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Afin de faire émerger le point de vue des sujets de notre recherche, nous avons opté pour la méthode de l’entretien parmi les diverses méthodes de récoltes de données existantes. En effet, selon Bakhtine (1984, cité par Clot & Faïta, 2000), « il est impossible de saisir l’homme de l’intérieur, de le voir et de le comprendre en le transformant en objet d’une analyse impartiale, neutre, pas plus par une fusion avec lui, en le « sentant ». On peut l’approcher et le découvrir, plus exactement le forcer à se découvrir, seulement par un échange dialogique. […]

Ce n’est que dans l’interaction des hommes que se dévoile « l’homme dans l’homme », pour les autres comme pour lui-même » (p.19-20).

Les lignes qui suivent exposent la méthode utilisée ainsi que les motifs qui fondent ce choix.

Nous décrirons ensuite le dispositif mis en place de même que le public cible choisi.

5.2.1. L’entretien compréhensif semi-directif

L’entretien compréhensif dit « semi-directif » est très utilisé en sciences sociales. Il n’est « ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (Quivy & Van Campenhoudt, 1995, p.194). Le chercheur élabore une série de questions-guides (sujet du sous-chapitre suivant) qui donnent un cadre à l’entretien. Il est impératif pour lui de recevoir des réponses à chacune de ces questions, cependant, elles ne sont pas forcément posées dans l’ordre du guide d’entretien. La personne interrogée est incitée à s’exprimer librement, le chercheur la recadrant par moments. Ce dernier veille à créer un climat favorisant l’authenticité et la profondeur des propos.

Ce type d’entretien a pour caractéristique d’instaurer un contact direct entre le chercheur et le sujet interrogé, donnant à ce dernier l’occasion d’exprimer ses perceptions, interprétations, expériences. Il s’agit d’une méthode de recueil d’informations qui permet un degré de profondeur des éléments d’analyse, ainsi que le respect des cadres de références des personnes interrogées (langage et catégories mentales). Le chercheur doit cependant mobiliser avec acuité son « esprit théorique », afin que ses interventions apportent des éléments d’analyse féconds (Quivy & Van Campenhoudt, 1995). Ces avantages ont motivé notre choix, puisque nous cherchons justement à faire émerger le point de vue et le vécu de la personne interrogée en les enrichissant et/ou les confrontant au cadre théorique de référence.

De plus, cet outil permet une certaine flexibilité par le fait qu’il « soumet le questionnement à la rencontre, au lieu de le fixer d’avance » (Blanchet & Gotman, 1992/2007). L’entretien compréhensif a en effet comme caractéristique de favoriser l’écoute du terrain sans un modèle théorique fermement fixé à l’avance (Kaufmann, 1996). Nous avons effectivement choisi de développer un cadre théorique en amont des interviews sans pour autant y enfermer la récolte des informations, ceci afin de garder une ouverture à des réalités de terrain imprévues. Nous avons souhaité nous laisser surprendre par les propos des interviewés – tout en gardant fermement nos objectifs en ligne de mire.

5.2.2. Le guide d’entretien

Nous avons élaboré un guide d’entretien (cf. annexe, p.109) afin de soutenir le déroulement de nos interviews. Ce guide « suppose la préparation de deux éléments : la formulation d’une consigne (on appelle consigne l’instruction de l’interviewer qui définit le thème du discours attendu de l’interviewé) et la préfiguration d’axes thématiques » (Blanchet & Gotman, 1992,

p.62). Il est formulé en fonction des connaissances accumulées durant la démarche exploratoire ainsi que des diverses lectures effectuées.

Bien que notre guide paraisse très formel, il vise cependant un déroulement souple des entretiens, en donnant des axes de discussion, de même que des questions potentielles de relance. Nous privilégions l’écoute de la personne interrogée, la discussion ouverte, avec des temps de recadrage si nécessaire. En cela nous suivons les préconisations de Kaufmann (1996), pour qui ce guide doit être très souple et servir de déclencheur à une « dynamique de conversation plus riche que la simple réponse aux questions, tout en restant dans le thème » (p.44). Nous avons élaboré une série de questions, regroupées en différentes thématiques, que nous avons assimilées afin de favoriser un échange naturel et spontané. Cette manière de faire permet de regrouper les idées avec logique, ce qui donne un certain confort pour l’interviewer et favorise la confiance de la personne interrogée. En effet, selon Kaufmann (1996), des questions impromptues ou décousues donneraient des indications négatives à la personne interrogée, qui pourrait alors modérer son engagement dans l’échange.

Nous avons opté pour quelques questions directives en début d’entretien, pour diverses raisons : nous souhaitons récolter un certain nombre de données biographiques afin d’affiner notre analyse ; nous visons également la mise en confiance de l’interviewé. Nous estimons que des questions plus factuelles, ne demandant pas un long développement, permettent un démarrage en douceur de l’entretien. Nous avons défini les thématiques suivantes :

• Caractéristiques de l’interviewé(e) : éléments à caractères sociodémographique, biographique et scolaire. Objectifs : recueillir des éléments contextuels afin d’alimenter l’analyse des données et de nourrir certains liens éventuels.

• Contexte du stage. Objectifs : connaître le contexte de rédaction du rapport de stage afin de tisser des liens entre celui-ci et le vécu de la rédaction du rapport.

• Conditions de rédaction du rapport de stage. Objectifs : connaître le vécu de l’étudiant lors de la rédaction du rapport de stage, l’investissement qu’il y a mis, la manière dont il s’y est pris, les difficultés éventuelles, l’impact du double adressage, les bénéfices de l’exercice pour l’étudiant. Parmi ces conditions, nous avons relevé :

o Le vécu de la rédaction du rapport de stage : afin de connaître l’état d’esprit des étudiants durant le temps de rédaction, l’impact de l’adressage multiple sur l’écriture, le rapport à l’écriture, la manière d’articuler théorie et pratique.

o Les conditions de rédaction du rapport de stage : afin de connaître la manière dont les étudiants s’y sont pris pour rédiger le rapport de stage.

o L’accompagnement reçu pour rédiger le rapport : afin de connaître les soutiens reçus, les demandes éventuelles d’accompagnement.

o Les bénéfices et apprentissages liés à la rédaction du rapport : afin d’entendre le point de vue des étudiants concernant l’aspect formateur et/ou professionnalisant de cet exercice.

o Le sens du rapport de stage : afin de connaître les représentations des étudiants par rapport à cet exercice.

A noter que nous avons soumis le questionnaire à une ancienne étudiante de la HETS&Sa-EESP, afin de vérifier sa pertinence (ce test en a confirmé l’adéquation). Cette grille nous a permis de mener des entretiens sur un mode de discussion que nous qualifions d’ouvert et de spontané. Les personnes interrogées ont pu s’exprimer assez librement et de manière approfondie lorsqu’elles le souhaitaient.

5.2.3. Le public ciblé

Nous avons défini les sujets que nous souhaitions interviewer. Ce choix comporte des enjeux, puisque « définir la population, c’est sélectionner les catégories de personnes que l’on veut interroger, et à quel titre ; déterminer les acteurs dont on estime qu’ils sont en position de produire des réponses aux questions que l’on se pose » (Blanchet & Gotman, 1992, p.50).

Dans notre situation, la population des étudiants de la HETS&Sa-EESP s’est rapidement imposée à nos yeux. Il a par contre fallu délimiter avec plus de finesse les caractéristiques des étudiants interrogés : étudiants à plein temps ou en cours d’emploi ; étudiants en formation pratique 1 ou 2 ; tranche d’âge (sachant que l’âge des étudiants varie de 20 ans à plus de 50 ans). Nous avons finalement opté pour une certaine homogénéité du public en choisissant des étudiants à plein temps, ayant entre 20 et 25 ans. Nous avons par contre souhaité interroger des étudiants à différentes étapes de leur formation, afin de recueillir une plus grande richesse de points de vue et d’expériences. Nous avons basé les entretiens sur la rédaction d’un seul rapport de stage (celui de la formation pratique 1 ou de la formation pratique 2), en ouvrant les questions aux rapports de stage rédigés lors du stage probatoire ou durant la formation.

Pour constituer l’échantillon, nous avons sollicité divers professeurs de la HETS&Sa-EESP, afin qu’ils nous transmettent les noms de quelques étudiants à interroger. Nous avons recueilli une quinzaine de noms et avons contacté ces personnes par courriel. La grande majorité a répondu positivement à notre sollicitation, ce qui semble indiquer un intérêt de leur part pour ce type de recherche ainsi qu’une implication dans les réflexions qui concernent le dispositif de formation. Nous avons effectué huit entretiens, et en avons retenu cinq pour l’analyse dans le cadre de ce mémoire. Ce choix tient à la taille restreinte de cette recherche. A noter que toutes les personnes interrogées sont de sexe féminin, ce qui n’était pas un choix de notre part, mais qui correspond à la réalité de l’école (plus de 70% d’étudiantes).

Nous avons retranscrit intégralement sept des huit entretiens (des problèmes techniques ayant rendu impossible l’écoute du huitième). L’ensemble de ces entretiens a permis d’alimenter nos réflexions concernant la problématique travaillée.

5.2.4. Les paramètres de la situation d’entretien

Nous avons tenu compte des paramètres relevés par Blanchet et Gotman (1992/2007) concernant la situation d’entretien, à savoir : « l’environnement matériel et social, le cadre contractuel de la communication et les interventions de l’interviewer » (p.67). Ces paramètres tiennent compte de la triple dimension d’un entretien, qui est à la fois un rapport social, une situation d’interlocution, ainsi qu’un protocole de recherche.

Les auteurs précités utilisent la métaphore théâtrale pour détailler les paramètres liés à l’environnement : une unité de temps, de lieu et d’action. De fait, les entretiens ont eu lieu dans un cadre temporel donné : entre 1h et 1h30 d’entretien, convenus à l’avance avec l’interviewé. Ils ont pris place dans les locaux du centre de formation, selon le choix des étudiants. Le lieu fut donc calme, propice à la réflexion concernant le dispositif de formation.

Enfin, nous ne connaissions pas les étudiants, ce qui permet une découverte complète des situations, favorisant l’explicitation des éléments abordés. Ayant un statut d’assistante d’enseignement et un passé de professionnelle du social, l’asymétrie de la relation s’en est trouvée atténuée à nos yeux. De fait, le climat fut plutôt chaleureux et de confiance.

Le cadre contractuel quant à lui fut posé systématiquement oralement en début d’entretien ainsi que dans le courriel accompagnant la première prise de contact. Nous avons ainsi spécifié le cadre dans lequel s’inscrit cette recherche, les motifs qui la sous-tendent, la manière dont nous avons obtenu leurs noms et avons garanti la confidentialité de l’entretien.

Nous avons également clarifié le type de participation attendue, à savoir un propos libre et la

possibilité de donner son avis quel qu’il soit. Nous avons également explicité la manière dont nous pensions mener l’entretien (en présentant la grille d’entretien, tout en précisant que l’échange ne suivrait pas ce canevas de manière linéaire). Nous avons précisé que l’entretien serait enregistré (et écouté uniquement par nous-mêmes) et retranscrit intégralement. Nous avons apporté une copie du rapport de stage qui était au centre de la discussion, afin que l’étudiant puisse le consulter, se remémorer certains éléments.

Finalement, nous avons utilisé certaines stratégies d’intervention, afin de rendre efficients et productifs les entretiens menés. Ainsi, des questions de relance ont permis de recadrer la discussion par moments ou de lui donner une nouvelle orientation, voire d’approfondir certaines réflexions. Nous avons également utilisé la reformulation, le reflet, les demandes de précision, les demandes d’explicitation, les complémentations et demandes de développement. Ces techniques d’entretien ont favorisé une formulation claire ainsi qu’un approfondissement des propos.