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LE RECOURS À L’HARMONISATION TOTALE

SECTION 1. UN FACTEUR D’ÉQUILIBRE DES OBJECTIFS ?

B. LA RECHERCHE DE L’INTERÊT DES CONSOMMATEURS DANS L’OBLIGATION D’ALLER AU-DELÀ DU NIVEAU DE PROTECTION INTERNE LE PLUS BAS

58. La faculté reconnue au législateur de l’Union de ne pas entériner le plus haut niveau interne de protection des consommateurs est contrebalancée par une certaine limitation de sa marge de manœuvre. Il semble que cette limitation soit en faveur des consommateurs. Il a ainsi été affirmé, sur la base du paragraphe 1 précité de l’article 169 TFUE139, que « si le niveau de protection recherché ne doit pas correspondre au niveau le plus élevé de protection offert par les lois en vigueur dans les États membres, le compromis ne peut se faire non plus sur le niveau de protection le moins élevé au sein des États»140. Cette affirmation semble être confirmée par la Cour de justice qui, on le rappelle, retient que « le résultat général que la directive vise à atteindre, [consiste] à améliorer sensiblement la protection »141.

59. En ce qui concerne la directive sur les pratiques commerciales déloyales, on a évoqué plus haut le fait que certains États membres ont vu une régression du niveau de protection de leurs consommateurs. Toutefois, il ne semble pas qu’il s’agisse des États qui avaient le niveau le plus bas, bien au contraire. En tout état de cause, la Commission révèle, sur la base d’un certain nombre d’études, que

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On rappelle qu’aux termes de cette disposition, « afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, l'Union contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ainsi qu'à la promotion de leur droit à l'information, à l'éducation et à s'organiser afin de préserver leurs intérêts ».

140 Th. BOURGOIGNIE, précité, p. 164.

39 « l’expérience acquise pendant les premières années d’application de la directive démontre que cette dernière a contribué à améliorer la protection des consommateurs dans les États membres ». Bien entendu, il faut interpréter cette affirmation au regard de la jurisprudence de la Cour de justice précitée pour comprendre qu’il s’agit du résultat général de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Il est vrai que nous n’avons pas personnellement mené des enquêtes au niveau de chacun des États membres de l’Union européenne, ce qui semble d’ailleurs une entreprise difficilement réalisable dans le cadre d’une thèse. Cependant, nous ne pouvons raisonnablement penser que tous les États avaient atteint un niveau de protection des consommateurs au moins égal à celui résultant de la directive. On peut donc se permettre de présumer que cette dernière a engendré une évolution de certains droits nationaux.

60. En tout état de cause, on ne peut s’empêcher, comme l’a fait M. Bourgoignie, de se demander si le législateur est en droit de choisir un niveau de protection qui ne correspond pas au moins à celui qui prévalait dans une majorité des États membres. Plus clairement, on prend l’hypothèse dans laquelle le niveau choisi est plus élevé que le plus bas atteint au plan interne, mais moins que celui qui résulte globalement des droits des nationaux. L’obligation d’assurer un niveau commun élevé serait-il atteint ? Si on se base sur la solution précitée de la Cour de justice, on pourrait répondre négativement à cette question puisque pour cette dernière, il faut prendre en compte le résultat général que la directive vise à atteindre, « consistant à améliorer sensiblement la protection »142. Or, cet effet global ne saurait être considéré comme atteint si l’action de l’Union entraîne un abaissement du niveau de protection des consommateurs dans la majorité des États membres.

142 Point 48 de l’arrêt Allemagne c/ Parlement européen et Conseil, précité. Ces mots ont été soulignés par nos soins.

40 61. Pour ce qui est de la réglementation étudiée, on ne saurait affirmer qu’elle a engendré un abaissement du niveau de protection des consommateurs dans la majorité des États membres. On ne pourrait non plus prouver qu’elle a conduit à une élévation dans la majorité des cas, même si cette dernière hypothèse semble emporter notre conviction. Mais ce qu’il convient de retenir présentement, c’est bien que les libertés et obligations qui sont celles du législateur européen dans le choix du niveau de protection des consommateurs européens semblent permettre, à première vue, de concilier recherche d’un meilleur fonctionnement du marché intérieur et quête d’un niveau commun élevé de protection des consommateurs. Cette idée de recherche d’équilibre pourrait également ressortir de l’injonction faite aux États membres de ne pas aller à l’encontre du niveau de protection instauré par la directive.

§ 2. L’IMPOSSIBILITE POUR LES ÉTATS MEMBRES DE MODIFIER LE NIVEAU DE PROTECTION DES CONSOMMATEURS : UN AVANTAGE POUR LE MARCHÉ ? 62. Nous venons de voir que l’une des caractéristiques principales de la directive d’harmonisation totale est que le législateur de l’Union définit lui-même le niveau de protection qui doit résulter du rapprochement des législations concernées. Cette prérogative lui permet de protéger certes le consommateur, mais encore, de s’assurer que les intérêts du marché intérieur ne seront pas compromis par les États membres. C’est sur ce point qu’intervient la véritable spécificité de ce type de directive : l’impossibilité pour les États de modifier le niveau de protection des consommateurs choisi au niveau européen. Dans le cadre de la directive étudiée, on verra que c’est évidemment ce principe qui gouverne (A), même si celui-ci est assorti d’exceptions bien prédéfinies (B). Par la suite, nous étudierons spécifiquement le cas de la liste noire de l’annexe 1 de la directive qui semble être

41 une illustration intéressante de la recherche d’équilibre entre les intérêts du marché et ceux des consommateurs (C).