoire en spirale, qui mobilise des apprentissages antérieurs et les fait progresser.

Fait à noter, quel que soit le point d’entrée, il est toujours indispensable que l’élève puisse mobiliser des capacités (tableau II.3). Ceci reste d’ailleurs l’un des facteurs explicatifs des différences que l’on peut observer entre les performances et les comportements d’élèves au terme d’un apprentissage. Autrement, en neutralisant certains facteurs (contexte, âge, sexe, dotations, etc.) les variances des scores entre groupes d’élèves seront fonction de la méthode ou de l’approche pédagogique à laquelle chaque groupe aura été soumis.

Tableau.II.3: Caractéristiques de deux modèles d’entrée dans le curriculum

Approche par objectifs Approches par compétences

Courant psychologique fondateur de l’approche

Béhaviorisme : beaucoup de valeur accordée au

produit de l’action et au couple évaluation/apprentissage

Constructivisme : importance du processus mis en

œuvre et sur l’organisation dans un contexte significatif pour l’élève

Théories d’apprentissage sous-jacentes

L’apprentissage est le produit du conditionnement où l’apprenant associe un comportement à une situation : stimulus – réponse qui malgré tout nécessite des ressources.

Capacités d’action de l’apprenant grâce à l’intégration d’un ensemble de ressources (connaissances, savoirs démarches personnelles), qu’il peut mobiliser, transformer ou réorganiser spontanément.

Enfin du point de vue stratégique, on voit de plus en plus les concepteurs de programmes éducatifs s’attacher à adapter chaque curriculum au contexte dans lequel il sera exploité. Cette démarche, qu’elle émane du pouvoir organisateur de l’école ou d’acteurs techniques et de

praticiens du terrain, tranche avec la tradition des programmes anciens (plutôt importés, ou imposés) et traduit de façon claire une autre vision qui vise à mettre le lien entre les contenus d’apprentissage, les besoins des élèves et les véritables enjeux de la société et du milieu de vie. Dans les classes, les pratiques effectives sont régulièrement contredites et même parfois en opposition avec les prescrits, les opinions et les intentions. Les nouvelles pratiques d’enseignement tendent de plus en plus à se rapprocher des principes socioconstructivistes, ce par la mise en place et l’exploitation d’activités qui entraînent l’implication de l’élève. Cette tendance peut en partie s’expliquer parce qu’il y est plus impliqué, il s’y retrouve. Une telle démarche conduit à proposer beaucoup d’activités sous forme de problèmes à résoudre ou de tâches à réaliser, avec pour finalité, soit de produire un écrit à la suite d’une lecture d’énoncé, une manipulation, voire l’observation d’une expérience ou d’un phénomène naturel, soit entraîner une réflexion qui doit aboutir à une production verbale et de façon plus pratique à adopter une attitude cohérente avec un type donné de règles sociales. En tout cas, ce modèle vise à rendre l’élève de plus en plus apte et compétent face aux apprentissages qu’il construit de façon autonome, ou en partage.