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3. La méthodologie

3.4. L’analyse des données

L’analyse de contenu semblait être la méthode la plus appropriée pour répondre aux objectifs de recherche. L’analyse de contenu consiste, selon L’Écuyer, en « une méthode de classification ou de codification des divers éléments du matériel analysé, permettant à l’utilisateur d’en mieux connaître les caractéristiques et la signification » (1990, p. 9). L’auteur ajoute que l’objectif ultime de l’analyse de contenu serait de « découvrir ce que l’information analysée signifie, ce que l’auteur du message a voulu dire exactement, non pas par rapport à 1’interprétation subjective du chercheur mais bien par rapport au point de vue de l’AUTEUR même du message » (p. 14). Or, c’est précisément l’expérience vécue du point de vue de l’élève que ce mémoire vise à mettre en lumière, ce qui rend l’analyse de contenu fort opportune. L’analyse de contenu a été réalisée selon la méthode proposée par L’Écuyer (1990) et adaptée à la présente recherche. Les étapes franchies seront décrites dans ce qui suit.

3.4.1. Les lectures préliminaires et l’établissement d’une liste d’énoncés

La première lecture du matériel a servi à réaliser un élagage des données qui n’étaient pas pertinentes en regard des objectifs de recherche. Cinquante-huit pour cent du contenu a été conservé. L’inclusion et l’exclusion d’un contenu devant se faire en fonction de critères de sélection établis a priori et appliqués avec consistance (Boutin, 1997 ; Holsti, 1968), seuls les passages abordant les thèmes suivants ont été conservés :

• l’école (utilité et appréciation de l’école, parcours scolaire, expérience de retour à l’école, perception de la FP) ;

• l’apprentissage (à l’école et dans la vie en général) ;

• l’identité d’élève (perception de soi comme élève, comme adulte en formation) ; • les projets d’avenir en lien avec la formation.

Le matériel étant abondant et complexe, une deuxième lecture flottante du matériel condensé a permis de s’en faire une meilleure vue d’ensemble. La troisième lecture a servi à effectuer un repérage des passages liés aux thèmes qui ont retenu notre attention (le sens de l’apprendre à l’école, le désir d’apprendre et le sens de l’école). Le contenu de chaque thème a ensuite été analysé indépendamment, l’un après l’autre. Une lecture du contenu identifié pour chacun des thèmes a été effectuée afin de pressentir les unités informationnelles à retenir. Ces lectures préliminaires permettaient d’identifier les idées fortes, les expressions et les mots récurrents et ont conduit à la seconde étape : le choix et la définition des unités de classification.

3.4.2. Le choix et la définition des unités de sens

Afin de dépasser le sens général du matériel et de découvrir ses significations plus profondes, il s’est avéré nécessaire de le découper en « énoncés plus restreints ayant un sens complet en eux-mêmes » (L’Écuyer, 1990, p. 59), soit en énoncés constituant la plus petite unité de sens. Après avoir dressé une première liste des unités de sens qui émergeaient, le contenu a été découpé en unités de sens, allant de quelques mots à un paragraphe entier.

3.4.3. Le processus de catégorisation et de classification

Ces unités de classification ont ensuite été regroupés par analogie de sens. Cette phase consistait en une « réorganisation du matériel » (L’Écuyer, 1990, p. 63) en catégories selon des critères sémantiques, l’objectif étant de condenser les données brutes afin d’en dégager une représentation simplifiée. L’Écuyer définit la catégorie comme un « dénominateur commun auquel peut être ramené tout naturellement un ensemble d’énoncés qui se ressemblent sans en forcer le sens » (p. 64).

Cette étape a été réalisée en appui sur un modèle de catégories mixtes, c’est-à-dire de catégories préexistantes doublées de catégories à induire en cours d’analyse. Ce modèle flexible nous autorisait à conserver, rejeter, modifier, nuancer, compléter, voire remplacer les catégories préexistantes par de nouvelles catégories en fonction des particularités du matériel recueilli. Ce choix de modèle mixte a été motivé par le fait qu’il ne semblait ni utile, ni souhaitable, d’étudier la notion de rapport au savoir en faisant table rase des travaux déjà réalisés à ce sujet. En effet, l’utilisation de catégories préexistantes favorisait la cohérence des catégories finales, puisqu’elles présentent déjà un cadre logique. De plus, l’utilisation du modèle mixte permet d’éviter de forcer les catégories ou encore de rejeter le matériel ne cadrant pas dans les catégories préexistantes. En outre, nous souhaitions que les catégories ne dirigent pas l’analyse de contenu, mais la guident, afin d’éviter des égarements et de laisser la porte ouverte à l’émergence de tout matériel nouveau, non prévu ou passé inaperçu dans les lectures antérieures. De la sorte, l’ouverture au sens tel que précisé par le répondant à l’origine du matériel analysé est demeurée à son comble.

Le processus de catégorisation et de classification selon un modèle de catégories mixte s’est réalisé en quatre sous-étapes. Comme les trois thèmes ont été analysés l’un à la suite de l’autre, les sous-étapes suivantes ont été franchies à trois reprises. La première sous-étape de catégorisation et de classification mène à réaliser les premiers regroupements des énoncés dans les catégories préexistantes et,

éventuellement, dans de nouvelles catégories préliminaires. Ainsi, le degré d’apparentement des énoncés aux catégories préexistantes a d’abord été évalué, à savoir les catégories présentées dans la grille d’analyse préliminaire (cf. Tableau 8). Un regroupement sommaire des énoncés à l’intérieur des dites catégories a ensuite été effectué. Les énoncés dont le sens ne s’apparentait pas à ces catégories ont été regroupés en catégories préliminaires nouvelles, puis les énoncés plus difficilement classifiables ont été placés sur une liste distincte.

La deuxième sous-étape consistait à éliminer les catégories redondantes afin de les réduire à des catégories distinctives. Pour ce faire, la classification de chaque énoncé a été révisée. Une attention particulière a été portée à certains aspects, à savoir si l’énoncé était classé dans la bonne catégorie et/ou sous-catégorie, s’il trouvait une meilleure place dans une autre, s’il ne s’apparentait vraiment à aucune des catégories mises en place, s’il y avait lieu d’ouvrir de nouvelles catégories, d’en fusionner, ou encore d’en abolir. La liste des énoncés difficilement classifiables a été reconsidérée.

C’est au cours de la troisième sous-étape d’identification et de définition des catégories constituant la grille d’analyse finale qu’ont été prises d’ultimes décisions. Cette phase consistait à identifier de manière définitive les catégories et sous-catégories retenues, à choisir leurs dénominations définitives de manière à ce qu’elles représentent clairement le matériel regroupé, ainsi qu’à proposer des définitions et à établir des critères d’identification en vue de la classification finale. Les énoncés difficilement classifiables ont été ultimement revus, afin de déterminer leur classification ou leur rejet définitif.

Enfin, la quatrième et dernière sous-étape de classification finale de tous les énoncés à partir de la grille d’analyse a mené à reconsidérer la pertinence de la classification de chacun des énoncés. Dans le cas où un doute avait été émis quant à la classification d’un énoncé, celui-ci a été déplacé de manière définitive dans la catégorie ou sous-catégorie adéquate. C’est alors que le codage des énoncés dans le logiciel d’analyse de contenu QDA Miner a été effectué.

3.4.4. Le décompte des occurrences

Un décompte des occurrences a été effectué afin d’en dégager, éventuellement, des constats et des interprétations relatives à la répartition du matériel. Il semblait pertinent de réaliser un décompte des énoncés afin de donner un ordre de grandeur quant à la répartition du matériel dans les différentes catégories de la grille d’analyse. L’établissement du degré d’importance relative des catégories les unes

par rapport aux autres s’est effectivement avéré fort révélateur, comme il sera souligné dans la présentation des résultats.

Le décompte des occurrences a été effectué selon une méthode mise au point par L’Écuyer (1975, 1978) consistant à calculer le nombre de répondants ayant formulé des énoncés codifiés dans une catégorie donnée, plutôt que le nombre d’énoncés. Les compilations obtenues par le biais de cette méthode se sont révélées, selon L’Écuyer, très fructueuses sur les plans de la fidélité et de la validité des résultats. Les résultats coïncideraient beaucoup mieux avec l’expérience du phénomène vécu par les individus que ceux obtenus par la compilation de la fréquence d’énoncés classifiés dans une catégorie, cette dernière méthode reposant sur le postulat – erroné, selon L’Écuyer – selon lequel il existerait une relation étroite entre la fréquence d’apparition d’un énoncé et son degré d’importance.

Le décompte des occurrences n’est certes pas une fin en soi dans l’analyse de contenu, mais il permet d’éviter de s’égarer et prévient bien des erreurs d’interprétation (L’Écuyer, 1990). Il révèle des faits qui peuvent échapper au chercheur dans une seule analyse qualitative, faits qui pourraient demeurer invisibles en raison, notamment, de ses croyances et de ses biais de recherche. Les balises que permettent d’établir le décompte des occurrences se révèlent ainsi précieuses quand vient le temps de passer à l’étape qui suit : la description qualitative des données.

3.4.5. La description qualitative des données

Des noms ont été soigneusement choisis pour identifier chacune des catégories, afin qu’ils représentent fidèlement la nature des énoncés sous-jacents. Toutefois, les libellés des catégories ne représentent que des résumés bien limités de l’ensemble de leurs contenus et les catégories regroupent tout au plus des énoncés qui n’ont de semblables que le sens, sans qu’on puisse pour autant les considérer comme synonymes. Nous avons alors veillé à revoir tous les énoncés regroupés dans une catégorie afin de relever, dans la description de cette dernière, toutes les particularités qu’elles renferment. Cet exercice a été réalisé pour chacune des catégories et sous-catégories d’analyse.

3.4.6. L’interprétation des résultats

L’analyse de contenu se conclut avec l’interprétation des résultats qui peut être réalisée à différents niveaux. Le meilleur niveau d’interprétation permettant de répondre aux questions soulevées par les objectifs de la recherche est, dans le présent cas, celui qui permet l’identification exacte des

caractéristiques du contenu du matériel et la découverte de son sens par rapport à ce qui est dit (L’Écuyer, 1990). Ce niveau d’interprétation correspond à celui de l’explicitation phénoménologique évoqué par Giorgi (1971). Cette forme d’interprétation vise la recherche d’« explicitation » de ce qui se passe dans le sujet à partir du matériel analysé afin de mieux comprendre ce qui se joue en lui.

Maintenant que nous avons exposé les étapes franchies pour réaliser l’analyse de données, nous verrons, dans ce qui suit, les forces et limites inhérentes aux choix méthodologiques réalisés dans le cadre de ce mémoire.