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LE RECOURS À L’HARMONISATION TOTALE

SECTION 2. UNE MÉTHODE CONFORME AUX OBJECTIFS DU DROIT DE L’UNION ?

B. AU REGARD DU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ

1. La notion de proportionnalité

125. Le principe de proportionnalité pose, semble-t-il, « la question de l’intensité et de la nature de la mesure de l’Union »234. Il est prévu par l’article 5, paragraphe 4 TUE. Mais à l’origine c’était une règle jurisprudentielle dégagée du principe dit de la reconnaissance mutuelle, lui-même dégagé par la Cour de justice de l’Union européenne. Il s’agissait en effet de lutter contre les entraves à la libre circulation

69 des marchandises et des services, que constituaient certaines mesures législatives et administratives nationales. Ce principe de la reconnaissance mutuelle, qui est tiré de l’affaire dite Cassis de Dijon235, veut en effet que « tout produit importé d'un État membre doit être en principe admis sur le territoire de l'État membre importateur s'il est légalement fabriqué, c'est-à-dire s'il est conforme à la réglementation et aux procédés de fabrication loyaux et traditionnels du pays d'exportation, et commercialisé sur le territoire de ce dernier »236. La Commission précise, au demeurant, que « l'acceptation de ce principe implique que les États membres, lors de l'élaboration de réglementations commerciales ou techniques susceptibles d'avoir une incidence sur le bon fonctionnement de la libre circulation des marchandises, ne sauraient se situer dans une perspective exclusivement nationale et ne tenir compte que d'exigences propres aux seuls produits nationaux »237. Elle ajoute que « le bon fonctionnement du marché commun exige que chaque État membre tienne compte également des exigences légitimes des autres États membres »238.

235 CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral, Rec., 1979, p. 649. Pour les commentaires de cet arrêt ainsi que du principe qui en est sorti, V., notamment, J. McMILLAN, « La certification, la reconnaissance mutuelle et le marché unique », Revue du marché unique européen, n°2, 1991, p. 181 et s. ; A. MATTERA, « Le principe de la reconnaissance mutuelle : instrument de préservation des traditions et des diversités nationales, régionales et locales », Revue du marché unique européen, n° 2, 1998, p. 5 et s. ; G. RIVEL, « Le principe de reconnaissance mutuelle dans le marché unique du XXIème siècle », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, 2007, n° 511, p. 518 et s. ; R. MUNOZ, « Le principe de reconnaissance mutuelle et l’abrogation de la décision 3052/95 », article issu d’une présentation faite lors de la conférence Le principe de reconnaissance mutuelle, organisée par le Centre d’Etudes Internationales et Européennes (CEIE) de Strasbourg le 5 décembre 2008, disponible à l’adresse suivante : http://www.europarl.europa.eu/hearings/20070605/imco/munozdet_fr.pdf; J.-P. PIZZIO, « Le marché intérieur des consommateurs, le droit de la consommation d’origine communautaire et son application dans les États membres de l’Union européenne », 1ère partie, Rev. Lamy dr. aff., 2008, n° 32, p. 99 et s. ; J. CALAIS-AULOY, « Un Code européen de la consommation », in Vers un Code Européen de la

consommation, codification, unification et harmonisation du droit des États membres de l’Union européenne,

Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 402 et s. ; J. STUYCK, « Réflexions sur une meilleure intégration du droit de la concurrence et du droit des pratiques commerciales déloyales », Rev. inter. dr. économ., 2011, p. 457 et s. 236 V. la Communication de la Commission sur les suites de l'arrêt Cassis de Dijon, J.O. C, n° 256 du 3 octobre 1980, p. 2-3.

237 Ibid. 238 Ibid.

70 126. On constate donc que le principe de la reconnaissance mutuelle, dans le domaine non harmonisé, permet de sauvegarder le bon fonctionnement du marché intérieur tout en préservant la possibilité pour les États membres de protéger les intérêts nationaux, dont ceux de leurs consommateurs. D’une manière générale, la Cour de justice retient que « les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions : qu'elles s’appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre »239. Le principe de la proportionnalité apparaît clairement dans cette solution.

Par la suite, ce principe a été intégré au droit primaire. Il ressort en effet de l’article 5, paragraphe 4, TUE, qu’« en vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ». On le voit bien, l’importance de ce principe est indéniable dans la mesure où il permet de contrôler l’intensité des actions de l’Union. Ainsi, en conduisant à la mise en balance, c'est-à-dire à la recherche de l’équilibre entre les intérêts en présence, le principe de proportionnalité impose que « seule la limitation nécessaire à cette conciliation puisse être instaurée »240. Il permet donc de contrôler la nécessité et l’adéquation de la mesure241. La question

239

V. CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard, Aff. C-55/94, Rec., I-4165, point 37 ; obs. G. FRIDEN, « Cour de justice des Communautés européennes », in Annales du droit luxembourgeois, 1995, Vol. 5, p. 461 et s. ; J.-R. FARTHOUAT, F. PUEL, « L'arrêt "Gebhard": la clarification de la distinction entre établissement et prestation de services », Gaz. Pal., 1996, III, Doct. p. 18 et s. ; L. IDOT, Europe 1996, Janvier, Comm. n° 30, p. 17-18. V. également, dans le même sens, notamment, CJCE, 31 mars 1993, Dieter Kraus / Land Baden-Württemberg, Affaire C-19/92, Rec., I-1663, point 32 ; obs. : L. CARTOU, « Liberté d'établissement et diplômes universitaires »,

PA, 1993, n° 108, p. 19 et s. M. de GUILLENCHMIDT, J.-C. BONICHOT, « Liberté de circulation des personnes -

Applicabilité du droit communautaire - Limitations admises à la liberté de circulation pour des raisons impérieuses d'intérêt général », PA, 1993, n° 108, p. 17 et s.

240

V. MICHEL, Recherches sur les compétences de la Communauté européenne, Thèse, éd. l’Harmattan, 2003, p. 495.

71 qui se pose maintenant est celle de savoir si en optant pour une harmonisation totale, le législateur européen ne va pas au-delà de l’utile, de ce qui est nécessaire pour réaliser la fédération des deux objectifs de la directive.