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Le rapport au savoir, les aspirations et les projets professionnels

2. Le cadre conceptuel

2.7. L’opérationnalisation du rapport au savoir

2.7.2. Le rapport au savoir, les aspirations et les projets professionnels

Dans sa recherche doctorale, Beaucher (2004) rencontre dix jeunes hommes et dix jeunes femmes de 5e secondaire, âgés entre 15 et 18 ans. Elle utilise un questionnaire, un bilan de savoir et une entrevue

semi-structurée pour cerner la nature du rapport au savoir des adolescents au regard de leur aspiration ou projet professionnel. Parmi les structures de classification élaborées par l’auteure, nous en retiendrons quatre qui nous semblent pertinentes en regard de notre objectif de recherche, soit celles portant sur

l’intérêt pour l’apprentissage, les degrés et les motifs de mobilisation sur les contenus, les motifs de fréquentation scolaire et les fonctions de l’école.

L’intérêt pour l’apprentissage

Alors qu’elle questionne des élèves de 5e secondaire à propos de l’utilité, de l’importance et du

plaisir qu’ils attribuent aux savoirs, Beaucher (2004) fait un constat allant dans le même sens que celui qu’a fait Charlot (1999) à propos de ce qui rend un cours intéressant. Beaucher observe une confusion entre les trois notions ; j’aime parce que c’est intéressant, c’est intéressant parce que c’est important, c’est important parce que c’est utile, c’est utile alors j’aime… La chaîne d’argumentation débute à n’importe quel point, mais couvre généralement l’ensemble importance-plaisir-utilité, qui ne forme qu’une seule et même réalité pour la majorité des jeunes rencontrés.

Beaucher met en lumière quatre catégories qui rendent compte de l’intérêt pour l’apprentissage, soit le goût pour l’apprentissage, l’objet de l’intérêt, le poids de l’apprentissage et la curiosité intellectuelle (cf. Tableau 4). Parmi les élèves qui expriment leur goût pour l’apprentissage, certains le justifient par leur envie de connaître de nouvelles choses, de s’enrichir et de se perfectionner, ou encore aimer apprendre uniquement les choses qui ne constituent pas, à leurs yeux, une perte de temps. La sous-catégorie « objet de l’intérêt » ne se distingue de la précédente qu’en regard aux termes utilisés par les élèves pour se décrire ; alors que la première sous-catégorie regroupe les énoncés dans lesquels les élèves disent « aimer » apprendre, la deuxième comprend les énoncés dans lesquels ils se disent « intéressés ». Au-delà du fait de qualifier d’« intéressés », les élèves expriment vouloir tout savoir, n’en avoir jamais assez, être stimulés par la découverte de nouvelles choses ou encore lorsque ce sont des choses qui les intéressent. Le « poids de l’apprentissage » porte sur l’obligation d’apprendre et inclut les énoncés dans lesquels les élèves évoquent le « devoir » d’apprendre ou, inversement, le fait qu’apprendre ne soit pas une corvée. La sous-catégorie portant sur la curiosité intellectuelle rassemble les propos des apprenants qui se qualifient de curieux, d’avides de connaissances.

Tableau 4. L’intérêt pour l’apprentissage selon Beaucher (2004)

Catégories

Goût pour l’apprentissage Objet de l’intérêt

Poids de l’apprentissage Curiosité intellectuelle

Les degrés et les motifs de mobilisation sur les contenus

Beaucher (2004) rend compte des motifs qui influent sur la mobilisation des sujets sur l’apprentissage (cf. Tableau 5). Elle regroupe les énoncés selon que les contenus suscitent une mobilisation élevée, faible ou égale. Parmi les élèves faisant état d’une mobilisation élevée sur les contenus, certains la justifient par le fait de cultiver déjà un intérêt personnel à leur égard, alors que d’autres la justifient par l’utilité des contenus. Sont jugés utiles les contenus favorisant le développement du potentiel ou le développement de la culture générale. Les élèves estiment également utiles les apprentissages qui pourront être réinvestis dans des situations précises, c’est-à-dire lorsque des liens avec le métier qu’ils souhaitent exercer, ou avec la vie en général, sont perçus.

Les contenus suscitant une faible mobilisation sont ceux que les élèves jugent inutiles. La mobilisation est faible lorsque les contenus sont trop complexes ou trop nombreux, lorsque les élèves ne perçoivent pas de liens entre les contenus et le but professionnel qu’ils se sont fixé, ou encore avec la vie en général. Certains élèves indiquent adopter une stratégie d’investissement minimale pour réussir lorsque les contenus leur paraissent inutiles.

Enfin, les élèves qui estiment se mobiliser de façon égale sur tous les contenus le font soit par obligation et par habitude, soit au cas où ils auraient à en faire une utilisation ultérieure, ou bien parce qu’ils sont curieux et ont le goût de tout apprendre.

La structure classificatoire portant sur les degrés et les motifs de mobilisation sur les contenus fournit une grille de lecture permettant d’explorer non seulement la dimension du soi-apprenant, mais aussi celle du rapport à l’avenir, puisque l’utilité des contenus porte essentiellement sur leur réutilisation ultérieure.

Tableau 5. Les degrés et les motifs de mobilisation sur les contenus selon Beaucher (2004)

Catégories Sous-catégories

Mobilisation élevée Par intérêt personnel pour certains contenus

Sur des contenus jugés utiles Développement du potentiel

Développement de la culture générale Perception de liens avec le but visé Perception de liens avec la vie en général Mobilisation faible Sur des contenus jugés inutiles Trop complexe, trop de matière

Absence de liens avec le but visé Absence de liens avec la vie en général Mobilisation minimale pour réussir Mobilisation égale Sur tous les contenus Mobilisation par obligation, par habitude

Éventualité d’une utilisation ultérieure Par curiosité

Les motifs de fréquentation scolaire

La structure classificatoire portant sur les motifs de fréquentation scolaire des élèves distingue les motifs stimulants des motifs peu stimulants. Parmi les motifs stimulants, les élèves évoquent la préparation de l’avenir et d’un métier. Pour eux, l’école constitue la meilleure manière d’atteindre leurs objectifs, de parvenir à mener la vie souhaitée et devenir la personne qu’ils espèrent devenir. Les autres motifs stimulants poussant les élèves à aller à l’école résident dans le fait de devenir plus autonome, de satisfaire leur goût d’apprendre, de voir des contenus qui les intéressent, d’obtenir des notes et des récompenses, ou encore de passer leur année et d’obtenir leur diplôme de 5e secondaire. Sur le plan

relationnel, les motifs stimulants de fréquenter l’école sont le fait de venir rencontrer chaque jour ses amis, de participer à des activités parascolaires et d’être en contact quotidiennement avec les enseignants.

Suivent ensuite les motifs peu stimulants de fréquentation, mais qui justifient tout de même, aux yeux des élèves, leur présence quotidienne à l’école (cf. Tableau 6). Ceux-ci avancent à cet effet l’importance des cours malgré le fait qu’ils soient ennuyeux, l’obligation d’être à l’école et de terminer leur formation secondaire, l’habitude, le souhait d’en finir au plus vite et le fait de passer le temps.

Tableau 6. Les motifs de fréquentation scolaire selon Beaucher (2004)

Catégories Sous-catégories

Motifs stimulants Préparation de l’avenir, d’un métier Devenir plus autonome

Goût d’apprendre Contenus à l’étude Notes et récompenses Pour passer, pour le diplôme Voir ses amis

Activités parascolaires Enseignants

Motifs peu stimulants Cours ennuyants (mais importants) Par obligation

Par habitude

Pour en finir au plus vite Pour passer le temps

Les fonctions de l’école

Beaucher présente également une structure classificatoire portant sur la représentation de l’école qu’entretiennent les élèves rencontrés et plus spécifiquement sur la fonction principale attribuée à l’école (cf. Tableau 7). Bien que ces catégories ne découlent pas de l’analyse du concept de rapport au savoir, mais plutôt de celle des concepts d’aspiration et de projet professionnel, elles nous semblent néanmoins pertinentes à utiliser comme grille de lecture dans le cadre de l’exploration du sens de l’école. D’abord parce que le sens de l’école structure le rapport au savoir, mais aussi parce que le contexte particulier de retour à l’école, qui est au moins dans une certaine mesure choisi par l’adulte, laisse entendre que l’école est porteuse de fonctions bien particulières.

L’auteure retient quatre fonctions que les jeunes attribuent à l’école. Celle-ci est notamment perçue comme un lieu de socialisation, où les élèves font des rencontres amicales et des échanges sociaux. Elle est aussi perçue comme un lieu d’instruction, c’est-à-dire où des connaissances sont transmises, de même que comme un lieu de préparation de l’avenir. D’autres élèves estiment que l’école est un lieu de passage obligé, soit une période incontournable de la vie imposée à tous.

Tableau 7. Les fonctions de l’école selon Beaucher (2004)

Catégories

Lieu de socialisation Lieu d’instruction

Lieu de préparation de l’avenir Passage obligé

Pour conclure, nous avons retenu des aspects théoriques soulevés par Charlot (1999) et Beaucher (2004), car ils sont en cohérence avec les objectifs de la présente étude, et ce, pour différentes raisons. Le modèle épistémique développé par Charlot (1999) nous semble solide, complet, intelligible et suffisant pour explorer la dimension du sens de l’apprendre à l’école des élèves de la FP. Son étude prenait place dans un contexte français, certes, mais portait sur des élèves du lycée professionnel, une filière de formation s’apparentant à celle de la FP. En outre, si l’étude de Charlot prenait place dans un contexte français, celle de Beaucher vient combler cette lacune, puisque la sienne se situe au Québec, dans un système scolaire qui lui est propre. Or, la présente étude s’inscrit dans un contexte similaire. Les catégories développées par Beaucher seront utiles à la lecture des éléments relatifs au désir d’apprendre et au sens de l’école. En somme, nous estimons que les recherches présentées formeront un fondement théorique pertinent à l’étude du rapport au savoir des élèves de la FP en contexte de retour à l’école (cf. Tableau 8). Le chapitre qui suit présente la démarche méthodologique adoptée pour répondre aux objectifs de recherche.

Tableau 8. Une synthèse des éléments théoriques retenus constituant une grille d’analyse préliminaire