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CHAPITRE 2 CADRE THÉORIQUE

2. Concepts d’intérêt pour la thèse

2.3 Recontextualisation

Le concept de recontextualisation revêt une place centrale dans cette thèse. D’une part, c’est un concept clé dans le modèle théorique élaboré par Bernstein, pour rendre compte de la spécificité du discours pédagogique (par rapport à d’autres formes de communication) et du mouvement du discours officiel vers les contextes locaux de la pratique pédagogique, notamment à travers le travail des « agents de recontextualisation ». D’autre part, nous nous appuyons sur l’usage qui est fait du concept par des auteurs comme van Zanten et Ball (2000) pour articuler le global et le local. Nous voulons en effet dans notre analyse dépasser le cadre strictement national des réformes éducatives.

2.3.1 La « recontextualisation », ses champs et ses agents, comme concepts centraux dans l’analyse du discours pédagogique

Le concept de « recontextualisation » s’inscrit dans une vision dynamique de la construction du discours pédagogique. Selon Bernstein, le discours pédagogique (1990, 2000) renvoie aux principes qui structurent la communication pédagogique – c’est à dire l’activité centrale de toute institution éducative. Il permet de porter attention au medium de l'éducation et ses spécificités, pour que ce medium ne soit plus perçu comme simple « relais » (ce que Bernstein reproche aux théories de la reproduction notamment) :

It is as if pedagogic discourse is itself no more than a relay for power relations external to itself; a relay whose form has no consequences for what is relayed. (Bernstein, 1990, p. 166)

Le discours pédagogique est construit par un principe de recontextualisation, principe « qui sélectivement, s’approprie, relocalise, recentre et met en relation d’autres discours pour

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constituer son ordre propre » (Bernstein, 2007, p. 66). Dans le processus de recontextualisation, le discours d’origine est « filtré à travers des écrans idéologiques tout en prenant sa nouvelle forme de discours pédagogique » (Ibid., p. 175). C’est une forme de médiation qui transforme le discours lorsqu’il passe d’un site à un autre.

Tout concept, savoir, qui a été réintégré dans le discours pédagogique a nécessairement subi des transformations, il a été altéré, en vue de la visée qui est la transmission et l’apprentissage. Pour illustrer son propos, Bernstein (2007) prend l’exemple de la menuiserie : « à l’extérieur de la pédagogie » il y a la menuiserie, « à l’intérieur de la pédagogie » il y a l’initiation au travail du bois. Dans le premier cas, l’activité n’est médiatisée par rien d’autre qu’elle même dans sa pratique, dans le deuxième, la médiation est intrinsèque à la pratique. On a ici la transformation d’un discours appelé menuiserie en un discours appelé initiation au travail du bois61. La recontextualisation est ainsi un principe sous-jacent à la transformation du savoir en communication pédagogique (que ce savoir soit pratique, intellectuel, officiel ou local).

Ce principe de recontextualisation crée des champs de recontextualisation et des agents avec des fonctions de recontextualisation. Bernstein identifie trois champs qui jouent un rôle clé dans l’élaboration, la circulation et la transmission du discours pédagogique (Figure 1) :

1. Le champ de production du savoir, au sein duquel de nouvelles idées sont créées et modifiées et des discours spécialisés sont développés62. Les savoirs sont produits dans le champ de la recherche scientifique, dans le champ intellectuel, ou encore dans les activités sociales quotidiennes (Stavrou, 2012). Par exemple, on distingue la physique comme activé des physiciens dans le champ de la production du savoir, et la physique en tant que discours pédagogique.

61 La recontextualisation peut être rapprochée de ce que Forquin (2008) désigne par « mise en forme scolaire »

des savoirs.

62 Au niveau des contenus d’enseignement (le « quoi » du discours pédagogique), il s’agit des champs

intellectuels, de la recherche (physique, histoire, etc.), des champs artistiques, des champs manuels (les métiers). Au niveau de la transmission (le « comment »), il s’agit de théories provenant des sciences sociales, par exemple la psychologie. Si ce modèle met l’accent sur la production de discours à l’intérieur du champ éducatif, Bernstein (1990) souligne qu’il existe également une production de discours en dehors du champ éducatif et que ceux-ci peuvent également être recontextualisés dans le discours pédagogique.

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2. Le champ de reproduction dans la pratique pédagogique, là où le discours pédagogique est transmis aux apprenants, au niveau des écoles, de la salle de classe. Les textes pédagogiques crées par le champ de recontextualisation seront transformés lorsqu’ils feront l’objet d’une appropriation par les enseignants dans leurs interactions avec les élèves.

3. Entre les deux se trouve le champ de recontextualisation dont la fonction principale est de réguler la circulation du savoir entre les deux premiers champs en vue de la formation des apprenants. Les agents qui opèrent dans ce champ sont concernés par la circulation des textes, soit « the movements of texts/practices from the primary context of discursive production to the secondary context of discursive reproduction » (Bernstein, 1990, p. 92). Les agents de recontextualisation sont rarement les producteurs du savoir. Par exemple, les auteurs des manuels de physique sont rarement des physiciens. Ces agents vont opérer une sélection dans le champ de la production du savoir, ils vont sélectionner la manière dont la physique sera mise en relation avec d’autres sujets, selon un séquençage et un rythme d’acquisition particulier. Outre le « quoi » du discours pédagogique, la recontextualisation sélectionne aussi le « comment », ou la théorie de l’instruction (qui contient en elle-même un modèle de l’apprenant et de l’enseignant)63. Le discours pédagogique donc, « est moins un discours qu’un principe pour s’approprier les discours du champ de la production, et les subordonner à un principe différent d’organisation et de relation » (Bernstein, 2007, p. 175).

C’est sur le troisième champ que nous allons nous focaliser dans cette thèse, car il est particulièrement pertinent par rapport à notre objectif de recherche. C’est là que le discours pédagogique officiel va être constitué. C’est aussi un espace de lutte entre groupes sociaux, entre agents de recontextualisation, pour la définition du « quoi » et du « comment » du discours pédagogique et où l’idéologie peut jouer un rôle fondamental. Comme le souligne

63 Ainsi, chaque modèle pédagogique recontextualise des théories issues du champ de la production du discours.

Par exemple le modèle de performance tend à sélectionner dans le champ de la production du discours des théories de l'apprentissage de type béhavioriste; alors que le modèle de compétence recontextualise des concepts issus des sciences sociales (linguistique, psychologie, sociologie, anthropologie) dans les années 1960 et 1970.

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Bernstein, chaque fois qu’un discours se déplace, circule, « il y a un espace dans lequel l’idéologie peut jouer » (2007, p. 34).

Figure 1 Champs de production, de recontextualisation et de reproduction du discours pédagogique

Adapté de Bernstein (2000)

Une fois le discours officiel « relocalisé » au niveau du champ de « reproduction », il subira alors d’autres transformations lorsque qu’il sera activé dans les processus d’enseignement et d’apprentissage. Mais il s’agira alors de transformations d’un autre ordre, dont l’analyse relèverait d’études portant sur le curriculum réel, à travers l’observation des pratiques en classes. Pour cette raison, nous n’élaborerons pas ces aspects ici.

Le champ de recontextualisation et ses deux sous-champs : officiel et pédagogique

Bernstein distingue deux sous-champs dans le champ de recontextualisation qui ont chacun leurs « agents » de recontextualisation :

- Champ officiel de recontextualisation (COR) – Le COR, crée par l’État pour la production et la surveillance du discours pédagogique officiel, inclut les départements spécialisés de l’État et ses agences, ainsi que les autorités locales chargées de l’éducation avec leur système d’inspection (Bernstein, 1990). Il peut aussi inclure des consultants, des conseillers provenant des milieux éducatifs, des milieux économiques et du contrôle

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symbolique64. Le COR a la responsabilité de créer, de maintenir ou de changer le discours pédagogique officiel. Il peut y avoir plus d’un ministère impliqué dans ce champ (par exemple, le ministère en charge de l’emploi), et au fil du temps ce champ peut intégrer d’autres agences ou services qui lui étaient extérieurs.

- Champ de recontextualisation pédagogique (CRP) – Il existe habituellement un champ de recontextualisation pédagogique constitué par un groupe plus hétérogène (et qui varie selon les systèmes éducatifs) : pédagogues et formateurs dans les institutions de formation des maîtres, facultés de sciences de l’éducation dans les universités, maisons d’édition de manuels scolaires, médias spécialisés en éducation, organismes de recherche et fondations privées. Il peut y avoir dissensions ou conflits au sein même du CRP (par exemple, les sponsors du modèle de compétence vs. modèle de performance) où l’on peut trouver un éventail de positions pédagogiques. Le CRP a une fonction essentielle dans la mesure où il permet l’autonomie relative du discours pédagogique. Par exemple, dans les années 1970, l’État britannique n’avait pas de contrôle direct sur les contenus pédagogiques et leurs modalités de transmission, ceux-ci étaient liés aux activités du CRP qui jouissait alors d’une grande autonomie (Bernstein, 2000).

Le champ de recontextualisation est donc un « espace d'affrontement entre différents groupes » et « crée des lieux potentiels de contestation et d'opposition » (Bernstein, 2007, p.73). Les positions dans les deux sous-champs peuvent être opposées, ainsi la relative indépendance du CRP par rapport au COR revêt une certaine importance. Selon Apple (2002), l’existence du CRP (surtout si ce champ est assez autonome et va à l’encontre du discours officiel), ainsi que les conflits internes au COR suggèrent que l’État ne peut jamais monopoliser le processus de production curriculaire. Le champ officiel a aussi plus ou moins

64 Le champ économique est celui de la production et s’appuie sur des ressources matérielles, physiques, alors

que le contrôle symbolique fait référence aux agences et agents qui s’appuient sur des ressources discursives (Bernstein, 1990), par exemple docteurs, prêtres, travailleurs sociaux, psychologues, agents administratifs. En 1975, Bernstein définissait la nouvelle classe moyenne anglaise comme constituée par les nouveaux « agents du contrôle symbolique », appartenant aux professions spécialisées dans les services des personnes. Bernstein (1990) fait l’hypothèse que les changements économiques vont avoir un effet sur les agents influents dans le champ étatique : dans les périodes d’expansion économique, ce serait plutôt les agents du champ du contrôle symbolique qui seraient influents alors que dans les périodes de récession les agents les plus influents proviendraient du champ économique.

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de contrôle sur les contenus du curriculum (selon une plus ou moins grande centralisation de la définition du curriculum, l’importance des évaluations ministérielles standardisées, etc.). L’autonomie du CRP, son étendue, ses conditions, ne peuvent jamais être déduite a priori, mais doivent faire l’objet d’une analyse empirique. Un indicateur de cette autonomie est la mesure dans laquelle le CRP est autorisé à exister et à influer sur les pratiques pédagogiques.

Le champ de recontextualisation est donc loin d’être monolithique. Cette confrontation de différents agents pour la construction du discours pédagogique donne un aspect dynamique

au modèle. Selon Apple (2002), une des conséquences d’un tel principe de recontextualisation

est que d’une part, les politiques curriculaires sont relativement mixtes d’un point de vue pédagogique (reflétant les luttes et les compromis entre courants pédagogiques par exemple) et que d’autre part, elles se transforment au fur et à mesure qu’elles cheminent, ce qui rejoint le concept de « trajectoire » tel que défini par Ball (2006). Ce principe permet également d’appréhender de façon non déterministe la mise en œuvre des politiques. Le discours officiel ne s’impose pas du haut vers le bas sans transformation (Muller, 1998). Bernstein (1990) identifie plusieurs types de transformations qui ont lieu lors du processus de recontextualisation : « When a text is appropriated by recontextualizing agents, operating in positions of this field, the text usually undergoes a transformation prior to its relocation » (p. 192). Le texte peut avoir changé de position par rapport aux autres ou il peut avoir été modifié par sélection, simplification, condensation, élaboration, ou la focale du texte a pu être changée.

Le travail de recontextualisation par les agents du champ officiel

Le déplacement du discours officiel dans le temps et dans l’espace n’est pas un processus consensuel, il fait intervenir des intérêts et des positionnements identitaires divers. Selon Reeves et Drew (2012), le processus de recontextualisation au niveau des divers « points de transmission » des textes du centre vers la périphérie est trop peu problématisé, et trop souvent pris pour acquis. Or, les points de transmission sont particulièrement intéressants à étudier car le sens des politiques y est ouvert à la contestation et à l’interprétation.

Paying attention to the relays ‘created’ by policy makers serves to illuminate some of the complexities of the relational networks constructed during policy implementation. Often the kinds of recontextualisations […] are paid scant attention. They are trivialised as

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‘hoops to jump through’, routinised tasks, or simply treated as unproblematic and yet there is a great deal at stake at these junctures. (Ibid., p. 728)

Ces points de transmission sont des « jonctions critiques » (critical junctures) où des

luttes, des conflits se font jour. À ces points de jonction se trouvent des agents dont la fonction

est de recontextualiser le discours officiel. Ils se trouvent à l’interface entre champ officiel, champ pédagogique et champ de reproduction du discours pédagogique. S’ils peuvent être également impliqués dans la production des textes officiels, ils doivent se saisir de ces textes pour les relocaliser au niveau des établissements. Cette position d’interface au confluent de ces différents champs fait de ces acteurs des informateurs privilégiés sur la production du discours pédagogique et sa circulation : ils opèrent au sein de l’« intermédiation pédagogique » (Mangez, 2008), à la fois en dedans et en dehors du groupe des enseignants (Draelants, 2009).

Leur rôle est de donner accès aux textes de la politique officielle aux enseignants (Singh et al.,

2013)65.

Or, des chercheurs ont montré que ces agents ne sont pas des relais neutres du discours central mais plutôt des traducteurs ou interprètes du prescrit légal (Jephcote et Davies, 2004; Mangez, 2008). De par leur mission de transformation des représentations et identités enseignantes, ils peuvent dans certains systèmes éducatifs être considérés comme « entrepreneurs de changement institutionnel » (Draelants, 2009, p. 190). Plus récemment, les travaux de Stavrou (2012)66 ont montré que la recontextualisation est un processus « non- déterministe » dans lequel les agents pédagogiques font intervenir dans leurs activités des catégories socio-cognitives ainsi que des stratégies et logiques d'action qui leur sont propres : « Ils opèrent des ajustements individuels et collectifs, et ils donnent lieu à des solutions locales. C'est en cela qu'il est intéressant de les étudier de plus près » (Ibid., p. 479). Ainsi l’analyse de ce processus permet de mettre à jour une pluralité de « déclinaisons empiriques » (Ibid., p. 18) du discours officiel et du modèle curriculaire privilégié dans les textes

65 Singh, Thomas et Harris (2013) se penchent sur les agences responsables du développement professionnel, de

la production des guides d’enseignements et autres ressources.

66 Stavrou (2012) prend comme objet d’analyse la transformation des curricula universitaires, examine le

processus de recontextualisation à travers d'une part, le champ officiel de recontextualisation (activités de production du discours politique et activités expertes); d'autre part, le champ pédagogique de recontextualisation, c'est-à-dire les activités des agents impliqués dans la production et réalisation des programmes universitaires.

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prescriptifs. Il faut cependant prendre garde à ne pas relativiser les positions et marges de manœuvre des uns et des autres, et garder à l’esprit qu’il existe des différences dans le pouvoir qu’ont les différents acteurs d’influencer, de rejeter, de transformer une politique curriculaire : « actors are unequally placed to advance their interests and are constrained by the power relations between different parts of the system » (Jephcote et Davies, 2004, p. 549).

Deux types d’éléments vont entrer en jeu :

- Des catégories cognitives et normatives : celles-ci renvoient aux conceptions du savoir légitime, aux conceptions pédagogiques, aux valeurs (par exemple en termes de justice scolaire) et « ethos professionnel »67 qui vont jouer un rôle de filtre d’interprétation (Maroy et Demailly, 2004).

- Des ajustements stratégiques et pragmatiques, qui renvoient aux intérêts des acteurs, jeux d’influence, positions, ressources. Les logiques d’action peuvent notamment osciller entre « rapport d’intéressement » et « rapport d’évaluation » (Eymard-Duvernay et Marchal, 1994, cité dans Draelants, 2009)68. Pour comprendre ces ajustements il faut porter attention au mode de recrutement et à la trajectoire des acteurs, au modèle professionnel qui sous-tend leur activité, mais aussi à leur contexte de travail et aux valeurs de leur organisation. Ainsi, en comparant la médiation de la réforme du socle de compétences dans deux réseaux éducatifs en Belgique, Mangez (2008) a montré que les stratégies de mise en œuvre sont différentes selon que les agents sont recrutés par cooptation ou recrutés sur concours.

Dans ses développements théoriques sur la recontextualisation, Bernstein (1990, 2000) donne peu de détails sur ces agents et leur travail. Son but est de proposer un « modèle » qui puisse rendre compte, au moins au niveau formel, de l’idée que le discours pédagogique est

67 Maroy et Demailly (2004) identifient plusieurs types d’ethos chez les agents de régulation intermédiaire :

humanisme; attachement à la règle (garantie d’équité pour les usagers), à la loi (rationalité); élitisme; démocratisation des positions (lutte contre l’échec scolaire des défavorisés); modernisme organisationnel (rationalisation de l’action, culture de l’évaluation, autonomie des acteurs de base contrôlée a posteriori).

68 Dans le premier cas, l’acteur s’efforce de mobiliser l’autre en l’intéressant aux objectifs qu’il poursuit. Dans le

second, on se réfère à des règles et principes généraux, on vient « dire la norme » (par exemple le programme), dire ce que les enseignants doivent faire, ce qu’ils ne peuvent plus faire (Draelants, 2009, p. 200).

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toujours un discours recontextualisé69. Il nous faut donc nous tourner vers les chercheurs ayant mobilisé les concepts de champs et d’agents de recontextualisation dans leurs travaux empiriques, pour nous éclairer sur la façon dont ces concepts peuvent être opérationnalisés. Pour affiner et enrichir notre cadre théorique, nous nous appuyons sur un corpus de travaux anglo-saxons portant sur des analyses empiriques du travail de médiation et de recontextualisation des politiques éducatives par les agents intermédiaires (Ball, Maguire, Braun et Hoskins, 2011b; Reeves et Drew, 2012; Singh et al., 2013 ; Spillane, Reiser et Reimer, 2002).

Concrètement, une étude de la recontextualisation peut consister à analyser les événements au cours desquels se déroule le travail des agents. La recontextualisation se traduit par un travail à la fois de transformation du discours, et son relais d’une sphère d’activité à une autre. Un processus de re-codage des textes intervient au fur et à mesure que le discours pénètre de nouveaux territoires (Reeves et Drew, 2012). Un outil heuristique pour analyser ces processus est la distinction entre « interprétation » et « traduction » développée par Ball, Maguire, Braun et Hoskins (2011b). Elle permet d’opérationnaliser l’analyse de la recontextualisation par les agents au niveau méso (Singh et al., 2013).

Ces processus d’interprétation/traduction ont lieu quand les textes officiels se déplacent d’un site à un autre, c’est à dire quand les textes sont delocated puis relocated (Bernstein, 1990). L’interprétation concerne le décodage (decoding) des textes : ils sont interprétés lors de réunions, briefings, groupes de travail, etc. C’est un processus qui peut inclure l’élaboration d’une stratégie pour « vendre la politique au personnel » (Ball et al., 2011b).

Interpretation is an initial reading, a making sense of policy – what does this text mean to us? What do we have to do? Do we have to do anything? It is political and substantive reading – a ‘decoding’ (Ball, 1993). A process of meaning making which relates the smaller to the bigger picture (Fullan, 2001, p. 8). (Ibid., p. 619)

Dans un deuxième temps, la traduction consiste à mettre les textes en actions : il s’agit de transformer la politique en matériels, pratiques, procédures. C’est un « re-codage »

69 Il fournit quelques exemples du champ de recontextualisation en Angleterre mais se limite à une description

succincte de la dynamique entre les deux champs (contrôle grandissant de l’État, donc du champ officiel, sur le curriculum dans les années 1970; tensions internes au champ pédagogique entre modes de performance et modes de compétence).

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(recoding) de la politique en lien avec des contextes spécifiques. La politique peut être mise en acte par le coaching, le modelage, des réunions, des discussions, des « observations » qui rendent les pratiques visibles.

Translation is an iterative process of making texts and putting those texts into action,