• Aucun résultat trouvé

Le retour à l'école d'adultes en formation professionnelle : une exploration du rapport au savoir

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le retour à l'école d'adultes en formation professionnelle : une exploration du rapport au savoir"

Copied!
144
0
0

Texte intégral

(1)

Le retour à l'école d'adultes en formation

professionnelle : Une exploration du rapport au savoir

Mémoire

Sarah Boisvert

Maîtrise en sciences de l'orientation - recherche et intervention - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Le retour à l’école d’adultes

en formation professionnelle

Une exploration du rapport au savoir

Mémoire

Sarah Boisvert

Sous la direction de :

France Picard, directrice de recherche

Jonas Masdonati, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

Dans le contexte socio-économique contemporain, les parcours professionnels sont marqués par des transitions et des changements de carrière qui impliquent bien souvent un retour à l’école (Bourdon, 2010). Or, si le phénomène de la transition école-travail a été largement étudié, celui de la transition travail-école est encore méconnu en sciences de l’orientation (Barclay, Stoltz et Chung, 2011). Quelles sont les caractéristiques du rapport au savoir des élèves adultes, c’est-à-dire des individus effectuant un retour à l’école en formation professionnelle (FP) ? Cette recherche a pour objectifs de : (1) cerner le sens que des élèves adultes attribuent à l’apprendre en FP ; (2) déterminer ce qui suscite leur désir d’apprendre en FP ; (3) définir le sens qu’ils donnent à l’école. Une méthodologie qualitative s’inscrivant dans le paradigme constructiviste a été adoptée. Des entrevues individuelles semi-dirigées d’environ 2 heures ont été menées auprès de 20 élèves de la FP, dans un grand centre urbain situé au Québec. Les 6 femmes et 14 hommes rencontrés étaient âgés entre 25 et 45 ans, provenaient des domaines de la construction, de l’agriculture et de la santé et étaient retournés à l’école après avoir passé un an ou plus sur le marché du travail. Une analyse thématique de contenu des verbatim d’entrevue a été réalisée selon la méthode proposée par L’Écuyer (1990), à la lumière des apports théoriques de Charlot (1999) et de Beaucher (2004). Les résultats s’articulent autour de trois thèmes permettant de cerner le rapport au savoir des élèves adultes en FP, soit le sens de l’apprendre, le désir d’apprendre et le sens de l’école. Des constats portant sur les pratiques enseignantes susceptibles de favoriser la mobilisation scolaire des élèves de la FP sont dressés et des pistes théoriques sont proposées.

* Mots-clés : élèves adultes, formation professionnelle, rapport à l’école, rapport au savoir, réorientation de carrière, retour à l’école, réussite scolaire

(4)

Abstract

In the contemporary socio-economic context, career paths are marked by transitions and career changes that often involve returning to school (Bourdon, 2010). However, while the school-to-work transition has been widely studied, the work-to-school transition is still poorly understood in the field of career development (Barclay, Stoltz, & Chung, 2011). What characterizes the relation to knowledge of adult students, that is, people going back to school in vocational education and training (VET) ? The objectives of this research are to : (1) identify what learning in VET means to adult students ; (2) determine what drives their desire to learn in VET ; (3) define the meaning they give to schooling. A qualitative methodology within the constructivist paradigm was adopted. Semi-structured individual interviews of approximately 2 hours were conducted with 20 VET students in an urban center of the province of Quebec. The interviewees were 6 women and 14 men aged between 25 and 45 years old who come from the fields of construction, agriculture, and health, and who returned to school after spending at least a year on the labor market. A thematic analysis of the verbatim transcripts was conducted according to the method proposed by L'Écuyer (1990) and highlighted by the theoretical contributions of Charlot (1999) and Beaucher (2004). The results revolve around three themes that lead to identify the relation to knowledge of adult students in VET : the meaning of learning, the desire to learn, and the meaning of schooling. Findings on teaching practices likely to favor VET student mobilization are drawn up and theoretical leads are proposed.

* Keywords : Adult students, Vocational education and training, Relation to school, Relation to knowledge, Career change, Return to school, School success

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des figures ... vii

Liste des tableaux ... viii

Remerciements ... x

Introduction ...1

1. La problématique ...5

1.1. Les parcours professionnels et scolaires multiples ...5

1.2. Le retour à l’école : un état des recherches ...7

1.2.1. Les motifs du retour à l’école ...7

1.2.2. Les déterminants du retour à l’école et de la réussite du projet scolaire ... 10

1.2.3. Les incidences du retour à l’école ... 16

1.3. Dans une nouvelle posture d’apprenant ... 18

1.3.1. L’identité de l’apprenant adulte ... 18

1.3.2. Le rapport au savoir de l’apprenant adulte ... 19

1.4. La formulation du problème de recherche et sa pertinence ... 21

1.5. Les objectifs de recherche ... 24

2. Le cadre conceptuel ... 25

2.1. La notion de retour à l’école ... 25

2.2. La notion d’élève adulte et non-traditionnel ... 26

2.3. La notion de sens... 27

2.4. La notion de rapport au savoir ... 28

2.4.1. De quel(s) savoir(s) est-il question ? ... 28

2.4.2. La genèse de la notion de rapport au savoir : deux perspectives ... 29

2.4.3. Une mise au point sémantique sur le rapport à l’école, le sens de l’école et le sens de l’expérience scolaire ... 35

2.5. La perspective retenue ... 37

2.6. Les dimensions retenues... 38

2.6.1. La première dimension : le sens de l’apprendre ... 39

2.6.2. La deuxième dimension : la représentation de soi-apprenant ... 40

2.6.3. La troisième dimension : le rapport à l’avenir ... 40

2.6.4. La quatrième dimension : le rapport aux autres ... 41

2.6.5. La cinquième dimension : le sens de l’école ... 41

2.7. L’opérationnalisation du rapport au savoir ... 42

2.7.1. Le rapport au savoir en milieu populaire ... 42

2.7.2. Le rapport au savoir, les aspirations et les projets professionnels ... 47

3. La méthodologie ... 53

3.1. La posture épistémologique... 53

3.2. Les participants ... 55

3.2.1. La procédure de recrutement ... 55

(6)

3.3. La collecte de données ... 57

3.3.1. L’entrevue semi-dirigée ... 57

3.3.2. Le guide d’entrevue ... 58

3.3.3. La conduite des entrevues ... 59

3.3.4. La gestion des données ... 60

3.4. L’analyse des données... 61

3.4.1. Les lectures préliminaires et l’établissement d’une liste d’énoncés ... 61

3.4.2. Le choix et la définition des unités de sens ... 62

3.4.3. Le processus de catégorisation et de classification ... 62

3.4.4. Le décompte des occurrences... 63

3.4.5. La description qualitative des données ... 64

3.4.6. L’interprétation des résultats ... 64

3.5. Les forces et les limites de la méthodologie ... 65

4. Les résultats ... 68

4.1. Le sens de l’école ... 69

4.2. Le sens de l’apprendre en FP ... 81

4.3. Le désir d’apprendre en FP ... 89

5. L’interprétation des résultats ... 98

5.1. Les nouvelles connaissances relatives à l’objet d’analyse ... 98

5.1.1. Une pluralité des formes de l’apprendre ... 98

5.1.2. Un défi social relevé avec brio ... 100

5.1.3. La posture ambivalente de l’étudiant non-traditionnel ... 101

5.1.4. Quand l’enseignant cultive le désir d’apprendre ... 102

5.1.5. Une équation idéaltypique des sens de l’école ... 103

5.1.6. La conscience du temps qui fuit ... 103

5.1.7. Une réconciliation possible avec l’école et le soi-apprenant ... 105

5.2. Les nouvelles connaissances théoriques ... 106

Conclusion ... 111

Bibliographie ... 116

(7)

Liste des figures

Figure 1.

La recension des écrits scientifiques portant sur le retour à l’école...7

Figure 2.

Les thèmes et les catégories d’analyse du rapport au savoir... 68

Figure 3.

Les catégories d’analyse du sens de l’école ... 70

Figure 4.

Les catégories d’analyse du sens de l’apprendre en FP ... 82

Figure 5.

Les catégories d’analyse du désir d’apprendre en FP ... 90

Figure 6.

Un modèle théorique pour appréhender le rapport au savoir des élèves en FP ... 109

(8)

Liste des tableaux

Tableau 1.

La synthèse d’un modèle épistémique selon Charlot (1999) ... 44

Tableau 2.

Qu’est-ce qu’un cours « intéressant » ? selon Charlot (1999) ... 46

Tableau 3.

Un cours est intéressant parce que… selon Charlot (1999) ... 47

Tableau 4.

L’intérêt pour l’apprentissage selon Beaucher (2004) ... 48

Tableau 5.

Les degrés et les motifs de mobilisation sur les contenus selon Beaucher (2004) ... 50

Tableau 6.

Les motifs de fréquentation scolaire selon Beaucher (2004) ... 51

Tableau 7.

Les fonctions de l’école selon Beaucher (2004)... 52

Tableau 8.

Une synthèse des éléments théoriques retenus constituant une grille d’analyse préliminaire pour appréhender la notion de rapport au savoir ... 52

(9)

À mes frères, William et Sylvain.

Parce que même quand je crois tout savoir,

vous m’en apprenez encore.

(10)

Remerciements

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Jonas Masdonati et France Picard qui ont, tour à tour, dirigé et codirigé mon travail de recherche avec compétence et bienveillance. Jonas, je te sais gré de m’avoir encouragée à plonger dans cette aventure, enseigné patiemment les rouages de la recherche, encadrée avec ta rigueur légendaire, mais aussi avec souplesse et sensibilité. Toute ma gratitude s’adresse aussi à France, qui a pris avec brio le relai de la direction de recherche. Je te remercie de m’avoir fait bénéficier de tes sages conseils et éclairée d’une lumière pure, constante, sereine. France et Jonas, je vous remercie de m’avoir accordé votre confiance, encouragée dans mes initiatives, mais surtout, de m’avoir menée à moi-même faire confiance en mes savoirs.

Papa, maman, je vous suis infiniment reconnaissante d’avoir témoigné à mon égard d’une écoute et d’un soutien sans faille tout au long de cette aventure, mais aussi pour vos encouragements et votre amour inconditionnels qui m’accompagnent depuis toujours. Perpétuellement, de près comme de loin, je sens votre main qui tient la mienne.

J’adresse une pensée spéciale à mes collègues de mémoire, Audrey et Judith. Je me souviendrai longtemps de nos rencontres hebdomadaires, de votre respect et de votre écoute exceptionnels. Ces moments partagés avec vous m’ont aidée à maintenir le cap au cours de cette aventure tumultueuse.

Je tiens à offrir mes sincères remerciements à ceux et celles qui ont posé un regard neuf sur ce travail de recherche. Carole, René, Alice, Jérôme, je vous remercie du temps et de l’énergie que vous avez investis dans la lecture de mes écrits. Vos conseils m’ont été d’une aide inestimable.

Je remercie le Conseil de la recherche en sciences humaines pour la bourse d’études octroyée dans le cadre de cette recherche, ainsi que ceux et celles qui lui ont donné vie ; ces élèves qui ont eu la générosité de se raconter. Je joins ces remerciements à Chantale Beaucher et Anabelle Viau-Guay, membres du jury, pour l’intérêt qu’elles ont porté à ma recherche en acceptant de prendre part à son évaluation.

Mes ultimes remerciements vont à mes précieux confidents qui m’ont accompagnée jusqu’à la toute dernière seconde. Jean-François, mon point d’ancrage ; Anne-Claire, mon amie : si cet accomplissement a vu le jour, c’est grâce à vous.

(11)

Introduction

Le monde du travail contemporain se caractérise par une grande flexibilité, visant une productivité et une rentabilité toujours croissantes. Il en résulte une complexification de l’environnement social, culturel et économique, de même qu’une plus grande variété des formes que revêt le travail, ce qui oblige les travailleurs à s’y adapter d’une manière ou d’une autre. Conséquemment, les trajectoires de carrière non linéaires se multiplient, notamment les réorientations professionnelles, qui impliquent bien souvent un retour à l’école. Celui-ci consiste en une transition clé dans le parcours de vie, survenant dans un contexte particulier et englobant des facteurs historiques et situationnels (Bradburn, Moen et Dempster-McClain, 1995 ; Gorard, Rees, Fevre et Welland, 2001 ; Sweet et Moen, 2007 ; West, 1995 ; Woodley, 1987). On observe par ailleurs une corrélation de plus en plus étroite entre scolarité et employabilité, ce qui incite également les individus à miser sur la formation. La transition de l’école vers le marché du travail ne serait donc plus un passage ponctuel et prévisible se produisant une fois dans la vie d’une personne. L’éducation est devenue un véritable processus continu, duquel résulte une augmentation du nombre d’élèves « non-traditionnels », c’est-à-dire des élèves âgés de 25 ans et plus qui retournent à l’école après avoir foulé le marché du travail pendant un certain temps. Le concept de carrière linéaire, référant à une progression à travers des stades bien définis, est aujourd’hui désuet. Les parcours qu’on qualifiait auparavant d’atypiques deviennent aujourd’hui, paradoxalement, la norme.

L’obtention d’un nouveau diplôme constitue donc une stratégie de développement professionnel de plus en plus commune chez les adultes. Des travaux portant sur le phénomène de retour à l’école mettent en lumière les motifs d’une telle décision, celle-ci étant couramment liée à la recherche d’une situation professionnelle plus satisfaisante. Les facteurs associés au retour à l’école et à la réussite du projet scolaire, qui s’observent sur les plans personnel, temporel, financier, familial, professionnel et scolaire, font également l’objet de maintes recherches. Certaines études s’intéressent enfin aux retombées du retour à l’école, essentiellement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan psychosocial.

Les incidences psychosociales du retour à l’école s’observent notamment sur le plan de l’identité. En retournant à l’école, l’élève adulte s’engage dans la construction d’une nouvelle identité sociale à laquelle il essaie de donner sens. Cet adulte, qui s’estime de plus en plus éloigné du statut d’apprenant à mesure qu’il vieillit, se réinstalle néanmoins dans le scénario scolaire et renoue alors avec sa posture d’élève. Il retrouve ses habitudes et ses tactiques du « métier d’élève » et réactive des souvenirs scolaires, aussi heureux ou pénibles soient-ils. L’adulte qui effectue un retour à l’école réendosse son rôle d’élève et réactive par le fait même son rapport au savoir scolaire. C’est une conclusion que tire Beaucher (2014)

(12)

dans sa recherche portant sur le rapport au savoir de professionnels de métier effectuant un retour à l’école. Il semble en effet que si le rapport au savoir des participants évolue modérément à travers le temps et les expériences, ce rapport est ébranlé au moment de leur retour à l’école. Cela laisse entendre que les adultes effectuant un retour à l’école entretiendraient un rapport au savoir distinct de celui de leurs pairs en continuité de formation.

Cependant, bien que plusieurs travaux portant sur le retour à l’école dressent un portrait à la fois objectif et subjectif de la suite d’évènements se rattachant au phénomène, peu d’études font foi d’un aspect central de cette transition, soit ce qui caractérise l’expérience scolaire même des personnes concernées. Cette transition constitue pourtant un point de bascule majeur dans la trajectoire professionnelle et personnelle des individus. De plus, parmi les travaux portant sur le rapport au savoir des élèves québécois en contexte de retour à l’école, l’intérêt est dirigé vers des élèves de niveau secondaire général, collégial et universitaire, mais aucune étude portant sur les élèves de la FP n’a été recensée.

Or, les programmes de FP jouent un rôle décisif, puisqu’elles préparent les personnes à l’exercice d’un métier. D’ailleurs, par le biais de son offre de FP, le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) poursuit l’objectif principal de développer les compétences des individus afin de favoriser leur insertion professionnelle et, par le fait même, le développement économique (MELS, 2010). Ce discours articule de manière vertueuse éducation et économie, mais occulte ce qui se passe effectivement en formation. Or, c’est seulement si l’école et le fait d’apprendre font sens pour l’apprenant que ce dernier s’investira à l’école et, conséquemment, acquerra des savoirs, pour ultimement voir ses études couronnées de succès. Autrement dit, c’est le succès en formation qui constitue la pierre angulaire liant l’éducation à l’emploi. Ainsi, pour des personnes dont le retour à l’école sert de pivot vers une insertion professionnelle plus satisfaisante, le succès de leur passage à l’école, prenant appui sur leur rapport au savoir, apparaît déterminant dans la poursuite de leurs objectifs professionnels. Pourtant, le rapport au savoir des adultes effectuant un retour à l’école en FP est une notion encore peu connue.

De cette problématique découle l’objectif général de cette recherche, soit de cerner les caractéristiques du rapport au savoir d’adultes ayant fait un retour à l’école en FP. Cela permettra de mettre en lumière un élément central de l’expérience scolaire : le rapport au savoir. Ce concept renvoie à une relation subjective et plastique qu’un être social et singulier entretient à l’égard de l’apprentissage scolaire, traduisant le sens que ce dernier prend pour lui.

(13)

Les constats qui seront dressés sont importants en ce qu’ils peuvent entraîner des différences de positionnement professionnel chez les personnes œuvrant avec une clientèle d’adultes en contexte de retour à l’école et plus particulièrement celles qui leur enseignent. Prendre en considération les façons d’apprendre des élèves, leur relation à l’apprentissage et à l’école est important pour qui souhaite les voir réussir, puisque tenter d’enseigner à travers les yeux de ses apprenants mène au développement de stratégies favorisant leur mobilisation dans leurs apprentissages. Les nouvelles connaissances seront ainsi susceptibles d’aider les intervenants à renforcer positivement la relation des élèves avec l’apprentissage, à faire figure de sources d’inspiration pour favoriser la persévérance et la réussite scolaires.

Le premier chapitre du mémoire expose la problématique des parcours scolaires et professionnels multiples. Il situe d’abord le contexte général du mémoire, soit le retour à l’école et la FP au Québec qui, sans être étudiée précisément dans cette recherche, constitue la toile de fond sur laquelle elle s’est déroulée. Un état des travaux de recherche portant sur le retour à l’école est effectué, dans lequel nous abordons les motifs de retour à l’école, les facteurs liés à celui-ci et à la réussite du projet scolaire, ainsi que ses incidences. Il est ensuite question de la nouvelle posture d’apprenant qu’adopte l’adulte effectuant un retour à l’école, puis de son rapport au savoir. Les objectifs de recherche sont finalement présentés.

Le deuxième chapitre du mémoire présente le cadre conceptuel. D’abord, les notions de retour à l’école et d’élève adulte et non-traditionnel sont définies. Ensuite, le concept de rapport au savoir est présenté de manière plus approfondie afin d’en retracer sa genèse et son évolution et de lever le voile sur ses différentes acceptions. Les modèles théoriques et les dimensions servant d’assises à cette recherche sont également décrits.

Le troisième chapitre présente la méthodologie adoptée afin d’appréhender l’objet de recherche. La posture psychosociale s’inscrivant dans le paradigme constructiviste est d’abord exposée. Ensuite sont présentés la procédure de recrutement des participants et les caractéristiques de ces derniers. Les méthodes relatives à l’instrument de collecte de données et à l’analyse de données sont décrites.

Le quatrième chapitre présente les résultats de l’analyse de données qui mènent à répondre aux objectifs du mémoire. Les trois thèmes émergeant de l’analyse de données, soit le sens de l’école, le sens de l’apprendre en FP et le désir d’apprendre en FP, sont décrits l’un à la suite de l’autre.

Le cinquième et dernier chapitre se consacre à l’interprétation des résultats présentés dans le chapitre précédent. Un retour sur la description des résultats est effectué, les nouvelles connaissances

(14)

relatives aux trois thèmes d’analyse sont exposées et des liens entre eux sont établis. Les nouvelles connaissances théoriques sont énoncées et un modèle théorique permettant d’appréhender le concept de rapport au savoir est proposé. Cette interprétation des résultats jette les bases sur lesquelles prennent forme les conclusions qui peuvent en être tirées.

La conclusion rappelle l’objectif de recherche et la démonstration qui a été exposée. Elle présente la contribution de ce mémoire à une meilleure compréhension du rapport au savoir d’élèves adultes effectuant un retour à l’école en FP. Elle réunit les éléments de réponses établis et les perspectives que ceux-ci ouvrent, de même que les incertitudes, les insuffisances et les principales questions qui émergent des résultats obtenus dans le mémoire et qui restent à résoudre.

(15)

1. La problématique

1.1. Les parcours professionnels et scolaires multiples

Le monde du travail actuel se caractérise par une flexibilité grandissante, visant une productivité et une rentabilité toujours croissantes (Benner, 2002). Cette nouvelle configuration implique une plus grande variété des formes que revêt le travail, voire une plus grande précarité des emplois offerts sur le marché du travail : emplois permanents, temporaires, occasionnels, à temps plein, à temps partiel, travail autonome, etc. (Hudson, 2002). La complexification de l’environnement social, culturel et économique incite les personnes à revoir leurs projets de carrière ou à développer leurs compétences afin d’éviter l’exclusion sociale en se maintenant dans un marché du travail de plus en plus concurrentiel (Dominicé, 2005 ; Marshall et Tucker, 1992 ; MELS, 2012).

Du point de vue du capital humain, si les dislocations économiques actuelles tendent à encourager les jeunes travailleurs à retourner à l’école pour améliorer leurs chances d’insertion professionnelle, elles incitent également les travailleurs plus âgés à faire de même, puisque la séniorité n’est dorénavant plus synonyme de sécurité d’emploi (Hostetler, Sweet et Moen, 2007). En effet, au Québec comme dans l’ensemble du Canada, on observe une corrélation de plus en plus étroite entre scolarité et employabilité, et ce, indépendamment de la voie de formation empruntée (Gouvernement du Québec, 2014). Les changements constants du marché du travail impliquent que la main-d’œuvre démontre non seulement un haut niveau de compétences, mais aussi la faculté d’innover, de raisonner et de s’adapter aux changements que vivent et vivront les entreprises (Dominicé, 2005 ; MELS, 2010, 2012).

Conséquemment, les trajectoires de carrière non linéaires se multiplient et les parcours professionnels deviennent de moins en moins prévisibles, comme en témoignent certaines recherches sur les parcours scolaires et professionnels en contexte québécois dès le début des années 2000 (Bourdon, 2010 ; Charbonneau, 2006 ; Doray, Kamanzi, Laplante et Street, 2012 ; Fournier et Bujold, 2005 ; Fournier, Zimmermann, Gauthier, Masdonati et Lachance, 2016). Ces parcours non linéaires se caractérisent notamment par des réorientations de carrière, celles-ci impliquant bien souvent un retour à l’école (Legay et Marchal, 2008). Hamilton et Hamilton (2006) soulignent d’ailleurs que la structure actuelle du monde du travail mène à des transitions école-travail plus longues qu’auparavant. Selon eux, la transition de l’école vers le travail ne serait plus un passage ponctuel et prévisible se produisant une fois, au moment où un individu achève sa formation de base et entre sur le marché du travail. Au contraire, la

(16)

scolarisation et l’emploi auraient tendance à s’entremêler de façon séquentielle et simultanée tout au long de la jeunesse et du début de l’âge adulte, voire après. L’éducation est ainsi devenue un véritable processus continu (Hostetler et al., 2007). Une conséquence de ce phénomène est l’augmentation du nombre d’élèves « non-traditionnels », soit des élèves âgés de 25 ans et plus qui retournent à l’école après avoir foulé le marché du travail pendant un certain temps (Hostetler et al., 2007 ; Marshall et Tucker, 1992).

Pendant longtemps, on a considéré le fait de compléter ses études comme le premier marqueur de l’entrée dans la vie adulte, après lequel suit l’entrée sur le marché du travail, le mariage et la fondation d’une famille (Bradburn et al., 1995 ; Modell, 1989). Dans la seconde moitié du vingtième siècle, avec comme toile de fond une économie et une industrie croissantes, cette séquence était considérée comme une norme sociale (Hostetler et al., 2007). Selon Super (1980), les adultes âgés entre 25 et 44 ans en sont à un stade de leur vie qu’il nomme « stabilisation », suivant le stade « d’exploration », vécu entre 14 et 24 ans. Or, aujourd’hui, plusieurs personnes qui en sont chronologiquement au stade de stabilisation, en sont encore, de facto, au stade d’exploration. Ainsi, ce concept traditionnel de carrière linéaire, référant à une progression à travers des stades bien définis, semble aujourd’hui désuet (Crossan, Field, Gallacher et Merrill, 2003). Les parcours de vie s’avèrent de plus en plus hétérogènes en ce qui concerne la chronologie et le moment où surviennent les différentes transitions de vie (Han et Moen, 1999 ; O’Rand et Henretta, 1999). Les changements dans l’économie et dans les normes culturelles retardent l’âge du premier mariage et de la fondation d’une famille, voire brisent la convention de mener une carrière linéaire et progressive (Altucher et Williams, 2003 ; Clarkberg, 1999 ; Goldstein et Kenney, 2001 ; Henretta, 1994 ; Oppenheimer, 2003 ; O’Rand et Henretta, 1999). Ainsi, des parcours autrefois qualifiés d’« atypiques » ne sont plus des exceptions ; ils deviennent aujourd’hui, paradoxalement, la norme (Bourdon, 2010 ; Hostetler et al., 2007). Or, le système scolaire québécois actuel facilite, encourage même, cette réversibilité des parcours scolaires (Charbonneau, 2006 ; MELS, 2007, 2012). Une refonte complète du système d’éducation, menant au décloisonnement de l’offre de formation entre les programmes de formation générale, professionnelle et technique, a par ailleurs amélioré leur accessibilité et il en a résulté une plus grande fluidité et variabilité des parcours scolaires (MELS, 2010).

(17)

1.2. Le retour à l’école : un état des recherches

Plusieurs auteurs se sont intéressés au phénomène de retour à l’école et l’ont étudié sous différents angles. Nous exposerons dans ce qui suit ce qui motive les adultes à suivre cette voie, les déterminants du retour à l’école et de la réussite du projet scolaire, ainsi que ses incidences (cf. Figure 1).

Figure 1. La recension des écrits scientifiques portant sur le retour à l’école

1.2.1. Les motifs du retour à l’école

Que ce soit en raison de la réduction des effectifs dans une organisation, du désir d’entamer une seconde, voire une troisième carrière, ou pour mieux s’adapter aux rythmes familiaux, l’obtention d’un nouveau diplôme est une stratégie de développement de carrière de plus en plus courante (Davey, 2003 ; Hostetler et al., 2007 ; Marshall et Tucker, 1992 ; Reich, 1992). Il ressort des études que les motifs incitant les individus à effectuer un retour à l’école ont trait au fait d’accroître son degré d’employabilité (Crossan et al., 2003), de rompre avec un travail insatisfaisant (Doray, Mason et Bélanger, 2007), de remédier à des problèmes de santé (Masdonati, Fournier et Lahrizi, 2017), de poursuivre une vocation (Doray et al.,

(18)

2007 ; Masdonati et al., 2017), d’accéder à de meilleures conditions de travail (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Deutsch et Schmertz, 2011 ; Doray, Bélanger et Mason, 2006 ; Doray et al., 2007 ; Masdonati et al., 2017), de prendre le pouvoir sur sa vie (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Bourdon, 2010 ; Cournoyer et al., 2017 ; Crossan et al., 2003 ; Deutsch et Schmertz, 2011) et de se développer personnellement (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Crossan et al., 2003 ; Masdonati et al., 2017 ; Scala, 1996).

Aux yeux de certains individus, l’éducation permet d’accroître son degré d’employabilité (Crossan et al., 2003). Le retour à l’école représente ainsi une stratégie d’adaptation aux changements rapides et aux exigences grandissantes du monde du travail. Il est perçu comme un outil de prévention ou de remédiation à certains risques, tels que la perte d’emploi ou le chômage (Doray et al., 2006). Pour soutenir la concurrence dans un milieu compétitif et se maintenir en emploi, les individus souhaitent, par l’éducation formelle, éviter que leurs compétences ne tombent dans l’obsolescence, assurer leur performance individuelle ou augmenter leur potentiel de rentabilité afin d’atteindre leurs buts de carrière (Aslanian, Brickell, Ullman et Future Directions for a Learning Society, 1980 ; Bourdon, 2010 ; Cournoyer, Fournier et Masdonati, 2017 ; Hostetler et al., 2007 ; Scala, 1996). Il semble que les hommes aient une approche davantage instrumentale que les femmes face à l’éducation ; ils invoqueraient plus souvent des motivations centrées sur la carrière, comme l’avancement professionnel (Scala, 1996). Ceci dit, les femmes qui accordent aussi une valeur instrumentale à leur retour à l’école estiment que leur genre jouerait autant que leur statut éducationnel sur leur niveau d’employabilité et espèrent surtout que le diplôme leur confère une crédibilité suffisante pour accéder à un plus haut niveau d’emploi et un meilleur revenu (Deutsch et Schmertz, 2011).

Certains individus réalisent un retour à l’école afin de rompre avec un travail insatisfaisant menant à une désillusion professionnelle (Doray et al., 2007). L’insatisfaction professionnelle résulte parfois des caractéristiques même du travail, de sa nature peu intéressante (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Masdonati et al., 2017). C’est le cas de ceux qui n’éprouvent pas, ou n’éprouvent plus, d’intérêt pour l’essence même du travail ; ils n’ont pas d’intérêt pour les tâches effectuées, ne se sentent pas à leur place dans l’emploi occupé et ne se sentent pas heureux au travail. Au-delà de l’exercice de ses fonctions, ce sont parfois les conditions d’emploi qui génèrent une insatisfaction chez l’individu, par exemple lorsque le travail se réalise dans des conditions difficiles, n’offre pas de sécurité d’emploi, exige un horaire contraignant, ou encore lorsque le climat de travail se détériore. Les personnes occupant un emploi dont le revenu ou dont le niveau de prestige est inférieur à celui espéré seraient par ailleurs plus enclines à quitter leur emploi pour entreprendre une formation (Felmlee, 1988 ; Marcus, 1986).

(19)

Le retour à l’école peut être réalisé en vue de remédier à des problèmes de santé (Masdonati et al., 2017). Ceux-ci peuvent être d’ordre physique, telles que des douleurs au dos, ou encore d’ordre psychologique, tels que le stress, la dépression ou l’épuisement professionnel. L’individu qui effectue un retour à l’école en vue de remédier à ses problèmes de santé le fait soit de sa propre initiative soit à la suite de la recommandation d’un professionnel de la santé.

Alors que le retour à l’école est réalisé, dans certains cas, en réaction à une situation professionnelle passée plus ou moins satisfaisante, dans d’autres cas, cette décision est orientée vers le futur. C’est le cas de ceux qui souhaitent, par le biais d’un retour à l’école, poursuivre une vocation. Certains mettent de l’avant leur désir d’obtenir un travail répondant davantage à leurs aspirations personnelles et qui soit intrinsèquement plus intéressant, que cet intérêt ait été présent depuis longtemps, qu’il ait émergé récemment, ou qu’il se soit développé graduellement (Doray et al., 2007 ; Masdonati et al., 2017).

Aux yeux des personnes effectuant un retour à l’école, ce dernier peut aussi servir à accéder à de meilleures conditions de travail, par exemple lorsque le domaine choisi ouvre de bonnes perspectives d’intégration professionnelles en raison des multiples opportunités d’emploi (Masdonati et al., 2017). C’est parfois la recherche d’un cadre de travail intéressant qui motive les personnes à retourner à l’école, comme le fait de travailler dans un environnement agréable, dans un climat de travail plaisant et d’effectuer des tâches de nature variée. D’autres individus visent une mobilité socio-économique par l’obtention d’un emploi de niveau supérieur à celui occupé antérieurement, de revenus plus élevés et plus stables, ou encore d’un emploi offrant d’une sécurité d’emploi (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Doray Mason et Bélanger, 2007). En retournant aux études dans un domaine ouvrant sur des perspectives économiques plus intéressantes, ces personnes cherchent à remédier à des possibilités d’avancement limitées, à réduire les risques associés aux aléas économiques, à améliorer leurs conditions et leur niveau de vie (Deutsch et Schmertz, 2011 ; Doray et al., 2006). Le désir d’améliorer son niveau de vie est parfois relié à la sphère familiale, comme c’est le cas des personnes estimant que l’obtention d’un diplôme leur permettrait d’offrir à leur progéniture une vie meilleure (Deutsch et Schmertz, 2011).

Le retour à l’école constituerait pour certains individus une occasion de prendre le pouvoir sur leur vie, de renverser leur situation, ou de se s’extirper d’une situation socio-professionnelle et économique stagnante (Bourdon, 2010 ; Cournoyer et al., 2017). Il ressort d’une étude menée par Bouchard et St-Amant (1996) que les répondants effectuant un « raccrochage scolaire » justifiaient ce choix par la peur d’un avenir bloqué en raison de leur faible scolarité. Pour eux, l’école représente l’espoir d’un avenir meilleur. Le retour à l’école serait aussi perçu comme une stratégie de « rattrapage » permettant de

(20)

reprendre la poursuite d’objectifs de carrière ayant auparavant été reportés, notamment par des femmes dont un mariage précoce aurait provoqué une rupture dans leur parcours scolaire (Hostetler et al., 2007). Le retour à l’école peut même symboliser l’émancipation, la rupture d’un patron de vie qui ne convient plus (Crossan et al., 2003). Parfois, le retour à l’école est précédé d’un constat général du vide de son existence (Cournoyer et al., 2017). La formation sert alors à remplir ce sentiment de vide, ce dernier découlant parfois d’un départ à la retraite, de la perte d’un conjoint ou du départ d'un enfant du domicile familial (Deutsch et Schmertz, 2011).

Le retour à l’école répond parfois au besoin qu’éprouvent les individus de se développer ; il répond alors à un besoin d’ordre personnel plus que professionnel (Masdonati et al., 2017). La poursuite d’une formation permet notamment d’ajouter une corde à son arc, d’enrichir ses connaissances, de satisfaire un intérêt lié à un champ de savoir particulier, d’acquérir de nouvelles connaissances pouvant se révéler utiles dans sa vie personnelle, de développer de nouvelles compétences ou, de manière plus large, d’assouvir sa curiosité et son désir de savoir (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Masdonati et al., 2017 ; Scala, 1996). Pour certains individus, le retour à l’école répond à leur besoin d’amener du changement dans leur vie, de se surpasser, de rencontrer de nouveaux défis, de grandir, de s’épanouir, ou même de se sentir vivant (Masdonati et al., 2017). Le désir de se développer en tant qu’être social anime certains individus ; pour eux, l’institution scolaire représente un lieu de socialisation où ils auront l’opportunité de tisser des liens avec leurs pairs (Crossan et al., 2003).

En somme, l’éventail de motivations qui habitent les personnes réalisant un retour à l’école est vaste et couvre des préoccupations de toutes sortes. Néanmoins, il se dégage généralement de leurs témoignages une vision instrumentaliste de l’école, dont l’utilité est perçue d’abord en fonction du marché du travail (Bouchard et St-Amant, 1996). Dans ce qui suit, nous exposerons les déterminants du retour à l’école et de la réussite du projet scolaire.

1.2.2. Les déterminants du retour à l’école et de la réussite du projet scolaire

Nombreuses sont les recherches portant sur les déterminants du retour à l’école et de la réussite du projet scolaire. Doray et al. (2006) se sont intéressés au « risque éducatif », qui désigne le fait de ne pas terminer les études amorcées, de connaître des bifurcations de parcours, des échecs, des retards ou d’abandonner ses études. Selon eux, le risque n’est pas nécessairement perçu comme tel en début de formation, alors que les élèves font preuve d’optimisme et de confiance dans leur réussite scolaire. C’est en cours de formation que les difficultés rencontrées leur font prendre conscience du caractère risqué de

(21)

l’expérience de retour à l’école. Si le caractère risqué de l’aventure est atténué lorsque certaines conditions sont réunies, l’absence de l’une ou l’autre de ces conditions peut briser l’équilibre des individus. Il en découle alors des parcours difficiles, voire des retraits du programme. Les déterminants d’ordre personnel et situationnel qui sont susceptibles de favoriser ou d’entraver le retour à l’école et la réussite du projet scolaire seront maintenant abordés.

Les déterminants d’ordre personnel

Les déterminants du retour à l’école et de l’aboutissement du projet scolaire qui sont d’ordre personnel relèvent de l’individu et des ressources personnelles dont il dispose. Ces déterminants ont trait à son âge, à son degré de scolarité, à sa perception de maîtrise personnelle, ainsi qu’à son rapport à l’école et au savoir.

Des chercheurs ont observé une corrélation négative entre l’âge et le retour à l’école (Elman et O’Rand, 1998 ; Felmlee, 1988 ; Gorard et al., 2001 ; Hostetler et al., 2007). Plus l’individu vieillit, moins il serait susceptible d’emprunter cette voie. L’analyse de données recueillies auprès de 4637 new-yorkais ont mené Hostetler et al. (2007) à conclure que chaque année gagnée en âge était associée à un déclin d’environ 3 % de la propension à s’inscrire dans une nouvelle formation. De plus, être adulte est considéré comme un facteur de risque du point de vue de la persévérance scolaire et de l’obtention du diplôme. Josso, Müller et Pfister (1999) ont observé à cet effet que la majorité des abandons scolaires était reliée aux diverses exigences et responsabilités caractérisant la vie des adultes.

Le degré de scolarité est positivement corrélé avec le fait de retourner ou non à l’école (Bradburn et al., 1995 ; Carr et Sheridan, 2001 ; Felmlee, 1988). En effet, les personnes plus éduquées seraient significativement plus susceptibles de faire ce choix que les personnes moins éduquées. À titre d’exemple, Bradburn et al. (1995) ont observé que les femmes ayant une éducation collégiale retournaient à l’école selon un taux de deux à trois fois plus élevé que celles ayant seulement terminé leur scolarité de niveau secondaire.

Par ailleurs, Hostetler et al. (2007) ont observé une corrélation entre le retour à l’école et le degré de de maîtrise personnelle qu’un individu estime posséder à l’égard de son environnement et de sa vie. Par exemple, celui qui dispose d’un degré élevé de maîtrise personnelle jugera que la réussite de ce qu’il entreprend réside entre ses mains, que ce qui lui arrive dépend essentiellement de lui, que s’il veut, il peut. Les individus qui présentent un degré élevé de perception de maîtrise personnelle seraient près de deux

(22)

fois plus susceptibles de faire un retour à l’école que ceux qui en montrent un faible degré. Les auteurs suggèrent la possibilité d’une relation bidirectionnelle, où la perception de maîtrise personnelle influencerait la décision de retourner à l’école et serait, à son tour, renforcée par une expérience positive de retour à l’école.

Enfin, le rapport que l’individu entretient avec l’école et le savoir est également un élément déterminant du retour à l’école. Une étude menée par Dominicé (1999) auprès d’adultes qui retournent à l’école dans un contexte de formation continue met en lumière le fait que le doute quant à ses capacités, l’image de soi-même en tant qu’apprenant et l’évocation des échecs du passé peuvent constituer une source de découragement et même d’abandon. L’accablement s’accentue lorsqu’il n’y a pas de place accordée à la verbalisation des tâtonnements intérieurs, lorsque l’institution scolaire n’offre pas la possibilité de remédier aux lacunes et aux traumatismes du passé scolaire et laisse l’adulte seul dans sa tentative de rattrapage. Bouchard et St-Amant (1996) pensent également que dans le cas d’histoires scolaires difficiles impliquant un abandon puis un retour à l’école, la réussite scolaire passe par une étape d’insertion sociale dans laquelle il importe de soutenir l’élève afin qu’il reconstruise sur de nouvelles bases ses rapports avec l’école et avec les gens qui y évoluent. Le rapport au savoir, construit à travers l’expérience scolaire antérieure et composé des dispositions et des compétences détenues et mobilisables par les individus constituerait ainsi un facteur de risque pour les personnes ayant vécu une expérience scolaire antérieure difficile (Doray et al., 2006). La notion de rapport au savoir sera approfondie ultérieurement.

Les déterminants d’ordre situationnel

Des déterminants externes à l’individu s’avèrent également liés au retour à l’école ; ce sont les déterminants d’ordre situationnel. Ces déterminants sont liés aux ressources financières, au soutien social, aux conditions institutionnelles de l’établissement scolaire, à la situation professionnelle, à la situation familiale et conjugale, ainsi qu’à l’articulation des différents rôles de vie occupés par l’adulte.

La disponibilité de ressources financières permettant de mener à terme une formation est une condition sine qua non du retour à l’école. Cela dit, la fragilité financière appréhendée par les élèves adultes et leur capacité à subvenir à leurs besoins demeure la plus grande de leurs préoccupations (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Deutsch et Schmertz, 2011 ; Kasworm, 2003). Le paiement du loyer et des dépenses courantes, auxquelles s’ajoute la crainte de contracter des dettes supplémentaires, les placent dans des situations financières délicates (Hardin, 2008). Ces préoccupations sont d’autant plus grandes

(23)

lorsque les élèves doivent en plus faire face à des responsabilités familiales (Huff et Thorpe, 1997). Les personnes vivant en couple, qui ont des enfants et des responsabilités pécuniaires s’y rattachant, doivent effectuer une planification financière judicieuse (Cournoyer et al., 2017). Les conjoints peuvent alors être amenés à réaménager le partage de leurs dépenses (Doray et al., 2006 ; Leavitt, 1989). Home et Hinds (2000) observent par ailleurs que les élèves qui étudient à temps plein et sont chef d’une famille monoparentale ne sont pas à risque de vivre un stress particulier une fois que le facteur « revenu » est contrôlé, ce qui corrobore le poids de l’accès à des ressources financières pesant dans la décision de réaliser un retour à l’école. Cela explique, en partie du moins, que les personnes bien nanties soient plus susceptibles d’effectuer un retour à l’école que celles ayant une situation économique plus précaire (Bradburn et al., 1995 ; Doray et al., 2006). D’autres stratégies peuvent être mises en place par les élèves pour assurer leur subsistance : le soutien financier des parents, notamment pour ceux qui résident encore au domicile familial, le travail à temps partiel, ainsi que le recours aux prêts et bourses (Cournoyer et al., 2017 ; Doray et al., 2006 ; Kasworm, 2003). D’ailleurs, au Québec, le Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) offre différents programmes visant à fournir une aide financière appropriée pour soutenir les personnes dans la poursuite de leurs études (MEES, 2018). Néanmoins, les allocations ne sont pas toujours suffisantes pour couvrir les frais de subsistance des élèves adultes qui doivent par conséquent travailler parallèlement à leurs études pour s’assurer un revenu suffisant (Hardin, 2008).

Le soutien social dont les élèves bénéficient est un autre élément déterminant dans l’entreprise et la poursuite de leurs études, et plus particulièrement le soutien qu’apportent les membres de la famille. Pour les élèves vivant en couple, l’appui du conjoint est essentiel car, d’une certaine manière, le projet scolaire et professionnel de l’un devient, plus largement, celui du couple (Cournoyer et al., 2017). En outre, il s’avère parfois nécessaire pour les conjoints de réaménager le partage des tâches domestiques, de manière à libérer à l’élève du temps de travail au profit de celui consacré aux études (Doray et al., 2006 ; Leavitt, 1989). Les membres de la famille agissent comme sources de soutien émotionnel lorsqu’ils valorisent l’individu dans son rôle d’élève, l’encouragent et le soutiennent dans ses activités (Cournoyer et al., 2017 ; Deutsch et Schmertz, 2011). Inversement, ils peuvent aussi freiner la mise en œuvre et la réussite du projet scolaire en exprimant des propos décourageants, par exemple que le retour à l’école serait une perte d’argent et de temps, ou qu’il serait plus approprié, à cet âge adulte, de travailler plutôt que de fréquenter l’école. Dans le milieu scolaire, les personnes qui gravitent autour de l’élève peuvent également faire office d’adjuvants ou d’obstacles à la réalisation du projet scolaire. Certains élèves adultes sentent qu’ils occupent deux positions parallèles et font partie de deux groupes à la fois, soit celui des élèves, en raison

(24)

du contexte, et celui des enseignants, en raison de leur âge et de leur expérience de vie (Deutsch et Schmertz, 2011). Ainsi, certains élèves adultes se sentent particulièrement en harmonie avec leurs enseignants, car ils ont l’impression que ces derniers les comprennent mieux que leurs jeunes compères. En revanche, il peut être difficile pour les élèves adultes de s’intégrer dans une classe composée en majorité d’élèves plus jeunes. Les élèves adultes peuvent être victimes de préjugés entretenus par les élèves plus jeunes, qui ne perçoivent pas toujours leur contribution à la communauté d’un œil positif. Par exemple, il advient que les jeunes élèves catégorisent leurs homologues plus âgés en tant que « parents » dès qu’ils ont connaissance de leur âge ; c’est alors qu’une frontière générationnelle se dresse entre eux. En contrepartie, certains élèves adultes voient plutôt d’un œil positif le fait d’entrer en relation avec des élèves plus jeunes (Scala, 1996). Quoi qu’il en soit, peu importe leur âge, les membres de la communauté de pairs jouent un rôle de soutien important chez les élèves adultes (Deutsch et Schmertz, 2011). Ces derniers apprécient le fait d’entrer en relation avec des gens qui se trouvent dans une situation similaire, qui comprennent encore mieux que leur famille les pressions académiques subies, jonglant eux-mêmes avec de multiples rôles et responsabilités à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. La communauté de pairs procure aux élèves adultes un soutien émotionnel leur permettant de faire face à leurs combats quotidiens. De plus, les pairs se soutiennent mutuellement en légitimant leur place à l’école.

Les conditions institutionnelles mises en place par l’établissement scolaire sont déterminantes dans l’aboutissement du projet scolaire (Dominicé, 1999). Par exemple, les petits groupes et les classes axées sur la discussion tendent à favoriser l’engagement des élèves et à rencontrer leurs besoins intellectuels (Deutsch et Schmertz, 2011). Certains élèves critiquent toutefois le caractère hétérogène des groupes, l’effectif des classes et le taux de roulement des membres du corps enseignant (Dominicé, 1999). De plus, comme les institutions scolaires sont souvent structurées autour des besoins des élèves traditionnels, ceux des élèves adultes ne sont pas toujours considérés adéquatement (Fairchild, 2003). Les adultes recherchent toutefois des solutions créatives pour faire face aux défis que leur posent les multiples rôles endossés, les écarts perçus entre leur niveau de connaissances et d’habiletés et ceux de leurs jeunes pairs, de même qu’aux craintes et aux insécurités liées à leur retour à l’école (Compton, Cox et Laanan, 2006 ; Senter et Senter, 1998).

La situation professionnelle dans laquelle se trouve l’individu est un autre aspect déterminant du retour à l’école. Le fait d’occuper un emploi depuis peu de temps serait inversement proportionnel à la probabilité de retourner à l’école (Felmlee, 1988 ; Hostetler et al., 2007). Kasworm (2003) a observé que le fait de bénéficier du soutien de l’employeur et d’occuper un emploi offrant des conditions de travail

(25)

facilitantes augmentait la faisabilité d’un retour à l’école, par exemple un emploi requérant moins d’heures de travail et dont l’horaire est flexible. Le statut d’emploi aurait aussi son influence, selon Bradburn et al. (1995), qui ont observé que les élèves occupant un emploi à temps partiel retournaient à l’école au moins deux fois plus rapidement que lorsqu’elles n’étaient pas en emploi.

La situation familiale et conjugale est également un aspect déterminant du retour à l’école et de la réussite du projet de formation. Cependant, ce facteur s’avère généralement plus déterminant pour les femmes que pour les hommes. Par exemple, les femmes identifieraient plus souvent que les hommes l’assouplissement des contraintes familiales et la progression en âge des enfants comme des facteurs décisifs de leur retour à l’école (Britton et Baxter, 1999 ; Doray et al., 2006). Certaines femmes attendent que leurs rejetons vieillissent pour effectuer leur retour à l’école, alors que d’autres préfèrent commencer leurs cours avant l’entrée de leurs enfants à l’école et ainsi éviter que le temps consacré à leurs propres études empiète sur celui accordé au soutien scolaire des enfants (Doray et al., 2006). Deutsch et Schmertz (2011) avancent que le départ des enfants du domicile familial représenterait un point tournant pour les femmes, ces dernières ayant enfin l’occasion de se recentrer sur leurs propres désirs et de réfléchir à ce qu’elles souhaitent faire de leur vie. D’autres types d’évènements liés aux circonstances familiales se rattachent à la décision que prennent les femmes de retourner à l’école, comme un déménagement ou un divorce (Doray et al., 2006). Selon Britton et Baxter (1999), les hommes jugeraient leur décision comme davantage centrée sur soi que le jugent les femmes. Bien que la situation familiale se révèle plus déterminante dans le choix d’un retour à l’école pour les femmes que pour les hommes, ces derniers la prendraient tout de même en considération. En effet, dans une étude menée au sein de familles new-yorkaises, Hostetler et al. (2007) établissent une corrélation positive entre le retour à l’école des hommes et l’absence d’enfants à charge dans le ménage. Il semble que les hommes assumant des responsabilités familiales subiraient des pressions particulières pour répondre aux attentes sociales traditionnellement associées au genre masculin, ce qui en réfrènerait certains à emprunter une voie s’écartant de la norme et à envisager un retour à l’école. Il n’en demeure pas moins que plusieurs recherches mettent en évidence le fait que les femmes séparées, divorcées ou célibataires avec enfant à charge seraient confrontées à des obstacles plus importants au cours de leur formation (Deutsch et Schmertz, 2011 ; Josso et al., 1999). Pour ces femmes, le soin des enfants repose essentiellement sur leurs épaules. De plus, une étude réalisée aux États-Unis laisse entendre que le coût psychologique associé au soin des enfants serait plus élevé pour les femmes que pour les hommes, ce qui constituerait une barrière additionnelle à l’aboutissement des études (Deutsch et Schmertz, 2011). Les auteures expliquent ce phénomène en ce que les rôles traditionnellement associés au genre féminin sont encore très présents dans la vie des femmes. Même si ces dernières ont des

(26)

partenaires de vie, elles seraient nombreuses à s’attribuer le poids des responsabilités familiales et à faire des sacrifices avant leur conjoint.

Outre les déterminants d’ordre situationnel soulevés précédemment et considérés indépendamment l’un de l’autre, les enjeux liés à l’articulation des rôles de vie des adultes sont considérables. En effet, les élèves adultes doivent apprendre à jongler habilement avec les différents rôles qu’ils occupent simultanément (Compton et al., 2006 ; Deutsch et Schmertz, 2011 ; Home, 1998). Ce qui apparaît déterminant dans la réalisation du projet scolaire résiderait ainsi dans la conciliation des différentes sphères de vie, impliquant une préoccupation par rapport au temps. Le moment que l’adulte choisit pour faire un retour à l’école dépend ainsi largement du temps qu’il estime avoir à sa disposition pour s’impliquer dans son projet scolaire (Dominicé, 1999). Le manque de temps dévolu à la formation serait par ailleurs l’un des plus grands obstacles auxquels se heurtent les adultes dans leur effort de retour à l’école (Dominicé, 1999). Bousculés par les facettes professionnelle, personnelle et sociale de leur vie, les nouveaux apprenants peinent parfois à consacrer le temps requis à leurs études. D’autant plus que ceux qui ne reçoivent pas d’appui financier peuvent difficilement réduire leur temps de travail. Une fois à l’école, travailler pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille et assister aux cours absorbe beaucoup de temps au quotidien. Le stress et la pression résultant des contraintes de temps, combinées aux obligations financières, sont souvent évoqués par les élèves (Deutsch et Schmertz, 2011). Conséquemment, des choix difficiles doivent être réalisés parmi des priorités qui entrent en compétition (Home et Hinds, 2000). Les élèves évoquent par ailleurs une frustration à l’égard des compromis qu’ils doivent faire entre les gains à long terme et les sacrifices à court terme. Ils se demandent si ces sacrifices en vaudront la peine plus tard (Deutsch et Schmertz, 2011). Par exemple, une mère qui consacre moins de temps à son enfant pour le bénéfice de ses études peut se demander si le jeu en vaut la chandelle. Ce genre de décision est difficile à prendre et le doute persiste durant les études, provoquant un conflit interne dans l’équilibre entre le rôle d’élève (donc ses propres intérêts) et celui de parent (donc les intérêts de son enfant), un conflit particulièrement marqué chez les femmes. Quelles retombées peut engendrer, justement, un retour à l’école ? C’est ce qui est exposé dans ce qui suit.

1.2.3. Les incidences du retour à l’école

Certains auteurs se sont penchés sur les incidences du retour à l’école. Celles-ci s’observent sur le plan de la mobilité professionnelle, sur celui de la vie familiale, ainsi que sur le plan psychosocial.

(27)

Le retour à l’école engendrerait des retombées positives sur le plan de la mobilité professionnelle, notamment en ce qu’il mènerait les individus à élever leur niveau d’emploi (Legay et Marchal, 2008 ; Kirby, Biever, Martinez et Gómez, 2004). Legay et Marchal (2008) se sont intéressés aux retombées du retour à l’école chez les personnes effectuant une réorientation de carrière. Les résultats de cette étude longitudinale laissent entrevoir que, sept ans après leur sortie du système éducatif, les personnes ayant suivi une formation dans le cadre de leur réorientation professionnelle connaissaient une meilleure progression professionnelle que les personnes qui ne se seraient pas formées, c’est-à-dire qu’ils ont obtenu plus de promotions et ont subi moins de régressions. Les femmes seraient par ailleurs plus susceptibles que les hommes d’accroître leur niveau d’emploi en misant sur un retour à l’école (Felmlee, 1988 ; Legay et Marchal, 2008). Selon Legay et Marchal (2008), les bénéfices retirés de la formation seraient d’autant plus élevés que le niveau de diplôme de départ est faible, de telle sorte que les personnes sans diplôme auraient plus à gagner, en termes de niveau d’emploi, que celles détenant déjà un diplôme. En ce qui a trait au salaire, Legay et Marchal ont constaté que les femmes gagneraient davantage à se former à l’occasion d’une réorientation de carrière que les hommes.

Des répercussions positives du retour à l’école s’observent aussi dans le milieu de vie familiale. Des adultes ont effectivement rapporté le fait que de leur retour à l’école avait favorisé une vie de famille plus riche, dans laquelle ils font figure d’exemple à suivre auprès des membres de la famille (Kirby et al., 2004). La situation de retour à l’école mènerait aussi les élèves à aménager leur temps de façon plus efficace et à développer de meilleures stratégies pour s’adapter au rythme de leur vie de famille dans ces nouvelles conditions.

Sur le plan psychosocial, certains élèves estiment que le fait de fréquenter l’école réduit le temps normalement consacré à leurs activités professionnelles. Conséquemment, leur charge de travail leur paraît plus lourde qu’auparavant et ils se sentent plus fatigués au travail ce qui génère chez eux davantage de stress. En contrepartie, des retombées bénéfiques du retour à l’école sur le plan psychosocial sont aussi observées par les élèves. Par exemple, certains d’entre eux expriment la joie que leur procure le fait d’entrer en relation avec des élèves plus jeunes de même que celle que leur procure le fait d’apprendre, d’autant plus lorsque ce sont des choses qui les intéressent (Scala, 1996). Les élèves voient également d’un œil positif le fait d’approfondir leurs connaissances et de développer leurs compétences professionnelles, de même que leur capacité à appliquer les apprentissages scolaires dans l’environnement de travail. De plus, certains d’entre eux rapportent se sentir davantage respectés par les membres de leur entourage professionnel.

(28)

L’adulte qui effectue un retour à l’école, qu’il continue ou non à travailler pendant ses études, gagne le statut d’élève. Cela affecte, dans une plus ou moins grande mesure, son identité personnelle (Crossan et al., 2003). Nous verrons dans ce qui suit comment l’adulte est susceptible de vivre cette transition dans laquelle il réintègre sa posture d’apprenant.

1.3. Dans une nouvelle posture d’apprenant

Crossan et al. (2003) prétendent que selon le sens commun, l’adulte se considère comme étant de plus en plus éloigné du statut d’apprenant ; il ne se percevrait pas aisément comme un « élève », un « apprenti » ou un « stagiaire ». En outre, l’adulte qui n’est pas porteur d’une forte identité d’apprenant et qui éprouve une aversion envers l’éducation et l’apprentissage n’est pas naturellement porté à s’engager dans une carrière d’apprentissage (learning career) de manière linéaire et continue. Il n’en demeure pas moins que les adultes qui font le choix de retourner à l’école font aussi, inévitablement, celui de réendosser un rôle d’apprenant.

1.3.1. L’identité de l’apprenant adulte

L’adulte qui effectue un retour à l’école retrouve sa posture d’élève d’autrefois, qu'il la subisse ou l'accepte de bon gré (Dominicé, 1999). La situation de formation réinstalle l’adulte dans le scénario scolaire, où il retrouve ses habitudes et ses tactiques du « métier d’élève », tels que découvrir sa juste place dans le groupe, mettre de côté ses activités de loisir et étudier chez lui.

L’expérience d’apprentissage peut occuper une place importante dans l’identité de l’adulte, provoquer des changements dans son identité d’apprenant, voire le mener à une transformation et à une découverte de lui-même (Crossan et al., 2003). Cette expérience pourrait donc agir comme catalyseur : elle serait l’occasion de faire émerger un aspect latent de soi. Deutsch et Schmertz (2011) ont aussi observé ce phénomène, où l’élève adulte est porté à explorer et à s’engager dans une nouvelle identité sociale, à laquelle il essaie de donner sens. Alors que l’individu avait prévu suivre un parcours standard et linéaire, caractérisé par le passage à travers certaines étapes de vie prescrites (l’éducation, l’insertion dans le marché du travail et la fondation d’une famille), sa nouvelle identité déroge de la trajectoire de vie attendue. Pour l’aider à définir sa nouvelle identité en relation avec les autres, le fait d’appartenir à une communauté de pairs peut s’avérer bénéfique (Josselson, 1996).

(29)

Par ailleurs, la dimension relationnelle est centrale dans le développement de l’identité de l’apprenant adulte, car son expérience scolaire est principalement sociale : travail de groupe, ouverture à des personnes inconnues, sensibilité au rang occupé, tant en cas de succès que d’échec (Dominicé, 1999 ; Josselson, 1987, 1996 ; Josso et al., 1999). Tout comme durant la scolarité obligatoire, les relations entre collègues de classe sont extrêmement valorisées par les élèves adultes (Josso et al., 1999). Ceux-ci demeurent sensibles au regard porté par autrui sur leurs comportements et ont besoin de la reconnaissance de leurs pairs (Dominicé, 1999). Qu’il soit positif ou négatif, ce regard joue un rôle important dans le rapport à l’apprentissage, tant sur le niveau de stress que sur la capacité à persévérer dans l’effort ou sur la motivation au travail (Josso et al., 1999). Enfin, la présence d’un groupe offre diverses formes de stimulation, comme recevoir de l’aide ou en donner, faire équipe, être solidaire et cultiver des connivences. D’ailleurs, nous l’avons mentionné, la réussite scolaire passe par une étape d’insertion sociale dans laquelle il importe de soutenir l’élève afin que celui-ci reconstruise sur de nouvelles bases son rapport à l’école et aux gens qui y évoluent, ainsi que son rapport au savoir (Bouchard et St-Amant, 1996 ; Doray et al., 2006). Non seulement l’identité de l’apprenant adulte se module avec le contexte de retour à l’école, mais cela peut également modifier, à son tour, le rapport au savoir.

1.3.2. Le rapport au savoir de l’apprenant adulte

Les auteurs s’intéressant à la notion de rapport au savoir chez les adultes en situation de formation s’entendent pour dire que le retour à l’école est une occasion de réactiver des souvenirs scolaires, aussi heureux ou pénibles soient-ils, ainsi que d’effectuer des bilans de la scolarité antérieure (Beaucher, 2010, 2014 ; Dominicé, 2005 ; Dominicé, 1999). Les schèmes d’apprentissage issus des années de scolarité obligatoire réémergent et l’apprenant se heurte aux mêmes résistances qu’auparavant (Dominicé, 2005). Pour que l’adulte persévère dans sa formation, il doit donner sens aux études qu’il entreprend (Dominicé, 1999). Cela implique pour lui de réinterpréter son expérience scolaire antérieure, qui constitue souvent une expérience de vie forte, et de lui donner une signification. Car au-delà des contenus d’enseignement, l’expérience scolaire traduit l’histoire de vie telle qu’elle a pris forme dès le début de la scolarité, englobant le jeu social entre école, famille et relations d’amitié.

Bouchard et St-Amant (1996) se sont intéressés à l’évolution du rapport au savoir chez des décrocheurs effectuant un retour dans des écoles spécialisées en « raccrochage scolaire ». Les pratiques scolaires étaient axées sur le développement de l’autonomie, la responsabilisation et la prise en charge de sa propre vie. Dans ce contexte, le principe de coercition, qu’on retrouve souvent à l’école obligatoire et

Références

Documents relatifs